L`ALIMENTATION ET L`HYDRATATION DU PATIENT EN FIN DE VIE

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L’alimentation
et l’hydratation
en fin de vie
Dr M.Desmedt
Unité de soins continus
Cliniques universitaires Saint Luc
352 patients admis en USP
•
•
•
Amaigrissement
Anorexie
Satiété précoce
85 %
81 %
69 %
Sarhill et al, Support Care Cancer 2003; 11: 652-659
344 patients admis en USP
39 % incapables de s’alimenter/boire
• Troubles digestifs 59 %
• Anorexie, fatigue 43 %
Chiu et al, Support Care Cancer 2002; 10: 630-636
Plus d’un patient sur deux
qui décèdent en MRS reçoit
une nutrition et/ou une
hydratation
artificielle
durant les 15 derniers jours
de vie
Observatoire National de la Fin de Vie
3.705 maisons de retraite
15.276 situations de fin de vie
Quand un patient en fin de vie ne
mange ou ne boit plus assez
Faut-il insiter pour qu’il s’alimente
ou s’hydrate plus ?
Faut-il introduire des suppléments
alimentaires ?
Faut-il débuter une nutrition ou
une hydratation artificielle ?
…
Enquête auprès de 687 médecins et 759 infirmières-chefs
42% pensent que la nutrition artificielle doit être continuée chez des
patients en stade terminal alors même que des traitements de support
comme la ventilation ou la dialyse ont été interrompus.
Solomon et al. Am J Public Health 1993; 83: 14-23
Et vous ? …
•
Madame X, 85 ans veuve depuis 5 ans, vit dans une MRS
depuis 3 ans
•
Entourage familial: 1 fille célibataire qui habite à 100 m et vient
la voir tous les jours, 1 fils qui vit en Chine et 2 petits enfants
peu présents
•
Antécédents médicaux : Troubles cognitifs (démence
vasculaire), HTA, FA, cardiopathie ischémique, PR,
adénocarcinome mammaire généralisé et hormono-résistant
•
Médicaments : Simtron, Emconcor, Dafalgan, Prednisolone,
Oméprazole, Aromasin
•
Mai
Rapidité du déclin cognitif et fonctionnel
Perte de poids importante
Refus répété des repas (surtout le midi)
Pression de la fille pour obliger la patiente à manger
•
Juin
Hospitalisée en urgence pour détresse respiratoire
Pneumonie sur fausse déglutition
10 jours d’antibiothérapie intraveineuse
Amélioration de l’état respiratoire
Dénutrition, cachexie, escarre sacré
Plusieurs épisodes de confusion et d’agitation
Refus alimentaire et refus de soins
SNG pour NE, enlevée 2x par la patiente
Demande insistante des proches de la remettre en place
QUESTIONS
•
Faut-il remettre la SNG et reprendre l’alimentation ?
•
Y a-t-il des alternatives ?
•
Quels sont les facteurs dont vous tenez compte pour décider ?
ALIMENTATION ARTIFICIELLE : RAISONS LES PLUS FRÉQUEMMENT ÉVOQUÉES
•
Supprimer la sensation de faim
•
Redonner des forces et de l’énergie
•
Eviter (limiter) la malnutrition et son cortège de complications
•
Ne pas laisser le patient mourir de faim
•
Prolonger la vie
•
Respecter l’avis du patient et/ou des proches
•
Maintenir un engagement professionnel clair envers le patient
en le nourrissant plutôt qu’en l’abandonnant
•
Respecter des principes moraux ou religieux qui préconisent de
nourrir et d’hydrater le patient jusqu’à sa mort
Une réponse individuelle qui dépend de
•
Chaque situation clinique
•
Souhait du malade et des proches
•
Positionnement du soignant
B. Choteau
Evidences
cliniques
Survie, jeûne et dénutrition
< 48 h
Réserves
glucidiques
Réserves
lipidiques
Réserves
protéiques
J8 : production de corps cétoniques
Melchior, Nutrition clinique et métabolisme, Lyon mars 2011
Dans la majorité des cas, la phase terminale d’une maladie grave
s’accompagne d’une anorexie.
•
•
•
Absence d’appétit
Dégout alimentaire
Satiété précoce
80 à 85 % des cancers terminaux
La dénutrition observée dans les pathologies cancéreuses et
infectieuses est liée à une diminution des apports alimentaires
(dénutrition exogène) mais surtout à des perturbations métaboliques
(dénutrition endogène).
En règle générale, la nutrition parentérale n’est pas indiquée chez
les malades atteints d’un cancer incurable dont l’espérance de vie
< 3 mois et l’indice de Karnofski ≤ 50 % (OMS > 2)
Standard Option Recommandation (FNCLCC, 2001)

Pas d’allongement de la survie

Pas de gain sur la qualité de vie

Pas d’inversion du bilan azoté négatif

! Surcharge liquidienne, infections …
La nutrition entérale par sonde n’améliore ni l’espérance ni la
qualité de vie des patients présentant une démence sévère.

Pas d’allongement de la survie

Pas de bénéfice fonctionnel

Pas de diminution des pneumonies d’aspiration

Pas de gain sur les conséquences de la
dénutrition (infections, escarres…)

Pas d’amélioration de la qualité de vie
Finucane et al. JAMA 1999;282 (14): 1365-70
La nutrition entérale par sonde expose le patient à une série de
complications et de contraintes non négligeables

Pneumonie d’inhalation

Complications locorégionales

Diarrhées

Mesures de contention
Etude rétrospective (1992-1997)
361 patients traités par PEG
Sanders, Am Gastroenterol 2000; 95: 1472-5

Le jeune induit une production de corps cétoniques qui
auraient un effet anorexique central (Elliot,1984)

A l’inverse, un apport de carbone interrompant le jeûne
peut entrainer une sensation de faim (Sullivan,1993)
Aspects
émotionnels
et culturels
« La nourriture est beaucoup plus
chargée en symboles qu’en glucides,
lipides et protides »
Quand l’appétit va tout va …
DIMENSIONS SYMBOLIQUES DE L’ALIMENTATION
•
Symbole de vie: une source de croissance, d’énergie et de santé
•
Source de plaisir : la vue, l’odeur, le goût
•
Symbole social : le partage et la convivialité du repas
•
Symbole d’amour et d’affection : le rôle de la mère nourricière
Image corporelle et cachexie
• La mort
• La souffrance
• La guerre
• La famine
• La maltraitance …
Quelques
recommandations
1. S’interroger sur l’objectif de l’alimentation
• Habituellement
la nutrition détermine le pronostic
• En fin de vie
le pronostic de vie conditionne la nutrition
Importance de déterminer le mieux possible, malgré les
difficultés et l’incertitude, le pronostic vital et le projet
thérapeutique
Améliorer le
pronostic
• Rechercher et
corriger tous les
facteurs
étiologiques qui
contribuent à
l’anorexie et à
malnutrition
• Définir un
« objectif
calorique »
• Enrichir
l’alimentation
• Recourir aux
compléments
alimentaires et à
la nutrition
artificielle
Limiter les
complications
• Rechercher et
corriger les
facteurs
étiologiques
aisément
contrôlables
• Enrichir autant
que possible
l’alimentation
(miel, sucre,
beurre, œuf,
fromage…),
fractionner les
repas, proposer
des
compléments
alimentaires
Préserver le confort
• Il n'y a plus
l'exigence
d'efficacité
nutritionnelle
• Assurer un bienêtre physique et
moral en
maintenant la
symbolique du
repas lorsque le
patient le
souhaite
• Importance de la démarche : même si éthiquement parlant, il est aussi valable d'arrêter
un traitement inutile que de ne pas le commencer, l'arrêt d'un traitement porte toujours
une charge émotionnelle beaucoup plus grande.
• Processus continu d’évaluation et de réevaluations
2. Ecouter le patient
•
•
•
•
Ecouter ses questions, ses peurs, ses plaintes, ses désirs et ses
habitudes et ses goûts alimentaires
Observer son comportement et ses réactions à l’égard de la
nourriture
Respecter son souhait en ce qui concerne les quantités
d’aliments
Réevaluer régulièrement la situation
! Demande une relation de vérité avec le malade et l’entourage et
une certaine reconnaissance de l'approche de la fin de vie par
l’ensemble des acteurs
3. Donner au patient les moyens de manger
•
•
•
Dispenser les soins à distance des repas
Traiter les symptômes gênant la prise alimentaire : douleur,
nausées, constipation, mucite, anxiété ...
Adapter l’alimentation aux besoins du patients
•
•
•
•
Mets froids et inodores en cas de nausées …
Texture molle et onctueuse en cas de fausses déglutition …
Assouplir les régimes diététiques
Proposer une présence et une aide au moment des repas
S’il y a des troubles de la déglutition …
Conserver une alimentation orale le plus longtemps possible mais en prenant le
moins de risque possible :
• Avant le repas
• Évaluer l’état de vigilance du patient et sa capacité à déglutir en lui
demandant par exemple d’ouvrir la bouche, de tirer la langue, de se racler
la gorge ou d’avaler sa salive
• Installer le patient dans une position qui favorise le glissement du bol
alimentaire le long de la paroi postérieure du pharynx (position semiassise, tronc incliné de 40° vers l’arrière, tête et cou dans l’axe)
• Adapter la texture alimentaire (liquides épaissis, alimentation moulinée,
aliments lubrifiants…)
•
Pendant le repas
• Inciter le patient à avaler et à cracher les résidus
•
A la fin du repas
• Faire une toilette buccale et évacuer la stase pharyngée rédiduelle
4. Soutenir les proches
•
Ecouter les proches
•
•
Sentiment d’abandon, culpabilité …
Expliquer la place et le rôle de l’alimentation en fin de vie
•
•
•
•
« Le décès n’est pas lié à la dénutrition mais à l’évolution de la maladie et à la
défaillance progressive de l'organisme »
« La dénutrition est due à une diminution des apports mais également à des
modifications métaboliques liées à la maladie »
« La nutrition artificielle comporte plus d’inconvénients que d’avantages »
« Manger demande des forces et il vient un moment où le patient n'en a plus et où
manger n’apportera pas d’avantage »
•
Ne pas faire peser le poids de la décision sur la famille
•
Donner l’occasion à l’entourage de rester « acteur » en les invitant à
•
•
•
Etre présent et à participer au temps du repas
Apporter des mets appréciés par le patient
Dispenser des soins bouche (si le patient est à jeun)
5. Soigner la présentation des plats
•
Diversifier les aliments
•
Proposer des entremets
•
Adapter les portions
•
Soigner la présentation du repas et du plat
« On mange avec les yeux ! »
6. S’interroger sur notre attitude à l’égard de l’alimentation
•
Quelle place donnons-nous à l’alimentation ?
•
Comment réagissons-nous devant un refus alimentaire ?
•
Quelle image avons-nous du « respect de la vie » ?
•
Comment envisageons-nous notre rôle du soignant ?
•
Sommes-nous prêts à en discuter en équipe ?
7. Limiter l’usage de la nutrition par sonde ou parentérale
•
•
•
•
•
Peu utilisée en fin de vie
Usage limité dans le temps (« pour passer un cap »)
Objectif précis et espoir d’une amélioration rapide
Information et temps de réflexion pour le patient
Réévaluation (si inefficacité, toxicité ou si le patient l’arrache)
8. Etre conscient de l’apport limité des médications
•
Prokinétique(Motilium ou Primpéran : 1 à 2 comprimés avant le repas)
•  Nausées et satiété précoce (vidange gastrique)
•
Corticoïde (Médrol : 32 mg pendant 5 jours - 16 mg pendant 5 jours)
•  appétit, effets stimulant et euphorisant
• Délai d’action : 1 semaine - durée d’action : 4 à 8 semaines
•
Progestatif (Provéra : 1 gr par jour pendant 1 mois – 500 mg/jour)
•  appétit, ou stabilisation du poids
• Délai d’action : 1 mois – durée d’action : quelques mois
• ! TVP, rétention hydro-sodée , hyperglycémie
•
Juillet Pas de remise en place de la SNG
Poursuite de l’alimentation orale
Plan de soins centré sur le confort et le soulagement des 
•
Janvier Dépendance complète, alitée en permanence
Peu symptomatique
Dyspnée soulagée par morphine
Faible apport liquidien
Visite du MG à la demande de la fille
Mise en place d’une hydratation sous-cutanée
QUESTIONS
•
Etes-vous d’accord avec la décision du MG ?
•
Y avait-il des alternatives ?
•
Quels sont les facteurs dont vous tenez compte pour décider ?
L’objectif d’une hydratation de
fin de vie est de préserver le
confort et de soulager les
symptômes
Hydratation parentérale
Déshydratation
•
Sensation de soif
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Pas constante, diminue avec l’âge,
! hypernatrémie > 145
Souvent liée à une sécheresse bucale qui
peut être soulagée par des soins de bouche
Pas de corrélation entre l’intensité de la soif
et la sévérité de la déshydratation
Nausées et vomissements
Risque d’infections urinaires
Confusion, somnolence
 oedèmes, ascite, sécrétions
bronchiques, digestives et urinaires
? Antalgie > production hypothalamique
de b-endorphines et métabolisation des
b-hydroxybutyrates cérébraux en ghydroxybutyrates
 durée de vie
•
Pas d’effet systématique sur la soif
Risque de surcharge cardio-respiratoire
•
Acte traumatique et parfois moyens de
contention
•
 confusion et somnolence
•
 durée de vie
Survie médiane 1000 ml : 21 j (13-29)
Survie médiane 100 ml : 15 j (12-18)
p value = 0,83
Bruera, J Clin Oncol 2013; 31: 111-118
Etude contrôlée randomisée en double aveugle
129 patients atteints d’un cancer terminal (USP)
La réponse dépend du
• Contexte médical
• Capacité de déglutition et niveau de conscience
• Pronostic vital
• Importance et rapidité d’installation du déficit hydrique
• Contexte psychologique et culturel
•
Privilégier l'hydratation orale le plus longtemps possible
•
Donner à boire systématiquement et par petites quantités
•
Limiter le risque de fausses déglutitions en utilisant une paille, une
seringue, un épaississant, un brumisateur …
•
Lutter contre la sécheresse bucale en humidifiant très
régulièrement les muqueuses et en protégeant les lèvres
•
Soulager les nausées et les vomissements éventuels
•
Laisser une place aux proches
L’hydratation sous-cutanée ou hypodermoclyse
Site de perfusion
• Aiguille à ailette 23 G (ou cathéter)
• Abdomen, face externe des cuisses
• Changer le site toutes les 24 à 48 h
Soluté d’hydratation
• Sérum physiologique
ou glucosé salin (! oedème)
• Ions en concentration limitée
2 à 4 g NaCl - 20 mEq KCl maximum
Volume et débit de perfusion
• 1 litre en 24 h
• 500 ml en 8 h
Toxicité
• Réaction locale,oedème
• Infection (abcès)
Contre-indications
• Anasarque
• Etat de choc
• Hypocoagulabilité
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