Cas clinique Rétine Maculopathies traumatiques après contusion à globe fermé Traumatic maculopathies after ocular globe contusion L. Malvitte, C. Creuzot-Garcher, A. Bron (Service d’ophtalmologie, CHU de Dijon) Traumatismes oculaires • Maculopathie traumatique • OCT. Ocular traumatisms • Traumatic maculopathy • OCT. L es contusions du globe oculaire peuvent être à l’origine de maculopathies traumatiques, telles qu’une contusion rétinienne (œdème de Berlin), un trou maculaire ou une rupture de la choroïde. Le pronostic de ces lésions est variable, mais d’autant moins bon qu’elles sont proches de la fovéa. Deux cas de traumatisme maculaire chez de jeunes patients victimes d’un traumatisme à globe fermé qui se sont compliqués d’une rupture de la choroïde et d’un trou maculaire sont rapportés. ▶ Un jeune patient, âgé de 4 ans, est adressé en urgence dans le service par un confrère pour une baisse d’acuité visuelle brutale de l’œil droit. Cette chute de la vision est survenue immédiatement après un traumatisme oculaire par un coup de coude alors qu’il jouait avec son frère. L’acuité visuelle sur son œil droit est limitée au décompte des doigts. L’acuité visuelle en vision de près est inférieure à P14. L’œil est normotone avec une pression à 9. L’examen biomicroscopique du segment antérieur ne révèle aucune plaie cornéenne, aucune hémorragie sous­conjonctivale laissant suspecter une plaie sclérale. Il n’y a pas d’hyphéma, le cristallin est en place. La gonioscopie possible malgré le jeune âge, retrouve un discret recul de l’angle irido­cornéen sur 90 degrés. Après dilatation, l’examen du fond d’œil révèle une rupture traumatique de la membrane de Bruch et de l’épithélium pigmentaire passant par la fovéa. Sa hauteur est d’environ 2 diamètres papillaires (figure 1). Un examen avec l’OCT3 confirme que cette lésion traverse précisément la fovéa (figure 2). ▶ Une jeune fille, âgée de 15 ans, se présente dans le service pour une baisse d’acuité visuelle brutale sur l’œil gauche survenue dans les suites d’un traumatisme non perforant du globe par une branche d’arbre. L’acuité visuelle est limitée à 1/20, P14 sur cet œil. La tension oculaire est normale, la chambre antérieure est calme, la pupille réactive, et il n’existe pas de signe de plaie pénétrante. L’examen du fond d’œil après dilatation retrouve une contu­ sion rétinienne hémorragique en temporal, un petit hématovitré inférieur et un trou maculaire (figure 3). L’examen par tomographie en cohérence optique (OCT) confirme la présence d’un trou maculaire d’une taille de 500 µm (figure 4). Patient 1 Discussion Figure 2. Coupe OCT passant par le centre de la zone de rupture. La région maculaire est particulièrement exposée aux lésions postcontusives de par le caractère antéropostérieur des forces qui s’exercent sur le globe. Les trois lésions maculaires les plus fréquemment rencontrées sont l’œdème de Berlin lié à une contusion rétinienne postérieure, le trou maculaire et la rupture choroïdienne. Dans notre première observation, il existe une rupture de la membrane de Bruch, qui étant peu élastique cède après le traumatisme. Cette rupture est souvent associée à une déchirure de l’épithélium pigmentaire et de la choroïde, entraînant une hémor­ ragie sous­rétinienne importante masquant la rupture. Dans le cas de cet enfant, la rupture choroïdienne est limitée avec seulement une hémorragie ponctiforme, et c’est la rupture qui est responsable de la baisse de vision, car elle est centrée sur la fovéa. 12 Images en Ophtalmologie • Vol. I • n° 1 • octobre-novembre-décembre 2007 Légendes Figure 1. Rupture traumatique de la membrane de Bruch. Patient 2 Figure 3. a : contusion rétinienne avec trou maculaire post-traumatique. b : trou maculaire post-traumatique. Figure 4. Coupe en OCT3 passant par le centre du trou maculaire. Cas clinique Rétine Patient 1 1 2 Patient 2 3b 3a 4 Images en Ophtalmologie • Vol. I • n° 1 • octobre-novembre-décembre 2007 13 Cas clinique Rétine • Dans cette situation, le pronostic visuel est mauvais et peut être encore aggravé par le développement d’une néovascularisation. Cette complication nécessite donc une surveillance régulière du fond d’œil, le risque néovasculaire étant le plus élevé dans les six premiers mois (1). Dans les premiers mois, les néovaisseaux peuvent être liés au processus de réparation normal, alors que les néovascularisations plus tardives sont plutôt liées à une rupture secondaire de la barrière hémato-rétinienne. Comme on le voit nettement sur ces images (figure 3), le fond du trou maculaire peut être le siège de taches blanches associées à une atrophie de l’épithélium pigmen­ taire. Ces zones sont aussi visibles en OCT sous forme d’une lésion hyperréflective. • Plusieurs théories existent sur la formation des trous maculaires post-trauma­ tiques, car ils ne sont pas souvent formés dans les suites immédiates du trauma­ tisme. Leur origine est sans doute multifactorielle. Ils pourraient survenir dans les suites d’un œdème maculaire cystoïde qui dégénère, d’une traction vitréo-maculaire. En fait, les phénomènes dégénératifs et tractionnels sont sans doute intriqués (2). Les études en OCT ont permis d’établir qu’il existe certainement deux origines en fonction de la présence ou non d’un décollement postérieur : une forme liée à une déhiscence primitive de la fovéa avec une baisse d’acuité visuelle immédiate et une autre forme avec une baisse de vision secondaire due à la persistance d’une traction vitréenne qui conduit à la déhiscence fovéolaire. Leur fermeture spontanée est relativement fréquente et surviendrait dans les 4 premiers mois après le traumatisme (3). Leur traitement chirurgical repose sur l’association d’une vitrectomie et d’un échange fluide-gaz, avec un taux de fermeture à environ 90 % dans la plupart des séries (4) et une acuité visuelle finale satisfai­ sante. • La présence d’une anomalie maculaire nécessite toujours de faire un examen soigneux de la périphérie rétinienne à la recherche d’une dialyse, d’une déchirure pouvant conduire au décollement de rétine. Les cas de traumatismes maculaires postcontusifs ont donc un pronostic visuel variable. Leur présence, qu’il s’agisse d’un trou maculaire ou d’une rupture choroïdienne, impose une surveillance régulière afin de décider de la meilleure attitude thérapeutique. II Références bibliographiques 1. W ood CM, Richardson J. Chorioretinal neovascular membranes complicating contusional eye injuries with indirect choroidal ruptures. B Jr Ophthalmol 1990;74:93-6. 2. AM Oehrens, P Stalmans. Optical Coherence Tomographic documentation of the formation of a traumatic macular hole. Am J Ophthalmol 2006;142:866-9. 3. Yamashita T, Uemara A, Uchino E, Doi N, Ohba N. Spontaneous closure of traumatic macular hole. Am J Ophthalmol 2002;133:230-5. 4. Chow DR, Williams GA, Trese MT et al. Successful closure of traumatic macular hole. Retina 1999;19:405-9. 14 Images en Ophtalmologie • Vol. I • n° 1 • octobre-novembre-décembre 2007