La transfusion : un acte infirmier à haut risque Véronique DENEYS Transfusion [email protected] La sécurité et l’efficacité de la transfusion dépendent de deux facteurs clés : 1. Un approvisionnement en sang et composants sanguins sûrs, accessibles à un coût raisonnable et en quantité adéquate pour couvrir les besoins nationaux. 2. Une utilisation clinique appropriée du sang et des composants sanguins OMS, 2002 2 Chaque chaîne est globalement aussi solide que le plus faible de ses maillons ! 3 Les composants sanguins (PS labiles) banque de sang – Concentrés érythrocytaires – Concentrés plaquettaires – Plasma frais congelé viro-inactivé Conservation limitée Doses individuelles: un donneur –> un receveur Règles de compatibilité!!! Risques infectieux post-Tf°(CE, certains CP) Risques immunologiques post-Tf° Les médicaments dérivés du sang (PS stables) pharmacie – Concentrés de facteurs de coagulation – Immunoglobulines – Solutions d’albumine – Plasma frais congelé Solvant-Détergent 4 Distribution annuelle de concentrés érythrocytaires par les ETS 540000 520000 518479 508686 522475 519115 508604 514613 508216 500000 476049 480000 460000 451883 Mise en place d’une plateforme nationale d’hémovigilance 440000 442834 420000 400000 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Environ 40 poches / millier d’habitant / an 5 • = thérapeutique substitutive, non curative ! • corriger un déséquilibre entre le transport en oxygène et la demande en oxygène • On transfuse un patient symptomatique, non un résultat de laboratoire • Evaluer l’efficacité de la transfusion ! 6 Le jugement clinique individuel est PREPONDERANT ! Exemple 1 (très fréquent en salle d’urgence) : Une jeune dame arrive en salle d’urgence. Elle présente une anémie ferriprive (5g/dL) isovolémique. Pas de nécessité de transfuser si la patiente est asymptomatique. Exemple 2 : Un patient se présente : lipothymique, tachycarde, avec une histoire récente d’hémorragie (gastro, traumato, gynéco,…). Son Hb est à 12g/dL. Il doit être transfusé sans délai ! 7 Jusqu’il y a peu, l’hémovigilance était essentiellement une vigilance ciblée sur le « produit ». Or actuellement, on peut parler de « quasi-inocuïté » des composants sanguins (au point de vue infectieux). Le risque transfusionnel est désormais davantage lié à des défaillances (le plus souvent humaines) tout au long de la chaîne transfusionnelle. 8 Données françaises (risques théoriques calculés, non observés !) VIH : 1 / 2.900.000 dons SFTS - 20 octobre 2011 VHC : 1 / 7.000.000 dons VHB : 1 / 3.700.000 dons 9 2010 Données nationales d’hémovigilance (2010 – 2013) 2011 2012 2013 10 Données nationales d’hémovigilance (2013) 11 Données nationales d’hémovigilance (2013) 12 30 % Prélèvement pré-transfusionnel Tube étiqueté Mr X contient le sang de Mr Y … 70 % Laboratoire Banque de sang Erreur de groupe Anticorps non détecté Mauvaise sélection des poches … Mise en place de la transfusion Absence de vérification Poche transfusée au « mauvais » patient … A condition qu’il n’y ait pas de souci d’identification du patient à l’admission … 13 Le médecin transfuseur décide de l’opportunité de transfuser décide de la quantité et du type de produit à transfuser précise la notion d’urgence donne au personnel soignant les instructions nécessaires pour l’acte Tf° informe le patient atteste la transfusion et assure le suivi transfusionnel Le personnel soignant assure la préparation, l’administration et la surveillance de la Tf° sur prescription médicale écrite (acte confié) dans le cadre d’un plan de soins de référence et de procédures approuvées par le Comité de Transfusion 14 15 16 17 18 Après un séjour aux SI, Mr X est transféré en médecine interne. Le lundi matin, au tour de salle, le médecin constate que le taux d’Hb de Mr X est de 7,9 g/dL et prescrit la transfusion de 3 CE en urgence (contexte d’insuffisance respiratoire). La BDS prépare 3 poches A+ sur base d’un seul groupe sanguin (procédure en urgence). Les infirmières débordées par les entrées du lundi, oublient la transfusion. Le lendemain, le médecin apprend que la transfusion n’a pas eu lieu et confirme l’urgence. Les infirmières vont chercher les poches à 14H et les reçoivent sans contrôle supplémentaire. Les poches sont stockées au frigo parce que c’est l’heure des soins de l’après-midi. A 18H, petite accalmie, une infirmière va chercher une poche de sang. Elle réalise un contrôle ABO ultime au lit du patient et trouve un résultat anormal. Elle appelle le médecin de garde qui ne comprend rien aux résultats. Puis l’infirmière se disant qu’elle s’et trompée, retourne au lit du patient et réalise à nouveau un contrôle ABO qui semble correct (NB. La carte n’a jamais été retrouvée). Rapidement après le début de la transfusion, le patient se plaint de « malaise ». Le médecin appelé en renfort banalise la situation et prescrit du paracétamol et des corticoïdes. La 2ème et la 3ème poches sont administrées durant la nuit. Le patient sort de l’hôpital après quelques jours. Mr X revient en consultation après trois semaines : son taux d’hémoglobine est de 7,8 g/dL. Le médecin prescrit à nouveau 3 poches. La BDS refait le groupe : le patient est B+ ! 19 1 erreur / 12 000 transfusions 1 erreur ABO / 33 000 transfusions 1 erreur fatale / 600 000 transfusions 50 à 70% = erreurs d’écriture GETTING THE RIGHT BLOOD TO THE RIGHT PATIENT AT THE RIGHT TIME !!!! 20 21 Commander à bon escient ne pas immobiliser des stocks « Toute transfusion qui n’est pas formellement indiquée, est formellement contre-indiquée » (Prof. Charles Salmon) Eviter de recourir inconsidérément au stock de O négatif 22 Le sang O négatif est « sur-utilisé » 80000 +6% - 11.8 % 60000 Distribution 40000 Théorie + 41.7 % + 8.9 % Données du Service du Sang 20000 0 A- A+ O- O+ Le sang O négatif n’est pas toujours compatible 23 24 un groupe ABO 15 minutes une compatibilité / RAI 40 minutes un groupe ABO + une compatibilité / RAI 15 + 40 minutes = ± 1 heure Signifie que, pour un patient dont le groupe sanguin n’était pas connu (cas le plus long), il faut environ 1 heure pour obtenir des composants sanguins présentant le plus haut degré de sécurité (= toutes les analyses sont réalisées). 25 Vérifications, si possible par deux personnes différentes : 1. Vérifier l’identité du patient (identification positive / bracelet) 2. Vérifier la compatibilité ABO 3. Contrôler l’intégrité de la poche (couleur, hémolyse,…), la date de péremption,… 4. Utiliser une trousse à transfusion (filtre 170-250 µ) 5. Surveiller le patient 26 HMV AQ 27 1. Arrêter immédiatement la transfusion quelque soit le symptôme. 2. Maintenir la perfusion en place avec du sérum physiologique. 3. Faire constater par un médecin qui confirme. 4. Vérifier la correspondance patient – identité du patient associée à la poche. 5. Vérifier les règles de compatibilité ABO. 6. Suivre les procédures institutionnelles (prévenir la BDS et renvoyer la poche + tubes + documents à la BDS) 28 29 N’échangez jamais les poches de sang, ni de plaquettes, ni de plasma entre patients ! En cas de transfert d’un patient, ne transférez pas le sang (sauf patient instable) 30 En transfusion, les points à risque sont nombreux. L’ identitovigilance occupe une place clé. La culture « orale » n’a plus sa place dans les systèmes de santé / qualité. Chaque acteur de terrain doit être conscient de son rôle et de ses responsabilités. Il doit suivre une formation en conséquence. La sécurité du patient est et doit rester au centre de toutes les préoccupations. 31 Merci pour votre attention