L’Encéphale (2008) Supplément 5, S183–S185 j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e m - c o n s u l t e . c o m / p r o d u i t / e n c e p Santé mentale et prise en charge précoce : l’expérience du réseau de santé Prepsy G. Gozlan SHU, Hôpital Saint-Anne, 7, rue Cabanis, 75014 Paris La santé mentale selon l’OMS est un « état de bien-être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté ». Bien qu’il existe un principe de « santé pour tous », les inégalités sociales en santé mentale se maintiennent voire s’aggravent et un faible statut socio-économique accroît la vulnérabilité à une mauvaise santé mentale. Dans cette optique, l’aide aux catégories plus vulnérables est de nature à améliorer leur santé mentale, consolider la cohésion sociale et éviter les charges médico-socio-économiques associées à cette vulnérabilité. En Île-de-France, près de 300 000 personnes de 11 à 29 ans souffrent de troubles psychiques (environ 164 000 de troubles bipolaires, 142 000 de schizophrénie) et chez le généraliste 24 % des consultations concernent des troubles psychologiques mal définis. Toutefois, malgré une offre abondante et diversifiée, les franciliens ont moins recours au médecin généraliste qu’en province et cette situation est plus particulièrement marquée pour les bénéficiaires de la CMU, les personnes en situation de précarité et les minorités socio-culturelles. Plus généralement, le public se dit mal informé du fait de préjugés et d’une stigmatisation importante des troubles psychiques entraînant une opposition voire un refus aux soins. Les jeunes constituent une population moins informée sur la santé mentale, ne connaissant pas les filières d’accès aux soins, refusant les * Auteur correspondant. E-mail : [email protected] L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts. © L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés. troubles ou se sentant invulnérables. La honte, l’anxiété sociale, la dépression ou la consommation de toxiques constituant autant de barrières psychologiques voire de facteurs de comorbidités. La schizophrénie : une pathologie complexe nécessitant des soins complexes La schizophrénie est trop souvent diagnostiquée tardivement et l’accès aux soins intervient en situation de crise lors du premier épisode psychotique. Les diagnostics à cette période sont souvent incertains et les effets secondaires des traitements peuvent ajouter à la complexité de la prise en charge. Les obstacles à la détection et à la prise en charge précoce sont de plusieurs ordres, associant la faible incidence des troubles, le faible niveau de vigilance et d’expertise des praticiens de première ligne voire la banalisation des premiers symptômes mais aussi des dilemmes et préjugés médicaux s’exprimant dans un système de santé plus réactif que proactif où la coordination et le suivi sont souvent absents ou réduits, parfois pour des raisons d’effectifs médicaux. Pourtant, un retard à la prise en charge augmente le risque de suicide, le risque de dépression secondaire, l’aggravation des troubles cognitifs, le risque de passage à l’acte, de consommation de toxiques, le nombre de perdus de vue, la rupture familiale et/ou affective, le risque d’absentéisme scolaire ou de la S184 G. Gozlan Symptômes positifs H Consultation du généraliste Détection Parcours de soins Formations Case management Service à la personne SYSTÈME D’INFORMATION IRIS RÉSEAU DE SANTÉ SERVICES Développer la connaissance dans le domaine du management et de l’innovation en santé mentale Détection précoce Innovation Mutualisation Management par la qualité – EFQM Symptômes négatifs 5 ans Garantir la qualité de l’offre globale de services Transférer le savoir-faire par la promotion d’expériences innovantes Consommation problématique Absentéisme scolaire Premiers signes Acquérir une expertise métier en santé mentale RECHERCHE ET DÉVOLOPPEMENT Agir tôt pour limiter l’aggravation PREPSY – Réseau intégré de services en santé mentale ÉQUIPE DE COORDINATION formation professionnelle ainsi que le risque de licenciement ou de chômage prolongé. La prise en charge précoce constitue un défi permettant de mieux identifier les patients à risque, de réduire la symptomatologie et de limiter l’impact psycho-sociopédagogique. Elle permet enfin de répondre aux besoins exprimés et non exprimés du patient et de son entourage. Pour cela, la médecine de ville, les centres de santé et les réseaux de santé sont des acteurs pivot dans les soins de première ligne et dans la coordination de soins en collaborations avec le médico-social, la médecine scolaire et les services hospitaliers. Figure 2 Réseau intégré de Service en Santé mentale. 2 ans 3 ans Consultation du psychiatre Traitement et remédiation Actions des dispositifs de détection et de PECP……………………… Figure 1 Agir tôt pour limiter l’aggravation. Le réseau de santé Prepsy au service de tous Le réseau de santé Prépsy a pour mission de faciliter la prise en charge précoce et le suivi des adolescents et les jeunes adultes présentant des troubles psychiques pouvant évoluer vers des formes sévères et/ou chroniques et un handicap psychique. Il intervient en complémentarité avec les structures hospitalières publiques et privées, la médecine de ville, les médecins et les infirmières scolaires, la médecine du travail, les autres réseaux de santé, les services médico-sociaux et les associations de santé. Pour cela, ses stratégies d’intégration de services consistent à créer et à maintenir une régulation commune et coordonnée aux niveaux administratif et clinique entre les différents acteurs des territoires de santé parisiens. En utilisant un système d’information spécifique, Prepsy peut coordonner un suivi longitudinal conforme aux plans de services individualisés décidés à l’occasion des réunions de concertation pluridisciplinaires et mettre en place des formations pluri-professionnelles adaptées. Prépsy est un réseau de santé agréé par l’ARH adossé à une association Loi de 1901. Il est inscrit au SROS III à Paris et a passé conventions avec le CH Sainte Anne (Paris), avec l’INSERM, la FNAPSY, France-Dépression, Schizo…oui ! et l’UNAFAM. Au niveau international Prépsy est affilié au CCOMS et à l’IEPA. Son financement provient du FAQSV, de la DRDR, de la DASS et la CPAM. Il bénéficie du soutien de la MILDT, de la Fondation de France, de la Fondation Wyeth ainsi que d’opérateurs hospitaliers publics et privés. Faciliter les actions des communautés d’acteurs Les moyens d’action de Prépsy consistent en l’amélioration des compétences des professionnels par la FMC et la constitution d’une communauté d’acteurs permettant de favoriser la détection des patients à risque, constituant un socle de compétences permettant la mise en œuvre d’un programme d’accompagnement global de prévention et d’éducation à la santé dont le contenu s’inspire des référentiels de bonnes pratiques et des expériences innovantes françaises et internationales et utilise des outils d’intégration clinique au service de la coordination : en cas de doute sur un éventuel état pré-psychotique le patient est orienté en consultation vers le CEJAAD (centre d’évaluation du jeune adulte et de l’adolescent) piloté par le Docteur Anne GUT, psychiatre praticien hospitalier du SHU de l’hôpital Sainte-Anne (Paris) et bénéficie du programme d’évolution et de suivi, PREPP, mis en place par le laboratoire INSERM dirigé par le Pr M. O Krebs. Il bénéficie de consultation à visée évaluative, d’un test approfondi de la vulnérabilité psychique, d’un bilan biologique et d’un examen IRM cérébral. Il peut aussi être orienté vers toute ressource spécialisée publique ou privée adaptée à son état. Ces actions permettent à l’infirmière coordinatrice, sous la responsabilité du directeur médical, de mettre en place des stratégies cliniques et d’organiser des réunions de concertation pluridisciplinaires afin d’assurer le suivi actif des patients via son système d’information et de limiter les « perdus de vue ». Depuis le 1er janvier 2004 plus de 900 patients ont été inclus ; 200 professionnels ont signé de la charte et 1 000 professionnels ont été formés (dont 61 % de libéraux). L’orientation vers les associations de santé, la prise en charge des frères et sœurs et la mise en place de groupes parents complètent ces actions. Santé mentale et prise en charge précoce : l’expérience du réseau de santé Prepsy Conclusion L’ensemble de ce dispositif a pour but de faciliter la coordination des soins et des prises en charge, centrée sur le S185 sujet. Ce dispositif est innovant en France dans le domaine de la détection des psychoses et la prise en charge des jeunes patients à la frontière de l’adolescence et l’âge adulte. Médecins scolaires Pédiatres Gynécos Centre d’évaluation Hôpitaux MG CMP Psychiatres Pédopsychiatres Structures d’accueil Pharmaciens d’officine Infirmières libérales Infirmière réseau • Éducation à la santé • Aide à l’observance • Accompagnement psychologique • Accompagnement juridique • Accompagnement administratif Familles Écoles Collèges, Lycées Patient en ville • Repérage des signes précoces • Aide à la poursuite des études • Intervention auprès des autres • Intervention à domicile élèves et de la communauté éducative (médicale, sociale, éducation) • Accompagnement dans l’attente Travail d’une prise en charge • Accompagnement au retour de l’hôpital Services sociaux Associations Patients / familles Figure 3 Le patient au centre du dispositif de soins. Logement • Aide à la recherche d’un emploi et d’un logement adaptés