Les cycles économiques et leurs interprétations dans le capitalisme libéral [Eléments de corrigé] Analyse du sujet : - Sujet d’actualité dont les aspects théoriques sont primordiaux, ainsi que la dimension historique - Le mot cycle suppose l’idée de récurrence, de retour périodique de phases de croissance, suivies de phases de dépression. On doit à Clément Juglar la description des phases du cycle qui se décompose en 4 phases (cf. cours) - Il existe deux types d’analyses des cycles : les historiens (Braudel et Labrousse) ont abondamment décrit ces ondulations, ces « houles » ou « respirations de l’histoire » ; les économistes ( Schumpeter et Kondratieff) ont cherché à interpréter la croissance économique , phénomène de forte instabilité. L’analyse des cycles n’échappe pas à la dichotomie fondamentale entre libéralisme et analyses keynésienne et marxiste . Pour les premiers, les fluctuations cycliques s’expliquent par des chocs exogènes mais le système capitaliste tend vers l’équilibre . Pour les autres, ces cycles sont inévitables et consubstantiels au capitalisme libéral. Introduction : - La première mention de l’existence des cycles économiques se trouve sans doute dans la Bible : le songe du pharaon, les sept vaches grasses laissant la place aux sept vaches maigres, a été interprété par Joseph comme sept années de bonne récolte suivies de sept années de sécheresse. Joseph conseilla donc de faire des stocks pour parer à cette sécheresse . - Avec l’avènement du capitalisme libéral, ces cycles sont changé de nature ; aux cycles frumentaires puis aux cycles mixtes ont succédé des cycles plus complexes à l’intersection de l’industrie et de la finance et aux répercussions internationales (faillites, chute des salaires, misère,…) - Leur caractère régulier a très tôt intéressé les économistes qui ont cherché à mesurer et interpréter ces cycles, avec l’idée de pouvoir prévoir les évolutions du capitalisme. La connaissance des rythmes permettait aussi dans leur esprit de comprendre le système capitaliste . Depuis les travaux fondateurs de Joseph Aloïs Schumpeter ( Business cycles, 1939) on distingue trois cycles principaux : Kitchin, Juglar et Kondratieff - Nous commencerons par dresser un tableau des cycles puis nous étudierons les interprétations de ces derniers. La dernière partie posera la question de l’actualité des cycles dans une économie à régularisation administrée , dans un contexte de la mondialisation du système productif. I – Les cycles économiques ou la « respiration du capitalisme » A – L’apport des historiens : les cycles économiques ne sont pas exclusifs du système capitaliste - Analyse des crises frumentaires (cycle Labroussien) des économies préindustrielles / Loi de King : les variations du prix du blé sont plus que proportionnelles aux variations des quantités produites - Apparition des crises mixtes avec le processus d’industrialisation : crises dans des économies déjà industrialisées mais avec un secteur agricole encore important ( milieu du XIX°). Crise de 1846 comme exemple typique. / Une dimension financière incluse dans ces crises. - Dernier tiers du XIX° : apparition de véritables cycles industriels avec diffusion internationale. B- L’apport des économistes : la mise en perspective des faits historiques - Analyse des cycles longs ( travaux sur les séries chronologiques de la production des grands pays industrialisés au XIX° ) / Phase A et phase B / caractère international marqué , tous les secteurs d’activité étant touchés. - Analyse des cycles moyens par Clément Juglar, caractéristiques du capitalisme du XIX°. Etiologie bien connue : les pays initiateurs et les secteurs moteurs sont les plus touchés ; les - crises violentes – liées à des processus de surproduction- sont précédées de krachs boursiers ou bancaires. Analyse des cycles courts ou mineurs par Kitchin / pratique de gestion des stocks des grandes entreprises . II - Les interprétations des cycles : simples occurrences statistiques ou véritables modèles ? A – Les analyses traditionnelles - Le courant libéral s’est peu intéressé à la question des cycles car négation des déséquilibres durables ; la croissance étant un processus continu ( cf. loi de Say) / Toute crise de surproduction est impossible avec la condition d’une monnaie voile. - Analyse de Marx ou la question des crises et des cycles est au cœur de sa problématique comme dépassement violent des contradictions du système capitaliste/ L’activité économique capitaliste est cyclique par nature et les crises lui sont consubstantielles/ Elles sont liées à trois aspects du mode de production capitaliste : 1) nature antagoniste du mode de production capitaliste ( concurrence entre capitalistes → accroissement du capital constant → tendance permanente à la surproduction) 2) sous-consommation ‹ extorsion de la plus-value 3) Dynamique du profit qui entraîne les capitalistes non vers la satisfaction des besoins mais vers la maximisation des profits B- L’apport fondamental de J Schumpeter - - Imbrication des trois cycles par Schumpeter dans ce qu’il appelle un « three-cycles schema » Rôle fondamental de l’innovation dans la genèse des cycles. Grappes technologiques qui entraînent la croissance économique ; processus de destruction créatrice qui explique le déclin de la grappe d’innovations et l’émergence d’un nouveau système technique. Analyse des grandes vagues de révolutions techniques correspondant aux révolutions industrielles III L’actualité des cycles : un renouveau des analyses et le retour du cycle des affaires A – Un déclin des analyses en termes de cycles dans l’après-guerre - Après 1945, la forte croissance a généré un déclin des analyses en termes de cycles. Les problèmes se sont surtout portés vers les problèmes de l’équilibre dynamique de longue période et de la détermination des conditions d’une croissance équilibrée. C’est l’âge d’or des modèles de croissance ( keynésiens : modèles de Kaldor et Robinson – modèles néoclassiques de Solow ) . D’autre part, les politiques économiques ont été anticycliques, à la suite des analyses issues du modèle IS-LM et de la relation de Phillips - On retrouve la dualité d’analyse évoquée plus haut : l’analyse keynésienne appréhende les phénomènes cycliques comme le résultat des fluctuations de l’investissement et des problèmes liés à la répartition du revenu global ; l’analyse libérale reste attachée à l’idée que les cycles s’expliquent avant tout par des chocs exogènes B – Un renouveau de la théorie des cycles et un retour du cycle des affaires - - Renouveau de la théorie des cycles depuis les dernières crises économico-financières. Montée de la sphère financière depuis les années 80 avec de fortes conséquences sur les cycles. Si les années 70 sont marquées par des cycles réels (chocs pétroliers exogènes associés à une crise du mode de régulation fordiste) , les 30 dernières années sont plutôt marquées par un phénomène d’accentuation des cycles réels causés in fine par des variables financières. Les cycles , à l’instar de la dernière crise économique sont produits par les effets de l’endettement dans un capitalisme mondialisé . Conclusion : La croissance économique n’a donc jamais été un phénomène régulier et linéaire ; elle a été irrégulière dans le temps et l’espace. « Les économies ont les crises de leurs structures » écrivait Ernest Labrousse. Aux fluctuations précapitalistes liées aux phénomènes climatiques, auxquelles étaient associées les crises frumentaires, ont succédé les cycles industriels consubstantiels au système capitaliste. La croissance d’après-guerre a pu, un temps faire illusion. Les chocs pétroliers et la financiarisation des économies depuis les années 80 ont montré que l’évolution capitaliste reste fondamentalement cyclique et les analyses en termes de cycles des affaires ont retrouvé , à juste titre , une nouvelle audience.