QDND N°21 - La sérologie rubéolique et ses pièges_FE PREST

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EPIDEMIOLOGIE
DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DE L'INFECTION RUBEOLIQUE
Le virus de la rubéole se propage par contact humain, uniquement par voie
respiratoire. La période de contagiosité s'étend approximativement de 8 jours
avant, à 8 jours après le début de l'éruption.
La rubéole est une maladie cosmopolite, endémique qui prédomine au
printemps sous les climats tempérés. C'est une maladie essentiellement
infantile.
Le diagnostic d'une infection rubéolique repose essentiellement sur la
sérologie. Les signes cliniques sont inconstants et peu spécifiques.
L'isolement du virus est possible à partir de prélèvements de gorge ou
d'urine. Mais, en raison des difficultés pratiques de cet examen et de son
caractère aléatoire, la culture virale est réservée, en général, au diagnostic
de la rubéole congénitale.
L'interprétation des résultats de la sérologie doit être effectuée en fonction du
contexte clinique et biologique (notion de contage, signes cliniques, sérologie
antérieure négative …).
POUVOIR PATHOGENE
Primo-infection rubéolique
L'apparition de signes cliniques survient après une incubation de 15 jours en
moyenne. Le tableau classique associe une éruption à des polyadénopathies.
L'infection rubéolique peut revêtir plusieurs formes : subclinique ou au
contraire, intense avec éruption morbilliforme, scarlatiniforme, purpurique.
50% des infections rubéoliques sont asymptomatiques.
Les éruptions de type rubéolique peuvent s'observer au cours d'autres
infections virales à ECHO virus, coxsakies virus, adénovirus, virus Epstein
Barr ou parvovirus B19, au cours de la toxoplasmose et lors de réactions
allergiques. Uniquement 50% des cas d'éruption de type rubéolique
correspondent effectivement à une rubéole. En dehors de la rubéole
congénitale, les complications de la rubéole sont limitées. Il s'agit
essentiellement d'arthralgies.
Réinfection rubéolique
La primo-infection rubéolique guérit en laissant une immunité durable,
cependant les réinfections ne sont pas totalement exclues. L'immense
majorité des réinfections sont inapparentes et sans risque pour le fœtus mais
quelques cas de réinfection, ayant entraîné des malformations congénitales,
ont cependant été rapportés.
Rubéole congénitale
Une primo-infection rubéolique survenant chez une femme enceinte est
susceptible d'engendrer une rubéole congénitale. Le risque de transmission
de l'infection au fœtus est variable selon l'âge de la grossesse. Il a été montré
qu'avant la 11ème semaine d'aménorrhée, la fréquence de l'infection fœtale
est très élevée (90%) puis elle décroît progressivement pour atteindre 25%
entre la 23ème et la 26ème semaine.
Une atteinte au cours de l'embryogenèse se traduit par des malformations
touchant essentiellement trois organes : le cœur, l'oreille interne et l'œil. La
fœtopathie se caractérise essentiellement par un retard de croissance intrautérin. Embryopathie et fœtopathie sont souvent associées. Ces données
cliniques concernant la rubéole congénitale sont importantes à retenir car ce
sont elles qui guideront la conduite à tenir en cas d'infection rubéolique
pendant la grossesse : poursuite de la grossesse, avortement thérapeutique,
diagnostic anténatal.
L’incidence annuelle des infections rubéoleuses au cours de la grossesse
recensées en France par le réseau RENARUB était de 3,5/100 000
naissances en 1996.
Cinétique des anticorps
Les IgM anti-rubéoliques apparaissent au moment de l'éruption voire
quelques jours après, soit en moyenne 15 jours après le contage. Elles
disparaissent en général en 3 à 8 semaines selon les techniques utilisées.
Les IgM peuvent ne plus être décelables si le prélèvement a été fait
tardivement, après le pic sérologique. Les différentes techniques permettant
la mise en évidence des IgM ont une sensibilité et une spécificité variable.
Les Ac anti-rubéoliques de classe IgG, apparaissent en général un peu plus
tardivement. Ils atteignent un plateau en un temps variable selon les sujets (3
jours à 3 semaines). La réponse sérologique après vaccination est souvent
plus faible et plus lente que celle obtenue après une infection naturelle. Un
titre d’ IgG quel qu’il soit ne permet pas de juger de la date de l’infection et ne
signifie nullement une rubéole récente s’il est élevé ou ancienne s’il est bas.
Un titre d’Ac dit «élevé» n’a aucune signification car une primo-infection
rubéolique peut s’accompagner d’une élévation faible du titre des Ac.
Circonstances du diagnostic
On peut être amené à rechercher ou à confirmer une primo-infection
rubéolique dans trois circonstances différentes :
S'il y a notion de contage chez une femme enceinte, il est important
d'effectuer un premier prélèvement le plus rapidement possible, dans les 10
jours suivant le contage, pour rechercher les Ac anti-rubéoliques de type IgG.
Si le résultat est positif, le sujet est immunisé contre le virus de la rubéole et
on peut exclure la possibilité de primo-infection rubéolique.
Si le résultat est négatif, il est nécessaire d'effectuer un second prélèvement
5 semaines après le contage :
*Si le résultat est négatif, on peut conclure à l'absence de
contamination du sujet. Et dans ce cas là, il est impératif de proposer une
vaccination après l'accouchement, suivi d'un contrôle sérologique.
*Si le résultat est positif, il s'agit vraisemblablement d'une
séroconversion. Toutefois, il est nécessaire de contrôler cette séroconversion
par la recherche des IgM spécifiques. En effet, certains sujets ont des titres
faibles d'Ac de type IgG (en dessous du seuil de positivité des techniques), et
une apparente séroconversion peut correspondre en fait à une simple
ascension du taux d'anticorps en relation avec une réinfection.
En cas d'éruption ou tardivement après contage, il est possible d'effectuer
une recherche d'anticorps sur deux prélèvements effectués à 15-20 jours
d'intervalle, mais il est plus simple d'effectuer d'emblée une recherche d'IgM
spécifiques. En effet, une augmentation significative du titre des IgG (par un
facteur 4) peut correspondre à une réinfection, cependant un titre stable
d'IgG n'exclut pas une primo-infection puisque le plateau peut être atteint très
rapidement (3 jours).
Si une séroconversion ou une ascension du titre des anticorps a été
observée au cours d'examens systématiques, il est nécessaire de
pratiquer une recherche d'IgM anti-rubéoliques.
Dans la majorité des cas, la présence d'IgM anti-virus de la rubéole est en
corrélation avec une primo-infection récente. Par les techniques les plus
sensibles, les IgM sont constamment mises en évidence jusqu'à la 8ème
semaine après l'éruption. Entre la 8ème et la 15ème semaine leur présence est
inconstante. Tout comme pour la toxoplasmose, il existe de rares cas de
persistance inexpliquée d'IgM anti-rubéoliques à titre parfois élevé (parfois
plusieurs mois ou année après l'infection rubéolique).
La présence d'IgM dans les réinfections n'est pas un phénomène rare.
Toutefois, leur titre est généralement très faible et leur présence transitoire.
Plusieurs observations ont fait état de mise en évidence d'IgM antirubéoliques aux cours d'infections par virus d'Epstein-Barr, CMV ou par
parvovirus B19. Il est bien connu que certains virus, notamment les herpèsvirus, peuvent entraîner une stimulation polyclonale du système immunitaire,
provoquant une augmentation globale du titre des anticorps avec, parfois,
réapparition d'IgM spécifiques. Aussi, en cas de positivité, une réaction
croisée avec certains virus, ou avec des constituants cellulaires, ne peut être
complètement exclue.
Deux procédés peuvent être suggérés pour exclure une primo-infection à
partir de ces sérums donnant des résultats difficilement interprétables :
-mesure de l'avidité des IgG : l'avidité est une notion dérivée de l'affinité et
exprime l'intensité de la force de liaison des complexes antigène-anticorps.
Les IgG synthétisées au cours d'une primo-infection récente ont une avidité
faible. A l'inverse, les IgG produites lors des infections anciennes ou des
réinfections ont une avidité forte. L'indice d'avidité mesure la dissociation de
la liaison antigène-anticorps et date ainsi l'infection.
-détection des IgA anti-rubéoliques : les anticorps de classe IgA sont
toujours détectés dans les primo-infections récentes. L'absence de ces IgA
peut aider à exclure une primo-infection en présence d'IgM anti-rubéoliques
inexpliquées. La détection des IgA anti-rubéoliques n'est pas un examen de
routine et ne peut se faire que dans quelques laboratoires spécialisés.
Remarque sur les circonstances de la recherche des IgM anti-rubéoliques :
Etant donné la difficulté de datation d'une infection rubéolique à partir du
titrage des anticorps totaux ou des IgG, les cliniciens ou les biologistes
peuvent être tentés de réaliser d'emblée une recherche systématique des
IgM anti-rubéoliques. Or, les techniques de mise en évidence des IgM ne
sont pas parfaitement fiables et l'interprétation de leur présence est parfois
délicate. Pour ces raisons, le dépistage systématique des IgM engendre
souvent plus de problèmes qu'il n'en résout. La recherche d'IgM antirubéoliques doit donc se limiter aux indications traditionnelles :
séroconversion ou élévation du titre des IgG pour confirmer une primoinfection, contage ou éruption suspecte même si le titre des anticorps totaux
ou des IgG est stable.
CAS CLINIQUES
Commentaires : Le laboratoire Z. n'ayant aucun renseignement clinique ou
biologique n'a pas (tout à fait logiquement) procédé à la recherche d'IgM antivirus de la rubéole. Mais le laboratoire a fait une erreur en concluant à une
immunité ancienne sur un taux stable d'anticorps. Nous avons vu
précédemment que les anticorps peuvent atteindre un plateau très
rapidement (3 jours après l'éruption!). Donc, un taux stable d'anticorps doit
être interprété avec précaution, il ne permet pas d'exclure une infection
récente, la phase ascendante ayant pu être de courte durée.
Bien que tout à fait exceptionnel, ce cas doit inciter le clinicien à
communiquer au biologiste des renseignements cliniques et biologiques
(contage, signes cliniques, vaccination, résultats des sérologies antérieures)
et à faire pratiquer une recherche d'IgM spécifiques si les résultats de
l'interrogatoire conduisent à suspecter une infection.
3ème cas : Madame V., 35 ans, enceinte, vaccinée il y a 10 ans, signale un
contage rubéolique. Deux jours après le contage, son titre d'anticorps est
inférieur à 15 UI/ml. Quinze jours plus tard on observe un titre d'anticorps
égal à 100 UI/ml. Une recherche d'IgM spécifiques se révèle négative.
Commentaires : Il s'agit d'une réinfection : l'apparente séroconversion
correspond en réalité à une ascension du titre d'Ac. Le premier prélèvement
contenait des anticorps à faible titre, en dessous du seuil de détection de la
technique utilisée. Ce cas confirme le fait que toute séroconversion doit
impérativement être contrôlée par une recherche d'IgM spécifiques.
4ème cas : Au cours d'un bilan prénatal systématique, on trouve chez
Madame P. un titre d'anticorps anti-virus de la rubéole égal à 1600 UI/ml.
Inquiet par ce taux élevé, le clinicien décide de prescrire une recherche d'IgM
spécifiques. Le biologiste trouve un taux d'IgM anti-rubéoliques faible.
Commentaires : Cette recherche d'IgM anti-virus de la rubéole, aboutit à une
impasse. En effet, il est fréquent que des titres élevés d'IgG entraînent de
"fausses réactions IgM", en raison d'un accrochage non spécifique de traces
d'IgG sur la phase solide ELISA, ou d'une contamination des fractions IgM.
Un titre élevé d'anticorps n'est absolument pas un marqueur de primoinfection récente et une recherche d'IgM spécifiques ne doit pas être
demandée sur ce seul critère.
Il faut savoir que l'intensité de la réponse immunitaire est variable d'un
individu à l'autre. A la suite d'une primo-infection rubéolique, le titre
d'anticorps peut rester modéré (≈ 40 UI/ml) ou être beaucoup plus élevé. La
présence d'anticorps à titre élevé peut aussi correspondre à une réaction de
rappel suite à une réinfection. Les IgG anti-virus de la rubéole peuvent
persister à titre élevé, plusieurs années après une réinfection.
5ème cas : Le laboratoire Y. pratique systématiquement la détection d'IgM
anti-rubéoliques en parallèle à la détection des IgG. Dans de telles
conditions, des IgM anti-rubéoliques ont été mises en évidence chez
Madame C., qui ne signale ni contage, ni signes cliniques évocateurs.
Commentaires : Le laboratoire ne doit pas conclure automatiquement à une
rubéole récente. Comme nous l'avons vu, il existe de nombreux cas où il est
possible de détecter des IgM réagissant avec le virus de la rubéole, en
dehors de toute primo-infection rubéolique récente.
Ce cas imposera des examens complémentaires coûteux (recherche des IgA
spécifiques, mesure de l'avidité des anticorps) qui concluront à une infection
ancienne.
1er cas : Madame D., âgée de 30 ans, commence une deuxième grossesse
datée du 30 juillet 1998. Son fils premier-né présente une éruption de type
rubéolique le 1er septembre. Un premier prélèvement est réalisé le 2
septembre chez Madame D. et montre une absence d'Ac anti-rubéoliques.
Un second prélèvement, réalisé 15 jours plus tard, révèle un titre d'Ac antirubéolique égal à 80 UI/ml. Une recherche d'Ig M anti-virus de la rubéole est
réalisée et se révèle positive.
Commentaires : il s'agit bien d'une primo-infection rubéolique en cours de
grossesse, suspectée par la séroconversion, confirmée par la détection des
IgM spécifiques. Le premier prélèvement a été réalisé dans les meilleurs
délais, ce qui a facilité l'interprétation des résultats.
6ème cas : Madame P., enceinte, séronégative pour la rubéole, signale un
contage datant de la veille. Un prélèvement est effectué et des gammaglobulines sont prescrites à titre préventif.
Commentaires : Le prélèvement effectué aussitôt après le contage
confirmera la séronégativité. S'il est tout à fait logique de prescrire l'injection
de gamma-globulines à titre préventif, il faut souligner que celles-ci ne sont
efficaces que si elles sont injectées très précocement après le contage (si
possible dans les 24 heures). L'injection de gamma-globulines ne rend pas
positifs les tests sérologiques. La surveillance sérologique doit se poursuivre
pendant deux mois, car l'injection de gamma-globulines retarde la
séroconversion en cas d'infection.
2ème cas : Madame B., 30 ans, a déjà accouché en 1993, 1995, et 1997. Elle
commence une quatrième grossesse le 20 janvier 1998. A l'interrogatoire, le
praticien ne trouve aucune notion de pathologie dans les semaines
précédentes, et ne dispose pas de résultats antérieurs concernant la
toxoplasmose ou la rubéole chez cette patiente. Les examens sérologiques
systématiques sont réalisés le 24 février. Le sérodiagnostic de la rubéole est
positif (160 UI/ml). Le deuxième prélèvement, effectué 15 jours plus tard,
donne des résultats identiques. Le laboratoire Z. conclut à une immunité
ancienne. L'enfant naît avec une rubéole congénitale.
Ces cas cliniques ont été extraits de l'article de L. GRANGEOT-KEROS, "la
rubéole et son sérodiagnostic" (Cahier de Formation BIOFORMA –
SEROLOGIE - 1992)
Jean-Pierre BOUILLOUX & Sylvie HAMON
Prochain sujet : Diagnostic biologique des listérioses
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