EPIDEMIOLOGIE DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DE L'INFECTION RUBEOLIQUE Le virus de la rubéole se propage par contact humain, uniquement par voie respiratoire. La période de contagiosité s'étend approximativement de 8 jours avant, à 8 jours après le début de l'éruption. La rubéole est une maladie cosmopolite, endémique qui prédomine au printemps sous les climats tempérés. C'est une maladie essentiellement infantile. Le diagnostic d'une infection rubéolique repose essentiellement sur la sérologie. Les signes cliniques sont inconstants et peu spécifiques. L'isolement du virus est possible à partir de prélèvements de gorge ou d'urine. Mais, en raison des difficultés pratiques de cet examen et de son caractère aléatoire, la culture virale est réservée, en général, au diagnostic de la rubéole congénitale. L'interprétation des résultats de la sérologie doit être effectuée en fonction du contexte clinique et biologique (notion de contage, signes cliniques, sérologie antérieure négative …). POUVOIR PATHOGENE Primo-infection rubéolique L'apparition de signes cliniques survient après une incubation de 15 jours en moyenne. Le tableau classique associe une éruption à des polyadénopathies. L'infection rubéolique peut revêtir plusieurs formes : subclinique ou au contraire, intense avec éruption morbilliforme, scarlatiniforme, purpurique. 50% des infections rubéoliques sont asymptomatiques. Les éruptions de type rubéolique peuvent s'observer au cours d'autres infections virales à ECHO virus, coxsakies virus, adénovirus, virus Epstein Barr ou parvovirus B19, au cours de la toxoplasmose et lors de réactions allergiques. Uniquement 50% des cas d'éruption de type rubéolique correspondent effectivement à une rubéole. En dehors de la rubéole congénitale, les complications de la rubéole sont limitées. Il s'agit essentiellement d'arthralgies. Réinfection rubéolique La primo-infection rubéolique guérit en laissant une immunité durable, cependant les réinfections ne sont pas totalement exclues. L'immense majorité des réinfections sont inapparentes et sans risque pour le fœtus mais quelques cas de réinfection, ayant entraîné des malformations congénitales, ont cependant été rapportés. Rubéole congénitale Une primo-infection rubéolique survenant chez une femme enceinte est susceptible d'engendrer une rubéole congénitale. Le risque de transmission de l'infection au fœtus est variable selon l'âge de la grossesse. Il a été montré qu'avant la 11ème semaine d'aménorrhée, la fréquence de l'infection fœtale est très élevée (90%) puis elle décroît progressivement pour atteindre 25% entre la 23ème et la 26ème semaine. Une atteinte au cours de l'embryogenèse se traduit par des malformations touchant essentiellement trois organes : le cœur, l'oreille interne et l'œil. La fœtopathie se caractérise essentiellement par un retard de croissance intrautérin. Embryopathie et fœtopathie sont souvent associées. Ces données cliniques concernant la rubéole congénitale sont importantes à retenir car ce sont elles qui guideront la conduite à tenir en cas d'infection rubéolique pendant la grossesse : poursuite de la grossesse, avortement thérapeutique, diagnostic anténatal. L’incidence annuelle des infections rubéoleuses au cours de la grossesse recensées en France par le réseau RENARUB était de 3,5/100 000 naissances en 1996. Cinétique des anticorps Les IgM anti-rubéoliques apparaissent au moment de l'éruption voire quelques jours après, soit en moyenne 15 jours après le contage. Elles disparaissent en général en 3 à 8 semaines selon les techniques utilisées. Les IgM peuvent ne plus être décelables si le prélèvement a été fait tardivement, après le pic sérologique. Les différentes techniques permettant la mise en évidence des IgM ont une sensibilité et une spécificité variable. Les Ac anti-rubéoliques de classe IgG, apparaissent en général un peu plus tardivement. Ils atteignent un plateau en un temps variable selon les sujets (3 jours à 3 semaines). La réponse sérologique après vaccination est souvent plus faible et plus lente que celle obtenue après une infection naturelle. Un titre d’ IgG quel qu’il soit ne permet pas de juger de la date de l’infection et ne signifie nullement une rubéole récente s’il est élevé ou ancienne s’il est bas. Un titre d’Ac dit «élevé» n’a aucune signification car une primo-infection rubéolique peut s’accompagner d’une élévation faible du titre des Ac. Circonstances du diagnostic On peut être amené à rechercher ou à confirmer une primo-infection rubéolique dans trois circonstances différentes : S'il y a notion de contage chez une femme enceinte, il est important d'effectuer un premier prélèvement le plus rapidement possible, dans les 10 jours suivant le contage, pour rechercher les Ac anti-rubéoliques de type IgG. Si le résultat est positif, le sujet est immunisé contre le virus de la rubéole et on peut exclure la possibilité de primo-infection rubéolique. Si le résultat est négatif, il est nécessaire d'effectuer un second prélèvement 5 semaines après le contage : *Si le résultat est négatif, on peut conclure à l'absence de contamination du sujet. Et dans ce cas là, il est impératif de proposer une vaccination après l'accouchement, suivi d'un contrôle sérologique. *Si le résultat est positif, il s'agit vraisemblablement d'une séroconversion. Toutefois, il est nécessaire de contrôler cette séroconversion par la recherche des IgM spécifiques. En effet, certains sujets ont des titres faibles d'Ac de type IgG (en dessous du seuil de positivité des techniques), et une apparente séroconversion peut correspondre en fait à une simple ascension du taux d'anticorps en relation avec une réinfection. En cas d'éruption ou tardivement après contage, il est possible d'effectuer une recherche d'anticorps sur deux prélèvements effectués à 15-20 jours d'intervalle, mais il est plus simple d'effectuer d'emblée une recherche d'IgM spécifiques. En effet, une augmentation significative du titre des IgG (par un facteur 4) peut correspondre à une réinfection, cependant un titre stable d'IgG n'exclut pas une primo-infection puisque le plateau peut être atteint très rapidement (3 jours). Si une séroconversion ou une ascension du titre des anticorps a été observée au cours d'examens systématiques, il est nécessaire de pratiquer une recherche d'IgM anti-rubéoliques. Dans la majorité des cas, la présence d'IgM anti-virus de la rubéole est en corrélation avec une primo-infection récente. Par les techniques les plus sensibles, les IgM sont constamment mises en évidence jusqu'à la 8ème semaine après l'éruption. Entre la 8ème et la 15ème semaine leur présence est inconstante. Tout comme pour la toxoplasmose, il existe de rares cas de persistance inexpliquée d'IgM anti-rubéoliques à titre parfois élevé (parfois plusieurs mois ou année après l'infection rubéolique). La présence d'IgM dans les réinfections n'est pas un phénomène rare. Toutefois, leur titre est généralement très faible et leur présence transitoire. Plusieurs observations ont fait état de mise en évidence d'IgM antirubéoliques aux cours d'infections par virus d'Epstein-Barr, CMV ou par parvovirus B19. Il est bien connu que certains virus, notamment les herpèsvirus, peuvent entraîner une stimulation polyclonale du système immunitaire, provoquant une augmentation globale du titre des anticorps avec, parfois, réapparition d'IgM spécifiques. Aussi, en cas de positivité, une réaction croisée avec certains virus, ou avec des constituants cellulaires, ne peut être complètement exclue. Deux procédés peuvent être suggérés pour exclure une primo-infection à partir de ces sérums donnant des résultats difficilement interprétables : -mesure de l'avidité des IgG : l'avidité est une notion dérivée de l'affinité et exprime l'intensité de la force de liaison des complexes antigène-anticorps. Les IgG synthétisées au cours d'une primo-infection récente ont une avidité faible. A l'inverse, les IgG produites lors des infections anciennes ou des réinfections ont une avidité forte. L'indice d'avidité mesure la dissociation de la liaison antigène-anticorps et date ainsi l'infection. -détection des IgA anti-rubéoliques : les anticorps de classe IgA sont toujours détectés dans les primo-infections récentes. L'absence de ces IgA peut aider à exclure une primo-infection en présence d'IgM anti-rubéoliques inexpliquées. La détection des IgA anti-rubéoliques n'est pas un examen de routine et ne peut se faire que dans quelques laboratoires spécialisés. Remarque sur les circonstances de la recherche des IgM anti-rubéoliques : Etant donné la difficulté de datation d'une infection rubéolique à partir du titrage des anticorps totaux ou des IgG, les cliniciens ou les biologistes peuvent être tentés de réaliser d'emblée une recherche systématique des IgM anti-rubéoliques. Or, les techniques de mise en évidence des IgM ne sont pas parfaitement fiables et l'interprétation de leur présence est parfois délicate. Pour ces raisons, le dépistage systématique des IgM engendre souvent plus de problèmes qu'il n'en résout. La recherche d'IgM antirubéoliques doit donc se limiter aux indications traditionnelles : séroconversion ou élévation du titre des IgG pour confirmer une primoinfection, contage ou éruption suspecte même si le titre des anticorps totaux ou des IgG est stable. CAS CLINIQUES Commentaires : Le laboratoire Z. n'ayant aucun renseignement clinique ou biologique n'a pas (tout à fait logiquement) procédé à la recherche d'IgM antivirus de la rubéole. Mais le laboratoire a fait une erreur en concluant à une immunité ancienne sur un taux stable d'anticorps. Nous avons vu précédemment que les anticorps peuvent atteindre un plateau très rapidement (3 jours après l'éruption!). Donc, un taux stable d'anticorps doit être interprété avec précaution, il ne permet pas d'exclure une infection récente, la phase ascendante ayant pu être de courte durée. Bien que tout à fait exceptionnel, ce cas doit inciter le clinicien à communiquer au biologiste des renseignements cliniques et biologiques (contage, signes cliniques, vaccination, résultats des sérologies antérieures) et à faire pratiquer une recherche d'IgM spécifiques si les résultats de l'interrogatoire conduisent à suspecter une infection. 3ème cas : Madame V., 35 ans, enceinte, vaccinée il y a 10 ans, signale un contage rubéolique. Deux jours après le contage, son titre d'anticorps est inférieur à 15 UI/ml. Quinze jours plus tard on observe un titre d'anticorps égal à 100 UI/ml. Une recherche d'IgM spécifiques se révèle négative. Commentaires : Il s'agit d'une réinfection : l'apparente séroconversion correspond en réalité à une ascension du titre d'Ac. Le premier prélèvement contenait des anticorps à faible titre, en dessous du seuil de détection de la technique utilisée. Ce cas confirme le fait que toute séroconversion doit impérativement être contrôlée par une recherche d'IgM spécifiques. 4ème cas : Au cours d'un bilan prénatal systématique, on trouve chez Madame P. un titre d'anticorps anti-virus de la rubéole égal à 1600 UI/ml. Inquiet par ce taux élevé, le clinicien décide de prescrire une recherche d'IgM spécifiques. Le biologiste trouve un taux d'IgM anti-rubéoliques faible. Commentaires : Cette recherche d'IgM anti-virus de la rubéole, aboutit à une impasse. En effet, il est fréquent que des titres élevés d'IgG entraînent de "fausses réactions IgM", en raison d'un accrochage non spécifique de traces d'IgG sur la phase solide ELISA, ou d'une contamination des fractions IgM. Un titre élevé d'anticorps n'est absolument pas un marqueur de primoinfection récente et une recherche d'IgM spécifiques ne doit pas être demandée sur ce seul critère. Il faut savoir que l'intensité de la réponse immunitaire est variable d'un individu à l'autre. A la suite d'une primo-infection rubéolique, le titre d'anticorps peut rester modéré (≈ 40 UI/ml) ou être beaucoup plus élevé. La présence d'anticorps à titre élevé peut aussi correspondre à une réaction de rappel suite à une réinfection. Les IgG anti-virus de la rubéole peuvent persister à titre élevé, plusieurs années après une réinfection. 5ème cas : Le laboratoire Y. pratique systématiquement la détection d'IgM anti-rubéoliques en parallèle à la détection des IgG. Dans de telles conditions, des IgM anti-rubéoliques ont été mises en évidence chez Madame C., qui ne signale ni contage, ni signes cliniques évocateurs. Commentaires : Le laboratoire ne doit pas conclure automatiquement à une rubéole récente. Comme nous l'avons vu, il existe de nombreux cas où il est possible de détecter des IgM réagissant avec le virus de la rubéole, en dehors de toute primo-infection rubéolique récente. Ce cas imposera des examens complémentaires coûteux (recherche des IgA spécifiques, mesure de l'avidité des anticorps) qui concluront à une infection ancienne. 1er cas : Madame D., âgée de 30 ans, commence une deuxième grossesse datée du 30 juillet 1998. Son fils premier-né présente une éruption de type rubéolique le 1er septembre. Un premier prélèvement est réalisé le 2 septembre chez Madame D. et montre une absence d'Ac anti-rubéoliques. Un second prélèvement, réalisé 15 jours plus tard, révèle un titre d'Ac antirubéolique égal à 80 UI/ml. Une recherche d'Ig M anti-virus de la rubéole est réalisée et se révèle positive. Commentaires : il s'agit bien d'une primo-infection rubéolique en cours de grossesse, suspectée par la séroconversion, confirmée par la détection des IgM spécifiques. Le premier prélèvement a été réalisé dans les meilleurs délais, ce qui a facilité l'interprétation des résultats. 6ème cas : Madame P., enceinte, séronégative pour la rubéole, signale un contage datant de la veille. Un prélèvement est effectué et des gammaglobulines sont prescrites à titre préventif. Commentaires : Le prélèvement effectué aussitôt après le contage confirmera la séronégativité. S'il est tout à fait logique de prescrire l'injection de gamma-globulines à titre préventif, il faut souligner que celles-ci ne sont efficaces que si elles sont injectées très précocement après le contage (si possible dans les 24 heures). L'injection de gamma-globulines ne rend pas positifs les tests sérologiques. La surveillance sérologique doit se poursuivre pendant deux mois, car l'injection de gamma-globulines retarde la séroconversion en cas d'infection. 2ème cas : Madame B., 30 ans, a déjà accouché en 1993, 1995, et 1997. Elle commence une quatrième grossesse le 20 janvier 1998. A l'interrogatoire, le praticien ne trouve aucune notion de pathologie dans les semaines précédentes, et ne dispose pas de résultats antérieurs concernant la toxoplasmose ou la rubéole chez cette patiente. Les examens sérologiques systématiques sont réalisés le 24 février. Le sérodiagnostic de la rubéole est positif (160 UI/ml). Le deuxième prélèvement, effectué 15 jours plus tard, donne des résultats identiques. Le laboratoire Z. conclut à une immunité ancienne. L'enfant naît avec une rubéole congénitale. Ces cas cliniques ont été extraits de l'article de L. GRANGEOT-KEROS, "la rubéole et son sérodiagnostic" (Cahier de Formation BIOFORMA – SEROLOGIE - 1992) Jean-Pierre BOUILLOUX & Sylvie HAMON Prochain sujet : Diagnostic biologique des listérioses