Cas clinique Imagerie Dystrophie maculaire vitelliforme de Best : apport de la tomographie en cohérence optique Best’s vitelliform macular dystrophy: contribution of optical coherence tomography Dystrophie maculaire vitelliforme • Maladie de Best • Tomographie en cohérence optique. Vitelliform macular dystrophy • Best’s disease • Optical coherence tomography. I. Benatiya Andaloussi, S. Bhalil, M. Abdellaoui, O. Abdouni, H. Tahri (Service d’ophtalmologie, CHU Hassan-II, Fès, Maroc) L a dystrophie maculaire vitelliforme, ou maladie de Best, est une affection héréditaire rare dont le diagnostic est orienté par l’aspect clinique et angiographique, et confirmé par l’altération typique à l’électrooculogramme (EOG). Nous analysons, à travers les observations de 2 sœurs présentant cette maladie, l’apport de la tomographie en cohérence optique (OCT) dans la pathogénie de cette affection. Cas cliniques Cas n° 1 Une femme, âgée de 39 ans, consulte pour une baisse progressive et bilatérale de l’acuité visuelle évoluant depuis 10 ans. L’examen ophtalmologique montre une acuité visuelle à 3/10 P5 aux 2 yeux avec correction optique, et un aspect normal du segment antérieur. L’examen du fond d’œil met en évidence un aspect d’œuf brouillé avec une lésion ovalaire, inhomogène, jaunâtre, unique et mesurant respectivement 1,5 diamètre papillaire à droite et 5 diamètres papillaires à gauche (figure 1). L’angiographie à la fluorescéine montre, aux temps précoces, une superposition de zones d’hypofluorescence au sein d’un disque globalement hyperfluorescent (figure 2). Aux temps tardifs, on note une imprégnation inhomogène sans point de fuite associé (figure 3). L’OCT maculaire montre (figure 4) : •un soulèvement maculaire à contenu légèrement hyper-réflectif ; •une interruption de la couche des photorécepteurs ; •et des dépôts hyper-réflectifs sur le plan de l’épithélium pigmentaire (EP). L’aspect OCT est resté inchangé sur une période de 9 mois. L’EOG est altéré avec un rapport d’Arden inférieur à 180 % : 132 % pour l’œil droit et 122 % pour le gauche. Devant l’aspect clinique, angiographique et tomographique d’un côté, et l’altération de l’EOG d’un autre, le diagnostic de dystrophie maculaire vitelliforme de Best au stade de résorption est alors posé. 106 Images en Ophtalmologie • Vol. VI • no 3 • juillet-août-septembre 2012 Légendes Figure 1. Aspect d’œuf brouillé au fond d’œil de la patiente n° 1. Figure 2. Aspect aux temps précoces de l’angiographie à la fluorescéine chez la patiente n° 1 : superposition de zones d’hypofluorescence au sein d’un disque globalement hyperfluorescent. Figure 3. Aspect aux temps tardifs de l’angiographie à la fluorescéine chez la patiente n° 1 : imprégnation inhomogène sans point de fuite associé. Figure 4. Aspect de l’OCT maculaire de l’œil droit (a) et de l’œil gauche (b) chez la patiente n° 1. Cas clinique Imagerie 1 2 3 OCT maculaire OD OCT maculaire OG Soulèvement maculaire Soulèvement maculaire Contenu légèrement hyper-réflectif Interruption de la couche des photorécepteurs Dépôts hyper-réflectifs sur le plan de l’épithélium pigmentaire 4a Contenu légèrement hyper-réflectif OCT infra-maculaire OD en mode line scan Interruption de la couche des photorécepteurs OCT maculaire OG en mode line scan Dépôts hyper-réflectifs sur le plan de l’épithélium pigmentaire 4b Images en Ophtalmologie • Vol. VI • no 3 • juillet-août-septembre 2012 107 Cas clinique Imagerie Cas n° 2 Sa sœur, âgée de 44 ans, est examinée dans le cadre d’une enquête familiale pour dystrophie maculaire vitelliforme de Best. À l’interrogatoire, elle rapporte une baisse progressive et bilatérale de la vision de près évoluant depuis 6 mois. L’examen ophtalmo­logique montre une acuité visuelle à 7/10 et P2 en ODG avec correction optique, et un aspect normal du segment antérieur. L’examen du fond d’œil (figure 5), l’angiographie à la fluorescéine (figures 6 et 7), l’OCT maculaire (figure 8) ainsi que l’EOG montrent presque les mêmes altérations que chez la sœur : le diagnostic de dystrophie maculaire vitelliforme est alors posé. Discussion La dystrophie maculaire vitelliforme, ou maladie de Best, est une affection autosomique dominante à pénétrance variable. Elle est causée par la mutation d’un gène, VMD2, localisé sur le chromosome 11q13. Ce gène code pour une protéine appelée la bestrophine, localisée sur la paroi des cellules épithéliales, qui entraîne une accumulation de lipofuscine sous forme d’un dépôt jaune sous-rétinien caractéristique de la maladie. L’OCT permet d’apporter des éclaircissements dans la stadification et la pathogénie de la maladie de Best. Le matériel vitelliforme évolue typiquement en 5 stades, mieux analysés à l’OCT (1-3). •Stade prévitelliforme : l’aspect OCT est normal, l’EOG est altéré. •Stade vitelliforme : le dépôt jaunâtre donne un soulèvement rétinien au contenu hyper-réflectif qui masque en partie les structures sous-jacentes ; c’est l’OCT qui a révélé l’existence de ce soulèvement alors que la lésion était considérée comme plane. •Stade de pseudohypopion : soulèvement maculaire à contenu hyper-réflectif dans la partie inférieure. •Stade de résorption (c’est le cas de nos patientes) : même aspect, mais le contenu est moins réflectif, interruption de la couche des cellules photoréceptrices (CPR) témoignant de leur altération et apparition de petits dépôts hyper-réflectifs sur le plan de l’EP. •Stade d’atrophie : même aspect, mais avec des dépôts granuleux plus importants aussi bien sur la rétine que sur l’EP. L’emplacement exact du matériel vitelliforme, au-dessus, au-dessous ou à l’intérieur même de l’EP, n’a pas été clairement élucidé par les différentes études cliniques ou histologiques. En effet, l’examen histopathologique montre un dépôt diffus de lipofuscine aussi bien dans l’EP que dans la rétine et même dans la choroïde. L’OCT HD a permis de localiser ces dépôts aux différents stades ainsi que les altérations expliquant la BAV associée (2-4) : •Aux stades précoces de la maladie de Best, lorsque l’acuité visuelle est conservée : – les modifications touchent essentiellement la couche entre l’EP et l’interface articles internes/articles externes (AI/AE) des CPR ; – l’accumulation du matériel se fait entre la rétine et l’EP. •Aux stades tardifs, lorsque l’on note une baisse importante de l’AV, il existe : – une destruction des AI et AE des CPR (nos cas) ; – une hypertrophie puis rupture de l’EP. Conclusion L’OCT démontre que la lipofuscine vient s’accumuler entre l’EP et la rétine et que la baisse de l’acuité visuelle observée aux stades tardifs serait due à l’accumulation de ce même matériel à la couche des CPR causant leur dysfonction comme démontré dans nos observations. II 108 Images en Ophtalmologie • Vol. VI • no 3 • juillet-août-septembre 2012 Légendes Figure 5. Aspect d’œuf brouillé au fond d’œil de la patiente n° 2 : la taille des lésions est moins importante. Figure 6. Aspect aux temps précoces de l’angio­graphie à la fluorescéine chez la patiente n° 2 : fluorescence inhomogène du disque. Figure 7. Imprégnation des lésions aux temps tardifs de l’angiographie à la fluorescéine chez la patiente n° 2. Figures 8. Aspect de l’OCT maculaire de l’œil droit (a) et de l’œil gauche (b) chez la patiente n° 2. Références bibliographiques 1. Vedantham V, Ramasamy K. Optical coherence tomography in Best’s disease: an observational case report. Am J Ophthalmol 2005;139(2):351-3. 2. Spaide RF, Noble K, Morgan A, Freund KB. Vitelliform macular dystrophy. Ophthalmology 2006;113(8):1392-400. 3. Querques G, Regenbogen M, Quijano C et al. High-definition optical coherence tomography features in vitelliform macular dystrophy. Am J Ophthalmol 2008;146(4):501-7. 4. Ferrara DC, Costa RA, Tsang S et al. Multimodal fundus imaging in Best vitelliform macular dystrophy. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 2010;248(10):1377-86. Cas clinique Imagerie 5 6 7 OCT maculaire OD OCT maculaire OG Soulèvement maculaire Contenu légèrement hyper-réflectif Soulèvement maculaire Contenu légèrement hyper-réflectif Interruption de la couche des photorécepteurs Interruption de la couche des photorécepteurs Dépôts hyper-réflectifs sur le plan de l’épithélium pigmentaire 8a Dépôts hyper-réflectifs sur le plan de l’épithélium pigmentaire 8b Images en Ophtalmologie • Vol. VI • no 3 • juillet-août-septembre 2012 109