stress, traumatisme et premier episode psychotique aigu

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STRESS, TRAUMATISME
ET PREMIER EPISODE PSYCHOTIQUE
AIGU
Revue de la littérature et illustration à partir de deux cas
cliniques
Jean-Renaud FABRIES
DIPLOME UNIVERSITAIRE
STRESS, TRAUMATISME ET PATHOLOGIES
UNIVERSITE PARIS VI
Faculté de Médecine Pitié-Salpêtrière
Directeurs de l’enseignement : Professeur P. MAZET, Docteur J.M. THURIN
ANNEE 2007-2008
1
A Blanche Méliarenne, psychologue clinicienne.
J’éprouve une grande admiration pour ton sens clinique et pour ton
implication dans ton travail.
Tu m’as beaucoup appris. Merci.
Ce travail t’es dédié.
2
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
p.5
PREMIERE PARTIE
p.7
I. SEMIOLOGIE
p.8
1. La temporalité du délire
p.8
2. Le contenu du délire
p.8
3. Autres signes cliniques
p.9
II. CLASSIFICATIONS
p.9
III. EVOLUTION A LONG TERME
p.12
IV. TRAUMATISMES ET PSYCHOSE
p.13
1. Le PTSD-secondary psychotic
p.13
2.
p.14
Le PTSD-post psychotic
3. Vers une vision plus clinique…
p.14
V. LE PREMIER EPISODE PSYCHOTIQUE AIGU :
UNE SITUATION DE CRISE ?
p.16
VI. PRISE EN CHARGE D’UN PREMIER
EPISODE PSYCHOTIQUE
p.21
VII. QUELS MECANISMES DE DEFENSE FACE AU STRESS ?
p.23
DEUXIEME PARTIE
p.25
Mademoiselle V, 19 ans
p.26
I. ELEMENTS BIOGRAPHIQUES
p.26
II. ANTECEDENTS
p.26
III. ANAMNESE DE L’EPISODE ACTUEL
p.27
3
IV. LA PERIODE HOSPITALIERE
p.28
1.
Les premiers jours d’hospitalisation
p.28
2.
Evolution pendant l’hospitalisation
p.29
V. LE SUIVI AU CMP
p.36
VI. DISCUSSION
p.38
VII. CONCLUSION
p.42
Monsieur S, 19 ans
p.44
I. ELEMENTS BIOGRAPHIQUES
p.44
II. ANTECEDENTS
p.44
III. ANAMNESE DE L’EPISODE ACTUEL
p.44
IV. LA PERIODE HOSPITALIERE
p.45
1.
Les premiers jours d’hospitalisation
p.45
2.
Evolution pendant l’hospitalisation
p.47
V. LE SUIVI AU CMP
p.50
VI. DISCUSSION
p.54
VII. CONCLUSION
p.57
CONCLUSION
p.58
BIBLIOGRAPHIE
p.60
TABLE DES ILLUSTRATIONS
p.65
4
INTRODUCTION
5
J’ai travaillé deux ans comme médecin assistant dans une unité de psychiatrie de
secteur semi-ouverte. J’avais également une consultation d’une demi journée par semaine
dans au centre médico psychologique (CMP) du service. Cette activité me permettait de
suivre les patients que j’avais été amené à prendre en charge à l’hôpital lorsqu’ils étaient en
situation d’urgence. Probablement à cause du mode de sélection de mes patients, c'est-à-dire
pour la plupart souffrant de psychose chronique lourde ou de troubles graves de la
personnalité, je me suis rapidement aperçu que beaucoup étaient des poly-traumatisés
psychiques. C’est la raison pour laquelle j’ai fait la démarche de m’inscrire à cette formation.
Deux de mes patients ont particulièrement retenu mon attention. Il s’agit d’adultes
jeunes et tous les deux ont été hospitalisé pour la prise en charge d’une première
décompensation psychotique. J’ai pu suivre leur évolution sur deux ans en les voyant
régulièrement en consultation au CMP. Leurs observations n’ont fait que conforter mon
sentiment que les évènements traumatiques ou stressants auxquels ils avaient été confrontés
ont eu un rôle central dans la survenue du délire, ainsi que dans sa constitution.
Ce sont les vignettes cliniques de ces deux patients que j’ai choisi de présenter et de
discuter dans ce mémoire. Auparavant, d’une manière plus théorique à travers une revue
récente de la littérature, j’aborderai les relations qui peuvent exister entre stress, traumatisme
et la survenue d’un premier épisode psychotique.
6
PREMIERE PARTIE
7
I.
SEMIOLOGIE :
L’âge de survenue d’un premier épisode psychotique aigu se situe entre 15 et 25 ans.
Sur le plan sémiologique pur, l’épisode psychotique aigu, qu’il soit inaugural ou pas,
peut être défini selon deux aspects : sa temporalité et le type de délire.
1.
La temporalité du délire :
Le mode de début :
Il peut être brutal, sans prodromes. C’est le « coup de tonnerre dans un ciel serein ».
Cependant, il existe souvent des signes cliniques précurseurs dans les jours ou les semaines
qui précèdent l’éclosion du délire. Il s’agit habituellement de signes thymiques, ou de signes
psychotiques à minima tels que des interprétations. Certains auteurs intègrent ces prodromes
à l’épisode psychotique lui-même. On parlera dans ce cas de début progressif ou rapidement
progressif.
La durée du délire :
L’épisode dure parfois quelques jours, mais beaucoup plus fréquemment quelques
semaines, rarement plus de deux mois.
2.
Le contenu du délire :
Il s’agit classiquement d’un délire polymorphe, dans ses thèmes et ses mécanismes,
avec fréquemment des hallucinations. Il est non systématisé. L’adhésion au délire est totale.
L’angoisse est quasi-constante, en réaction au vécu délirant. L’insomnie est fréquente. Le
8
délire s’exprime par des troubles du comportement : agitation ou au contraire prostration,
passages à l’acte, décisions inappropriées. Les troubles sont en rupture avec les habitudes du
patient et l’entourage est inquiet.
Dans certains cas, le délire peut être plus discret, sans mécanisme hallucinatoire. Il
peut également revêtir parfois un aspect plus organisé.
3.
Autres signes cliniques :
Il est important de noter qu’il existe fréquemment des symptômes dissociatifs de type
dépersonnalisation, déréalisation. L’humeur est fréquemment perturbée, soit dans le sens de
l’exaltation, soit dans le sens de la tristesse. Elle se lie en géneral au contenu du délire.
II.
CLASSIFICATIONS :
En France, on parle de « bouffée délirante aigue », véritable « folie passagère ». Le début
est volontiers brûtal et la symptomatologie très bruyante.
Le DSM IV décrit deux troubles distincts :
•
Le trouble psychotique bref qui dure moins d’un mois. Par ses caractéristiques, il se
rapproche de la bouffée délirante aigue.
•
Le trouble schizophréniforme. Il dure 1 à 6 mois. Il se rapproche plus d’un trouble
sub-aigu et sa symptomatologie est proche de la symptomatologie des schizophrénies.
9
La CIM 10 parle de troubles psychotiques aigus et transitoires en distinguant :
•
Le trouble psychotique aigu polymorphe sans symptômes schizophréniques.
•
Le trouble psychotique aigu polymorphe avec symptômes schizophréniques.
•
Les autres troubles psychotiques aigus.
Afin d’écarter toute ambiguité en termes de classification, j’utiliserai les termes d’état
psychotique aigu, ou d’épisode psychotique aigu, en fixant la durée des troubles à six mois
maximum. Le tableau 1 reprend de manière schématique les termes utilisés par les différentes
classifications pour qualifier les états psychotiques aigus, et tente de les mettre en relation.
On notera par ailleurs que toutes les classifications prennent en considération le facteur
stress en notant qu’il peut exister un ou plusieurs facteur(s) déclenchant(s) : choc affectif,
frustration majeure, moments charnières de l’existence (entrée à l’université, apprentissage,
service militaire, isolement social).
10
TROUBLE SCHIZOPHRENIFORME
TROUBLE PSYCHOTIQUE BREF
A. Présence d’un (ou plus) des symptômes suivants :
(1) idées délirantes
(2) hallucinations
(3) discours désorganisé (cad côq à l’âne fréquents ou
incohérence
(4) comportement grossièrement désorganisé ou
catatonique
N.B. : Ne pas inclure un symptôme s’il s’agit d’une modalité de
réaction culturellement admise.
DSM IV
B. Au cours d’un épisode, la perturbation dure au moins 1
jour, mais moins d’1 mois, avec retour complet au niveau de
fonctionnement prémorbide.
C. La paerturbation n’est pas mieux expliquée par un trouble
de l’humeur avec caractéristiques psychotiques, un trouble
schizo-affectif, ou un une schizophrénie et n’est pas due aux
effets physiologiques directs d’une substance ou d’une
affection médicale générale.
A. Répond aux critères A, D et E de la schizophrénie.
B. L’épisode pathologique (englobant les phases prodromiques,
active et résiduelle) dure au moins un mois mais moins de 6
mois. (Quand on doit faire un diagnostic sans attendre la
guérison, on doit qualifier celui-ci de « provisoire »).
Spécifier si :
Sans caractéristiques de bon pronostic
Avec caractéristiques de bon pronotic : deux (ou plus) des
manifestations suivantes :
(1) survenue de symptômes psychotiques importants dans
les 4 semaines succédant au premier changement observable du
comportement ou du fonctionnement gabituel.
(2) confusion ou perplexité à l’acmé de l’épisode
psychotique
(3) bon fonctionnement social et professionnel prémorbide
(4) absence d’émoussement ou d’abrasion de l’affect
Spécifier si :
. Avec facteur(s) de stress marqué(s) (psychose
réactionnelle brève)
. Sans facteur(s) de stress marqué(s)
. Avec début lors du post-partum
CLASSIFICATION
FRANCAISE
CIM 10
(TROUBLES PSYCHOTIQUES
AIGUS ET TRANSITOIRES)
MODE DE DEBUT
BOUFFE DELIRANTE AIGUE
TROUBLE PSYCHOTIQUE POLYMORPHE
TROUBLE PSYCHOTIQUE POLYMORPHE
SANS SYMPTOMES SCHIZOPHRENIQUES AVEC SYMPTOMES SCHIZOPHRENIQUES
AUTRES
AIGU
SUB AIGU
Tableau 1 : épisode psychotique aigu : classifications
11
III.
EVOLUTION A LONG TERME :
De manière classique, l’évolution à long terme est la suivante :
•
50% : Rémission complète et définitive
•
25% : Récidives d’épisodes
•
25% : Pathologie psychiatrique avec évolution vers : 1/3 schizophrénies, 1/3 troubles
bipolaires, 1/3 délire chronique (sujets d’âge moyen)
A l’adolescence, il faudra particulièrement craindre une évolution schizophrénique des
troubles, sans oublier pour autant la possibilité d’un mode d’entrée dans un trouble bipolaire.
S’il est impossible de prévoir l’évolution d’un épisode psychotique aigu, il existe
cependant certains facteurs pronostiques à prendre en compte :
•
facteurs de bon pronostic: début brutal de l’épisode, existence de facteurs déclenchants,
absence de personnalité prémorbide pathologique, symptomatologie thymique
importante, brièveté de l’accès, bonne sensibilité au traitement, critique franche du
délire, bon niveau intellectuel, environnement familial de qualité.
•
facteurs de mauvais pronostic: début sub-aigu, absence de facteurs déclenchants,
présence d’une personnalité prémorbide schizoïde, pauvreté du délire, attitudes de
retrait, apragmatisme, résolution incomplète de l’accès, peu de critique du délire,
niveau socioculturel pauvre, famille de fonctionnement morbide, mauvaise prise en
charge (peu d’information, hospitalisation trop longue).
12
Schématiquement, moins la symptomatologie est brutale et bruyante, plus il faut craindre une
évolution vers une schizophrénie. Selon certaines études (Carson et all), les troubles
schizophréniformes chez l’adolescent évoluent dans 58% des cas vers une schizophrénie.
IV. TRAUMATISMES ET PSYCHOSE :
Depuis les années 1990, Plusieurs études épidémiologiques ont tenté de mettre en
relation la psychose avec les traumatismes psychiques. Ces études explorent la rencontre de
deux entités cliniques : la psychose et le syndrôme de stress post-traumatique (PTSD). Ces
études mettent en évidence deux nouvelles entités cliniques : le PTSD-secondary psychotic et
le PTSD-post psychotic.
1.
Le PTSD-secondary psychotic (PTSD-SP) :
Cette entité est mise en évidence à partir de l’étude d’échantillons de vétérans du
Vietnam. Un peu plus tard, d’autres pays, à propos d’autres conflits, retrouveront des résultats
similaires. Dans le PTSD-SP, les troubles psychotiques apparaissent dans les suites du
traumatisme et ils sont classés au même rang que les autres comorbidités. On notera
également que certains travaux soulignent l’absence d’antécédents familiaux chez les
personnes qui développent un PTSD-SP, ce qui va à l’encontre de ce que l’on sait sur les
antécédents d’individus développant un trouble psychiatrique chronique sévère. Cette notion
rend la responsabilité du traumatisme dans le déclenchement d’une psychose encore plus
important.
13
2.
Le PTSD-post psychotic (PTSD-PP) :
D’autres études se sont intéressées à l’ordre d’apparition des deux troubles. Elles ont
étudié des individus développant les psychoses débutantes et qui sont restées hospitalisées. Il
a été constaté l’apparition d’un fort taux de PTSD dans cette population : 29 à 34%. Dans ces
cas, la psychose préexiste au traumatisme et le PTSD est ici considéré comme une
comorbidité de la psychose. Le temps entre l’hospitalisation et l’apparition du PTSD étant
court, il laisse peu de place à la survenue d’un traumatisme psychique, aussi bien que la
psychose elle-même est soupçonnée d’être à l’origine du PTSD. Deux éléments traumatiques
peuvent aisément être mis en évidence :
•
l’aspect traumatique du vécu délirant dû aux hallucinations, à l’angoisse et à la
destructuration
•
et la prise en charge psychiatrique elle-même (hospitalisation sous contrainte,
injections, chambre d’isolement, violence des autres patients, etc).
3.
Vers une vision plus clinique…
En 2007, dans un de ses articles, la revue francophone du stress et du traumatisme
s’intéresse aux « éclosions délirantes » qui font suite à une situation de stress. Loin de
remettre en cause les études précédentes, les docteurs C. VERGNES et F. LEBIGOT nous
offrent une vision plus clinique à ce sujet. A travers de nombreux cas cliniques issus de leur
pratique, ils établissent une classification des délires post-traumatiques.
14
Cette dernière met en évidence cinq catégories distinctes qui sont, par ordre de gravité
croissante :
•
Les moments délirants éphémères, découlant directement des significations que prend
l’événement traumatique pour le sujet et qui n’envahit pas toute sa vie psychique. Le
traitement est uniquement psychothérapeutique ;
•
Les bouffées délirantes interprétatives, sorte de « paranoïa aigue ». Elles peuvent
évoluer vers la psychose chronique mais elles sont en général résolutives, surtout si
elles éclatent peu de temps après l’événement. Elles nécessitent un traitement
neuroleptique.
•
Les délires chroniques dysthymiques. Ils sont un défi à la nosographie et à la
thérapeutique. Ils se développent autour de l’événement traumatique et des épisodes
traumatisants de l’enfance et de l’adolescence des sujets concernés. Ceux-ci
apparaissent à posteriori comme des états limites, ayant vécu des abandons précoces et
souvent des périodes de maltraitance. Leur délire est fait d’idées délirantes qui
fluctuent en fonction des événements qu’ils traversent et de l’état de leur humeur. Ces
patients laissent peu de choses transparaître de leur pathologie à l’extérieur et
parviennent aussi longtemps à mener une vie quasi-normale. Il n’y a jamais de
structuration d’un délire paranoïaque, ni de dissociation schizophrénique.
•
Les états mélancoliques. Dans l’échantillon, ils représentent les cas les plus
fréquemment rencontrés. Le trouble de l’humeur s’installe progressivement, ainsi que
le délire génère. Le risque suicidaire est majeur. Ils sont peu sensibles aux
médicaments. Il y a cependant urgence à instaurer un traitement antidépresseur et
neuroleptique à doses efficaces.
•
Les psychoses chroniques (schizophrénie et paranoïa). Parfois, le syndrome de
répétition contient pendant des années l’éclosion du délire.
15
V.
LE PREMIER EPISODE PSYCHOTIQUE AIGU:
UNE SITUATION DE CRISE ?
Au-delà de l’approche sémiologique, d’un point de vue dynamique, il est intéressant
de rapprocher le premier épisode psychotique aigu à la notion même de crise.
Classiquement, la crise rend compte d’un échappement subit dans l’évolution d’une maladie,
mais aussi de l’émergence de manifestations pathologiques chez un sujet considéré comme
sain. Il existe au moins trois points communs à la crise et à l’épisode psychotique inaugural.
Tout d’abord, tout comme la crise, ce dernier est limité dans le temps. Il a un début et une fin.
Ensuite, le caractère spectaculaire de l’épisode remplit une fonction d’appel et de désir de
communication. Comme dans la crise suicidaire par exemple, on peut concevoir qu’à un
instant « t » et dans un contexte particulier, les capacités de communication du sujet se
trouvent débordées et les conflits psychiques s’expriment alors de manière indirecte, non pas
par un passage à l’acte mais plutôt par un délire. Enfin, après la phase d’urgence, qui est au
premier plan, l’épisode psychotique, s’il est replacé dans son contexte, peut servir à résoudre
des conflits qui n’auraient peut être pas été exprimés autrement.
J’aborde volontairement ainsi le premier épisode psychotique aigu pour mettre en
exergue la nécessité d’avoir un abord psychodynamique de la situation, afin de ne pas
enfermer le patient dans ses symptômes et par là même risquer de chroniciser la situation. Il
ne s’agit pas d’annuler la réalité de l’urgence psychiatrique, mais plutôt, par cette approche,
d’aider le patient à surmonter cette décompensation, véritable « crise psychotique », en
essayant de mieux la comprendre. Cette vision est encore plus importante à prendre en compte
16
chez l’adulte jeune ou à l’adolescence, véritable période de remaniements, où les
décompensations sont indissociables de la psychopathologie des liens. En effet, l’enjeu est de
permettre au sujet, avec l’aide de son entourage, de donner du sens à la souffrance qui
s’exprime par un délire et par là même de se réapproprier cette souffrance.
Plusieurs questions se posent alors. S’il existe, pourquoi le facteur déclenchant a-t-il
favorisé l’émergence d’un délire ? Dans les semaines ou les mois, voire les années, qui ont
précédé la décompensation ; face à quelle problématique le patient se trouvait-il confronté ?
Le contenu du délire a-t-il un lien avec cette problématique ou avec les éventuels
traumatismes antérieurs ? Ce sont tant de questions que j’aborderai à travers les deux cas
cliniques dans la deuxième partie de mon travail.
D’autre part, aborder la décompensation psychotique comme une situation de crise me
parait essentiel en terme de prévention tertiaire, qu’une pathologie psychiatrique se développe
par la suite ou pas. La prévention passe par l’information du patient, mais aussi par une
meilleure compréhension des choses. Et comprendre, c’est analyser la situation, c'est-à-dire,
dans le cas qui nous intéresse, envisager l’épisode psychotique en tant que réelle crise
psychique. De plus, ne pouvant prédire l’évolution morbide à long terme, il s’agit là d’une
raison supplémentaire pour aider le patient à mettre toutes les chances de son côté d’emblée.
Enfin, aborder l’épisode psychotique comme une situation de crise permet
d’appréhender l’évolution de l’épisode dans le temps de manière plus précise.
Prenons tout d’abord l’exemple de la crise suicidaire, de nos jours bien connue et qui a fait en
2000 l’objet d’une conférence de consensus par la Fédaration Française de Psychiatrie et la
Haute Autorité de Santé.
17
On décrit trois types d’états:
•
L’état d’équilibre : L’individu manifeste un ensemble de réponses comportementales
lorsqu’il est confronté aux événements stressants de la vie. Cet état d’équilibre est
généralement maintenu. Lorsqu’un événement vient rompre cet état d’équilibre,
l’individu cherche à retrouver l’équilibre antérieur par la mise en place d’un ensemble
de stratégies et de mécanismes d’adaptation. La déstabilisation s’accentue lorsqu’une
personne affronte des obstacles importants ou lorsqu’un enchaînement d’événements
négatifs se produit.
•
L’état de vulnérabilité : En suite, lorsque la personne perd ses capacités habituelles à
faire face aux événements stressants, on dira qu’elle se trouve dans un état de
vulnérabilité. A cette étape l’individu a épuisé son répertoire de réponses habituelles.
Il ne parvient plus à évacuer une tension devenue trop intense au moyen des réponses
qu’il connaît. Il évalue sa situation de manière négative et la tension devient de plus en
plus difficile à éliminer.
•
L’état de crise : L’état de déséquilibre prend alors le dessus et la personne se trouve
en état de crise. Il s’agit de la période de désorganisation, de troubles et de stress
importants pendant laquelle la personne tentera de trouver une solution acceptable
permettant de diminuer le niveau de tension. La phase aiguë de l’état de crise peut se
distinguer par un éventail de réactions qui varient en intensité, allant jusqu’au passage
à l’acte (TS, fugue, crise d’agressivité).
•
Après cette phase aiguë (quelques semaines en général), l’individu pourra adopter
plusieurs modes de résolution de la crise.
Il peut résoudre la crise de manière
adéquate lorsqu’il y a recadrage du problème de départ avec apprentissage de
nouvelles stratégies d’adaptation, ou encore retourner à l’état d’équilibre antérieur. La
résolution peut aussi être inadéquate lorsque l’individu adopte des stratégies qui lui
18
permettent certes de réduire le degré de stress et d’anxiété à court terme, mais qui
pourraient avoir à long terme des conséquences néfastes (alcoolisme, toxicomanie).
Dans ce contexte l’individu demeure souvent en état de vulnérabilité jusqu’à ce qu’un
autre événement vienne le plonger en état de crise.
Enfin, l’observation clinique permet de constater que, lorsque des personnes ayant des
antécédents de trouble mental ou de grande vulnérabilité psychologique vivent des situations
difficiles, elles se trouvent
plus rapidement en état de crise. Ces personnes n’étaient
probablement pas en phase d’équilibre lorsque les situations de stress sont apparues. Elles
vivent souvent en état de vulnérabilité continuelle, et le moindre événement stressant peut les
précipiter en situation de crise.
Par analogie, on pourrait également décomposer le premier épisode psychotique en
trois états :
•
L’état d’équilibre
•
L’état de vulnérabilité : C’est dans cette phase que les facteurs déclenchants
s’accumuleraient et où les signes annonciateurs (prodromes) pourraient faire surface.
•
L’état de crise : elle correspondrait alors à la phase d’éclosion du délire.
•
Phase de résolution : Soit cette phase serait adéquate et le sujet retournerait à son
niveau psychique précédant la décompensation. On se trouverait ici dans le cas du
trouble psychotique bref réactionnel décrit dans le DSM IV.
Soit il y aurait
inadéquation et le sujet retournerait à un état de vulnérabilité, qu’il se trouve dans la
pathologie (schizophrénie, trouble de l’humeur) ou pas.
Pour illustration, les figures 1 e 2 représentent l’évolution de l’état psychique d’une personne
en état de crise.
19
Phase aigue – Passage à l’acte
Etat de
crise
Désorganisation
Récupération
Etat de
vulnérabilité
Etat
d’équilibre
Temps
Figure 1 : évolution de l’état psychologique d’une personne en état de crise suicidaire
(d’après M. Seguin, psychologue à l’Université du Québec à Montréal).
Expression du délire
Etat de
crise
Récupération
Etat de
vulnérabilité
Prodromes éventuels
Etat
d’équilibre
Temps
Figure 2 : évolution de l’état psychique d’une personne en état de « crise psychotique »
lors d’un premier accès (par analogie à la figure 1).
20
VI.
PRISE EN CHARGE D’UN PREMIER EPISODE
PSYCHOTIQUE :
Il s’agit toujours d’une urgence psychiatrique. L’hospitalisation est le plus souvent
nécessaire, éventuellement sous contrainte. Le clinicien devra évaluer la symptomatologie du
patient d’une part, mais aussi rencontrer la famille, ou l’entourage au sens large, le plus tôt
possible. Cela permettra de préciser l’anamnèse et la symptomatologie, de mieux connaître les
antécédents personnels et familiaux, mais également de les rassurer et de les informer.
D’emblée, il est capital de rassurer le patient en lui donnant des informations cohérentes. Au
début de la prise en charge, du fait du cartactère envahissant et anxiogène du délire, le
entretiens seront courts et cadrants, mais fréquents. Dans un premier temps, il ne s’agit pas
d’essayer de donner du sens aux symptômes, mais plutôt que le patient ait la sensation d’être
protégé. Sans le heurter, le but d’entretiens répétés sera de l’aider à raccrocher à la réalité.
Un examen clinique par un somaticien est systématique, ainsi que la réalisation d’un
bilan paraclinique à la recherche d’une étiologie organique ou toxique, ou d’un diagnostic
différentiel (syndrome confusionnel, ivresse pathologique). On réalisera : une prise de sang
(alcoolémie, NFS, ionogramme, créatininémie, glycémie, calcémie, CRP, béta HCG si sexe
féminin), une analyse d’urines (toxiques urinaires, protidémie), un électrocardiogramme. Le
scanner cérébral sans produit de contraste est à discuter au cas par cas.
Sur le plan médicamenteux, ils est actuellement recommandé de traiter l’épisode
d’emblée par un antipsychotique atypique type rispéridone, en raison d’une efficacité
comparable aux antipsychotiques classiques et de la moindre fréquence des effets secondaires
extra-pyramidaux. Il s’agit d’un véritable traitement de fond. Les thymorégulateurs sont
21
parfois utilisés. En parallèle, un traitement à visée anxiolytique et sédative peut être utilisé les
premiers jours. Il sera arrêté progressivement.
La surveillance est capitale. D’une part, la surveillance du comportement du patient
afin de préciser la symptomatologie, mais aussi de saisir le moment où il aura besoin de parler
et où il pourra alors être en demande de soins et peut être nous donner des informations
importante sur ses conflits psychiques. D’autre part, il convient bien entendu de réaliser une
surveillance de l’efficacité et de la tolérance du traitement.
Une fois la période d’urgence passée, il convient d’organiser un suivi psychiatrique
régulier. Si le patient a une conscience des troubles et critique l’épisode, c’est le moment, à
chaud, de commencer à essayer de donner du sens à cet épisode. Cela aidera le patient à parler
de manière consciente cette fois ci de sa souffrance psychique et ainsi à se réapproprier ce
qu’il a exprimé par l’épisode. Une telle démarche renforce également le lien thérapeutique et
pose les bases du suivi ambulatoire, qui aura plusieurs fonctions :
•
Soutenir le patient. Le vécu d’un épisode psychotique est en lui-même traumatisant et
on sait qu’il n’est pas rare que la phase aigue soit suivie d’un épisode dépressif qu’il
faudra prendre en charge.
•
Rechercher l’apparition de signes pouvant faire suspecter une évolution vers une
schizophrénie.
•
Continuer à aider le patient à analyser ses tensions et peut être par là même prévenir
une récidive.
•
Rencontrer de temps à autre la famille, si ce dernier est d’accord, pour continuer à
l’informer de l’évolution et ainsi l’impliquer dans le processus thérapeutique.
22
•
Discuter du traitement médicamenteux et rechercher d’éventuels effets secondaires.
Les recommandations actuelles conseillent de maintenir le traitement antipsychotique
6 mois à deux ans.
VII. QUELS MECANISMES DE DEFENSE FACE AU
STRESS ?
Avant de présenter les deux cas cliniques, il me semble important de rappeler
brièvement et de manière synthétique les différentes modalités possibles d’adaptation au
stress. Le tableau …. en résume les modalités. J’ai volontairement choisi de reprendre la
classification du DSM IV car elle ne privilégie aucun courant psychiatrique, en ayant à la fois
une approche psychanalytique et comportementale, prenant ainsi en compte le coping.
23
NIVEAU ADAPTATIF ELEVE
NIVEAU DES INHIBITIONS MENTALES
(ou de la formation de compromis)
Défenses dites « matures ».
Fonctionnementautomatique,préconscient.
L’humour : souligne les aspects amusants ou
ironiques des situations de stress
La sublimation : canalisation des sentiments ou
des impulsions potentiellement inadaptés vers des
comportements socialement acceptables
L’anticipation : fait ressentir les émotions par
avance ou anticipe les conséquences d’un possible
événement futur
La répression (ou évitement) : évitement délibéré
de penser à des problèmes, des désirs, des
sentiments ou des expériences pénibles
L’altruisme : dévouement aux besoins des autres
L’auto-observation : réflèxion sur ses propres
pensées, sentiments, motivation et comportement
L’affiliation (ou capacité de recours à autrui) : se
tourner vers les autres pour chercher de l’aide ou
du soutien
L’auto-affirmation (ou affirmation de soi par les
sentiments) : expression franche de ses sentiments
ou ses pensées de manière non contraignante ou
manipulative
Antérieurement, niveau des défenses névrotiques.
Fonctionnement inconscient. Surtout chez les sujets
dits « névrotiques » ou « non cliniques ». Fonction
parfois adaptative.
Le refoulement (ou répression) : expulse de sa
conscience des désirs, des pensées ou des expériences
perturbantes
Le déplacement : transfert d’un sentiment ou une
réaction d’un objet sur un autre objet moins menaçant
La formation réactionnelle : substitue à des pensées
ou à des sentiments inacceptables d’autres
comportements,
pensées
ou
sentiments
diamétralement opposés
L’annulation : utilisation de mots ou de
comportements visant à annuler ou à compenser
symboliquement des pensées, des sentiments ou des
actes jugés inacceptables
L’isolation : sépare des idées et des sentiments
associés
La dissociation : altération des fonctions d’intégration
de la conscience de soi ou de l’environnement
L’intellectualisation
LES MECANISMES « IMMATURES »
Ils peuvent altérer l’épreuve de la réalité. D’ usage plutôt inadaptatif chez
l’adulte (troubles de la personnalité), ils peuvent être plus adaptatifs chez
l’adolescent.
NIVEAU DE DISTORSION MINEURE
L’idéalisation : attribution aux autres des qualités exagérément positives
La dépréciation (dévalorisation, dévaluation)
L’omnipotence (ou toute puissance)
NIVEAU DU DESAVEU
Le déni : refus de reconnaître certains aspects douloureux de la réalité externe ou
interne
La projection : attribution à tort à autrui ses propres sentiments, impulsions ou
pensées inacceptables
La rationnalisation : dissimule les motivations réelles de ses propres pensées,
actions, sentiments, derrière des explications rassurantes ou complaisantes mais
erronnées
NIVEAU DE DISTORSION MAJEURE
Le clivage : compartimentation des états affectifs opposés et absence
d’intégration des aspects positifs de soi et des autres dans des images cohérentes.
L’identification projective : attribution à tort à autrui de ses propres sentiments,
impulsions ou pensées inacceptables.
La rêverie autistique :
NIVEAU DE L’AGIR
Le passage à l’acte
Le retrait apathique
La plainte associant demande d’aide et son rejet
L’agression passive
NIVEAU DE DYSREGULATION DEFENSIVE
La projection délirante :
Le déni psychotique et la distorsion psychotique : Le déni psychotique est
caractérisé par une altération majeure de la réalité.
Tableau 2 : Mécanismes de défense (selon l’échelle défensive du DSM IV)
24
DEUXIEME PARTIE
25
Mademoiselle V, 19 ans.
Mademoiselle V est hospitalisée à la demande d’un tiers, son père, du 15 septembre au 6
octobre 2006, pour « idées délirantes, associées à des idées suicidaires ».
I.
ELEMENTS BIOGRAPHIQUES :
D’origine martiniquaise, mademoiselle V est née en métropole. Sa scolarité s’est déroulée
sans problème particulier. Au moment elle est hospitalisée, elle est en vacances d’été et doit
entrer dans moins d’un mois en deuxième année de lettres modernes.
Elle vit chez ses parents. Son père est électricien et a 52 ans et sa mère a 48 ans et est
secrétaire à la DDASS. Elle a un frère de 22 ans, étudiant et une sœur de 15 ans, au lycée.
Tous les membres de la famille sont chrétiens évangélistes et la religion occupe beaucoup de
place dans leurs vies.
Par ailleurs, la musique est très présente et représente un véritable mode de communication
dans la famille. Mademoiselle V fait du chant et du piano.
Mademoiselle V a un petit ami depuis plusieurs années. Elle entretien avec lui des relations
complexes.
II.
ANTECEDENTS :
Antécédents personnels :
Pas d’antécédent d’hospitalisation en psychiatrie ni de tentative se suicide.
Mademoiselle V est accueillie par une infirmière au CMP fin avril 2006 dans un contexte
de difficultés à s’adapter à la faculté (première année). Elle est assez isolée. Elle se sent
26
angoissée. Elle est perturbée par la relation avec son petit ami. L’infirmière la trouve
déprimée. Elle dort bien et dit manger trop. Il ne semble pas exister cependant de trouble du
comportement alimentaire constitué. Son dossier est rapidement présenté en réunion et elle est
orientée vers une psychologue du CMP qu’elle voit début mai 2006. Elle note : « En grande
difficulté dans un moment de passage de l’enfance et de l’adolescence. (…) Parents très
présents dans un contexte religieux strict (église évangélique). Même milieu scolaire depuis le
primaire. A la fac, elle perd un peu pied. + déception relative au père qu’elle découvre
différent de l’image idéalisée. Défenses obsessionnelles. Tendance au repli, à la tristesse, mais
pas de décrochage du travail universitaire. A réévaluer au moment des vacances ».
Mademoiselle V est revue une semaine plus tard : « se questionne sur la relation à son père et
à ses petits copains. Rendez-vous non posé. Me contactera après ses examens ».
Mademoiselle V n’a pas pris de nouveau rendez-vous pas la suite.
Antécédents familiaux :
Il semble exister des antécédents de bipolarité du côté maternel.
Par ailleurs, il n’y a pas d’antécédent somatique ni de notion de consommation de
toxiques.
III. ANAMNESE DE L’EPISODE ACTUEL :
Mademoiselle V est accompagnée par ses parents au Centre Psychiatrique d’Orientation et
d’Accueil (CPOA) de l’hôpital Sainte Anne car ils sont très inquiets du comportement de leur
fille depuis quelques temps. Elle est quasi-mutique, très méfiante et dort très peu. Elle est
repliée sur elle. Elle aurait tenté de se défénestrer devant ses parents. Le psychiatre du CPOA
retient le diagnostic d’état délirant aigu et transitoire. Mademoiselle V lui explique qu’elle
27
aurait « été contrôlée mentalement ». Son discours est entremêlé de propos de thèmatique
religieuse : « Je crois en Jésus. Je lui ai donné ma vie ». Elle dit qu’elle veut « redevenir »
elle-même. Il lui est administré un traitement neuroleptique sédatif et un anxiolytique de type
benzodiazépine
IV. LA PERIODE HOSPITALIERE :
1. Les premiers jours d’hospitalisation :
A l’entrée dans le service, Mademoiselle V est sédatée.
Elle est entretenue rapidement par le psychiatre de garde en présence de ses parents. Il
maintient le traitement sédatif et anxiolytique. Mademoiselle V est très méfiante et les
infirmières doivent négocier pour qu’elle accepte de prendre son traitement. Elle mange peu.
Elle est ralentie sur le plan psychomoteur. Elle reçoit la visite de ses parents qui la trouvent
adaptée dans son comportement et ses propos, mais fatiguée.
Je fais connaissance avec mademoiselle V le lundi matin, deux jours après son arrivée. Elle
fait plus jeune que son âge. Elle est soignée. Le premier contact n’est pas bon. Elle est très
méfiante à mon égard et son regard est menaçant. Elle est perplexe et parle peu. On peut
même se demander s’il n’existe pas des attitudes d’écoute. L’intensité de la voix est faible.
Elle m’a en fait confondu avec notre chef de service qui l’a vue peu de temps avant moi, et
elle trouvait suspicieux que la même personne lui pose les mêmes questions. Par la suite, elle
s’excuse de son attitude et se détend un peu. Le contenu du discours est assez hermétique,
entremêlé. Elle parle d’ailleurs elle-même d’amalgame : « savez-vous ce que c’est que faire
un amalgame ? ». Mademoiselle V a des difficultés à répondre aux questions que je lui pose.
Le thème de la religion revient souvent. Par la prière, elle aurait demandé à Dieu de modifier
28
ses sentiments envers son petit ami. Les relations qu’elle entretien avec ce dernier semblent
complexes. Il l’aurait récemment demandée en mariage, mais ses parents les en auraient
dissuadés. Comme elle l’avait évoqué au psychiatre du CPOA, elle pense qu’elle a été victime
de « contrôle mental », sans en dire plus. A certains moments, je me demande s'il n’existe pas
une dissociation idéo-affective lorsqu’elle éclate fortement de rire. Mais cela peut
correspondre à une élation de l’humeur ou à un mécanisme de défense faisant partie de sa
personnalité.
Je décide de diminuer son traitement sédatif et de débuter un traitement antipsychotique
atypique par rispéridone.
Nous prévoyons un entretien familial rapidement.
2. Evolution pendant d’hospitalisation :
Après une diminution du traitement sédatif, mademoiselle V est plus présente et moins
confuse dans ses propos. Elle est demandeuse d’entretiens. Je la reçois presque tous les jours
et les entretiens sont longs.
Elle parle de son petit ami à tous les entretiens et de par son discours il est difficile de
savoir si elle considère qu’ils sont ensemble ou pas. Elle me raconte qu’ils « sortent
ensemble » depuis quatre ans et que leur relation est régulièrement entrecoupée de périodes de
rupture. Tous les ans, le même schéma se reproduit, à savoir qu’ils entretiennent une relation
amoureuse tout l’hiver et qu’ils rompent vers le printemps. L’élément déclencheur principal
qu’elle évoque est qu’ils ont peur d’aller trop loin sur le plan physique, ce qui est « mal », ditelle, car c’est interdit par la bible. Lors d’un de nos entretiens, à propos d’un autre sujet, elle
m’expliquera d’ailleurs qu’elle souhaiterait que « l’esprit prenne le dessus sur la chair ». Il
29
s’agit d’un jeune homme de son âge, actuellement en sports études, qui est de la même
religion qu’elle et « de la même église ». Il y a deux semaines, ce jeune homme, que l’on
appellera monsieur A, vient voir le père de mademoiselle V au domicile familial pour
demander la main de cette dernière. Le père refuse et monsieur A n’insiste pas. Mademoiselle
V est très déçue, à la fois par la réponse catégorique de son père et par la non opposition de
monsieur A à son père, ce qu’elle n’exprimera pas sur le moment. Après cette demande,
monsieur A et mademoiselle V sont convoqués dans le salon par les parents pour une réunion
familiale où on leur explique qu’ils sont trop jeunes pour l’instant et qu’ils ont le temps de
penser au mariage. Mademoiselle V reste mutique et c’est à partir de ce moment que la
symptomatologie s’aggrave et qu’elle se sent de plus en plus persécutée par sa famille. Elle
luttera même contre le sommeil par crainte que quelqu’un de sa famille vienne lui faire du
mal.
Je rencontre les parents à plusieurs reprises, en la présence de mademoiselle V. Le contact est
très bon. Tout comme leur fille, il s’agit de personnes très soignées. Ils sont très souriants.
Leur langage est raffiné. Mademoiselle V a une attitude enfantine avec ses parents. Par son
attitude, elle ressemble plus à une petite fille qu’à une adolescente. Très vite, ses parents
m’expliquent qu’à cause de l’urgence de la situation ils n’ont pas eu le choix de s’en remettre
à la médecine, mais que l’amélioration de la santé psychique leur fille se fera grâce à l’aide de
Dieu. Je leur demande alors de m’expliquer un peu ce qu’ils entendent par là et leur discours à
ce propos est assez superficiel et généraliste, avec un vocabulaire très mystique, presque codé.
Ils me diront rapidement, très poliment et très fermement: « mais vous ne pouvez pas
comprendre ». Je ne m’attarde pas sur le sujet. Je leur demande de me raconter ce qui les a
inquiété dans le comportement de leur fille. Pour mieux s’y retrouver dans la chronologie des
événements, je rappelle qu’elle a été hospitalisée à la mi septembre. Mademoiselle V a
effectué un travail à la DDASS durant l’été, dans le service où travaille sa mère. Au mois de
30
juillet, les parents s’absentent deux semaines et c’est la première fois que mademoiselle V se
trouve au domicile familial sans ses parents. A leur retour, ils ne reconnaissent pas leur fille.
Ils la trouvent différente de d’habitude. Ils la décrivent comme hyperactive, excitée, excessive
dans ses actes et ses paroles. Par exemple, au travail de la mère, mademoiselle V devient très
familière avec les collègues, ce qui ne lui ressemble pas. Elle dort moins et mange moins que
d’habitude. Elle devient intolérante à la frustration. Depuis quelques jours, le comportement
de leur fille les inquiète de plus en plus car elle refuse de leur parler. Ils ne s’aperçoivent
cependant pas qu’à ce moment là mademoiselle V se sentait persécutée par toute la famille, ce
qu’elle leur expliquera par la suite. Selon les parents, c’est la mauvaise influence de monsieur
A qui est à l’origine des troubles de leur fille. Ils m’expliqueront également que, selon eux, la
grand-mère de ce jeune homme a ensorcelé leur fille. Dans le but d’élargir la discussion, je dis
aux parents qu’il y a plusieurs facteurs qui ont certainement favorisé l’éclosion du délire et
l’aggravation de la symptomatologie, ce qui a peu d’effet. En surface, ils acceptent de
réfléchir à plusieurs hypothèses ; mais, en ce qui concerne leur fille, ils restent convaincus de
la responsabilité de monsieur A et de sa grand-mère. J’essaie de leur expliquer que, surtout en
psychiatrie, la compréhension du psychisme du patient et de ce qui peut l’influencer, c'est-àdire son environnement au sens large, est un soin à part entière. Je propose également à
mademoiselle V de faire un entretien avec son frère. Je me dis que la complicité qu’ils
entretiennent tous les deux et que son jeune âge pourront peut être faciliter un abord plus
global de la situation. Le frère se montre en fait peu à l’écoute de mademoiselle V. Il est
méfiant et son discours reste assez superficiel. Les sujets que l’on essaie de développer sont
toujours replacés dans un contexte religieux. Par exemple, lors de l’entretien nous discutons
des relations que peuvent avoir deux jeunes adultes entre eux lorsqu’ils sont amoureux et il
m’explique que, sur un ton très sérieux et très ferme, toute relation physique est interdite
avant le mariage, y compris les baisers sur la bouche. Je n’insiste pas. Par ailleurs, je
31
remarque aisément que mademoiselle V n’a pas le même discours et n’utilise pas le même
vocabulaire en fonction de la présence ou l’absence de membres de sa famille. Devant sa
famille, elle est plus effacée, moins spontanée. Le discours est épuré, contenu et assez plaqué.
A travers le discours religieux, la morale est toujours très présente. Pour tous les sujets que
nous évoquons en entretien, il faut que mademoiselle V fasse référence à la religion, avec
souvent des citations de la bible. Comme pour toute sa famille, il n’y a pas d’entre deux et la
vision des choses est dichotomique : « il y a le bien et le mal ». Tous les amis de
mademoiselle V sont de la même religion qu’elle. Elle fait de la musique et chante, mais
uniquement dans son église. Elle appartient à une chorale. Elle doit informer le pasteur de
toutes ses activités artistiques et elle doit avoir son aval lorsqu’elle veut chanter une de ses
œuvres en public.
Habituellement, mademoiselle V s’entend bien avec sa famille et ils passent de bons moments
ensembles. Elle est très complice avec sa mère et sa grand-mère maternelle qui vit en
Martinique. Elle a toujours eu une grande admiration pour son père mais elle a récemment été
déçue car elle a appris qu’il a eu une relation avec une autre femme que sa mère, ce qu’elle ne
pouvait pas concevoir et qui l’a beaucoup affectée. Mademoiselle V a eu une enfance qu’elle
qualifie d’heureuse, sans traumatisme apparent.
En ce qui concerne sa scolarité, elle doit rentrer en deuxième année de lettres modernes, ce
qu’elle appréhende. Elle a eu des difficultés à s’adapter à la faculté. Elle était assez isolée
socialement et avait assez peu d’occupations en dehors de la scolarité et l’église. Elle ne s’est
pas fait d’amis au cours de cette première année d’études. Auparavant, elle était dans une
école privée. Elle a pour projet de devenir professeur mais elle aimerait aussi être chanteuse
pour « parler de Dieu en chantant ». Elle ne sait pas si elle va reprendre ses études de suite ou
si elle fait une formation chrétienne durant neuf mois, le CIGEM force. Elle me demande si je
connais. Je lui réponds que non. Je me documente de mon côté. Il s’agit d’une « formation
32
qui a pour but de rendre la jeunesse plus efficace dans l’évangélisation » (citation de la
brochure pdf du site internet du CIGEM). Ses parents ont d’autres projets pour elle. Ils
pensent qu’elle ne doit pas reprendre ses études de suite, quelles qu’elles soient, mais qu’elle
devrait prendre une année sabbatique et commencer par aller se reposer chez sa grand-mère
en Martinique. Après, elle pourrait travailler un peu. Elle ira bien puisqu’elle sera à la maison,
expliquent-ils.
Les entretiens sans la famille sont très intéressants car mademoiselle V se laisse aller dans ses
réflexions. Elle est à l’aise et parle sans retenue. Elle nous dit qu’elle n’a pas envie d’aller
chez sa grand-mère, mais elle n’ose pas le dire à ses parents de peur de les décevoir. La
culpabilité est un sentiment qui revient souvent dans le discours de mademoiselle V. Elle
pense que ses parents veulent l’envoyer en Martinique pour l’éloigner de monsieur A.
Lorsqu’elle nous parle de lui, elle est très émue. Elle est très amoureuse. Selon elle, il s’agit
de l’homme de sa vie. Je lui signifie que si elle le souhaite nous pouvons faire un entretien en
sa présence, ce qui ne se fera pas. Elle a très peur de la réaction de ses parents à ce sujet. Elle
est prête à attendre pour le retrouver. Le discours de mademoiselle V est souvent érotisé : « la
culpabilité est rentrée en moi », « je voudrais que l’esprit prenne le dessus sur la chair ». Les
mots qu’elle choisit, ou plus exactement que son inconscient choisit, et la façon dont elle les
agence rendent bien compte du conflit psychique présent chez mademoiselle V, ce que nous
développerons dans la discussion.
Lors de son hospitalisation, elle se montre très intéressée par les activités d’ergothérapie. Lors
de la première entrevue avec les ergothérapeutes, elle dit être émerveillée par tout ce qu’elle
voit dans l’atelier. Elle veut tout faire et elle se montre assez dispersée. Dans un premier
temps, elle bénéficie d’une prise en charge individuelle, puis en groupe dans un second temps.
Elle vient régulièrement aux activités. Elle montre une bonne capacité de concentration et
d’analyse des situations. Elle recherche la perfection dans ses réalisations. En groupe, elle
33
participe volontiers et se montre éclectique dans les thèmes qu’elle aborde et les choix qu’elle
fait. Elle se montre assez tolérante envers les autres patients. Lorsque les thèmes tournent
autour des croyances religieuses, elle a tendance à se replier sur elle et à rester focalisée sur
une idée. Les ergothérapeutes disent que mademoiselle V connaît ses faiblesses et analyse
bien la situation.
Sur le plan clinique, la symptomatologie délirante s’estompe rapidement avec une
critique des troubles. Mademoiselle V se rend compte qu’elle a été coupée du réel et qu’elle a
déliré. Elle me raconte qu’elle luttait contre le sommeil car elle pensait que quelqu’un de sa
famille pouvait la tuer. Elle se rend compte qu’elle interprétait les moindres faits et gestes de
son entourage. Cependant, elle ne comprend pas pourquoi. Le comportement s’est également
rapidement amélioré, ce qui s’est manifesté par une nette confiance en l’équipe soignante.
L’humeur est exaltée en début d’hospitalisation avec des comportements inadaptés. Par
exemple, elle se levait pour chanter en plein milieu du repas et au milieu du self. Au début, il
existe également une fuite des idées et mademoiselle V a des difficultés à organiser sa pensée,
mais cela fait aussi partie de sa personnalité, me dit-elle. Puis, en lui accordant du temps, le
discours devient très cohérent et mademoiselle V montre une bonne capacité d’introspection,
sans arriver pour autant à faire le lien entre ses réflexions et la symptomatologie. Je ne note
pas de signe de discordance mentale lors des entretiens. Il n’y a pas non plus de signes de la
lignée dépressive, ni d’idées suicidaires. A propos de l’épisode où elle était sur la fenêtre de
sa chambre, mademoiselle V m’explique qu’elle s’agitait car elle voyait son oncle en
contrebas, ce qui était bien le cas, et qu’elle lui faisait de grands signes par la fenêtre, ce qui
aurait été interprété comme une tentative de défénestration.
Un peu plus tard, nous réalisons une sortie d’essai au domicile qui se passe bien.
34
Le bilan paraclinique s’avère normal (bilan biologique, électrocardiogramme et
scanner cérébral sans produit de contraste). Les toxiques urinaires sont négatifs.
Mademoiselle V doit partir trois mois chez sa grand-mère. Elle est mise devant le fait
accompli. Les billets d’avion pour la Martinique ont été réservés sans lui en parler, ce qui la
pousse à partir, car elle sait que le prix de ces billets représente une somme d’argent
significative dans le budget de ses parents. Influencée par ses parents, mademoiselle V ne
veut pas reprendre ses études cette année. Il est décidé en famille qu’elle doit se « reposer » à
la maison. Elle reprendra ses études dans un an. Je rencontre sa grand-mère chez qui elle doit
aller en Martinique dès la sortie de l’hôpital. Nous décidons alors d’une sortie définitive.
Mademoiselle V doit revenir me voir au CMP à son retour de Martinique pour réévaluer la
situation.
Le diagnostic porté du compte rendu hospitalier est le suivant : épisode psychotique
aigu systématisé (délire de persécution), paraissant réactionnel.
Nous décidons de poursuivre le traitement neuroleptique à la même posologie jusqu’à
son retour où il sera réévalué : rispéridone 2 mg par jour en une prise.
Mademoiselle V sort de l’hôpital le 6 octobre 2006.
Les jours qui suivent la sortie s’avèrent chaotiques avec une reprise de l’activité
délirante et d’une attitude d’opposition. Dans l’avion pour les Antilles, mademoiselle V
présente un état d’agitation associé à une rétention urinaire ayant nécessité l’intervention du
SAMU lors de l’escale en Guadeloupe. Elle est hospitalisée 24 heures et repart pour la
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Martinique dès le lendemain. Elle sera par la suite suivie par le CMP le plus proche. Dans le
courrier qu’il m’adresse, le psychiatre qui la suit voit au premier plan des symptômes
maniaques et parle par ailleurs « d’exaltation mystique ».
V.
LE SUIVI AU CMP :
Dès son retour en métropole, en décembre 2006, je revois mademoiselle V en consultation,
seule, puis avec ses parents et sa grand-mère. Le discours est superficiel. Nous n’abordons
aucun sujet de fond et il n’est pas question de parler de monsieur A devant la famille.
Mademoiselle V vit chez ses parents et doit faire du baby sitting chez des amis à ses parents
avant de reprendre ses études.
Sur le plan clinique, il n’y a aucun élément délirant. Le cours de la pensée est fluide et le
discours parfaitement cohérent. Sur le plan de l’humeur, il n’y a pas de signe de la lignée
dépressive ni de symptôme du registre maniaque. Nous décidons de diminuer la posologie de
rispéridone à 1 mg/jour et de réévaluer la situation dans un mois.
Elle vient seule un mois plus tard. L’humeur est stable et il n’y a pas de réactivation du délire.
Mademoiselle V a mis à l’écart tout ce qui pourrait la déstabiliser. Elle ne voit plus monsieur
A et ne fait plus de chant. Elle n’a pas de contact avec l’extérieur en dehors de l’église.
Dans les semaines qui suivent, elle fait du baby sitting, comme prévu. Nous décidons
d’interrompre le traitement neuroleptique. Le délire ne se réactive pas. Le suivi s’interrompra
naturellement. Je lui propose de revenir consulter si elle en ressent le besoin.
Six mois plus tard, en décembre 2007, mademoiselle V revient me voir d’elle-même,
seule. Ses parents ne sont pas au courant de cette démarche. Elle s’est émancipée et a mûrit.
36
Elle semble plus affirmée et plus sûre d’elle. Elle dit avoir besoin de parler. Sur le plan
clinique, il n’y a aucun signe de la lignée délirante et elle est euthymique. Elle a repris des
études de lettres et est en deuxième année. Elle réussit ses examens et elle se plait à la faculté.
Elle vit toujours chez ses parents et a renoué contact avec monsieur A. Je la recevrai à la
fréquence moyenne de deux fois par mois durant trente minutes jusqu’à mon départ du service
en juin 2008.
L’évolution de mademoiselle V est plutôt rassurante et ses capacités d’introspection
sont bonnes. Elle est revenue me voir elle a beaucoup réfléchi et elle ressent le besoin d’être
soutenue. Elle se souvient parfaitement de l’épisode aigu qu’elle a présenté avant son
hospitalisation et elle le perçoit d’ailleurs comme réactionnel à une situation devenue
intolérable. Elle se souvient s’être repliée sur elle et avoir commencé à se sentir persécutée
par sa famille après que son père ait refusé sa main à monsieur A. Elle aurait souhaité que son
petit ami s’oppose à son père, ce qui n’est pas arrivé. Elle trouve de nouvelles modalités de
fonctionnement avec sa famille en se constituant son jardin secret, ce qu’elle était incapable
de faire auparavant. Mademoiselle V reste cependant tiraillée entre le désir de s’émanciper et
le respect des règles familiales. Elle reprend le chant et le piano de manière intensive. Elle
compose ses propres chansons. Elle revoit régulièrement son petit ami et ses relations avec lui
son toujours aussi ambiguës. Elle m’explique qu’il fait preuve de beaucoup de compréhension
à son égard et qu’il l’attend.
Il n’y a pas eu de décompensation délirante ni thymique durant le suivi et
mademoiselle V ne désire pas poursuivre un suivi avec quelqu’un d’autre après mon départ.
37
VI. DISCUSSION :
Un premier point à discuter est le diagnostic de l’épisode aigu qu’a présenté mademoiselle
V. Le début du délire a été brutal et a commencé après que le père de mademoiselle V ait
refusé son mariage. On a donc clairement identifié un facteur déclenchant. Mais il serait
excessif de qualifier cet épisode de bouffée délirante aigue étant donné que le délire n’est pas
polymorphe, au contraire. Il est bien structuré. Il s’agit d’un délire de persécution aux
mécanismes interprétatif et intuitif. Il n’y avait pas d’hallucinations. Selon la classification du
DSM IV, il ne s’agit pas d’un trouble psychotique bref puisque la symptomatologie s’est
étendue sur une durée supérieure à un mois (presque deux mois). Le trouble shizophréniforme
ne convient pas non plus au diagnostic. Selon la CIM 10, on pourrait porter le diagnostic de
trouble psychotique polymorphe sans symptômes schizophréniques. Par ailleurs, il existe de
nombreux facteurs de bon pronostic : facteur déclenchant, symptomatologie bruyante, note
thymique, bonne sensibilité au traitement, critique de l’épisode, accès relativement cour.
Mais pourquoi mademoiselle V a-t-elle décompensé sur un mode psychotique, d’autant
plus qu’il n’y avait pas de personnalité prémorbide pouvant favoriser l’éclosion d’un délire ?
J’ai trouvé au moins trois facteurs pouvant favoriser, dans le cas de mademoiselle V, une telle
décompensation. Le premier, le plus évident, est l’immaturité de sa personnalité. Les défenses
de mademoiselle V ne sont pas encore construites sur un mode d’adulte, ce qui peut faire
prendre toutes les formes à une décompensation réactionnelle à un événement. Le délire a
probablement été un mécanisme de défense radical chez mademoiselle V, l’ayant
ponctuellement aidée à se protéger d’une situation devenue insupportable.
Ensuite, le
fonctionnement en clivage de la famille, véritable lit de la psychose, a très probablement
favorisé l’apparition du délire. Comme je l’ai souligné plusieurs fois, les choses sont blanches
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ou noires et il y a « le bien et le mal », sans place pour un intermédiaire. Il fallait alors une
symptomatologie très bruyante pour tenter de se faire entendre. Dans le cas contraire, le
risque était l’annulation. Autre facteur, de vulnérabilité cette fois-ci ; il existait une
symptomatologie thymique importante, ce qui favorise en soi même l’éclosion d’un délire
face à un facteur stressant, en fonction de la résonance que peut avoir cet événement pour le
patient à ce moment là.
A ce propos, il est intéressant de se demander pourquoi cet événement a-t-il pris autant
d’importance à ce moment là dans le psychisme de mademoiselle V ?
Le facteur stressant, catalyseur du délire, est constitué par le fait que monsieur A ne s’est pas
opposé au père de mademoiselle V. Je l’ai déjà signalé précédemment, mademoiselle V a été
très déçue par le comportement de son père lorsqu’elle a appris qu’il avait eu une relation
avec une autre femme que sa mère. Depuis, son père n’est plus idéalisé comme il l’était
auparavant. La possibilité qu’un autre homme prenne de la place dans la vie de mademoiselle
V devient par conséquent bien réelle. L’image idéalisée du père s’est par la suite déplacée sur
monsieur A. Au moment où mademoiselle V se voit refuser sa main par le non catégorique
de son père à monsieur A, ce dernier ne s’oppose pas. C’est une deuxième grande déception
pour mademoiselle V qui s’attendait à une toute autre réaction de la part de son petit ami.
L’image de l’homme qu’il incarnait est abîmée. De plus, par ce « non », mademoiselle V se
voit refuser son accès à l’indépendance qu’elle souhaitait, mais aussi à la sexualité, qui est
impossible pour elle en dehors du mariage. De par l’importance de ces multiples déceptions et
frustrations, on comprend la valeur stressante que l’on peut accorder au « non » du père.
Devant cette situation imposée, véritable impasse pour mademoiselle V, elle n’arrive pas à
trouver de compromis entre ses désirs et sa morale, ce qui se retrouve d’ailleurs au cours des
entretiens dans son discours érotisé : « la culpabilité rentre en moi ». On comprend par là et
39
dans ce contexte qu’elle exprime son désir physique envers son ami, sans possibilité de
passage à l’acte en raison de sa morale, indissociable de sa religion.
D’autre part, le contenu du délire ne s’est pas construit par hasard. Rappelons qu’il
s’agissait d’un délire structuré, de persécution, à l’égard de sa famille…
De par les réflexions précédentes, il est par conséquent possible d’envisager ce
premier épisode psychotique de manière dynamique en tant que crise. En effet, mademoiselle
V s’est retrouvée dans une véritable impasse psychique où elle n’a pas pu exprimer sa
souffrance par des mots, ce qui a provoqué la crise. L’enjeu en ce qui concerne la prise en
charge était de l’aider à se réapproprier ce moment d’échappement pour mieux le comprendre
et l’aider à se trouver de nouvelles stratégies d’adaptation. Elle a déduit de ses propres
réflexions au cours des entretiens qu’elle devait s’autonomiser et construire sa propre morale,
afin de se constituer son jardin secret. Mais le mécanisme de défense le plus important chez
mademoiselle V est la sublimation, à travers la pratique du chant et du piano qui devient de
plus en plus intense et personnelle. Dans ce domaine aussi elle prend des décisions plus
affirmées qu’auparavant. Elle n’a cependant pas conscience de ce mécanisme. Cependant,
comme je l’ai évoqué lors du précédent chapitre, les capacités d’introspection de
mademoiselle V sont bonnes et elle avance de plus en plus dans le sens de l’autonomisation.
Si elle analyse d’elle même parfaitement la survenue et le contenu du délire, certains sujets
n’ont pas été abordés et restent encore tabous, comme celui de la sexualité par exemple. Il est
dommage qu’elle n’ait pas décidé de continuer son suivi. En ce qui concerne sa famille, il
semble y avoir peu d’avancées en terme de compréhension pour le père. Par contre, sa mère
est plus à l’écoute des sentiments de sa fille et lui dit qu’elle pourrait même envisager un
mariage entre elle et monsieur A.
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Je voudrais maintenant revenir sur les
prodromes qui ont précédé le délire ;
prodromes qui pourraient constituer une entité nosographique à part entière. Les signes avantcoureurs étaient : exaltation de l’humeur avec désinhibition du comportement, hyposomnie
sans fatigue, hyperactivité. Ils sont survenus durant les deux mois qui ont précédé l’épisode
délirant et ils ont été un des facteurs de vulnérabilité ayant favorisé l’éclosion du délire. Ils ont
débuté lorsque les parents de mademoiselle V sont partis deux semaines de la maison et
qu’elle s’est alors retrouvée livrée à elle-même. C’était la première fois qu’elle vivait sans ses
parents à ses côtés. Elle avait ainsi gagné plus de liberté et lorsque ses parents sont rentrés la
relation était tendue avec eux. Mademoiselle V avait pris l’habitude de faire ce qu’elle voulait
quand elle le voulait, sans le jugement moralisateur de ses parents. Cette situation a, je le
pense, favorisé l’état d’excitation et d’hyperactivité chez mademoiselle V ; état que l’on
pourrait peut être trop facilement qualifier de maniaque. Ce que je veux souligner par là, c’est
qu’il existe des raisons bien compréhensibles au déclenchement de cet état d’excitation. Ce
dernier a persisté jusqu’au délire, avec de nombreuses situations conflictuelles au sein de la
famille. On pourrait être tenté d’intégrer cette symptomatologie au délire et alors porter le
diagnostic d’épisode de manie délirante. Je ne souhaite pas abonder dans ce sens pour deux
raisons. La première est nosographique : il ne s’agit pas ici d’un accès maniaque mais plutôt,
si on voulait porter un diagnostic de trouble de l’humeur, d’un accès hypomanique. En effet,
il n’y a pas eu de véritable débordement jusqu’à l’apparition du délire, ni d’insomnie totale.
Le délire est bel et bien passé au premier plan. Deuxièmement, et c’est la raison la plus
importante ; comme je l’ai envisagé un peu plus haut, l’état délirant aigu avait bien un sens et
peut ici être envisagé de manière dynamique en tant que réelle crise psychique. Envisager
cette décompensation comme une crise a été le moyen d’entendre la détresse psychique de
mademoiselle V. L’analyse du délire lui a permis de s’envisager non pas comme une malade
41
mais plutôt comme quelqu’un dont les capacités psychiques d’adaptation face à une situation
stressante, véritable impasse psychique dans son cas, ont débordé. Cette prise de conscience
rend par ailleurs l’épisode en lui-même moins traumatisant pour le sujet, puisqu’il lui a été
utile et qu’il ne reste pas dans l’incompréhension. Pour cette phase prodromique, je préfère
alors parler d’état de vulnérabilité avec signes thymiques. Cela n’empêche pas qu’il faudra
toujours surveiller une possible évolution vers un authentique trouble de l’humeur et ce
d’autant plus qu’il existe des antécédents familiaux. Mais rien ne permet de le prévoir dans
cette crise. Enfin, porter un diagnostic de manie avec possible évolution vers un trouble de
l’humeur n’aurait pas été sans conséquence chez cette patiente. Les risques auraient été
multiples : multiplication des psychotropes, enfermement dans la chronicité, avec toutes les
conséquences qui en découlent.
Pour en revenir au premier point de cette discussion, c'est-à-dire à la question du
diagnostic de l’épisode, le plus approprié serait le diagnostic de bouffée délirante
interprétative, sorte de « paranoïa aigue », décrite par l’équipe des docteurs C. VERGNES et
F. LEBIGOT.
Enfin, je n’ai pas d’arguments en faveur d’un trouble de la personnalité constitué. Le
risque d’évolution vers une personnalité histrionique pourrait se discuter, mais ce serait un
autre sujet.
VII. CONCLUSION :
L’élément qui me parait le plus intéressant dans ce cas clinique est la notion de
déclenchement de l’épisode psychotique aigu par un événement stressant. En effet, la
symptomatologie de l’épisode peut ici se comprendre par l’analyse des capacités d’adaptation
42
d’une personnalité dans un contexte que nous avons décortiqué. L’abord psychodynamique de
la situation m’a permis de proposer une prise en charge personnalisée à la patiente et par là
même de ne pas multiplier la liste des psychotropes sur ses ordonnances. L’arrêt du traitement
neuroleptique atypique à faibles doses n’a d’ailleurs pas été suivi d’une rechute.
43
Monsieur S, 19 ans.
Monsieur S est hospitalisé à la demande d’un tiers, un ami, du 4 au 19 février 2007, pour
« idées délirantes associées à des idées suicidaires ».
I.
ELEMENTS BIOGRAHIQUES :
Monsieur S est Originaire de Mauritanie. Il est arrivé en France en 2004 de manière
clandestine. Il a une carte de séjour renouvelable et espère avoir le statut de réfugié politique.
Ses parents ont été assassinés lorsqu’il était enfant.
Hébergé dans un foyer de jeunes travailleurs, il est en contrat jeune majeur avec l’aide sociale
à l’enfance.
Sur le plan scolaire, il est en deuxième année de BEP revêtements muraux.
II.
ANTECEDENTS :
Aucun antécédent psychiatrique.
Aucun antécédent somatique.
Pas de notion de consommation de toxiques.
III. ANAMNESE DE L’EPISODE ACTUEL :
Depuis peu, monsieur S. a l’impression qu’on parle de lui dans les journaux et à la
télévision et il se sent persécuté dans son milieu professionnel. Il effectue depuis quelques
44
semaines un stage en entreprise et il se sent exploité par son patron et dans la rue. Dans les
jours qui précèdent l’hospitalisation, il fait une tentative de suicide par défénestration du
premier étage. Il n’est pas blessé.
Très inquiet pour lui, un ami l’amène aux urgences de l’hôpital Saint-Antoine. Devant la
symptomatologie présentée par le patient et l’ambivalence de son discours, il est décidé de
l’hospitaliser sous contrainte.
IV. LA PERIODE HOSPITALIERE :
1. Les premiers jours d’hospitalisation :
A l’entrée dans le service, monsieur S est vu par le psychiatre de garde. Le contact est bon.
L’angoisse est majeure et monsieur S explique qu’il a peur de mourir ou de se suicider.
L’humeur est dépressive. Il culpabilise beaucoup et pense avoir fait « beaucoup de bêtises ».
D’après l’anamnèse, Il présenterait des idées délirantes de persécution, de mécanisme
interprétatif et peut être hallucinatoire (impression que la télévision délivre des messages au
contenu très négatif à son sujet).
Très méfiant, il refuse de prendre le traitement anxiolytique et sédatif qui lui est prescrit. Il est
de plus en plus angoissé et devient opposant. L’équipe soignante craint qu’il puisse être
agressif envers lui-même. Il est sédaté par un traitement neuroleptique injectable et conduit en
chambre d’isolement.
Il reste trois jours en chambre d’isolement. Durant cette période, il est très méfiant et il prend
son traitement après de longues minutes de négociation. Il déclare qu’il a « déjà vu tout cela
se produire ». Il ne comprend pas pourquoi il est hospitalisé.
45
A son troisième jour d’hospitalisation, je reçois monsieur S dans mon bureau avec une
infirmière du service. Il est calme et le contact est bon. Il parle bien le français. Le discours
est cohérent dans son ensemble.
Mon attitude est posée et j’essaie de mettre monsieur S en confiance et de le rassurer. Sans
rentrer dans les détails, je lui explique son mode d’hospitalisation en mettant l’accent sur le
fait que son entourage est inquiet pour lui en ce moment. D’autre part, je lui dis d’emblée
qu’il est en sécurité à l’hôpital et que nous sommes là pour le protéger. Il écoute attentivement
ce que je lui dis. Au terme de ces explications, nous faisons un entretien psychiatrique
classique.
Monsieur S est un peu sédaté par le traitement. Il me raconte sa biographie avec un peu de
confusion en ce qui concerne les détails, probablement en partie à cause du traitement qui le
fatigue. Il me raconte que sa mère a été tuée quand il était tout petit et que par la suite son
père est parti de la maison mais n’est jamais revenu. Il a ensuite été élevé par une « dame »
qui l’exploitait et se servait de lui comme esclave. Je fais le lien entre ce qu’il me raconte et le
vécu du stage qu’il est en train d’effectuer. Je lui demande si ce stage ne lui rappelle pas ce
qu’il a vécu avec cette « dame » lorsqu’il était enfant. Monsieur S acquiesce et s’effondre en
larmes.
Dans les suites de l’entretien, il parle librement de son sentiment de persécution et me dit
qu’on l’a « mis dans les journaux ». L’angoisse sous-jacente est très importante et quasipermanente. Il nous raconte qu’il a sauté par la fenêtre car il ne supportait plus l’angoisse
provoquée par l’impression d’être observé et que se suicider était un moyen de mettre un
terme à cette souffrance. En ce qui concerne l’impression qu’on parle de lui à la télévision,
dans les journaux ou à la radio ; cette thématique de persécution semble plus émaner d’un fort
mécanisme interprétatif que d’hallucinations visuelles ou auditives. Par ailleurs, il ne semble
46
pas y avoir d’automatisme mental. L’humeur est franchement dépressive (humeur triste avec
fort sentiment de culpabilité, irritabilité, ralentissement psychomoteur, anorexie) et
congruente au discours.
Monsieur S est rassuré par l’entretien et nous envisageons une sortie progressive de la
chambre d’isolement sur 24 heures, avec des sorties autour des repas. Il réintègre la chambre
sans problème et les sorties se passent bien. Il mange au self avec les autres patients et lit les
journaux après les repas… J’instaure un traitement antipsychotique de fond (rispéridone à 2
mg/j) et un traitement antidépresseur (paroxétine à 20 mg/j).
2. Evolution pendant l’hospitalisation :
Le lendemain, lors de l’entretien, il pose des questions sur son hospitalisation et
demande s’il est « puni ». Nous lui expliquons à nouveau que nous sommes là pour l’aider, le
protéger et qu’il a vécu des événements dans sa vie qui peuvent peut être expliquer ce qu’il
ressent aujourd’hui. Nous lui signifions également qu’après sa sortie il pourra être suivi sur
notre centre CMP, ce qui semble le rassurer. Etant encore assez sédaté, l’entretien est bref. Je
décide de diminuer le traitement sédatif. Nous levons également le placement en chambre
d’isolement.
Durant les jours suivants, le délire s’estompe rapidement et les signes dépressifs sont
au premier plan, avec un ralentissement psychomoteur important, une anorexie et une tristesse
de l’humeur marquée. Le sentiment de culpabilité déjà présent à l’entrée s’accroît et concerne
des faits anciens insignifiants. J’émets des doutes sur la présence d’une dissociation idéoaffective avec peut être quelques sourires inappropriés par moments. Nous proposons à
monsieur S des activités d’ergothérapie, ce qu’il accepte. Nous continuons à diminuer
47
progressivement le traitement sédatif. Volontairement, nous décidons de ne pas trop revenir
sur la thématique du délire lors des entretiens pour permettre à monsieur S de continuer à
pouvoir s’apaiser.
Une semaine plus tard, la symptomatologie s’améliore nettement avec disparition des
idées suicidaires et de l’angoisse. Monsieur S critique le délire et explique qu’il ne pense plus
qu’on parle de lui mais qu’auparavant il croyait que c’était réel. Il se sent bien. Il est souriant
et euthymique. Le discours est cohérent.
Nous mettons en place des sorties d’après midi qui se passent sans problème
particulier.
Par ailleurs, nous nous apercevons que monsieur S a un tissu social et amical
important. Nous rencontrons également son ami qui a signé l’HDT. Ils se sont connus sur le
lieu du travail et il est plus âgé que lui. D’ailleurs, il aurait l’âge d’être son père.
Monsieur S participe activement aux activités d’ergothérapie, mais reste très discret.
Le comportement est cohérent lors des séances.
Lors d’un des derniers entretiens au cours de l’hospitalisation, nous revenons sur sa
biographie et il m’explique qu’après que sa mère ait été assassinée, il est parti avec son père
« de l’autre côté du fleuve », au Sénégal, dans un camp de réfugiés où ils ont vécu plusieurs
années. Il avait 9 ans lorsque son père a été enlevé sous ses yeux, puis assassiné à son tour.
Ensuite, il a été confié à une « dame » qui le battait et le traitait en esclave. Adolescent, il s’est
enfui et est allé à Dakar où il a vécu de petits boulots. Il a travaillé plusieurs mois dans un
48
restaurant où il était nourri. A 15 ans, il prend le bateau pour Marseille puis vient à Paris. Il
est alors pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Rapidement, il apprend le français et
entreprend des études (BEP revêtements muraux). Je l’écoute attentivement mais ne pose pas
trop de questions sur son passé traumatique pour ne pas risquer de le déstabiliser. Il me
raconte également qu’il s’est fait agresser il y a un mois près du stade de France par un groupe
de jeunes qui lui a volé son blouson…Il en garde un souvenir traumatique et cet événement
semble l’avoir beaucoup perturbé.
La bilan paraclinique est normal (bilan biologique standard, sérologies VIH, VHC,
VHB, Syphilis) et les toxiques urinaires sont négatifs (opiacés, amphétamines et
métamphétamines, ecstasy, cocaïne, barbituriques).
Un contact est établi avec l’assistante sociale du service.
Monsieur S est demandeur d’un suivi régulier au CMP. Un rendez-vous lui est donné
trois semaines après la sortie de l’hôpital. Il veut reprendre sa scolarité. Il est impatient
d’avoir une réponse en ce qui concerne sont statut de réfugié politique.
Le traitement de sortie comprend : rispéridone 2 mg : 0-0-1, paroxétine : 0-0-1.
Le diagnostic retenu sur le compte rendu hospitalier est le suivante : syndrome
dépressif sévère associé à des idées délirantes de persécution, paraissant réactionnel à un
contexte de vie. Ce patient est cependant à surveiller de près sur le plan clinique, afin de
rechercher les signes d’une éventuelle psychose chronique dissociative.
49
V. LE SUIVI AU CMP :
Monsieur S se rend de lui-même au CMP avant la date prévue du rendez-vous. Il
ressent des étourdissements, un mal au ventre imprécis. Il est vu par une de mes collègues qui
ne relève pas de symptomatologie psychiatrique inquiétante (cohérent, normothymique). Elle
le rassure et monsieur S part travailler.
Je le vois à la date prévue. Il est assez timide et parle peu. Il dit cependant qu’il nous
remercie et qu’il a eu très peur avant d’être hospitalisé et en début d’hospitalisation. Il
explique qu’il croyait qu’on complot était organisé contre lui, sans savoir qui en était à
l’origine. Avec du recul et de par le discours de monsieur S, il est encore plus net que
l’angoisse et les symptômes dépressifs étaient réactionnels au délire. Monsieur S reparle
également de l’agression dont il a été victime au stade de France, sans trop d’émotion visible.
Il dit que par moments il a « la tête qui tourne ». Il est actuellement en stage et il ne se sent
pas agressé par son entourage. Il attend toujours la réponse en ce qui concerne le statut de
réfugié politique. Par ailleurs, on ne note pas d’élément dépressif lors de l’entretien.
Visiblement, l’observance du traitement est bonne. Nous prévoyons de nous revoir dans deux
semaines.
Dix jours après. Il se présente de nouveau au CMP car il se sent angoissé. Il est
accueilli par une autre de mes collègues. Il fait état d’idées suicidaires. Il dit également avoir
la « tête qui tourne » depuis une quinzaine de jours et qu’il est obligé de dormir avec de la
lumière. Il repense beaucoup à l’agression dont il a été victime au stade de France. D’autre
part, il lui explique qu’il a un examen d’anglais demain qui se déroule à Arcueil et qu’il ne
sait pas comment y aller. Il a arrêté la paroxétine depuis plusieurs jours car il n’en avait plus.
50
Il est hospitalisé au centre d’accueil et de crise de notre service (CAC), ce qui lui permettra
d’être rapidement rassuré et de se rendre à son examen d’anglais. L’hospitalisation dure 48
heures.
Je le vois au CMP à sa sortie du CAC. Il se sent mieux et n’a plus d’idées suicidaires.
Il est en vacances scolaires dans quelques jours. Nous faisons le point sur son traitement et je
lui renouvelle son ordonnance. Je le revois en consultation les deux semaines qui suivent et
l’état clinique de monsieur S est stable. Il dit qu’il s’ennuie en vacances et qu’il a hâte de
reprendre les cours. Il me parle également de troubles de l’érection (surtout le soir), qui
étaient déjà présents avant son entrée à l’hôpital. J’exclue par conséquent une étiologie
iatrogène. Il se demande si cela ne vient pas de quelque chose qu’il aurait mangé.
Je le revois deux semaines après. Il n’a pas de plainte particulière et il est en période
d’examen. La clinique étant stable, nous décidons de nous revoir tous les mois. Je mets
l’accent sur le fait qu’il n’hésite pas à revenir au CMP ou au CAC s’il se sentait mal entre nos
entretiens.
Je choisis de garder mon approche rassurante et soutenante. Je resterai toujours
prudent en ce qui concerne l’évocation de ses traumatismes anciens. Nous parlons du présent,
de sa scolarité, de ses problèmes sociaux et de ses projets.
J’ai suivi monsieur S durant un an au rythme d’un entretien mensuel de 30 minutes,
jusqu’à mon départ du CMP. Il n’y pas eu ne nouvelle hospitalisation et je n’ai pas modifié
son traitement.
51
Durant cette période, monsieur S s’est vu refuser le statut de réfugié politique et la
possibilité qu’il puisse rester sur le territoire français est par conséquent remise en cause. Par
voie de conséquence, la promesse d’embauche qu’il avait obtenue auprès d’un de ses maîtres
de stage n’a pas pu se faire. Monsieur S consulte alors une avocate qui lui conseille de faire
une nouvelle formation, ce qu’il fera. Il s’inscrit dans un BEP de peinture en bâtiment plus
spécialisé afin d’approfondir sa technique et ses connaissances. Par ailleurs, si monsieur S
avait l’aide médicale d’état (AME), il pourrait rester en France et il aurait plus de temps pour
essayer d’obtenir des papiers. A sa demande et conseillé par son avocate, je rédige un
certificat médical attestant que l’état de santé de monsieur S nécessite des soins aux longs
cours et qu’un arrêt de la prise en charge et du traitement pourraient être fatals. Monsieur S
n’a toujours pas eu de réponse en ce qui concerne l’AME au moment de mon départ du
service.
Le contexte social de monsieur S s’alourdit car en raison de son âge il ne peut plus
bénéficier d’un logement par le biais de l’ASE et il risque de se retrouver sans domicile.
Rapidement, avec l’aide de l’assistante sociale du service et d’une association, un
hébergement lui est trouvé. Son assistante sociale souligne le fait que monsieur S est un
usager exemplaire. Il est toujours ponctuel à ses rendez-vous et fait toujours les démarches qui
lui sont expliquées. Son dossier social personnel est très bien tenu.
Il n’y a jamais eu de fléchissement scolaire, au contraire. Il réussit tous ses examens. Il
me montre ses bulletins scolaires dont il est fier. Il a de très bonnes notes dans toutes les
matières, ainsi que des appréciations très honorables de ses professeurs, qui lui rédigent
d’ailleurs des attestations pour le soutenir dans ses démarches d’obtention de papiers.
52
Au fur et à mesure que les mois passent, monsieur S se sent de plus en plus en
confiance et nous reviendrons sur ses souvenirs de sa vie en Afrique. Il me raconte pourquoi il
a dû fuir la Mauritanie. Monsieur S est Peul. Il s’agit d’une vieille ethnie nomade d’Afrique. Il
m’explique que les peuls ont une réputation de criminels en Mauritanie et qu’ils sont souvent
exterminés. Lorsqu’il était enfant, sa mère a été assassinée, ainsi que de nombeuses personnes
de son ethnie et ils ont été conduits dans un camp de réfugiés au Sénégal. Son père a par la
suite été assassiné par « les rebelles ». Monsieur S a des souvenirs très précis du moment où
son père a été enlevé. Ils étaient dans la case et son père l’a caché sous une table. Les rebelles
sont entrés et ont enlevé son père qu’il n’a jamais revu. Il n’ont pas trouvé monsieur S qui est
resté sain et sauf. Il était effrayé et se souvient parfaitement des cris et des dires des rebelles.
C’est par la suite qu’il a été hébergé par la personne qu’il appelle la « dame ». Il m’explique
que la « dame » qui l’a hébergé à la suite du décès de son père le maltraitait violemment.
Lorsqu’elle n’était pas satisfaite de lui dans les tâches ménagères, elle le brûlait ou le frappait
avec une planche en bois recouverte de clous. Il me montre les multiples cicatrices sur son
corps. Pour fuir cette situation, à l’âge de 13 ans, il monte dans un bus avant le lever du soleil
et s’enfuit du camp de réfugiés. Il arrive dans une petite ville du centre du Sénégal puis va à
Dakar, avant de monter clandestinement dans un bateau de marchandises pour Marseille à
l’âge de 16 ans, ce qu’il m’avait expliqué lorsqu’il était à l’hôpital. Il me raconte également
qu’il a fait un mois de prison au Sénégal pour un vol qu’il n’a, selon ses dires, pas commis. Je
le crois volontiers. Il me parle de la dureté de ces moments, et particulièrement lorsqu’il a été
placé en isolement, dans une pièce minuscule où il est resté accroupi durant 48 heures. Il n’y a
pas de réaction affective apparente lorsque monsieur S raconte ces souvenirs.
Sur le plan clinique et au terme d’un peu plus d’un an de suivi, il persiste constamment
un sentiment de persécution à minima, mais survenant uniquement dans des situations
53
stressantes aux yeux de monsieur S. Il a l’impression qu’on le suit et se sent persécuté
lorsqu’il est dans un environnement inconnu avec beaucoup de stimulations extérieures. C’est
le cas notamment dans la rue ou dans le métro. Il existe une méfiance constante à l’égard des
personnes étrangères. Il y a une réelle conscience des troubles, en particulier de l’épisode aigu
à l’origine de l’hospitalisation. Il raconte très bien comment il se sentait à ce moment là et
qu’il avait l’impression qu’on voulait le tuer. A l’exception du mois ayant suivi son
hospitalisation, il n’y a pas eu de recrudescence de symptômes dépressifs, ni de virage
maniaque par ailleurs. Il n’y a pas non plus d’éléments mettant en évidence une discordance
mentale. Il existe en outre des signes de la lignée anxieuse avec des sursauts au moindre bruit,
des flashs back, des cauchemars répétés, des paroxysmes anxieux.
VI. DISCUSSION :
Comme pour le cas clinique précédent, partons de la discussion du diagnostic de l’épisode.
En ce qui concerne les mécanismes du délire, il est finalement difficile de savoir s’il existait
des hallucinations ou s’il s’agissait d’interprétations très fortes. Si les mécanismes étaient
volontiers multiples, le thème semblait unique, avec un sentiment de persécution général sans
persécuteur exclusif. Le début n’a pas été brutal mais plutôt rapidement progressif. Il existe
un contexte déclenchant mais pas de facteur déclenchant unique. L’adhésion au délire a été
très forte, allant même jusqu’à la défénestration puis fuir l’agression. La réaction affective
face au délire est franchement mélancolique. Il a été émis un doute sur la présence d’une
discordance mentale en début de décompensation. La symptomatologie a duré plus d’un mois
mais moins que deux mois. La réponse au traitement est bonne, ce qui constitue un facteur de
bon pronostic. Le diagnostic de bouffée délirante aigue me semble insuffisant car le début
n’est pas brûtal et la symptomatologie n’est pas polymorphe. Si on se fie au DSM IV, le
54
diagnostic de trouble schizophréniforme convient et met en avant le risque d’évolution vers
une schizophrénie.
En dehors de l’intérêt certains d’établir un diagnostic de l’épisode, l’étude du contexte
de survenue et du contenu du délire présente un intérêt tout particulier pour apporter une
prise en charge personnalisée à ce profil de patients. Le délire est survenu dans une situation
de stress représentée par l’impression pour monsieur S d’être exploité par son patron. En effet,
il s’est retrouvé dans la même situation d’infériorisation que lorsqu’il était enfant chez la
personne qu’il appelle « la dame ». Monsieur S était en stage durant plusieurs semaines et se
retrouvait ainsi face à un stress quotidiennement répété. Le délire est alors apparu
progressivement avec ce fort sentiment d’être surveillé et qu’on voulait le tuer, comme on a
tué ses parents ou d’autres personnes de son ethnie. Le contenu du délire de monsieur S ne
s’est pas construit par hasard mais en fonction des traumatismes de son enfance qui ont été
réactivés par la situation de stress permanente. L’évolution de la symptomatologie donne
raison à cette vision des choses car le délire se réactive à chaque fois que monsieur S se
trouve dans un environnement stressant, comme lorsqu’il y a beaucoup de monde dans la rue
ou encore dans les transports en commun.
Mais pourquoi ce patient y-t-il présenté un délire à ce stage alors qu’il a déjà effectué
des stages auparavant et que cela s’est bien déroulé par ailleurs ? Je pense que l’agression
dont il a été victime au stade de France l’a projeté dans un état de vulnérabilité favorable au
déclenchement du délire. Vu sous cet angle, le vécu extrêmement traumatisant de l’enfance de
monsieur S est complètement lié à la symptomatologie qu’il présente aujourd’hui. Il existe par
ailleurs un syndrome de stress post traumatique (PTSD) évident chez ce patient fait de
symptômes de reviviscence (flashbacks, cauchemars répétés) et de conduites d’évitement des
55
situations anxiogènes. On peut même se demander si on ne pourrait pas intégrer les poussées
délirantes dans le syndrome de répétition. Il existe également des symptômes physiques sans
substrat organique que l’on pourrait intégrer au syndrome post traumatique (douleurs
abdominales récurrentes, étourdissements). Enfin, les signes d’hyperactivité neurovégétative
existent et sont surtout représentés par de nombreux sursauts au moindre bruit. Il est difficile
de dater l’apparition du PTSD. Je n’ai pas voulu trop questionner monsieur S à ce sujet car on
sait que dans les cas de traumatismes multiples et très importants il convient de ne « pas trop
y toucher », au risque sinon de déstabiliser le patient. Mais ces symptômes remontent très
probablement à l’enfance et je pense qu’ils ont été réactivés par l’agression au stade de France.
Quoi qu’il en soit, la prise de conscience du lien entre les traumatismes de l’enfance, le PSTD,
l’agression récente, le déclenchement de ce premier épisode et le contenu du délire a été
capitale dans la prise en charge de monsieur S. En effet, la symptomatologie a commencé à
céder lorsque nous avons rassuré monsieur S et que nous lui avons expliqué pourquoi il était à
l’hôpital. La démarche de réassurance de la part de toute l’équipe a été le traitement majeur de
cet état délirant. Jusqu’à ce moment, la confrontation avec l’équipe et le placement en
chambre d’isolement ont contribué à l’entretien du délire et monsieur S avait intégré l’hôpital
à ce délire, lui rappelant ainsi les traumatismes qu’il avait vécu en prison au Sénégal.
Une fois ce cap de mise en confiance passé, la prise en charge a été plutôt facile. La
pluridisciplinarité en a été une des clés avec, lors de la phase hospitalière, le rôle capital des
infirmières, de la psychologue du service, des ergothérapeutes et même des secrétaires qui
contribuaient au sentiment de sécurité que pouvait ressentir le patient. Passé ce stade, le suivi
au CMP s’est articulé autour du suivi psychiatrique à mes côtés et de la prise en charge par
l’assistante sociale. Tout au long du suivi, la réassurance a eu un rôle central.
56
En ce qui concerne le traitement médicamenteux, je l’ai maintenu à la dose la plus
faible possible, soit 2 mg de rispéridone et 20 mg de paroxétine. Il n’était pas possible de
l’arrêter car à chaque fois que monsieur S sautait une prise il ne se sentait pas bien
(étourdissements, fatigue). Etant donné sa bonne tolérance, nous avons décidé de poursuivre
ce traitement, puisqu’il participait aussi à rassurer monsieur S.
Enfin, le diagnostic de schizophrénie ou de délire chronique de persécution pourrait
presque être porté mais il enfermerait, à mon sens, le patient dans une chronicité qui pourrait
lui être néfaste. Il s’agit plutôt de poussées délirantes récurrentes, survenant dans un contexte
bien particulier.
VII. CONCLUSION :
Le cas de monsieur S est intéressant et riche en deux points qui me semblent essentiels :
•
Tout d’abord, il est l’illustration concrète des liens que peuvent avoir
traumatisme et psychose.
•
Ensuite, il montre une fois encore que l’unique abord nosographique de la
symptomatologie du patient est insuffisant pour assurer une prise en charge
correcte et personnalisée.
57
CONCLUSION
58
L’étude de ces deux cas cliniques m’a particulièrement intéressé car ils viennent
parfaitement montrer le rôle capital que peuvent jouer le stress et les traumatismes psychiques
dans le déclenchement d’un état psychotique aigu.
Les deux cas sont très différents. Nous avons d’un côté une jeune fille occidentale qui
recherche à s’émanciper et qui développe un délire en confrontation à une situation d’impasse
psychique. On assiste alors au déclenchement d’une véritable crise psychotique. De l’autre, il
s’agit d’un jeune homme poly-traumatisé dans son enfance de manière caricaturale et qui, par
réactivation des traumatismes, développe un délire de persécution extrêmement angoissant.
Mais dans les deux cas, la survenue de la symptomatologie peut être qualifiée de réactionnelle
et le contenu du délire s’est construit en fonction du vécu de ces deux individus. Ce sont ces
deux aspects cliniques qui m’ont tout particulièrement inerpellés. Cette vision clinique m’a
permis d’envisager une prise en charge basée sur un abord plus dynamique que nosographique,
même si ce dernier est bien évidemment indispensable.
Enfin et surtout, l’écriture de ce mémoire me conforte plus encore à penser que la prise
en charge d’un patient ne peut se faire de manière dissociée de son histoire.
59
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Encyclopédie Médico Chirurgicale, pages 40-61
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64
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Tableau 1 : épisode psychotique aigu : classifications
p.11
Figure 1 : évolution de l’état psychique d’une personne en état de crise suicidaire
(d’après M. Séguin, psychologue à l’Université du Québec à Montréal)
p.20
Figure 2 : évolution de l’état psychique d’une personne en état de « crise psychotique »
(par analogie à la figure 1)
p.20
Tableau 2 : Mécanismes de défense
(selon l’échelle défensive du DSM IV)
p.24
65
STRESS, TRAUMATISME ET PREMIER EPISODE PSYCHOTIQUE AIGU :
Revue de la littérature et illustration à partir de deux cas cliniques
Dans ce travail, je me suis intéressé à la clinique et au vécu de deux de mes patients, tous
deux ayant présenté, au même âge, un premier épisode psychotique aigu. Je me suis attaché à
comprendre les raisons de leur décompensation. Bien que leurs profils personnel et clinique
soient très différents, les deux ont été accessibles à une prise en charge privilégiant un abord
psychodynamique. Après une étude théorique des interrelations que peuvent entretenir stress,
traumatisme et psychose aigue, ce sont les vignettes cliniques de ces deux patients que j’ai
choisi de présenter car elles illustrent de façon concrète ce qui est avancé dans la première
partie.
MOTS CLES
PREMIER EPISODE PSYCHOTIQUE AIGU-STRESS-TRAUMATISME- ADULTE
JEUNEADOLESCENT-CRISE-PRISE
EN
CHARGE-CLINIQUE-APPROCHE
PSYCHODYNAMIQUE
STRESS, TRAUMATISM AND FIRST ACUTE PSYCHOTIC EPISODE:
Theoric approach and illustration with two clinical cases
At the same age, two of my patients suffered from a first psychotic episode. I tried to
understand the reasons why. In spite of their different personal and clinical aspects, they were
willing to accept a psychodynamic approach of their troubles. The first chapter is a theoric
approach of connections between stress, traumatism and acute psychosis. After that, I point
out what I observed with my patients. I think they both illustrate what is expressed by the first
part of my work.
KEY WORDS
FIRST ACUTE PSYCHOTIC EPISODE-STRESS-TRAUMATISM-YOUNG ADULTADOLESCENT-CRISIS-PSYCHODYNAMIC APPROACH
66
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