snoezelen

LE SNOEZELEN
Stéphanie Orain
Fond. Nationale de Gérontologie | « Gérontologie et société »
2008/3 vol. 31 / n° 126 | pages 157 à 164
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ISSN 0151-0193
LE SNOEZELEN
STÉPHANIE ORAIN
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Le Snoezelen est un concept récent qui nous vient de Hollande et
qui repose sur la stimulation sensorielle. Le Snoezelen peut s’évoquer
en formation, en discussions entre professionnels mais avant tout, le
Snoezelen se vit, se vit de l’intérieur, intensément, avec authenticité.
C’est grâce à des matières, des textures, des couleurs, des odeurs, des
sons, qu’une atmosphère se créée, et, véritable invitation au voyage
sensoriel, elle transporte le patient ailleurs, en lui offrant un espace de
liberté, sans contrainte ni de temps, ni de rythme. La relation entre le
soignant et le soigné s’instaure légitimement et délicatement.
La séance peut alors commencer…
SNOEZELEN
Snoezelen is a recent concept which comes from Holland and which is
based on sensory stimulation. Snoezelen can be referred to in training, in
discussions between professionals but above all Snoezelen is lived, it is lived
from the inside, intensely and genuinely. It is thanks to matter, to texture, to
colour, to smell, to sound that an atmosphere is created. It is a real invitation
to a sensory journey, it transports patients elsewhere by granting them a place
of freedom with no temporal or rhythmic constraints. Relations between
carers and patients are established legitimately and delicately.
The session can then begin….
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DIRECTRICE HEPAD « LA RÉSIDENCE LES PINS », SAINT LAURENT SUR GORRE (HAUTE-VIENNE)
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LE SNOEZELEN
Dans le cadre d’un projet intitulé « Eveil des sens », l’établissement s’est doté, d’un salon de toucher relationnel, d’un espace
Snoezelen, fonctionnel depuis juillet 2007 et attend l’installation
prochaine d’une salle d’hydrothérapie.
Le projet est récent et les équipes disposent, encore pour l’instant,
d’un faible recul. C’est donc en toute humilité que je vais évoquer
le Snoezelen, véritable invitation au voyage sensoriel, empreint
d’humanité et d’authenticité.
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Le terme Snoezelen est un néologisme, né de la contraction de
deux verbes néerlandais : snuffelen qui signifie renifler, flairer,
fureter et présente une dimension plutôt active, de découverte,
de curiosité, de stimulation, et doezelen qui signifie somnoler,
estomper, adoucir, et renvoie davantage à une idée de calme, de
sérénité et de détente.
Le Snoezelen consiste à consacrer aux résidents un temps dédié,
dans un espace approprié, à « des activités » reposant sur des sollicitations sensorielles, où la stimulation des sens se fait simultanément ou séparément.
Le Snoezelen fait référence à une démarche d’accompagnement,
à un mode d’approche, à une façon d’accompagner la personne,
de la rencontrer. On parle alors de l’approche Snoezelen, de la
démarche Snoezelen. On évoque également l’espace Snoezelen,
la salle Snoezelen pour le lieu dédié, ou encore les activités
Snoezelen.
Ces préoccupations ne sont, somme toutes, que sémantiques et
l’intérêt est de ne pas donner au Snoezelen un aspect réducteur
et surtout de ne pas contraindre le Snoezelen à une organisation
méthodique. Le Snoezelen n’est surtout pas le résultat d’une
recette où tous les ingrédients sont mesurés et maîtrisables, ce
n’est pas non plus l’aboutissement d’un programme clef en main,
ou d’un kit préfabriqué.
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LE SNOEZELEN, QU’EST CE QUE C’EST ?
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HISTORIQUE
Ce n’est que depuis très récemment que le Snoezelen est présenté
dans les ouvrages et publications professionnelles gériatriques.
Les (rares) initiatives des établissements d’hébergement sont évoquées en s’inscrivant comme une méthode innovante. Pourtant,
le Snoezelen est en pratique utilisé et maîtrisé depuis des dizaines
d’années déjà dans le monde du handicap.
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En 1978, à Tilburg en Hollande, dans un centre pour personnes
déficientes mentales, est installée une tente d’activités où les équipes travaillent avec des sons, des lumières, des ballons, et partagent des expériences tactiles et auditives avec le public. Durant
les quelques années qui ont suivi, l’activité Snoezelen s’est développée rapidement notamment en Hollande, en Belgique et en
Australie mais uniquement pour la prise en charge du handicap.
En 1980, l’approche est reprise en Angleterre suivant les mêmes
concepts.
En 1986, en France, le Snoezelen trouve ses premiers utilisateurs
dans les établissements d’adultes polyhandicapés tels que les
Maisons d’Accueil Spécialisées et ne trouvera déclinaison en
gérontologie que depuis très récemment.
PRÉSENTATION
Le Snoezelen ne se définit pas, il se vit, il se sent, dans la relation,
dans l’intensité. Le Snoezelen est avant tout un état d’esprit qui
s’attache de façon prioritaire à trois axes :
– l’importance du respect de la personne ;
– la priorité aux expériences sensorielles ;
– la recherche de la détente et de la satisfaction.
Si nous admettons ce postulat, alors on peut comprendre que le
Snoezelen peut se vivre partout, à tout moment de la journée, à
condition de prendre la peine et le temps de vivre chacune des
expériences. Les objets ne sont que des supports. Seule la relation
humaine, son intensité, son authenticité peuvent donner une véritable valeur à l’outil.
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En 1966, en Hollande le Snoezelen est une cafétéria sensorielle
proposée pour des adultes handicapés.
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Les éléments techniques qui composent un espace Snoezelen sont
variés, contrastés, modernes, et parfois assez surprenants parce
qu’inattendus (boule à facettes, discospot,…) mais chaque objet
concourt à créer une atmosphère et un environnement particuliers. L’espace est totalement modelé et structuré, le choix des
éléments techniques répond aux objectifs du projet dans l’établissement et la déclinaison que l’équipe veut en faire.
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Snoezelen est un espace identifié dans une structure, et composé de couleurs, de matières, d’odeurs, de sons, de goûts aussi.
L’atmosphère qui y est créée donne à ce lieu un caractère unique,
inattendu. Le résident laisse progressivement émerger une relation
différente au monde et aux objets qui l’entourent, faite de sensations corporelles, de découvertes, d’expériences sensorielles. Plus
de symboliques, plus de codes…
● Le
Snoezelen doit être un lieu contenant, cocoonant même, rassurant, apaisant où le résident se sent en sécurité, en confiance.
La sécurité est un des éléments fondamental du Snoezelen parce
que, dans ces conditions, les potentialités de chacun d’entre nous
peuvent plus facilement émerger. Par ailleurs, il est évident que
les personnes sont plus aptes à entrer en relation lorsque le climat
les met confiance.
● Le
Snoezelen est, par ailleurs, un espace de liberté qui n’engage
aucun enjeu d’acquisition cognitive, ni de performance physique.
Le rien faire devient acceptable, tolérable et permissible. C’est le
résident qui peut mener la danse, choisir son rythme au gré de ses
envies et de ses désirs. La personne peut alors aussi bien préférer
le contact par le toucher relationnel, se laisser surprendre et absorber par les projections sur le mur, se laisser bercer par une musique apaisante… L’enjeu est de proposer à la personne un « loisir »
au sens étymologique du terme qui signifie selon le Larousse, le
temps dont on dispose pour faire ce que l’on a choisi. Autrement
dit, il faut que l’organisation institutionnelle favorise l’expression
de ce libre choix.
● Alors
même que l’institution structure par des procédures, des
éphémérides, des pendules, qui tentent de planifier, d’organiser,
d’encadrer, le Snoezelen est au contraire un lieu de liberté par
excellence, atemporel, où le temps n’a plus ses repères, les rythmes
n’ont plus de valeur. L’espace, n’est pas une chambre, ni une pièce
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● Le
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comme les autres, il ne ressemble à aucun autre endroit connu ou
déjà visité. C’est un lieu à part, ailleurs, qui laisse place à l’imaginaire, au rêve, à la subjectivité, à la créativité même. Les colonnes
à bulles, le matelas à eau, vont surprendre, éveiller la curiosité, attirer l’attention… Le résident est totalement déconnectée du monde
rassurant et rationnel dans lequel il vit au quotidien.
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Snoezelen ne consiste pas uniquement à mettre le résident en
relation avec un objet ou une émotion, il faut également que le
soignant soit dans la relation en associant profondeur, respect, sincérité, sensibilité, authenticité. Cette relation intimiste ne doit être
ni intrusive, ni envahissante, ni de supériorité. Elle ne doit être ni
contrainte, ni réglementée. Pour le soignant, oser toucher l’autre,
c’est aussi prendre le risque d’être touché, et d’être éventuellement
déstabilisé par la puissance de la relation d’où un certain nombre
de pré-requis pour lesquels il faut être particulièrement vigilant.
● Enfin,
le Snoezelen est un espace où la relation est si intense
qu’elle n’a pas besoin d’être rythmée par les mots. Les réactions,
les regards, les sourires, les émotions, la gestuelle ont plus d’importance que n’en aurait un langage parlé. La communication
non verbale prend là, plus qu’ailleurs un véritable sens.
Si le Snoezelen se définit difficilement, il ne s’invente, ni ne s’improvise pour autant. Les références bibliographiques sont assez
rares. Les références théoriques quasi inexistantes. Néanmoins, il
est évident que le Snoezelen répond à une démarche pluridisciplinaire, une réflexion murie et cohérente, une volonté manifeste
des équipes et de la hiérarchie, et que le Snoezelen n’est qu’une
déclinaison d’un projet de vie qui repose sur des principes éthiques et fondateurs connus et reconnus de tous.
Le Snoezelen peut s’adresser à tous les résidents. Dans notre établissement, le Snoezelen est dédié au public dément, désorienté,
présentant des troubles caractérisés du comportement tels qu’agitation, agressivité, troubles du sommeil.
LES OBJECTIFS DE L’ESPACE SNOEZELEN
Pour le résident :
– une prise en soins dédiée aux personnes démentes pour qui les
soignants se sentent encore trop souvent démunis ;
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● Le
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– un éveil et une stimulation multi-sensoriels ;
– le développement d’un mode de communication non verbale
basée sur le toucher relationnel ;
– la réhabilitation de la notion de plaisir trop souvent écartée car
l’art de soigner c’est avant tout l’art de prendre soins ;
– la considération du résident non plus comme un objet de soins
mais comme un sujet de désir, c’est donc recentrer la prise en
soins ;
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– redonner aux résidents déments et souvent marginalisés, une
véritable place dans l’institution.
Les objectifs associés :
– la reconnaissance et la valorisation des pratiques soignantes ;
– une sortie de façon réfléchie des routines protectrices, envahissantes, lassantes, en réhabilitant l’humanité de l’accompagnement ;
– la déconcentration des pratiques soignantes de la seule thérapie médicamenteuse et des soins de nursing. Les soins réalisés
dans l’action sont palpables, évaluables, mesurables et donc si
rassurants. Le Snoezelen offre précisément cette possibilité aux
équipes de travailler sur une logique relationnelle mais dont il
n’est attendu aucun résultat ; seule l’observation dans l’instant est
importante, et ce peut être déroutant pour une équipe si elle n’y
est pas préparée ;
– disponibilité du soignant, voire exclusivité pour le résident et
ce, sans générer de dysfonctionnement organisationnel, ni animosité du reste de l’équipe. On sait dans les établissements que
les rythmes, les plannings, la pénurie de personnel, l’assiduité
sont autant d’éléments qui assortissent au temps une notion
« d’obligation » (toilette, repas, soins), où le faire ne peut pas être
négligé au profit de l’être. Se dédier du temps pour une relation
individuelle, où le faire n’a précisément plus de valeur mais où
l’objectif est la recherche du plaisir et du bien être associé, n’est
évidement pas simple à faire tolérer dans une équipe malmenée
et épuisée par des rythmes de travail lourds. Le sentiment de
culpabilité du soignant qui accompagne la séance ne doit pas,
non plus, être négligé.
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– améliorer sa connaissance du résident, par l’observation de ses
réactions, de son comportement lors des séances ;
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LES SÉANCES
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J’ai rencontré des équipes pour lesquelles les pratiques sont assez
variées. Dans notre établissement, les séances sont organisées de
préférence en après midi, en civil, et en individuel. L’important est
d’être à l’écoute des manifestations du corps qui peuvent témoigner aussi bien du plaisir, que de l’inconfort, du bien-être que du
mal-être.
Peu d’écrits existent sur le contenu même des séances. Le plus
couramment, les équipes mettent en place une grille d’observations des séances dont les critères retranscrivent le comportement
du résident au niveau gestuelle, sociabilité, sensibilité, niveau de
vigilance. La difficulté est de ne pas chercher à interpréter les
réactions.
L’évaluation des pratiques est nécessaire, et l’établissement doit
mettre en place une cellule d’échange où peuvent être abordées
les difficultés rencontrées et les interrogations soulevées.
LES DÉRIVES
Le Snoezelen n’est évidemment pas un remède miracle, refuge
de toutes les pratiques soignantes en échec ou inadaptées face
aux troubles du comportement. Le Snoezelen est davantage une
philosophie de prise en charge et une déclinaison de principes
éthiques fondateurs du projet de vie.
Il est donc très important que les équipes aient conscience de ce
que peut être le Snoezelen mais surtout de ce qu’il n’est pas ! Il
ne s’agit pas de faire du Snoezelen un réflexe, une solution facile
et encore moins d’y façonner une prise en charge systématique.
Le Snoezelen est encore considéré comme pratique innovante
mais il est de plus en plus convoité et le risque est de le dévier de
ses principes de base au risque de le diaboliser.
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Il n’y a pas de prescription particulière pour les séances. En groupe,
ou en individuel, le matin ou l’après-midi, en suivi à fréquence
régulière ou spontanée, en tenue ou en civil, en chaussures ou
pieds nus,… bref chacun laisse la séance s’improviser en fonction
de ce que le résident peut suggérer désirer.
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LE SNOEZELEN
Pour l’instant, le Snoezelen a été pour l’équipe et l’établissement
une formidable aventure, empreinte d’humanité, de sensibilité,
un regard nouveau sur des pratiques globalement peu valorisées,
et une ouverture pour une prise en charge différente, ni substitutive, ni alternative à une thérapeutique médicamenteuse existante
mais simplement différente, plus proche de la personne.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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