Indicationsau CT low-dose aux urgences

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perspective
Indications au CT low-dose
aux urgences
Rev Med Suisse 2009 ; 5 : 1590-4
P.-A. Poletti
E. Andereggen
O. Rutschmann
T. de Perrot
A. Caviezel
A. Platon
Indications to low-dose CT in emergency
setting
CT delivers a large dose of radiation, especially in abdominal imaging. Recently, a lowdose abdominal CT protocol (low-dose CT)
has been set-up in our institution. «Low-dose
CT» is almost equivalent to a single standard
abdominal radiograph in term of dose of radiation (about one sixth of those delivered
by a standard CT). «Low-dose CT» is now used
routinely in our emergency service in two main
indications: patients with a suspicion of renal
colic and those with right lower quadrant pain.
It is obtained without intravenous contrast
media. Oral contrast is given to patients with
suspicion of appendicitis. «Low-dose CT» is
used in the frame of well defined clinical
­algorithms, and does only replace standard
CT when it can reach a comparable diagnostic quality.
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Afin de réduire la dose de radiations délivrée par le CT de
l’abdomen, un protocole dit «CT low-dose» délivrant une dose
de rayons X comparable à celle d’une radiographie standard
(environ six fois moins qu’un CT) a été évalué dans deux indications : les suspicions de colique néphrétique et d’appendicite. Le CT low-dose est réalisé sans produit de contraste intraveineux et, dans les suspicions d’appendicite avec du contraste
oral. Les CT low-doses s’intègrent dans des algorithmes bien
définis, et ne remplacent le CT conventionnel que lorsqu’ils
permettent d’établir un diagnostic équivalent à ce dernier pour
une prise en charge thérapeutique adéquate.
introduction
Le CT scanner (CT) est aujourd’hui un outil diagnostique très
sensible et spécifique, utilisé dans la plupart des situations
médico-chirurgicales courantes. Ainsi, le nombre de CT réalisés en Suisse a plus que doublé de 1998 à nos jours et continue à augmenter. Néanmoins, l’imagerie par CT délivre une
dose non négligeable de rayons X et nécessite souvent
l’administra­tion de produit de contraste iodé intraveineux
(i.v.) qui com­porte des risques de néphrotoxicité et de réactions anaphylactoïdes. La littératu­re médicale foisonne d’articles qui s’inquiètent du risque de cancers secondaires aux
rayons X.1,2 Selon les sources, entre 1,5% et 2% des cancers diagnostiqués aux
Etats-Unis pourraient être liés à l’irradiation par CT !1 Les patients jeunes étant
particulièrement à risque, les mesures visant à réduire l’irradiation doivent prioritairement porter sur les examens CT de l’abdomen (très radiosensible) fréquemment réalisés lors de suspicion de colique néphrétique ou d’appendicite,
par exemple.
Un protocole CT délivrant une dose de rayons X comparable à celle délivrée
par une simple radiographie de l’abdomen (appelé communément CT low-dose)
a été récemment développé et analysé aux Hôpitaux universitaires de Genève
(HUG) et est maintenant intégré dans des algorithmes diagnostiques utilisés en
routine clinique.
qu’est-ce qu’un ct low-dose ?
Le CT low-dose, tel que nous l’utilisons dans le service des urgences des HUG,
est un protocole CT abdominal sans injection de produit de contraste intraveineux. Le courant du tube CT étant réduit d’un facteur 6 par rapport à un CT abdo­
minal standard, la dose de radiation délivrée (entre 1,6 et 2,1 mSv) avoisine celle délivrée par un seul cliché radiologique standard de l’abdomen. Dans les suspicions d’appendicite, du produit de contraste oral est administré au patient
une heure avant l’examen. L’image du CT low-dose donne un aspect granulaire par
rap­port à celle d’un CT standard, et paraît moins «nette». Sa réalisation est simple et cet examen peut être obtenu avec n’importe quel type d’appareillage
CT.
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ct low-dose et coliques néphrétiques
Sur cette base, nous avons établi un algorithme de prise
en charge (figure 2). Le médecin référant et le patient sont
notamment informés, par le rapport radiologique, qu’un
CT low-dose négatif ne signifie pas une absence de calcul,
mais une absence de calcul L 3 mm, un calcul de plus petite taille ayant plus de 95% de chances de passer spontanément. Cette nouvelle façon pragmatique de présenter
un résultat d’examen par CT a été favorablement accueillie
par les cliniciens et les patients. Une évaluation formelle
est actuellement en cours. Finalement, cet examen n’est
complété par un CT standard avec produit de con­tras­te intraveineux que chez une minorité de patients (environ 10%),
chez qui un diagnostic alternatif a été suggéré sur le CT lowdose.
Protocoles classiques
Les deux protocoles «classiques» de prise en charge
d’une suspicion de colique néphrétique consistent soit à
réaliser une radiographie standard de l’abdomen en position couchée (abdomen sans préparation – ASP), associée
à une échographie,3 soit un CT abdominal standard sans
injection de produit de contraste i.v. (uro-CT) d’emblée.4
Ce dernier protocole est le plus répandu, car il permet de
détecter un calcul urétéral avec une sensibilité comprise
entre 95% et 100%, alors que le couple ASP/échographie n’y
parvient souvent pas.5 Or, la localisation et surtout la taille
du calcul à l’origine de la crise sont des éléments essentiels dans la prise en charge de ces patients et dans la décision d’un traitement conservateur ou invasif.
La prise en charge par CT d’emblée est donc utile, mais
au prix d’une dose de radiation élevée chez une population
de patients jeunes (âge médian de 42 ans dans notre institution), dont près de 50% vont récidiver au cours de leur vie.
Leur prise en charge par ASP ne paraît pas plus économique
en dose de radiation : une étude dans notre service a montré qu’un CT sera finalement réalisé chez 51% d’entre eux !6
ct low-dose et douleurs aiguës
de la fosse iliaque droite
Protocoles classiques
Si la plupart des associations médicales s’accordent sur
l’inutilité d’effectuer un ASP dans l’investigation initiale
d’une douleur de la fosse iliaque droite, il n’y a cependant
pas de consensus concernant la place exacte de l’échographie et du CT, ni sur les protocoles CT à utiliser.8 Ainsi,
­certains auteurs préconisent une échographie initiale argu­
mentant que, même si l’examen est négatif (faible sensibi­
li­té), sa spécificité (plus de 90%) permet d’affirmer le diag­
nostic d’appendicite dans des mains entraînées. De plus,
l’échographie permet souvent de détecter (ou de suggérer)
une pathologie annexielle droite, et d’orienter ainsi rapidement la patiente dans un service de gynécologie. D’au­
tres auteurs recommandent un CT standard d’emblée,
considérant que l’échographie est trop souvent négative
ou indéterminée et qu’un échographeur expérimenté n’est
pas toujours disponible dans les centres d’urgence. Les
protocoles CT eux-mêmes font aussi l’objet de nombreuses
publications : examens de tout l’abdomen ou ciblés sur la
fosse iliaque droite, avec ou sans administration de produit
de contraste intraveineux, ou de produit de contraste oral
Protocole CT low-dose
Deux études 5,6 nous ont permis de définir le champ d’ap­
plication et les limitations de notre protocole CT low-dose
dans la prise en charge des suspicions de colique néphréti­
que (figure 1).
La première étude 6 a montré l’intérêt clinique de réaliser un CT low-dose aux urgences. La seconde étude7 a mon­
tré que le CT low-dose possède la même performance diag­
nostique pour les calculs urétéraux de plus de 3 mm que
le CT standard. De plus, cette technique est équivalente
pour mettre en évidence un diagnostic alternatif à l’origine
des douleurs chez des patients avec un IMC l 30. La taille
des calculs peut être estimée avec une précision de w 20%
par rapport au CT standard. Le CT low-dose est par contre limité chez les patients obèses et ne devrait pas être utilisé
chez ces derniers.
A
B
Figure 1. CT low-dose chez un patient admis pour une douleur du flanc gauche avec hématurie
A. La coupe axiale au niveau des reins montre une importante dilatation des cavités pyélocalicielles gauches (astérisque). B. Un calcul de 6 mm de diamètre
est bien visible dans l’uretère moyen gauche, dilaté (flèche).
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ou rectal.9,10 Ces protocoles suscitent bien entendu des
débats sur la dose de radiation délivrée à une population
relativement jeune (médiane de 42,5 ans aux HUG) ainsi
que sur l’exposition aux produits de contraste iodés.
Protocole CT low-dose
Jusqu’en décembre 2008, la majorité des patients admis
dans notre service pour une douleur de la fosse iliaque
droite étaient investigués par un CT standard, avec produit
de contraste intraveineux, oral ou rectal. L’échographie était
pratiquée chez une minorité, en fonction de l’évaluation
clinique. Depuis janvier 2009, un nouvel algorithme de prise
en charge a été adopté, comprenant un CT low-dose (figure 3).
A la différence du CT low-dose utilisé dans les suspicions de
colique néphrétique, ce protocole comprend l’ad­mi­nis­
tration de produit de contraste oral, une heure avant l’examen, afin d’obtenir une bonne opacification du cæcum.8
Cette opacification est essentielle car elle offre des signes
radiologiques supplémentaires de détection ou d’exclusion
d’une appendicite, selon que l’appendice est à son tour
opacifiée ou non (figure 4). Ces signes compensent la perte
Antalgie
bilan biologique
 : test de grossesse
de résolution liée à la faible dose de rayons X, comme démontré dans une récente étude clinique.11 Cette dernière
a également révélé que pour les patients avec un indice de
masse corporelle (IMC) compris entre 18,5 et 30, les performances du CT low-dose (avec opacification du cæcum et
sans contraste intraveineux) avoisinent celles du CT stan­
dard (avec injection de contraste intraveineux). Bien enten­
du, le CT low-dose ne peut se substituer au CT standard dans
tous les cas, notamment lorsque le diagnostic requiert une
injection intraveineuse (par exemple recherche d’abcès).
De même, pour les patients avec un IMC l 18,5, l’analyse
du CT low-dose est souvent limitée par l’absence de plan
graisseux péri-appendiculaire. Ainsi, notre nouveau protocole n’oppose pas le CT low-dose au CT standard, mais l’intègre dans un arbre décisionnel qui tient compte des avantages et des limitations de chaque technique, y compris de
l’échographie (figure 3). Par exemple, l’investigation radiologique d’une patiente avec un IMC entre 18,5 et 30 va
commencer par une échographie. Si celle-ci est né­gative
ou indéterminée, un CT low-dose est effectué. Si ce dernier
est considéré positif ou négatif pour une appendicite par
Cas particulier : femme enceinte
Suspicion clinique CN
Echographie
CN fébrile
CN sans EF
Uro-CT
1. En fonction du résultat de l’uro-CT, un complément
d’examen par CT avec injection PC est à discuter
de cas en cas
2. Prise en charge du sepsis si indiqué
CT low-dose
Positif
Calcul ≠ visible
RAD
si IMC L 30
Négatif
Calcul l 4 mm
Calcul M 4 mm
CN simple
Avis de l’urologue
CN simple
Sauf
CN compliquée
ou
patient présentant
un risque particulier
Uro-CT
Evidence d’une
autre pathologie
Appel du chef de clinique
pour décision d’effectuer
un CT standard
w injection de PC
RAD
CN compliquée
ou
patient présentant
un risque particulier
Uro-CT puis avis de l’urologue
Avis de l’urologue
Figure 2. Algorithme radiologique de prise en charge des coliques néphrétiques
Cet algorithme intégrant le CT low-dose est actuellement en vigueur dans le service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève.
CN : colique néphrétique ; EF : état fébrile ; IMC : indice de masse corporelle ; PC : produit de contraste iodé intraveineux ; RAD : retour à domicile.
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Suspicion clinique d’appendicite (patients adultes)
IMC M 30
IMC l 30
Ultrasonographie
CT standard (avec contraste i.v.)
Négative ou
indéterminée
IMC l 18,5
IMC M 18,5
Positive pour une appendicite
ou une pathologie gynécologique
CT low-dose
(M 60 min après
contraste oral)
Indéterminé
Appendicite
Pas d’appendicite
Pas de diagnostic alternatif
Pas d’autre examen radiologique*
Diagnostic
alternatif
Prise en charge chirurgicale
ou gynécologique selon le diagnostic
Prise en charge selon le diagnostic*
Figure 3. Algorithme de prise en charge des patients admis pour douleur de la fosse iliaque droite
Cet algorithme intégrant le CT low-dose est actuellement en vigueur dans le service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève.
* Une imagerie complémentaire peut être obtenue selon le contexte et la présentation clinique.
IMC : indice de masse corporelle ; i.v. : intraveineux.
le radiologue (et que ce dernier n’évoque pas la présence
d’un diagnostic alternatif qui justifierait un examen CT stan­
dard avec contraste i.v.), il n’est pas nécessaire de pratiquer d’autres investigations. Sinon, le CT low-dose sera complété par un CT standard, alors que le patient est encore
sur la table du CT.
conclusion
Figure 4. Appendicite détectée au CT low-dose*
* Chez un patient de 23 ans admis pour une douleur de la fosse iliaque
droite. L’appendice (flèche) est de diamètre agrandi et sa lumière n’est pas
opacifiée par le produit de contraste oral qui remplit le cæcum (C).
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Les protocoles CT low-dose abdominaux, qui délivrent
une dose de radiation comparable à celle d’une radiographie standard, sont utilisés de routine aux HUG dans l’investigation des patients suspects de colique néphrétique
et d’appendicite. Intégrés dans des algorithmes diagnostiques qui prennent en compte leurs avantages et leurs limi­
tations, ces protocoles répondent à un besoin de radiopro­
tection et participent à diminuer l’exposition des patients
aux produits de contrastes iodés intraveineux, sans compromettre la qualité de leur prise en charge diagnostique
et thérapeutique. Bien que cette technique offre des perspectives d’utilisation diverses, aucune autre indication du
CT low-dose n’est actuellement validée.
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Adresse
Implications pratiques
> Les CT low-doses de l’abdomen permettent une réduction
substantielle (six fois) de la dose de radiation délivrée par rap­
port au CT standard et sont réalisés sans injection de produit
de contraste intraveineux
> Les CT low-doses sont actuellement utilisés en routine aux
HUG dans les suspicions de colique néphrétique et d’appendicite
> Dans le cadre des coliques néphrétiques, le CT low-dose a
remplacé la radiographie standard de l’abdomen et l’échogra­
phie comme premier examen d’imagerie
> Chez les patients avec une douleur de la fosse iliaque droite,
le CT low-dose est réalisé si l’échographie initiale n’est pas
conclusive, et si l’IMC est situé entre 18,5 et 30
Drs Pierre-Alexandre Poletti, Thomas de Perrot
et Alexandra Platon
Unité de radiologie des urgences
Service de radiologie
Département d’imagerie et des sciences de l’information
médicale
Drs Elisabeth Andereggen et Olivier Rutschmann
Service des urgences
Département de médecine communautaire
et de premier recours
Dr Alessandro Caviezel
Service d’urologie
Département de chirurgie
HUG, 1211 Genève 14
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
> Le CT low-dose doit être utilisé dans le cadre d’algorithmes
radiologiques tenant compte de ses limitations, et laissant la
possibilité d’effectuer un CT standard si nécessaire
Bibliographie
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11 ** Platon A, Jlassi H, Rutschmann OT, et al. Evaluation of a low-dose CT protocol with oral contrast for
assessment of acute appendicitis. Eur Radiol 2009;19:
446-54.
* à lire
** à lire absolument
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