PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR Dr Pascale Vergne-Salle Définition de la douleur « Expérience sensorielle et émotionnelle correspondant à une lésion tissulaire, réelle ou potentielle, ou décrite comme telle ». • Ne pas réduire la notion de douleur aux seules causes lésionnelles. • Si la plainte se fait en termes d’un désordre physique, même si celui-ci ne peut être prouvé, il s’agit malgré tout d’une authentique douleur. • séparer les différentes composantes de la douleur Composantes de la douleur • composante sensorielle : Mécanismes neurophysiologiques qui permettent le décodage de la qualité (ex : brûlure, torsion,…), de la durée (brève, continue), de l’intensité et de la localisation de la douleur. • composante affectivo-émotionnelle : Elle confère à la douleur sa tonalité désagréable, pénible, agressive, difficile ou non à supporter. Déterminée par la cause, mais surtout durée et contexte dans lequel évolue la douleur. Cette composante affective peut évoluer vers des états voisins de l’anxiété ou de la dépression. Composantes de la douleur - composante cognitive : Ensemble de processus mentaux susceptibles d’influencer la perception de la douleur : processus d’attention et de diversion de l’attention, interprétations et valeurs attribuées à la douleur, anticipation, références à des expériences douloureuses antérieures, … - composante comportementale : Ensemble des manifestations verbales et non verbales observables chez la personne qui souffre (ex : postures antalgiques, impossibilité de maintenir un comportement normal,…). Douleur aiguë Douleur chronique transitoire > 3 à 6 mois Signal d’alarme Utile et protecteur Participe au diagnostic unifactorielle Inutile destructrice symptôme Douleur-maladie Traitement étiologique et curatif Stratégie plurimodale Traitement réadaptatif plurifactorielle Douleur aiguë A chaque étape, il existe des mécanismes d’amplification de l’influx douloureux, mais également de frein physiologique NOCICEPTEURS PERIPHERIQUES • Nerf sensitif : fibres de la sensibilité normale (épicritique, proprioceptive) et fibres véhiculant essentiellement des messages douloureux. • Fibres sensibilité normale: grosses fibres Aα et Aβ myélinisées: – – – – Déclenchement automatique Nature, intensité et lieu d’origine de l’info sensitive Conduction rapide Projection dans les couches profondes (III et IV) de la corne post de la moelle NOCICEPTEURS PERIPHERIQUES • Fibres nociceptives: Terminaison libre = nocicepteur – Fibres Aδ: petit diamètre, peu myélinisée, influx généré par des stimuli intenses mécaniques, vitesse de conduction lente Douleur localisée et précise – Fibres C: de plus petit diamètre, non myélinisées, vitesse encore plus lente Douleur diffuse plus tardive 60 à 90 % des fibres cutanées et la quasi-totalité des fibres viscérales SUBSTANCES CHIMIQUES AU NIVEAU DU NOCICEPTEUR • Différentes substances sont libérées au sein des tissus endommagés (bradykinine, histamine, sérotonine, PGs, ions H+ et K+) d’origine vasculaire (plaquettes, neutrophiles, lymphocytes, macrophages, …) • Ces substances agissent: – Par activation directe des nocicepteurs – Par sensibilisation des nocicepteurs (abaissement du seuil d’activation) à différents stimuli • Conséquences: inflammation, œdème, vasodilatation avec afflux d’autres cellules sanguines de l’inflammation Terminaison libre d’une fibre C H+ K+ ATP Lésion & inflammation kininogènes kallicréine Phospholipides membranaires Acide arachidonique Dégranulation des mastocytes Agrégation plaquettaire COX-2 bradykinine Histamine sérotonine PGE2, PGI2 TNF-α→ IL-1, IL-6, IL-8 NGF Leucotriènes SP, CGRP CONTRÔLE DE LA DOULEUR AU NIVEAU MEDULLAIRE • Relais avec un 2nd neurone au niveau de la corne post de la moelle. • Le 2nd neurone croise la ligne médiane et forme différents faisceaux: spino-thalamique et spino-réticulo-thalamique. • Médiateurs mis en jeu dans la moelle: – Nombreux peptides: substance P (mais aussi CGRP, somatostatine, neuropeptides, galanine, VIP, CCK, neurokinines A et B, …) – Acides aminés excitateurs: Aspartate, glutamate – Acides aminés inhibiteurs: GABA et glycine – Le monoxyde d’azote: NO – Les métabolites de l’acide arachidonique: prostaglandines et leucotriènes – Les opioïdes endogènes – Les mono-amines: sérotonine et noradrénaline FILTRATION DU MESSAGE DOULOUREUX AU NIVEAU MEDULLAIRE • Message douloureux = filtré de façon constante ⇒ théorie de la porte ou « gate control » (Melzack et Wall) • Stimulations des fibres Aδ et C peu importantes: blocage du message douloureux dans la corne post de la moelle • Au-delà d’un certain seuil d’excitation des fibres de la douleur: le filtrage est dépassé et transmission du message douloureux • Mécanisme: les fibres Aα et β bloquent le passage du message douloureux par l’intermédiaire d’interneurones inhibiteurs SCHEMA DU CONTRÔLE DE LA PORTE I = interneurone inhibiteur T = cellule de transmission ou neurone secondaire Aα, Aβ Afférences Aδ, C Système du GATE CONTROL - + T I - + - + VOIES SUPRASPINALES ET CEREBRALES • Les neurones secondaires croisent la ligne médiane de la moelle et remontent en formant différents faisceaux: – Fibres rejoignant directement le thalamus: faisceau spino-thalamique – Fibres rejoignant indirectement le thalamus après un ou plusieurs relais dans le tronc cérébral ou mésencéphale: faisceaux spino-réticulo-thalamique ou spinomésencéphalique • Les fibres aboutissent dans le thalamus latéral (aspect sensori-discriminatif de la douleur) ou thalamus médian (aspect émotionnel de la douleur et réactions motrices) VOIES SUPRASPINALES ET CEREBRALES Au niveau cortical, projections des neurones vers: – Cortex somesthésiques primaire et secondaire: aspect sensoridiscriminatif – Les cortex cingulaire, insulaire et le système limbique: rôle dans les aspects affectifs et émotionnels de la douleur LES CONTRÔLES INHIBITEURS DESCENDANTS • Neurones monoaminergiques et peptidergiques provenant du tronc cérébral (noyau du raphé magnus, locus coeruleus, substance grise périaqueducale) et descendant dans chaque segment de moelle • Inhibition de la transmission du message douloureux dans la corne post de la moelle • Intervention de la sérotonine et noradrénaline (mécanisme d’action des antidépresseurs) Douleur chronique Synapse entre afférence nociceptive et neurone secondaire Sensibilisation centrale Récepteur métabotropiqueProtéine G Afférence nociceptive + Glutamate Peptides: Substance P CGRP AMPA NMDA Expression de gènes Ca 2+ WINDUP Hyperalgésie PGs NK1 NO Neurone secondaire de la corne dorsale Altération des mécanismes de contrôle de la douleur Deux grands types de douleur A - Douleur par excès de nociception Augmentation du message douloureux dans un système nerveux normal Le filtrage médullaire est dépassé ex : - hyperstimulation cutanéo-muqueuse (coupure) - contraction de la paroi d’un viscère (douleur viscérale) - compression tumorale - ischémie musculaire Conséquences thérapeutiques : - blocage du message nociceptif (morphine) :↓ du seuil de décharge des neurones de la corne postérieure - antagoniser les substances algogènes (ex : AINS, antalgiques) Deux grands types de douleur B - Douleur neuropathique a) correspond à une lésion du système nerveux périphérique avec une levée d’inhibition des grosses fibres détruites. Plus de filtrage médullaire. ex : douleurs des neuropathies périphériques, mb fantôme, névralgie du V, névrome, douleurs post-zostériennes, ... Conséquences thérapeutiques : - stimuler les grosses fibres du voisinage (neurostimulation) - utilisation des anti-épileptiques (diminution du seuil d’excitabilité neuronale) - utilisation des anti-dépresseurs ETAT BASAL = ABSENCE DE DOULEUR DOULEUR NEUROPATHIQUE Système excitateur > Système inhibiteur Deux grands types de douleur B - Douleur neuropathique b) Les lésions du système nerveux peuvent être centrales : - douleurs cordonnales postérieures par atteinte de la moelle - douleurs thalamiques par lésions du thalamus ex : SEP AVC thalamique paraplégie. Caractéristiques des douleurs neuropathiques • Survenue après un intervalle libre variable, de quelques jours à plusieurs années, après la lésion causale • Topographie douloureuse systématisée: tronculaire, radiculaire … • Caractéristiques séméiologiques propres • souvent associées à un déficit sensitif systématisé • Traitements spécifiques Topographie systématisée de la douleur Exemple d’une lésion médullaire Caractères séméiologiques communs Douleur provoquée Douleur spontanée Continue Paroxystique Superficielle Æ Brûlure Décharges électriques Coups de poignard Profonde Élancements Æ Étau Allodynie Dynamique Hyperalgésie (frottement cutané) Chaud Statique Froid (pression) Piqûre Thermique Association très fréquente à des paresthésies et dysesthésies