formation formation dossier Apaiser et reconstruire par la communication sensorielle C’est à l’initiative de deux aides-soignantes de l’équipe du CHS de Caen (14) que le projet de créer un espace de détente pour les patients psychotiques déficitaires a vu le jour. Retenu comme projet de service, il permet depuis deux ans à de nombreux patients de bénéficier d’un accompagnement complémentaire fondé sur le concept snoezelen. sabelle De Oliveira et Mireille Spicker sont aidessoignantes à l’unité de longue durée Les glycines. À la base, leur projet est tout simple. Elles proposent de doter le service d’un espace de jeu avec un peu de matériel pour distraire les patients psychotiques déficitaires et s’en occuper autrement. Ayant entendu parler d’une salle d’activités dans une institution de la région, Michelle Gonet, cadre de santé, soutient l’idée. Ensemble, elles décident d’aller voir et c’est ainsi qu’elles découvrent l’univers snoezelen. I Genèse du projet Pour penser cet espace, les deux aides-soignantes s’appuient sur des démarches et projets de soins individuels afin de faire émerger des activités adaptées aux capacités sensorielles et aux besoins de se récréer des patients. Elles montent un dossier de présentation et organisent une information pour les soignants du service et d’autres unités de soins (admission, gérontopsychiatrie...). Jugée novatrice, cette idée est retenue comme projet de service. De plus, très vite, Marc Toulouse, chef de service, a l’intuition que cette démarche ne concerne pas seulement les patients déficients, mais qu’elle peut renouveler les pratiques dans d’autres tableaux cliniques telles que les dépressions, les psychoses ou les démences. Selon son propos, « si les émotions s’expriment essentiellement par le corps, on peut, par les stimulations sensorielles, rejoindre le cerveau émotionnel ». La direction de l’hôpital donne alors son aval pour que les aides-soignants imaginent et conçoivent “leur” espace snoezelen. communication est au cœur des échanges, notamment dans son expression non verbale. De quoi apaiser les angoisses, retrouver une intégrité physique et revisiter la mémoire sensorielle avec des expériences agréables. L’inventivité et l’engagement du soignant y sont pleinement sollicités. Ayant le souci de former suffisamment de personnels (médecin, cadre de santé, ergothérapeute, infirmières et aides-soignantes) des Le concept snoezelen Initié aux Pays-Bas dans les années 1970, le concept snoezelen recouvre une philosophie globale d’approche de la personne fondée sur l’écoute et la disponibilité à l’autre, quels que soient son handicap, ses capacités ou son âge. Le terme snoezelen est la contraction de deux mots néerlandais : snuffelen, qui signifie “flairer, fureter” et doezelen qui évoque un état de langueur indéfinissable, de somnolence. Cette construction permet de définir le terme snoezelen comme l’alliance de la détente et du relâchement avec une forme de tonicité, d’envie de connaître et de s’approprier de nouvelles sensations, de nouvelles connaissances. La démarche snoezelen se déroule dans une pièce plongée dans la pénombre et suffisamment grande pour y rassembler plusieurs personnes. C’est un lieu confortable, chaleureux et adapté aux handicaps des personnes accueillies. Des outils sensoriels (lumières, odeurs, musique...) procurent une tranquillité en même temps qu’un certain mouvement au fil des séances. Le travail en espace snoezelen s’adresse à tout type de patient. Il s’appuie sur une écoute fine à l’autre et sur une mise en relation à tous ses moyens de communication, notamment la communication non verbale qui est essentielle pour obtenir un mieux-être. Karine Renard Un lieu décalé dans l’hôpital psychomotricienne, responsable de formation, L’espace snoezelen est un espace de liberté qui ouvre la possibilité d’une nouvelle relation ludique et sensorielle entre le patient et le soignant. Il permet un mode d’approche et une démarche d’accompagnement ouverts sur la rencontre avec la personne soignée dans une confiance partagée. La IRFA Évolution – www.irfa-evolution.fr Références bibliographiques • Hulsegge J, Verheul A. Un autre monde. Evasme 2004. • Cassette vidéo de Luc Espie, Snoezelen, les visiteurs de l’espace, Association Marie Hélène. 20 © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 19/05/2010 par OTTAWA UNIVERSITY OF (26899) La revue de l’infirmière • Mars 2008 • n° 138 formation formation dossier Perspectives © CHS de Caen Avec le recul, nous constatons que ce ne sont pas seulement les patients initialement visés qui en bénéficient le plus, mais au contraire les patients dépressifs du service d’admission ainsi que, de manière progressive, les personnes hospitalisées en gérontopsychiatrie. Nous regrettons de n’avoir pu organiser régulièrement des réunions de supervision utiles pour revisiter ensemble nos expériences et nos difficultés. Et pour aller plus loin dans notre démarche, il nous semble aujourd’hui nécessaire de travailler avec un spécialiste, peut-être un psychomotricien, afin de donner plus de sens à ce qui se passe dans cet espace dédié au corps. Nous y réfléchissons. Au final, et malgré quelques problèmes de fonctionnement, l’enthousiasme des soignants reste entier, chacun étant convaincu que le bien-être psychique est en lien avec l’apaisement physique. • Des outils sensoriels procurent une tranquillité en même temps qu’un certain mouvement au fil des séances. unités pour utiliser cet outil auprès de différents patients, les demandes de formation ont été concentrées, dès 2005, sur l’espace snoezelen. Rôle infirmier et aide-soignant Article rédigé par Michelle Gonet et Martine Lenoël cadres de santé, Centre hospitalier spécialisé de Caen (14), à partir des témoignages de Sylvie Chatelet et Odile Le Bihan, infirmières, et Isabelle De Oliveira et Françoise Ziélinski, aides-soignantes © CHS de Caen Au sein de cet espace, le rôle des infirmiers et des aidessoignants consiste à aménager un espace harmonieux, une unité de lieu où chacun peut être installé le plus confortablement possible. Il s’agit aussi de créer une certaine ambiance visuelle et sonore en rupture avec l’espace de vie quotidien, institutionnel. Modulable, la configuration du lieu s’adapte au fil de la dynamique du travail. L’infirmier ou l’aide-soignant construit les séances selon un cadre ritualisé et structurant, mais avec un souci de créativité. Il prépare l’arrivée, l’accueil, le départ et le retour vers les groupes (usage des effets lumineux, allumage progressif de la lumière, choix des musiques, sonorités vocales, attitudes corporelles). Il assure une grande discrétion sur ce qui se déroule dans cet espace pour ne pas trahir le vécu émotionnel et la libre expression de chacun. Toutefois, la démarche est articulée en équipe et en lien avec le projet d’accompagnement individualisé du patient. L’espace crée, par ailleurs, un climat de confiance propice à un vécu partagé dans une certaine intimité. Cependant, le professionnel se situe toujours en tant que soignant vis-à-vis du patient, clarifiant en permanence cette position et les limites à ne pas franchir dans les échanges. Après les séances, les soignants se donnent un temps de “reprise personnelle” par un travail d’écriture (fiche d’observation) afin d’évaluer le vécu découvert au cours des échanges et d’aller, si besoin, chercher des informations complémentaires sur la qualité de vie du patient dans son groupe d’appartenance. Une formation permettant de s’imprégner de l’état d’esprit snoezelen et d’expérimenter la dimension sensorielle dans la relation à l’autre est essentielle. La revue de l’infirmière • Mars 2008 • n° 138 © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 19/05/2010 par OTTAWA UNIVERSITY OF (26899) 21