LCR Formation 72 Economie de marché et anarchie capitaliste. Pourquoi un tel titre ? Personne ne peut nier que nous sommes dans une économie de marché c’està-dire une économie où tout produit est une marchandise destinée en premier lieu à être vendue pour rapporter le maximum de profits. Mais voilà, dans ce petit monde idéal pour certains, tout ne tourne pas tout le temps comme ils le voudraient et la machine s’enraille souvent. C’est pour cela que l’économie de marché capitaliste est indissociable de l’anarchie et des crises. Ces crises touchent les capitalistes, leurs profits diminuent et cela se répercute inévitablement sur ceux qui produisent, les salariés. Chaque crise entraîne son cortège de chômage, de misère, d’exclusion, de famine. Il y a qu’à voir l’exemple récent de l’Argentine. Cet exemple est d’ailleurs révélateur. On nous annonce une crise, sans nous expliquer les tenants et aboutissants, comme si elle était aussi soudaine qu’un ouragan dans le ciel. Mais les crises, elles ne s’expliquent pas comme un bulletin météo, elles ont leur propre logique et leur utilité pour le système. Elles sont l’expression du pourrissement de l’économie de marché. Comme à chaque fois à travers le passé, ces crises sont des crises de surproduction. Auparavant, les crises apparaissaient parce que la société n’était pas assez riche pour satisfaire tous les besoins de la population. Elles surgissaient lorsque la Nature se retournait contre l’Homme en détruisant par exemple les récoltes, entraînant famines et épidémies. Dans le système capitaliste, ce ne sont plus des crises de sous production mais de surproduction. Toute la machine économique s’arrête lorsqu’elle a créé trop de richesses. Et c’est l’aberration d’un tel système qui a amené d’un côté des progrès techniques considérables et qui de l’autre voit des millions d’hommes plongés dans le besoin et la misère. Et ceci tout simplement parce que le moteur de ce système c’est le profit et que tout produit est destiné à être vendu. Ainsi, la crise apparaît lorsque la consommation payante est insuffisante c’est-à-dire lorsqu’il n’y a plus assez de gens pour acheter tous les produits fabriqués. Et les exemples ne manquent pas : on met en stock des surplus de viande, de lait, on met des terres en jachère pour éviter une surproduction qui ne pourrait être vendue et on assiste à cette injustice criante : l’abondance provoque la pénurie. Ces crises, elles ne sont pas un simple dysfonctionnement mais bien le produit de l’économie de marché capitaliste. Base de l’économie de marché et ses contradictions Nous sommes dans une économie marchande. Aujourd’hui la production de richesses n’a pas pour objectif de satisfaire les besoins humains. Le seul moteur, c’est la vente. Le patron doit récupérer ses billes et faire le plus de profit possible. Ce besoin de profit implique un décalage entre les besoins de la population et la production réelle. Le raisonnement de chaque patron est basique : essayer de vendre le plus possible. Si bien que la production n’est pas dirigée, gérée selon un plan conscient en s’essayant de s’adapter la demande. C’est le marché qui dicte sa loi, c’est lui le seul régulateur, mais un régulateur aveugle car ce n’est qu’après avoir produit, une fois que les marchandises sont sur le marché, que l’on peut vérifier si elles vont être vendues. Voilà une contradiction fondamentale de l’économie de marché ; la vérification d’avoir atteint le bon niveau de production ne se fait que sur le marché, lors des échanges et donc après la production proprement dite. Contrairement à certains préjugés répandus, l’économie de marché n’a pas toujours existé. Elle n’est pas naturelle, et des produits sont devenus marchandises c’est-à-dire destinées à être vendues simplement lorsque la production a dépassé la satisfaction des besoins de celui qui produisait. Dans les sociétés antérieures qu’on appelle sociétés primitives, on produisait pour satisfaire les besoins de la tribu, on évaluait la demande, et la production s’adaptait. Bien sûr, il ne s’agit pas d’idéaliser cette époque où l’économie reposait souvent sur la pénurie et où il s’agissait chaque jour de se battre pour la survie de la tribu. Mais, les marchandises n’existaient pas, et les crises absurdes de surproduction non plus. De la même façon, au Moyen-Age, on produisait pour sa propre consommation et elle ne satisfaisait en général que le producteur et sa famille. Les récoltes servaient à survivre toute l’année. Les produits ne prenaient pas le caractère de marchandise. C’est seulement lorsque le producteur arrivait à produire un excédent au-delà de ses propres besoins qu’il vendait cet excédent et ainsi les produits devenaient marchandises. Aujourd’hui, dans l’économie de marché capitaliste, tout est une marchandise. La mondialisation accentue les phénomènes. Ce n’est pas un hasard si le slogan du mouvement anti-mondialisation est « le monde n’est pas une marchandise » car en effet de nos jours tout s’achète et se vend, même ce qui est du domaine du vivant. Lors du dernier topo, le camarade avait expliqué, que dans ce système, l’homme est aussi une marchandise. Les salariés, parce qu’ils ne possèdent rien d’autre pour produire que leur force de travail, manuelle ou intellectuelle, se vendent pour avoir un moyen d’existence. Cette exploitation du travailleur salarié est à la base de l’économie. Le salarié produit, mais contrairement à d’autres sociétés marchandes, il produit quelque chose qui ne lui appartient pas. Les produits appartiennent aux patrons, à ceux qui possèdent les usines, les machines, les capitaux, les actions, à ceux qui sont capables d’investir et qui vendent la production sur le marché pour en retirer du profit. Ce mode de production a permis un essor considérable de la production. Aujourd’hui, on peut produire en masse quantité de produits, la société n’a jamais été aussi riche et on pourrait grâce aux techniques produire de tout pour tout le monde et ainsi éliminer tous les désastres sociaux que l’on connaît. Avec le travail sur des chaînes de production, tout a subi une transformation radicale. Avant, un homme fabriquait un produit du début jusqu’à la fin. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. La production est devenue sociale c’est-à-dire qu’avec la division du travail, une marchandise est produit par de nombreux travailleurs. Une voiture est fabriquée à la chaîne, par des centaines de mains. Si bien que le travail de chacun est maintenant indispensable à la survie de tous. Alors bien sûr, maintenant qu’un produit n’appartient plus à celui qui le fabrique mais à celui qui détient les moyens de production, surgit une contradiction profonde de l’économie de marché capitaliste : la production est, comme je l’ai dit, devenue sociale par contre son appropriation est personnelle. C’est le règne de la propriété privée, que les médias appellent plutôt la liberté d’entreprendre ou le goût du risque. Alors pourquoi les crises représentent un caractère fondamental de ce système économique ? Parce que la propriété privée des moyens de production, usines, machines, capitaux, permet l’appropriation personnelle d’un travail collectif. Le patron détient des capitaux, achète des machines, des travailleurs pour produire, et au final la marchandise finie lui appartient en propre. Ce qui fait que quand on produit on ne se soucie pas de la collectivité, de savoir si ce produit est utile, si il satisfera la demande. Non, le seul souci pour le patron ou le conseil d’administration, c’est de savoir si toute la production va se vendre car il leur faut des bénéfices et si possible vite et beaucoup. Car faire des bénéfices, c’est pour de gros actionnaires, rentabiliser les investissements, investir dans de nouvelles techniques ou maintenant i plutôt spéculer, tout cela pour survivre. En effet, la guerre que mène un patron contre ses salariés pour augmenter sa rentabilité, il la mène aussi contre ses propres collègues car la concurrence est rude. Chacun cherche à vendre plus de produit que le concurrent. L’objectif de chaque patron est donc de rendre son entreprise la plus rentable possible, la plus concurrentielle. Mais si la concurrence pousse les capitalistes à élargir sans cesse leur production, à mobiliser de plus en plus de capitaux pour produire davantage et à moindre coût, le marché est lui nécessairement limité et du fait de la concurrence, il est impossible de prévoir quelle quantité de marchandises pourra être vendue. Ainsi, si, dans les usines, la rationalisation du travail est poussée à l’extrême, les temps comptés à la seconde près, à l’extérieur sur le marché, c’est l’anarchie, car la vérification du fait que les produits pourront être vendus se fait après coup. Lorsque le marché se révèle saturé, la production reste invendue, inutilisée, les capitaux se retirent précipitamment du secteur puisque la production ne peut s’adapter qu’à la demande solvable c’est-à-dire à celle qui peut acheter. C’est le cas de toutes les crises que l’on a vu ces dernières années où un pays se retrouve ruiné en quelques jours car les investisseurs se retirent d’un coup laissant le pays à l’abandon et plongeant des peuples entiers dans la misère. C’est en cela que la crise n’est pas un simple dysfonctionnement de l’économie de marché capitaliste mais son produit direct. Pire, les crises avec leurs cortèges de licenciements, d’appauvrissement de la population ont une utilité primordiale pour le système. Elles le régulent en réajustant l’économie, en éliminant les capitalistes les moins compétitifs, et en entraînant le développement des plus importants. Ces crises, on l’a dit, ont des conséquences pour les patrons mais ceux qui subissent le pire, ce sont les travailleurs et les peuples. Les salariés subissent la pression des actionnaires en période de relatif essor puisque ces derniers ne pensent qu ‘en terme de rentabilité du travail et en période de crise, ce sont les plans sociaux, les licenciements, les blocages de salaires tout ça à cause d’une situation dont ils sont nullement responsables. Cre sont ici deux logiques sociales qui s’affrontent, deux intérêts totalement opposés car satisfaire l’un c’est flouer l’autre. Monnaie-crédit-bourse Tout cela montre l’aspect de plus en plus parasitaire de l’économie de marché capitaliste et ce parasitisme, il est illustré et amplifié par l’importance qu’a pris depuis une vingtaine d’années la finance et la Bourse. Pour comprendre un peu mieux d’où provient cet aspect financier du système, on peut dire quelques mots sur l’origine et le rôle de l’argent. L’argent tout d’abord n’a pas existé de tout temps. Dans les sociétés primitives, on échangeait quelque fois avec les tribus voisines, avec comme seule volonté de consommer les produits échangés, mais on ne pouvait produire la plupart du temps que juste assez pour satisfaire les besoins du groupe et il n’était donc pas question de vendre ou d’échanger. Comme quoi, les hommes n’ont pas un gène du commerce de tout temps et que les échanges sont nés quand la production a dépassé les besoins du producteur. Au départ, tout échange se faisait sur la base du troc. Mais au fur et à mesure des progrès techniques, le nombre et la variété de produits s’est accrue de façon considérable. Les échanges ne concernaient plus 2 produits ou 2 catégories de produits mais une infinité de biens différents. Il a donc fallu dès lors gérer les échanges avec une marchandise qui pouvait servir d’étalon à toute les autres. En clair, il fallait une marchandise dans laquelle toutes les autres puissent exprimer leurs valeurs. Cette marchandise, ce fut au départ la monnaie argent. L’argent a donc une utilité sociale en facilitant les échanges entre les hommes. Mais avec le développement des échanges, le rôle de l’argent a changé : il est devenu un moyen de s’enrichir, de « faire de l’argent » comme on dit et dès lors les transformations de la monnaie ont suivi les transformations de la société. Bientôt, la monnaie argent devint un frein au règlement rapide des échanges car passant dans beaucoup de mains, elle s’usait vite et perdait ainsi de la valeur. De plus, une expansion brusque du commerce pouvait entraîner des pénuries d’argent ce qui bloquait les échanges. C’est pourquoi on est passé à la monnaie papier pour faciliter et accélérer les échanges. Mais en lui-même, le billet n’a aucune valeur sauf celle qu’on lui donne. C’est pour cette raison que tout se base dès lors sur la confiance, la confiance dans la valeur attribuée à ses simples bouts de papier. Quand on n’a plus confiance dans une monnaie, elle perd sa valeur et les crises apparaissent puisque la population n’est plus payer qu’en monnaie de singe. On a vu par exemple il y a quelques années des capitalistes comme Soros grâce à leur pouvoir financier spéculer sur certaines monnaies et retirer leurs capitaux au dernier moment entraînant la ruine de pays entiers. Au contraire de la monnaie métallique, avec les billets, il n’y a dès lors plus aucune limitation dans l’accumulation de richesse : on émet autant de papier que l’on a besoin. Pour faire face à ses besoins et à ceux des bourgeois, l’Etat n’a eu de cesse que d’émettre des billets en quantité astronomique. L’argent devient alors un capital qu’il s’agit de faire fructifier. Dès lors, rien ne peut arrêter l’accumulation de capital et donc l’expansion de la production. La seule limite, comme on l’a dit tout à l’heure, c’est le marché qui la fixe car il est restreint et ne peut absorber toutes les marchandises produites. Comment les capitalistes vont tenter de gommer cette contradiction ? En inventant le crédit. Il leur permet d’acquérir des capitaux en nombre considérable auprès de banques en attendant d’écouler leur production. Il permet d’accroître artificiellement le marché (crédit à la consommation), d’investir avant de récupérer des profits (crédit à la production) pour ainsi rendre la production moins dépendante du marché. C’est la réponse des capitalistes pour éviter d’arrêter la production, d’avoir des capitaux en permanence et permettre de reculer le moment où on devra vérifier l’adéquation entre la production et les capacités du marché. Mais on voit que même si le crédit existe, les crises existent encore car on ne fait que reculer l’échéance, et ce qu’on appelle pudiquement le « réajustement » en clair la crise est d’autant plus profond qu’il a été long à surgir. Car en retardant les échéances des crises, le crédit n’a fait qu’aggraver les facteurs de déséquilibre. Dans sa fuite en avant pour éviter les crises, la bourgeoisie a aussi inventé la Bourse. Elle est devenue sa nouvelle religion, celle par qui le succès et l’argent facile arrive, comme par enchantement, de l’argent provenant apparemment de nulle part mais qui a une destination privilégiée, celle des poches des gros actionnaires. Elle a permis à partir d’un capital, de faire de l’argent par la spéculation, de façon anonyme, dans le genre « pas vu pas pris »et ainsi de nos jours de grands actionnaires réussissent à commander une masse de capitaux dépassant largement leur propre propriété. Alors on parle souvent de bulle financière. D’accord c’est une bulle financière qui envahit toute la production, c’est une masse gigantesque de capitaux qui se baladent à travers la planète spéculant sur les futurs profits de tel ou tel trust. La bulle gonfle alors de façon illimitée jusqu’au moment où les débouchés manquent et le retour sur terre est rude : les capitaux s’échappent et la crise n’en est alors que plus brutale et dévastatrice. Mais non ce n’est pas une bulle financière coupée de tout. Je dis cela car on nous parle souvent de capitalisme sauvage, on voudrait nous faire croire qu’il s’agit de profits qui ne sont pas basés sur l’exploitation du travail salarié, mais qu’il proviendrait simplement de l’intelligence de certains financiers qui placent leurs capitaux au bon endroit au bon moment. Eh bien non, ces profits financiers découlent des profits réalisés dans la production, c’est un vol de plus sur le dos des travailleurs. Ces dernières années, avec les nouvelles technologies, la Bourse a pris une importance encore plus considérable. Ce vaste casino où se jouent et se distribuent les profits financiers a connu une furie spéculative. Les indices des Bourses nationales ont explosé, le Nasdaq l’indice des nouvelles technologies a en moins d’un an augmenté de 127 %. Plus de 2000 milliards de dollars sont échangés quotidiennement. Les réajustements succèdent aux envolées boursières tout cela sans aucune mesure avec la valeur des richesses réellement produites dans le monde. Mais tout est basé sur la confiance et quand on la perd c’est une fois de plus comme au casino, « rien ne va plus »… Ce qui est certain, c’est que la concurrence entre financiers pour s’accaparer les profits de la Bourse est indissociable du capitalisme. Il n’existe pas de capitalisme à visage humain débarrassé des scories boursières. Cela n’existe pas car les financiers qui dirigent le monde en ont trop besoin pour tenter de maintenir leur système hors de l’eau. La question c’est jusqu’à quand. Car le décalage se creuse entre la réalité de la production et de la vente et la spéculation boursière menée par les grands groupes financiers et reposant sur des espoirs de profits. L’économie repose sur une sorte de crédit financier, aggravant l’anarchie du marché et préparant une rupture. Peut-on réguler cette économie de marché ? Le problème c’est que les crises et les organes capitalistes, Bourse, crédit, qui tentent de les effacer mais qui les aggravent sont indissociables du mécanisme capitaliste. La base de cette économie, la propriété privée des moyens de production est incompatible avec la satisfaction des besoins de tous car c’est la logique du profit personnel qui prime. Régler les problèmes de crises et des conséquences qu’elles entraînent, c’est obligatoirement régler le problème de la propriété privée, c’est créer un cadre où les hommes puissent maîtriser l’économie pour l’adapter aux besoins humains. Et cela ce n’est qu’une révolution en tant qu’intervention sur la scène politique de millions de travailleurs conscients qui pourra l’instaurer.