La logistique, démarche(s) et organisations. Analyse des réalites

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Logistique & Management
La logistique, démarche(s) et organisations.
Analyse des réalites logistiques
de l’établissement aérospatiale de saint-nazaire
et prospectives.
Georges FASSIO
Centre d’Etudes et de Recherche en Logistique - Université de Nantes
IUT de Saint-Nazaire
Alain DENIER
Responsable de l’unité de service Logistique - Ville
Etablissement Aérospatiale de Saint-Nazaire
Après avoir recensé les démarches ayant permis le développement de la démarche
logistique Aérospatiale-Aéronautique et identifié les champs de cette démarche,
nous étudions les réponses de l’Etablissement de Saint-Nazaire comme institution
entrepreneuriale capable de s’organiser logistiquement pour relever les défis que
sont la maîtrise des flux, des cycles et des délais, des coûts et la qualité, en associant
clients et fournisseurs à sa démarche. Nos analyses nous amènent à concevoir la
logistique comme une démarche et une organisation visant à ajouter de la valeur
aux produits.Elles nous conduisent aussi à nous interroger sur la pérennité de
l’organisation Logistique eu sein même de l’entreprise. Organisation au service des
organisations Production et Ventes, ces dernières peuvent être tentées de
s’approprier une démarche qui ne s’est pas dotée d’outils spécifiques.
La logistique est-ce une ou des démarches ?
Est-ce une ou des organisations ?
A un premier stade de développement, est-elle
nécessairement une ou des démarches pour
devenir ultérieurement, une ou des organisations sans pour autant cesser d’être une ou des
démarches ?
La logistique, peut-elle redevenir une démarche alors qu’elle est devenue une organisation officielle et concentrée, puis, ou une
organisation officielle distribuée (20) ?
L’exploitation de la littérature scientifique
nous aurait très probablement permis d’argumenter un point de vue. Il nous est apparu intéressant d’étayer notre réflexion à partir du
Vol. 5 – N°2, 1997
développement de la fonction Logistique d’un
grand groupe industriel français, l’Aérospatiale et plus particulièrement, de sa branche
Aéronautique, à travers l’expérience pilote
d’un établissement, celle de l’établissement
de Saint-Nazaire. Deux unités logistiques ont
été créées le 1er octobre 1994, l’établissement
coordonnant les activités de deux usines, sur
deux sites distants de quelques kilomètres.
Est-ce pour autant affirmer que la logistique
n’existait pas comme démarche structurée,
comme “une démarche organisationnelle”
(19) dans cet établissement, avant cette date
d’officialisation ? Non. Cependant, dans cet
établissement, les réalités logistiques ne sont
probablement plus aujourd’hui ce qu’elles
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étaient avant leur institutionnalisation par
deux “unités de services” ? Cet article essaie
encore de répondre à une autre question. La
logistique y est-elle concentrée, répartie ou
distribuée, voire fragmentée ?
1 - Les origines
“aérospatiales-aérostructures”
de la logistique
Le groupe Aérospatiale est, en 1996, structuré
en fonction de ses activités en trois branches :
Espace & Défense, Aéronautique, Hélicoptères et une division : Missiles. La branche Aéronautique regroupe notamment le centre
opérationnel Aérostructures qui fédère les activités des cinq sites industriels de Blagnac
(Toulouse), Méaulte, Nantes, Saint-Eloi (Toulouse) et Saint-Nazaire. En 1995, les activités
Avions qui regroupent toutes les activités des
centres opérationnels de la branche Aéronautique, se sont quantifiées à 24,648 milliards de
francs (23,334 milliards en 1994) de chiffre
d’affaires. Est-ce pour autant satisfaisant ?
Dans l’industrie aéronautique civile, les succès d’hier ne garantissent pas les résultats
d’aujourd’hui, même s’ils n’hypothèquent
pas ceux de demain.
Ne pas hypothéquer demain, c’est relever le
défi d’aujourd’hui. Ce défi, c’est l’hypercompétition ; une hypercompétition qui se
joue dans l’industrie aéronautique civile sur
les prix, les cycles de personnalisation et la
gamme des produits.
Vouloir relever le défi du prix, c’est agir pour
réduire et maîtriser les coûts. Aussi, c’est
s’organiser différemment pour réduire et maîtriser les cycles et l’acheminement des biens
d’un cycle à l’autre. Relever le défi des produits, c’est concevoir, fabriquer et assembler
des produits qui satisfont les exigences des
clients. Satisfaire les clients, ce n’est probablement pas concevoir et développer des produits sans discerner les réelles attentes des
clients, les attentes des compagnies aériennes.
Dans l’aéronautique civile, il n’existe pas des
marchés. Seuls existent des clients. Cette réalité a d’autant plus de mal à être acceptée
“dans les industries à forte dimension produit” comme l’aéronautique, l’électronique,
... (29). Relever le défi du prix mais aussi ceux
de la qualité, des cycles et délais, c’est pour un
établissement industriel muter vers une culture économique et sociale qui se matérialise
nécessairement par des objectifs de performance exprimant une volonté de progresser
dans les dimensions qualité, cycles et coûts,
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sans pour autant négliger la flexibilité pour
adapter l’offre rapidement à une demande
toujours plus différenciée, inconstante. Etre
flexible, c’est pour l’Aérospatiale-Aérostructures parvenir aux mêmes performances,
voire être meilleure que Boeing (élaborer un
avion en 6 ou 8 mois selon les types, réduire
les coûts de 25 % ; deux objectifs annoncés
par Bœing en 1993). C’est aussi en réduisant
les temps entre la commande ferme et la livraison de l’appareil, réduire le nombre des
modifications que les clients ne manqueront
pas de demander.
Ainsi, comme toute entreprise, l’Aérospatiale
est confrontée à des problèmes d’adaptation à
son environnement. Il lui appartient d’agir
pour être plus performante demain qu’aujourd’hui. Agir suppose qu’elle développe ses ressources humaines pour que celles-ci soient
capables de s’adapter et d’évaluer les dimensions de leurs performances.
Etre performant, c’est aujourd’hui selon les
théories économiques libérales, moins subir
en termes économiques (licenciements, pertes
financières, ...) les conséquences de cette
conjoncture qui perdure et qui a été baptisée
“crise”. Serge Dassault, PDG de Dassault
Aviation (1993), identifie les réalités sous- jacentes à ce terme dans le secteur de l’aéronautique : “... la crise est en fait une inadaptation
des produits à la clientèle, ainsi qu’une mauvaise prévision des capacités de production
nécessaires et une gestion financière imprudente”.
Seule, la seconde réalité évoquée est du
champ d’action d’un établissement de production. Il s’agit pour un établissement non
pas de réviser les prévisions d’activité en
fonction des commandes des clients, il existe
un Plan de Fabrication Echéancé (PFE) actualisé et réactualisé en fonction des clauses des
négociations commerciales, mais d’adapter
l’outil de production aux réalités des ventes.
Autrement dit, la performance pour un établissement de production s’exprime moins en
termes d’efficacité qu’en termes d’efficience.
Pour un établissement industriel, il s’agit
moins dans une conjoncture difficile, de parvenir à réaliser x quantités de produits que de
fabriquer ces produits au moindre coût, en
maîtrisant leur qualité, en respectant les délais
contractuellement négociés avec les clients.
La performance s’exprime par conséquent en
termes d’efficience, c’est-à-dire en niveaux de
consommation. Il s’agit de mettre en place au
juste niveau, les ressources indispensables
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(hommes, moyens matériels, intrants, ...) pour
réaliser les produits.
Produire seulement ce qui est vendu en
consommant au plus juste sans remettre en
cause les contraintes que sont la qualité et les
délais contractualisés, suppose de se doter
d’objectifs matérialisant des démarches d’accompagnement et de s’organiser en conséquence.
2 - La logistique comme
démarche
2 - 1 - Les prémisses de la démarche
logistique : quelques démarches
d’accompagnement des personnels
A l’Aérospatiale-Aérostructures, la démarche
logistique s’articule sur la démarche industrielle.
La démarche industrielle naît en 1988 après des
succès commerciaux. Il s’agit d’augmenter la
production d’avions en réduisant leurs coûts de
production ; l’unité de mesure étant alors
l’heure / kg. Pour y parvenir, le groupe doit se
recentrer sur ses métiers spécifiques, ceux d’un
avionneur. Alors que plusieurs établissements
exerçaient un même métier, il convient désormais de spécialiser les établissements par
métier. Deux établissements ne pourront plus
exercer le même métier. Aussi, il convient non
seulement d’organiser la réalisation des différents intrants d’un avion à partir de sites spécialisés en les industrialisant mais d’organiser
l’assemblage du produit final en maillant les
échanges entre sites. Cette nouvelle organisation suppose encore de développer un système
d’information inter-sites comme de multiplier
les échanges physiques inter-sites. La démarche Juste A Temps (JAT) incite à la réalisation
des objectifs : réduire les coûts, les cycles, être
plus réactif.
A la démarche industrielle s’est greffée la démarche Qualité. En 1990, l’Aérospatiale-Aérostructures vise à garantir le zéro défaut au
moindre coût alors que l’augmentation des cadences exige la mise en place de processus industriels de série. Obtenir la qualité à moindre
coût comme réduire le coût de la non-qualité
supposent de s’organiser pour assurer la qualité.
Maîtriser les processus de production et administratifs, faire en sorte que chaque acteur
prenne en considération lors de l’exécution les
exigences de qualité, sont les deux axes d’action
à partir desquels se concrétise la démarche.
Si les établissements doivent communiquer
afin de maîtriser et de réduire les cycles de fa-
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brication, d’assemblage et d’acheminement
des biens tout en obtenant la qualité requise, il
appartient au centre Aérostructures d’harmoniser le système d’information des usines de la
branche Aéronautique ; celui-ci interagissant
avec les flux physiques.
Maîtriser les délais suppose très concrètement
de maîtriser non seulement l’échange
d’informations mais aussi l’échange physique
des différents intrants permettant en fin de
cycle, l’assemblage final des produits.
Maîtriser les flux révèle le besoin d’une démarche qui garantit leur acheminement physique dans les délais et la qualité exigés.
Aussi, la démarche logistique se formalise.
Des procédures sont écrites. Il est demandé
aux différents acteurs de s’y conformer.
2 - 2 - Les champs de la démarche logistique
En créant en 1994 la fonction Logistique, la
branche Aéronautique précise : “... la fonction
logistique regroupe des activités relatives à
l’ordonnancement et à l’approvisionnement
(hors négociations financières) des matières,
semi-équipements, équipements, pièces et
sous-ensembles avions réalisés en interne dans
nos unités ou en externe par nos fournisseurs”.
Plus opérationnellement, la démarche logistique Aérostructures identifie trois champs
d’action pour ses personnels.
Une logistique d’ordonnancement (approvisionnement) dont la responsabilité est de contribuer à la réduction des cycles de fabrication
en approvisionnant au plus juste (maîtriser les
niveaux de stocks) et juste à temps (réduire les
cycles) les unités opérationnelles, des éléments dont elles ont besoin, à l’exception de
certains biens communs (par exemple, les
rivets) à plusieurs unités ou sites, tout en veillant à réduire les coûts (administratifs, financiers, liés aux structures).
Une logistique d’acheminement (réduire les
temps entre les cycles, participer à un approvisionnement de qualité) recouvre les opérations physiques que supposent le transport, le
dédouanement, la réception, le stockage, la
préparation, les expéditions, la distribution
aux postes de travail.
Une logistique contractuelle dont les principaux champs sont : négocier les conditions
d’achat, rédiger les conventions générales logistiques (notamment, assurer la qualité des
transports, leur traçabilité), agir auprès des
fournisseurs afin de tendre les flux (réduire
leurs cycles d’approvisionnement, réduire
leurs niveaux des stocks amonts et minimiser
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leurs frais financiers) tout en s’assurant de la
qualité des produits acheminés vers les unités
opérationnelles de fabrication pour éviter les
contrôles “qualité” lors de la réception.
Aussi, dans ses différents champs, il appartient à la fonction logistique de réduire les
stocks, les en-cours en minimisant leurs temps
d’attente entre deux transformations (22) et
les cycles.
Réduire les cycles, c’est tendre et accélérer les
flux tant internes qu’externes à l’usine.
Réduire les cycles en interne, c’est rendre
moins nombreuses les interfaces entre processus de travail au sein d’une même unité
comme entre plusieurs unités. En d’autres termes, c’est simplifier les boucles d’acheminement des biens physiques entre processus
de fabrication et de montage industriels pour
éviter toute rupture de charge, toute rupture de
responsabilité. C’est aussi faciliter la communication entre acteurs en développant un langage commun, direct ; en utilisant des outils
de communication compatibles entre eux.
C’est encore réduire la complexité des procédures, “faire simple” (13).
Réduire les cycles en externe, c’est contractualiser avec les fournisseurs et sous-traitants,
avec tous les acteurs (transporteurs, douanes,...). C’est aussi s’organiser pour amener
les fournisseurs et les sous-traitants à mieux
maîtriser leurs propres cycles d’ordonnancement, de fabrication et d’acheminement ;
l’outil de progrès approprié étant un audit
régulier de leurs réalités logistiques. C’est encore mettre en place des “solutions logistiques” adaptées aux exigences des clients avec
les autres établissements de la branche Aéronautique, les partenaires (DASA, ...), les fournisseurs et sous-traitants (industriels et
transporteurs). C’est étendre “le sens de la
relation Client-Fournisseur” (13) en aval de sa
propre intervention afin d’assurer à ses propres acteurs de meilleures conditions d’application de cette relation en interne.
Si les missions de la fonction Logistique,
sont : réduire les niveaux des stocks, les
en-cours (des temps de travail cumulés mais
non actifs, 22), les cycles et les délais d’acheminement des biens physiques, la fonction
Logistique ne s’est pas façonnée des outils
spécifiques pour mener à bien ses missions ; à
l’exception de quelques logiciels qui empruntent cependant la logique d’optimisation de
l’outil mathématique. Aussi, aujourd’hui, certains responsables logistiques s’interrogent :
“la logistique, est-ce bien une démarche ?”
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Une démarche, c’est “un ensemble de moyens
mis en œuvre pour atteindre un but” (41). Si la
logistique pour mener à bien ses missions,
emprunte maints outils à d’autres démarches,
il n’est cependant pas requis d’après la référence citée ci-dessus qu’il appartient à une démarche de façonner ses propres outils. Ce qui
nous semble déterminant pour identifier que
des pratiques, des actions constituent une démarche, c’est que ces actions visent à “atteindre un but”. Or, la logistique poursuit bien
un but : écourter les cycles et les temps de non
travail entre les cycles du processus logistico-industriel : gestion des commandes - ordonnancement - achats - production livraison - client livré (29), éviter ses ruptures.
Agir pour que ces cycles puissent être écourtés et fiabilisés, plus spécifiquement en intervenant pour garantir les délais et la qualité des
acheminements intra et inter-organisationnels
des biens physiques, nous semble deux préoccupations complémentaires qui attestent que
la logistique est bien une démarche. Une démarche plutôt que des démarches car ce qui
nous semble déterminant une nouvelle fois
pour qualifier des pratiques diversifiées de
“démarche”, est la volonté d’atteindre des objectifs de même perspective ; en l’occurrence,
pour la logistique : mieux maîtriser le temps
dans le cadre d’une logique de coopération
plus vaste articulée sur la relation
client-fournisseur
3 - L’organisation logistique
3 - 1 - Champs logistiques et réalités organisationnelles de l’Etablissement de
Saint-Nazaire
S’il existe trois champs logistiques, il n’existe
qu’une unité de services logistiques par site ;
le site étant l’unité géographique reconnue par
la démarche industrielle. Or, chaque unité de
services logistiques par ses activités n’assure
pas la totalité des activités logistiques liées
aux activités d’un établissement industriel.
L’effectif de la fonction logistique regroupe
non seulement les effectifs des deux unités de
services logistiques de l’établissement de
Saint-Nazaire mais aussi d’autres personnes
détachées hiérarchiquement au sein des
différentes unités opérationnelles de l’établissement ; ces personnes restant fonctionnellement attachées à l’un des deux responsables
des unités de services logistiques de l’établissement. Un responsable en charge aussi des
achats généraux, dirige et coordonne toutes
les activités logistiques, y compris celles des
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deux responsables des unités logistiques.
Aussi, aujourd’hui, seuls deux niveaux d’encadrement supérieur permettent à l’établissement de fonctionner.
La logistique d’ordonnancement
Elle est déléguée par la présence de logisticiens rattachés hiérarchiquement au responsable des lignes de produits, au responsable de
l’unité opérationnelle. Il appartient notamment à ces logisticiens de prendre les décisions opérationnelles liées aux cycles,
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manquants, stocks, en-cours, consommations
de l’unité opérationnelle. A ce titre, ils planifient, pilotent et régulent les relations fournisseurs - unité opérationnelle de fabrication.
Ainsi, ils assurent la production les flux
d’approvisionnement en matières, pièces,
sous-ensembles, ... En amont, ils sont par
conséquent responsables de la gestion des besoins de l’unité et de l’acte de commande. En
aval, ils sont responsables de l’information et
de la mise à disposition des produits aux utilisateurs de l’unité à laquelle ils sont rattachés.
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En interne, leur mission est par application
des conventions, de faciliter la mise en place
des dispositions logistiques “flux tendus”.
La logistique d’acheminement
Elle est de la responsabilité des deux unités de
services logistiques.
En un même lieu, en amont à l’opération de
transformation, il leur appartient de gérer les
flux physiques en organisant la réception des
pièces en kits ou en appel kanban. Selon les
produits, elles assurent leur acheminement
jusqu’aux lignes de produits des unités opérationnelles ou leur stockage en magasin central
ou en plates-formes de regroupement.
En aval de l’opération de transformation, il
appartient à ces unités de conditionner et
d’emballer les pièces ou produits à expédier,
d’accomplir les formalités de transport, de regrouper ces pièces ou produits en colis puis en
unités de manutention, de concevoir le plan de
chargement et de coordonner le transport jusqu’aux clients dans le respect des délais et en
s’assurant de la qualité du service. Avec le
projet Porthos, l’objectif est de mettre à disposition auprès des centres opérationnels des autres sites, les produits en 48 heures mi-1997
(72 heures en 1995, 60 heures en 1996). Ce
temps de transit inter-établissements devient
l’un des principaux indicateurs de performance des unités de services logistiques. Ici,
les flux physiques pilotent, grâce à l’utilisation de terminaux “code à barres”, les flux
d’information en temps réels. L’existence du
produit à livrer appelle la préparation du dossier.
Dans le cas d’une livraison de fournisseur à
client en interne, c’est-à-dire d’une unité opérationnelle de fabrication à une autre unité
opérationnelle de fabrication ou/et d’assemblage, la gestion des flux d’information est de
la responsabilité des logisticiens détachés.
Quant à l’acheminement des flux physiques, il
est de la responsabilité des unités de services
logistiques.
En fait, il appartient à leur responsable de
structurer la logistique physique en définissant des processus logistiques (objectif : simplifier les flux), en organisant les flux matières
et produits intermédiaires (objectifs : réduire
les stocks et les en-cours) qui, selon les cas, répondent ou commandent les flux d’information.
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d’alliances entre acteurs de la filière aéronautique.
La chaîne de production, du choix des matières premières jusqu’à l’assemblage final,
concourt à la qualité du produit. Mieux maîtriser l’interface entre les sites de production et
leurs fournisseurs et sous-traitants permet de
réduire les cycles de fabrication mais aussi
d’abaisser les coûts et d’améliorer la qualité
des produits et prestations fournisseurs. Aussi, l’Aérospatiale-Aérostuctures a décidé
d’impliquer fournisseurs et sous-traitants
dans la démarche Green Loop ou “Boucle
Verte” (avancer sans feux rouges).
Green Loop, c’est la démarche “flux tendus”
des établissements industriels du centre opérationnel Aérostructures. Elle cherche à faire
évoluer l’organisation des flux d’un modèle
de flux poussés à un modèle de flux tirés en
privilégiant des solutions logistiques d’approvisionnement où les commandes sont déclenchées par les clients. Elle s’étaye sur une
nouvelle façon d’échanger en réseau de
l’information, la commande traditionnelle est
remplacée par un plan d’approvisionnement
émis à fréquence fixe et par des appels de livraison suivant les besoins (12) avec des outils
de communication informatisés (EDI) ; ceci,
dans un cadre contractuel à la fois commercial
et de progrès. Commercial, il s’agit de sélectionner un nombre limité de fournisseurs et de
pérenniser par convention, cet échange. De
progrès car il s’agit d’analyser les cycles en
identifiant les gains possibles tant chez les
fournisseurs qu’en interfaces et de déterminer
des cycles- objectifs afin de diminuer leur
durée par 3 en 4 ans, de définir des plans de
progrès et d’en mesurer les résultats. En effet,
co-signer les Conditions Générales Logistiques (CGL) en annexe du contrat d’achat,
c’est avoir accepté des engagements réciproques (cycles d’appel, durées d’horizon des
plans d’approvisionnement, objectifs de cycles de fabrication, ...), pour tendre et fiabiliser les flux physiques et d’information mais
encore, abaisser les coûts . C’est aussi
s’engager à échanger des informations sur
tous les produits grâce à un outil d’EDI. Cette
démarche cherche encore à étendre la
démarche d’Assurance Qualité Produit et
Fonctionnement au-delà de la structure Aérostructures vers ses fournisseurs et sous-traitants.
Une logistique contractuelle
Ce troisième champ est de la responsabilité de
la fonction logistique.
Elle concrétise la volonté de l’Aérospatiale-Aérostructures de tisser un réseau
Ce “partenariat industriel” qui développe et
surtout, organise des relations de coopération
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entre acteurs d’une filière “naît de préoccupations logistiques” (34) : tendre les flux entre
les fournisseurs, les sous-traitants, l’entreprise et ses clients.
En fait, c’est grâce aux procédures logistiques
“Green Loop”, agir pour étendre la gestion
des flux physiques en juste à temps au-delà
des flux intra-établissement ; une norme généralement admise pour évaluer la performance
ou la non-performance logistique d’une organisation. Green Loop entend étendre cette
norme de gestion aux relations que tisse
l’établissement avec ses fournisseurs et
sous-traitants. Green loop incite par ailleurs
chaque unité opérationnelle ou de services du
centre Aérostructures à s’identifier comme
fournisseur des autres unités du centre.
En contractualisant les échanges inter-entreprises en amont du cycle fabrication-assemblage, la démarche Green Loop nous semble
illustrer le concept d’"entreprise étendue”.
L’Aérospatiale s’engage elle-aussi avec ses
clients à contractualiser des échanges de
même type.
3 - 2 - Coordination des réalités logistiques
ou l’organisation au service des flux
Il faut encore noter qu’il existe pour
l’Aérospatiale-Aérostructures, un “central”
Achats à Toulouse, chargé de négocier les
conditions générales après consolidation des
besoins exprimés par chaque site et partenaire. Il appartient aussi à ce central de
coordonner les achats de familles d’articles
multi-consommateurs en fonction des besoins
exprimés le plus tardivement possible par les
unités de fabrication. Cette organisation est
devenue possible et performante en termes
d’économies monétaires grâce à l’échange de
données informatisé. Il appartient encore à ce
central, en partenaire avec le central Production, de coordonner les activités des entités logistiques au niveau du centre opérationnel
Aérostuctures.
Cette entité organisationnelle a pour mission
de faire vivre la fonction logistique au service
des unités opérationnelles, notamment en
concevant les règles et procédures logistiques
générales applicables par les différentes unités logistiques ; en réalisant des audits
d’application de ces règles et procédures ; en
développant les outils logistiques.
Aussi, est-ce à trois niveaux que l’organisation logistique est structurée, coordonnée
: le centre Aérostructures, les unités de services logistiques, les unités opérationnelles de
fabrication et d’assemblage ; les deux derniers
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niveaux appartenant à la structure Etablissement.
Dans les établissements, outre les activités du
champ de la logistique d’acheminement, les
unités de services logistiques assurent les
commandes des produits consommés par
plusieurs unités. Elles assument en toute responsabilité, la logistique contractuelle, l’application des méthodes, des outils et des
solutions logistiques, en s’assurant de leur cohérence.
Pour être synthétique, la logistique
d’ordonnancement des unités opérationnelles
de production et la demande d’acheminement
inter-unités d’un même site, sont de la responsabilité du responsable de l’unité opérationnelle. Pourquoi ? Jacques Crusson, directeur
de l’établissement de Saint-Nazaire (Le Journal, oct. 1995) rappelle la conception de
l’organisation du centre opérationnel Aérostructures et explique : “Je crois beaucoup au
concept de la petite entreprise, aussi autonome que possible, dans la grande. Ainsi
chaque unité négocie chaque année avec la direction son propre contrat de performances,
doté d’objectifs”.
Quant aux logistiques d’acheminement intra
et inter-sites et contractuelle, elles sont de la
responsabilité de la fonction logistique de
l’établissement qui les délègue aux responsables des unités de services logistiques des sites.
Gérer les interfaces tant internes qu’externes
entre les établissements Aérostructures et ses
fournisseurs pour mieux servir les clients
finals, c’est au-delà d’industrialiser la production, organiser l’entreprise étendue en privilégiant une dynamique transversale, l’organisation en processus. C’est par conséquent
rompre avec une organisation structurée à
partir de l’identification de fonctions-types
officialisant la division du travail. Organiser
transversalement pour élaborer un produit auquel sont associés des besoins exprimés par
les clients (délais de livraison plus courts, personnalisation de certaines fonctions attachées
au produit, ...) soulève le problème de la coordination de l’élaboration du produit.
Pour élaborer un produit aussi complexe
qu’un avion ce qui semble déterminant, c’est
la coordination des relations inter-organisationnelles non seulement au sein du groupe
mais entre le groupe et d’autres entreprises
partenaires (fournisseurs, sous-traitants et associés). Aussi, aujourd’hui, les structures
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“s’adaptent aux relations inter-organisationnelles” (40).
L’organisation Logistique en assurant
l’échange physique des biens est l’acteur déterminant de cette coordination intra et inter-organisationelle.
Aujourd’hui, l’organisation AérospatialeAérostructures en privilégiant l’élaboration
de ses produits à partir d’une chaîne de processus logistico-industriels (29) décentralisés, initialisée par son Plan de Fabrication
Echéancé (PFE), cherche à coordonner la réalisation de ses produits en fonction des spécifications et modifications de ses clients. Elle
cherche ainsi à maîtriser l’élaboration de ses
produits à partir de flux d’information, les demandes des compagnies aériennes. Ici, les
flux d’information commerciaux dominent au
moins tardivement, aussi faut-il retarder la
spécification des produits le plus en aval possible de leur réalisation, les flux physiques.
3 - 3 - Essai de catégorisation de
l’organisation logistique du centre opérationnel Aérostructures
A ce stade de notre analyse nous sommes en
droit de nous interroger si l’organisation logistique de l’Aérospatiale, et plus spécifiquement celle du centre Aérostructures est
centralisée, répartie, distribuée, voire fragmentée, sans pouvoir approfondir faute
d’espace si la logistique dans l’organisation
est animée par une coordination de type
“émergente spontanée” ou de type “délibérée
volontaire” (20).
Cette organisation ne nous semble guère centralisée même si la négociation des conditions
financières, même si certains achats restent de
la compétence d’une unité spécialisée des
centres opérationnels Airbus et ATR, si enfin
une autre entité du centre Aérostructures a
pour mission d’élaborer des règles et des procédures logistiques applicables par l’ensemble des entités du centre opérationnel.
Est-elle fragmentée ou est-elle distribuée pour
servir une organisation industrielle cherchant
à responsabiliser toutes les unités de la
branche Aérostructures ?
L’établissement industriel ou par délégation le
site, si l’établissement regroupe deux sites
comme à Saint-Nazaire, prend en charge les
logistiques d’acheminement et contractuelle.
Quant aux unités opérationnelles de fabrication et d’assemblage, organisées comme de
petites entreprises, comme des centres de profit avec un suivi mensuel des réalisations en
132
termes d’activité et de coût dénommé “contrat
d’unité”, elles prennent en charge la logistique d’ordonnancement et décident des acheminements intra et inter sites.
En 1996, l’organisation Aérospatiale-Aérostructures officialise bien un partage des activités logistiques entre différentes unités dont
certaines d’entre-elles, les unités de fabrication et d’assemblage, n’ont pas pour mission
principale d’assumer des responsabilités logistiques. S’il est détaché des “logisticiens”
dans chaque unité de production, c’est que la
fonction logistique est une fonction de gestion
des interfaces entre entités organisationnelles
ayant dans l’entreprise des missions, des objectifs et des activités différents. A. Desreumaux (15) constate : “la grande entreprise est
remplacée par une sorte de système de socio-entrepreneurship, c’est-à-dire une coalition d’individus ou de petites entités
distinctes, travaillant ensemble à un but ou à
un objet commun”.
L’organisation Aérospatiale-Aérostructures a
bien pour unité de base aujourd’hui, les Unités
Opérationnelles (UO) et de services (US) qui
sont autant de structures entrepreneuriales (un
responsable et des collaborateurs évalués notamment à partir des objectifs de réalisation et
de coût quantifiés dans le contrat d’unité) reconstituant des conditions de fonctionnement
(pas plus de deux niveaux hiérarchiques, sans
frontières internes entre métiers, responsables
de leurs approvisionnements, de la qualité des
produits, des temps des cycles de fabrication
préalablement négociés à partir de relations
s’inspirant d’une logique de prestations de
fournisseurs à clients, ...) analogues à celles
d’une PMI-PME (un effectif entre 100 et 200
personnes).
Aussi, cette organisation plurielle aux responsabilités distribuées à laquelle participe
l’organisation logistique comme gestionnaire
privilégiée des interfaces, se coordonne non
pas par directives mais par des coopérations
d’individus rattachés hiérarchiquement à des
unités distinctes mais suffisamment petites
pour qu’ils ne soient pas tentés de se comporter en féodaux, seuls détenteurs d’un métier
qui deviendrait incontournable pour la
“bonne” réalisation des produits finals. Coopérer, c’est au-delà d’une infrastructure
d’activités productives, tisser des relations
professionnelles durables entre individus. Si
l’entreprise a su développer une forte appartenance, une forte culture, la coopération en est
d’autant facilitée. Les succès technologiques
du groupe Aérospatiale, un climat social assez
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consensuel semblent avoir renforcé un sentiment d’appartenir à une communauté de travail.
assemblage) ou un poste de travail ; en second
lieu, le temps entre le moment où le bien achevé quitte le processus et celui où il est mis à
disposition du client interne ou externe.
4 - Prospectives : l’organisation
logistique peut-elle redevenir
une démarche après avoir été
institutionnalisée ?
Cependant, l’organisation Logistique nous
semble devoir être pérennisée dans le cadre de
l’organisation industrielle car une organisation a pouvoir d’assigner aux hommes des objectifs de performance, d’élever les niveaux de
réalisation tout au long des exercices. Pour
une organisation logistique, les efforts de performance sont : mieux maîtriser les temps
d’acheminement, chercher à les écourter jusqu’à leur incompressibilité, tout en fiabilisant
les échanges physiques des biens (définition
stricte des conditions de transport et sécurisation des conditionnements et emballages).
Si la complexité des organisations est “génératrice de pertes d’efficience” (8), si cette
complexité ne peut être maîtrisée par des
organisations de type “structure-métiers”, il
appartient aux entreprises de s’organiser
transversalement en décloisonnant les métiers
dans les différentes unités et en développant
une culture de coopération “clients-fournisseurs” en interne et en externe tant en amont
qu’en aval de l’élaboration des produits. La
maîtrise de la complexité des organisations
commerciale et productive requiert une approche logistico-industrielle des produits devant satisfaire les demandes clients. Organiser
devient coordonner des activités. Organiser
suppose de déconstruire la division du travail
(29), de défragmenter certaines activités spécialisées pour réorganiser de façon synchronique l’activité en actions à mener afin
d’introduire les attentes des clients en fonctionalités-produit en temps opportun lors de la
conception et de l’élaboration du produit final.
Il appartient à l’organisation logistique de participer activement à ce décloisonnement des
métiers en se positionnant comme gestionnaire des interfaces tant internes qu’externes
de l’entreprise conçue traditionnellement
comme entité ouverte mais autonome.
Dans cette perspective, la logistique doit être
au service des processus industriels.
La logistique doit non seulement servir
l’organisation industrielle (à Saint-Nazaire,
les unités logistiques sont institutionnalisées
comme des “unité de service” alors que les
unités de fabrication et de montage sont qualifiées “d’opérationnelles”) mais s’intégrer à
elle, comme peut l’attester le détachement
hiérarchique de logisticiens d’approvisionnement au sein même des unités opérationnelles Aérospatiales-Aérostructures.
Elle doit s’intégrer à l’organisation industrielle car elle n’existe que pour mieux maîtriser les temps ; en premier lieu, le temps entre
le moment où le bien entre en entrepôt ou en
transit et celui de son acheminement sur un
processus de transformation (fabrication ou
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N’ayant pas façonné des outils spécifiques, la
démarche logistique dont la raison d’être dans
l’entreprise est de mieux maîtriser les temps
tout en rendant plus sûrs les échanges, doit
s’institutionnaliser par la présence de spécialistes appartenant à une organisation simple,
aux structures évolutives mais durables ; une
structure qui regroupe et motive en assignant à
chacun de ses acteurs, des objectifs de performance intégrant lors de chaque négociation,
une volonté de progrès. Les objectifs logistiques sont : tendre les échanges entre acteurs
de production en organisant les échanges internes mais aussi externes ; garantir les acheminements dans les délais contractuels tout en
maîtrisant leur qualité tant en interne qu’en
externe ; agir en interne pour réduire les cycles
de fabrication et d’assemblage par un approvisionnement en quantité et aux moments et
lieux voulus ; s’intéresser à l’inactivité des
en-cours tout au long des processus de fabrication et d’assemblage.
L’organisation Logistique ne peut justifier sa
présence au sein de l’organisation plus vaste
qu’est l’organisation industrielle que par
l’apport de valeur qu’elle ajoute si non au produit physique mais à l’offre globale produit et
services, sachant qu’aujourd’hui et probablement encore plus demain, un produit n’est
plus seulement un bien physique mais un bien
et des services associés. L’organisation Logistique en ajoutant aux produits, des services
dont la valeur est reconnue par les clients, contribue à rendre l’offre de l’entreprise plus attractive, plus compétitive, plus complète.
Par ailleurs, l’organisation Logistique nous
semble avoir pour mission dans l’entreprise,
d’organiser l’acheminement des biens le plus
simplement possible (13, faire simple). S’il
appartient à un responsable de fabrication de
133
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produire, il appartient à un responsable logistique d’acheminer tous les biens, d’organiser
les échanges de tous les intrants qui concourent à la réalisation physique d’un bien en rationalisant tout ce qui peut l’être : parcours (ou
boucles), outils, procédures, ... sans aucune
rupture de responsabilité, c’est-à-dire sans
que quelqu’un ne soit pas responsable d’un
incident ou d’un accident. Ainsi, à l’Aérospatiale-Aérostructures, l’acheminement de
biens est de la seule compétence des unités de
service logistiques ; les approvisionnements
de la seule compétence des responsables logistiques détachés pour que les unités de fabrication et d’assemblage soient de réelles
petites entreprises, responsables de leurs
achats, tout au moins de leur non-rupture et de
leur qualité, les prix étant négociés hors-unité.
S’il est souhaitable que les responsables Production et Ventes s’approprient, tout au moins
reconnaissent comme essentielle pour mieux
satisfaire la demande des clients, la maîtrise
du temps, elle ne peut être pour eux qu’une
préoccupation accessoire ; leur métier étant
fabriquer ou vendre. Leur métier, ce n’est pas
tout entreprendre pour gérer à un coût raisonnable, le service que l’entreprise s’engage à
offrir à ses clients, une livraison sans incident
au moment et au lieu contractuels après avoir
agi en interne pour gérer au mieux les échanges entre unités de production.
Aussi, nos analyses aujourd’hui, nous invitent
à douter de la validité de l’une des hypothèses
de recherche que N. Fabbe-Costes et P.-X.
Meschi (20) formulent : l’organisation Logistique de l’entreprise peut-elle, après avoir été
officialisée sous une forme centralisée
(“concentrée”) ou répartie (“distribuée”), être
de nouveau diluée pour redevenir informelle ?
En d’autres termes, dans certaines entreprises,
la logistique peut-elle abandonner toute forme
matérielle - une structure officialisée - pour
n’exister seulement qu’en tant que démarche,
une “coordination délibérée et volontaire”
(évolution 4 à 6, schéma 1,article : (20)) ? La
logistique peut-elle être une démarche coordonnée par de multiples acteurs dont les missions et l’évaluation des performances, n’ont
qu’une faible dimension logistique ? Par
exemple, est-il raisonnable de mesurer la performance d’un commercial sur le respect des
délais contractuels de mise à disposition des
produits vendus chez le client, sachant que
l’engagement de livraison à une date contractuelle désirée (ou, plus souvent exigée) par le
client peut être un argument de vente décisif
dont le commercial sait se servir tout en sachant que cet engagement ne pourra être stric-
134
tement respecté compte tenu des contraintes
de production ?
Notre connaissance de l’organisation logistique du groupe Draftex, équipementier de
l’industrie automobile européenne, nous invite aussi à cette conclusion même si ce
groupe vient de perdre officiellement sa direction logistique. Si les différentes entreprises
du groupe se réapproprient aujourd’hui la logistique de la distribution des biens qu’elles
fabriquent, il n’en demeure pas moins qu’une
unité commune dénommée “Audit et Assistance Logistique”, proche de la direction générale, dont la principale mission est de
mesurer les performances logistiques des entreprises du groupe, demeure très active avec
pour référentiel de ses activités, l’"Audit Qualité Logistique Fournisseurs" (AQLF) du
groupe Renault. Aussi, au sein du groupe
Draftex, est maintenue aujourd’hui une unité
logistique même s’il y a volonté évidente
d’une appropriation par la production, de la
distribution physique des biens ; la répartition
géographique des usines et leurs tailles “
PMI” plaidant pour une certaine autonomie
logistique, pour une logistique de distribution
répartie.
La performance logistique, son maintien durable à un niveau satisfaisant les clients, nous
semble pouvoir être pérennisée que par une
unité ayant pour mission d’ajouter au produit,
le respect des délais.
Conclusion
Comme nos analyses le suggèrent, réfléchir
sur la pérennité de l’organisation logistique
dans l’entreprise, ne nous semble pas pouvoir
se réduire à débattre du positionnement de
l’organisation logistique dans la structure générale de l’entreprise et de son rattachement
“souhaitable”, “normal” à la direction générale.
L’organisation Logistique, c’est la volonté de
l’entreprise qu’elle soit industrielle, commerciale ou de service, de s’organiser pour répondre aux besoins exprimés par les clients et
leur donner satisfaction (38). C’est ce
qu’exprimaient déjà N. Fabbe-Costes et J. Colin (1) en écrivant : “La logistique... apparaît
comme une démarche organisationnelle susceptible de préserver et d’améliorer la flexibilité et la réactivité de l’entreprise face à son
environnement”.
Dans ses champs de compétence, l’organisation Logistique nous semble un acteur pré-
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cieux pour mieux satisfaire la demande des
clients en ajoutant aux produits, de la valeur.
La valeur logistique, c’est des temps d’élaboration plus courts grâce à des approvisionnements mieux maîtrisés non seulement en
termes de délai mais aussi de qualité (démarche Green Loop de l’Aérospatiale-Aérostructures) ; c’est le respect de l’acheminement des
biens dans les délais et aux conditions contractuels. Aussi, l’organisation logistique
nous semble pouvoir cohabiter durablement
avec une organisation industrielle et une organisation commerciale où la volonté de résultats financiers impose maintes économies qui
s’opérationnalisent dans l’un des champs de
la logistique, par des niveaux de stocks
amonts réduits au plus juste compte tenu des
réalités des approvisionnements et par des niveaux de stocks de produits finis proches de
zéro.
Si l’entreprise concevait, il n’y a pas si longtemps, de réguler les turbulences de la demande qui ne manquaient pas de l’affecter,
par la présence sécurisante de stocks avals relativement volumineux, elle se doit aujourd’hui de réguler ces turbulences, obligée
qu’elle est de comprimer les quantités détenues en stocks, par une démarche et une organisation logistiques ayant pour mission de
mieux maîtriser le temps, c’est-à-dire tout à la
fois de l’économiser et de le fiabiliser aux interfaces du processus approvisionnements production - distribution. Flexibilité, réactivité ne sont que deux slogans mobilisateurs visant aujourd’hui à rendre les hommes plus
actifs pour comprimer les temps de réponse de
l’entreprise ; les temps d’adaptation de l’outil
de production à une demande toujours plus
imprévisible, exigeante, voulant parfois être
satisfaite dans l’instant. C’est en rendant les
stocks mais aussi les en-cours plus fluides que
l’organisation Logistique contribue à une
meilleure maîtrise des coûts de l’organisation
productive.
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