La IV° République (1946-1958).

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La IV° République (1946-1958).
La transmission du modèle républicain.
A la sortie de la guerre, il y a unanimité sur la nature du régime que l’on veut restaurer : la
République. Il y a une très forte exigence démocratique étant donné le refus du totalitarisme et de la
barbarie. Cette unanimité rejette l’Etat Français qui s’est compromis dans la collaboration. Il n’y a pas
d’ennemis de la République, contrairement aux débuts de la III°, mais cet unanimisme n’est qu’une façade,
car il va très vite y avoir des divergences idéologiques.
La mauvaise réputation.
La III° République est mal vue alors objet d’un lourd discrédit dû aux excès du parlementarisme.
On notera pourtant le même problème avec la IV° : elle est la réplique de la III° alors qu’elle a la volonté de
rompre avec cette dernière. Aussi l’instabilité, l’impuissance de l’exécutif, le « régime des partis » seront-ils
à nouveau sur le devant de la scène.
Un régime qui a de lourds enjeux.
La IV° République a été très brève mais a beaucoup marqué son temps en raison d’enjeux
majeurs qu’elle a du assumer dans un contexte difficile de guerre froide : la reconstruction, le
développement économique et social, la construction européenne et la décolonisation, qui lui sera
cependant fatale.
I. La refondation du système républicain (1945-1952).
A/ La naissance de la IV° République (1945-1946).
1. De Gaulle et la restauration de la République.
a. « La République n’a jamais cessé d’exister. »
C’est une formule extraite de l’ordonnance du 9 août 1944 du Gouvernement Provisoire de la
République Française (GPRF) qui traite du rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire de la
métropole : ce texte fixe le cadre légal du régime provisoire et énonce : « le premier acte de rétablissement est
la constatation que le gouvernement de la France est et demeure la République, en droit celle-ci n’a jamais
cessé d’exister » Cette ordonnance vise à assurer une continuité juridique entre la III° et la IV°
République en passant par la France Libre (Londres) au Comité Français de Libération Nationale (CFLN
à Alger en 1943) au GPRF de juin 1944
Cette interprétation n’a cessé de nourrir un débat entre les tenants de la thèse gaullienne de la
continuité et ceux qui pensent que Vichy fut un régime à part entière qu’il faut prendre en compte. De
façon plus triviale, le débat porte sur la question de la responsabilité de la France dans les crimes de la
guerre. De Gaulle va symboliquement adopter une attitude de négation de la période vichyste en
s’installant non pas à Matignon ou l’Elysée, mais au ministère des Armées le 25 août 1944, date à laquelle
Paris est libérée : il reprend le poste de sous-secrétaire à la Défense qui lui avait été confié avant la guerre. Il
refuse également de proclamer la République à l’Hôtel de Ville de Paris où Gambetta l’avait proclamé le 4
septembre 1870, et est alors en désaccord avec G. Bidault (Président du Conseil National de la Résistance
(CNR) fondé par Moulin.
Une question majeure se pose sur le statut de la France au sortir de la guerre : vainqueur ou
vaincue ? Pour dissiper l’ambiguïté, il est décidé de déclencher une insurrection nationale au moment de
la libération. Il n’empêche que de Gaulle a une double crainte : la puissance du mouvement communiste
dont on a à l’époque une vision très exagérée) et l’effondrement possible de l’Etat.
b. La remise en ordre de l’État.
Deux ordonnances sont signées pour remettre l’Etat en ordre. La première datant du 21 avril
1944 permet de nommer 19 secrétaires généraux qui représentent en France les ministres restés à Alger
manifestant ainsi à Paris la présence du GPRF.
La deuxième ordonnance datant 10 janvier 1944 créée les commissaires de la République qui sont de
supers préfets placés à la tête des régions créées par Vichy. Ils sont investis de pouvoirs exceptionnels
cependant qu’ils doivent, au début, composer avec le commandement militaire. Ils sont aussi secondés par
des préfets et des sous-préfets. Notons qu’ils doivent aussi composer avec les résistants représentés par les
commandos de libération malgré le fait que cette administration s’impose aux résistants.
Mais le problème majeur pour l’Etat est celui de l’épuration : on veut rendre justice soi-même à tous
les français morts. Cela se traduit par un mouvement spontané, impétueux, non contrôlé, associé à une
épuration sauvage avec des cours martiales improvisées et des exécutions sommaires. Les chiffres ont fait et
font encore débat : certains avançaient des chiffres énormes entre 40 et 50 000 morts cependant
qu’aujourd’hui, il convient de s’arrêter, après enquêtes, à un nombre plus raisonnable bien
qu’impressionnant de 10 000 morts. L’épuration sauvage s’est manifestée par des débordements avec les
« tondues », et fut plus dure en milieu rural qu’en milieu urbain.
Mais cette épuration fut vite maîtrisée pour une épuration légale qui fera tout de même 126 000
emprisonnements entre septembre 1944 et avril 1945. En 1948 on compte alors 7037 condamnations à
mort dont 4387 par contumace pour autant graciées à 73% par de Gaulle ; il y eut de plus 40 249
dégradations nationales comme le maire de Bordeaux Adrien Marquet (qui correspondent à une privation des
droits civils et civiques).
Cette épuration est appliquée dans plusieurs domaines de façon plus ou moins stricte :
au niveau Politique, les parlementaires qui ont voté les pleins pouvoirs à Pétain sont
déclarés inéligibles et les personnalités de Vichy sont jugées par une Haute cour de
Justice (crée en novembre 1944) Pétain est condamné, puis gracié par de Gaulle (il
terminera ses jours emprisonné sur l’île d’Yeu) cependant que Laval et Darnand
(fondateur de la Milice) exécutés de façon plus ou moins atroce (Laval est livré par
Franco, on l’empoisonne d’abord pour ensuite le réanimer et le fusiller…) Charles
Maurras parcours.
Dans l’administration, on crée des comités d’épuration dans chaque département pour
juger les collaborationnistes selon leur implication. Mais celle-ci ne fut pas considérable
par peur de déstabiliser le fonctionnement de l’Etat. Maurice Papon, secrétaire générale
de la préfecture de la Gironde, jeune fonctionnaire de 32ans en charge des questions
juives nommé par Laval. Il va dès le lendemain de la guerre se réintégrer
immédiatement, il est commissaire de la République, préfet de police Paris en 1958 et
ministre du budget dans le gouvernement Barre en 68. Il est accusé de crime contre
l’humanité. C’est à partir de 81 que le canard enchaîné à dévoilé l’affaire, à partir de
sources trouvées aux archives départementales. On constate une grande stabilité dans les
grands corps de l’Etat : magistrature, diplomatie, cours des comptes, conseil de l’Etat.
On notera seulement, au niveau économique, le cas mythique de la nationalisation des
usines Renault.
L’épuration de la presse fut bien plus sévère. L’ordonnance du 6 mai 1944 interdit la
publication de tous les journaux qui ont continué à paraître pendant l’occupation (après
novembre 1942), soit presque la totalité de la presse d’avant guerre, sauf le Figaro. On
retrouvera cependant une partie de ces journaux sous un autre nom tel La Petite Gironde pour
Sud-Ouest, Le Monde remplace Le temps, il est fondé par Hubert Beuve-Méry. Maurras est
jugé pour avoir dénoncé des juifs dans l’Action française, il est condamné à la perpétuité
en Janvier 1945, il commentera : « c’est la revanche de Dreyfus ».
Le monde intellectuel fut très touché aussi. La résistance intellectuelle n’hésite pas à
montrer du doigt ceux qui ont collaborés par le biais du Comité National des Ecrivains
(qui publie en septembre 1944 sa première liste noire, instance de résistance intellectuelle et
est proche du PC), qui compte Sartre, Char, Eluard, Aragon, Queneau, et des Lettres
françaises tenue par Jean Paulhan, revue née dans la clandestinité et qui dépend du
CNE. Cependant Paulhan va vite prendre ses distances avec ses listes noires. R.
Brasillach est condamné et exécuté le 6 mai 45 malgré une pétition d’écrivains résistants dont
Mauriac fait partie, car veulent le sauver. Tandis que Céline (« les beaux draps »…) c'est-àdire qu’il accompagne les derniers membres de Vichy s’étant exilé à Sigmaringen en
Allemagne et s’exile au Danemark après avoir été condamné à la dégradation nationale
et à la saisie de ses biens. Amnistié en 1951, il reviendra en France.
Notons toutefois que l’épuration française a été moins sévère que dans d’autres pays : les
condamnations sont vite levées (13 000 prisonniers en décembre 1948 pour 1 500 en 1952 pour seulement 9
après 1964) En effet, la France a voulu tourner la page le plus rapidement possible : c’est « Le syndrome
de Vichy » selon Henri Rousso.
L’idée véhiculée par de Gaulle est celle d’une France résistante dans son intégralité et ce pour
refonder la cohésion nationale et lui comme Auriol vont en fait beaucoup gracier. Vichy va rester un tabou
jusqu’à l’intervention récente du Président Chirac.
c. Le retour à la vie politique.
Le 9 septembre 1944, le Général de Gaulle remanie le gouvernement provisoire pour élargir sa
représentativité. Il cherche par là à atténuer la structure autoritaire du GPRF tout en légitimant les partis
politiques. Il va associer dans une sorte de ministère d’Union Nationale les résistants et les forces politiques
traditionnelles avec des hommes comme Jeanneney (dernier Président du Sénat de la III° République) qui
représente le symbole de la continuité de la République, alors nommé ministre d’Etat à la refondation de la
République. On trouve ainsi dans ce ministère 4 socialistes, 3 MRP, 3 radicaux, 1 modéré, 9 sous étiquettes, et 2
communistes (évènement car c’est leur première participation) avec Maurice Thorez (amnistié pour sa
désertion).
2. La mise en place de la IV° République.
a. La reconstitution des forces politiques.
La défaite de 1940 a fait voler en éclat tous les partis politiques à l’exception du PCF qui fut dans
la clandestinité et dans la résistance. Quant aux partis traditionnels, ils sont tenus comme responsables de la
défaite.
. La gauche classique.
Le PCF : il a été discrédité par les 22 mois d’amitié germano communiste. Il sort de la
clandestinité à partir de l’opération Barbarossa du juin 1941 au moment où le Reich
décide d’attaquer l’URSS : le PCF rentre alors dans la résistance. Aussi va-t-il bénéficier
au sortir de la guerre de l’aura de son action dans la résistance alors surnommé le « parti des
75 000 fusillés ». Il peut alors s’appuyer sur de nombreux des membres : 300 000 en 1939
et même 785 000 en 1945. Il se proclame parti de l’intelligence (car soutien de nombreux
intellectuels notamment au CNE comme Simone de Beauvoir), avec une orientation nationalthorezisme, et il bénéficie de l’appui de nombreux intellectuels (CNE avec les Lettres
Françaises). Le programme du PCF est celui du CNR. En 1939 il y avait 300 000 militants, en
1945 : 785 000 donc c’est le signe évident que ce parti sort auréolé de prestige au sortir de la
guerre.
La SFIO : Elle est dirigée au lendemain de la guerre par Blum et Daniel Mayer. Elle
effectue une épuration interne excluant les parlementaires ayant votés les pleins-pouvoir.
Ses effectifs sont de 350 000 adhérents. Son idéologie reste réformiste, elle réaffirme son
attachement au marxisme, à l’anti-cléricalisme, et partage de nombreuses idées du
programme du CNR.
Elle subit pour autant une épuration sévère de ses membres en passant à 350 000
adhérents en 1945.
Le Parti Radical : Il est identifié à la défaite, à l’inefficacité de la III°, à la corruption ce qui
ne l’empêche pas de revenir sur la scène politique à partir de 1948. Avec Henri Queuille
notamment qui a occupé d’importantes fonctions à Alger, cependant il garde une
mauvaise image mais refera surface avec l’éclatement du tripartisme en 48.
. La droite classique.
La droite parlementaire est désorganisée et même atomisée à la libération. Elle souffre d’un
profond discrédit étant accusée de collaboration même s’il y a des exceptions avec Reynaud par exemple
qui a été déporté sous Vichy comme Joseph Laniel. On retrouve l’Alliance Démocratique ainsi que la
Fédération Républicaine ou encore le Parti Républicain de la Liberté tenu par le fils Clemenceau, Michel. Il tente
de regrouper les éléments de droite les moins compromis avec Vichy dans son parti. Les modérés de la grande
guerre prennent l’étiquette d’indépendant. Dans cette droite atomisée, certains vont prendre l’étiquette
d’indépendants. A tous égards, la droite aura beaucoup de mal à se rassembler durant la IV° République.
. De nouvelles forces en action.
Le Mouvement Républicain Populaire (MRP) : Il prend naissance le 26 novembre 1944 à
l’issu d’un congrès. On préfère le terme de mouvement à celui de parti car ce dernier suppose
une division. Le vide de la droite classique va lui être très favorable. Notons que le MRP est
le successeur du Parti Démocrate Chrétien et de la Jeune République de M.Sangnier
(l’un des fondateurs du MRP) d’avant guerre. Le MRP refuse le libéralisme se voulant
de gauche alors que son électorat est majoritairement de droite. Notons au passage que
les deux tiers de son électorat sont féminins. Il dispose d’un quotidien « l’aube ».
L’ambiguïté du MRP : au début sa direction se veut à gauche, mais un électorat
majoritairement conservateur, en effet, il profite du vide de droite. Les 2/3 de son électorat
sont des femmes. Ensuite c’est la formation au lendemain de la guerre la guerre la plus proche
de De Gaulle. Ses membres sont Bidault, Schumann (porte-parole de France libre sur BBC et
préside MRP DE 1945 à 1949), Pierre Henri Kriegel.
Le Parti Gaulliste : C’est le parti de la « fidélité » dont l’unité repose sur la personne même
du Général. On y trouve les membres de la résistance comme Bidault ou encore Schumann
(porte-parole de France libre sur BBC et préside MRP DE 1945 à 1949) bien qu’étant aussi
au MRP. (pas dit par prof)
L’Union Démocratique et Socialiste de la Résistance (UDSR) : elle fédère des mouvements
disparates de résistance (donc plus fédération qu’un parti) avec des proches de De Gaulle (de
gauche) comme René Capitant ou Jacques Baumel aussi bien que des socialistes, des modérés
avec Mitterrand et Pleven ou encore des chrétiens que des laïcs. Elle se propose de devenir
une vaste formation travailliste pour dépasser les clivages liés à la question religieuse. Elle
veut réunir aussi bien des chrétiens que des laïcs. Cette petite formation va donc être appelée à
jouer un rôle charnière au cours de cette république.
Au total, on a un grand renouvellement du personnel politique, la quasi des anciens
parlementaires d’avant guerre étant frappés d’inéligibilité.
b. Une genèse constitutionnelle chaotique.
. Du référendum au rejet de la III° République.
Il a fallu deux ans entre la libération du territoire et l’adoption de la constitution le 4 octobre 1946 et ce
à accuse d’un très vif débat sur le contenu des institutions. Des divergences vont très vite apparaître,
Les élections du 21 octobre 1945 marquent un tournant dans l’histoire du Droit électoral puisque
le corps électoral est élargi aux femmes et aux militaires passant ainsi de 12 millions en 1939 à 27 millions
en 1945. En effet, l’ordonnance d’avril 1944 accorde le droit de vote aux femmes, votant pour la première
fois aux élections municipales de printemps 1945. Les Français sont alors appelés à élire une Assemblée
nationale et à voter un référendum (voulu personnellement par de Gaulle) portant sur deux questions : la
première est de savoir si l’assemblée élue ce jour doit-elle être constituante ? De plus, faut-il adopter un
projet de loi sur l’organisation des pouvoirs publics qui vise à limiter la toute puissance de l’Assemblée
élue pour 7 mois ?
Aux deux questions, le « oui » l’emporte étant souhaité par la quasi-totalité du corps politique à
l’exception des radicaux qui militaient pour le double non et les communistes pour un « oui » à la constituante
mais un « non » pour une limitation étant très attachés aux pouvoirs de l’Assemblée. Le résultat est probant :
96,4% de « oui » à la première question et 76,2% de « oui » à la deuxième. La III° République est alors
définitivement mise à terre. Aux élections législatives, le scrutin est de type proportionnel sur base
départementale voulu par de Gaulle pour limiter la toute puissance du PCF. Les résultats montrent une
poussée à gauche indéniable : le PCF devient le premier parti de France avec 146 sièges (26,1%), le MRP
deuxième avec 135 sièges (25,6%), la SFIO en troisième avec 24,6% et les radicaux laminés avec moins de 10%
des suffrages exprimés.
1er désaccord : comment on procède ? Par référendum comme le veut DG mais rappelle le second empire.
2e désaccord : le contenu des institutions
. Du conflit.
De Gaulle réélu à la majorité à la Présidence du gouvernement provisoire de la République. Mais
il a du mal à constituer son gouvernement car le PCF vaut occuper les ministères les plus stratégiques
comme les Affaire Etrangère, l’Armée ou encore l’Intérieur. Aussi M.Thorez est-il nommé comme ministre
d’Etat de la fonction publique. Le ministère de la Défense est aussi scindé en deux avec Tillon (communiste) à
l’armement et Michelet (gaulliste) aux armées. De Gaulle est en conflit permanent avec la majorité
parlementaire qui craint le pouvoir personnel de celui-ci.
Ce conflit débouche à la démission de De Gaulle le 20 janvier 1946 qui opte pour la stratégie du
recours (il pense être rappelé), après avoir fait une déclaration au moment de sa démission devant le Conseil des
ministres « Le système des partis a reparu. Je le réprouve. Mais à moins d’établir par la force une dictature
que je ne veux pas… il ma faut donc me retirer»
Sa démission marque la victoire du parlementarisme : les 3 grands partis majoritaires, PCF, MRP et
SFIO signent alors un Pacte de collaboration pour former le Tripartisme qui va durer 15 mois jusqu’ mai
1947.
. Du vote de la constitution de la IV° République.
Cette majorité parlementaire est chargée d’élaborer un projet de constitution qui est adopté par
l’Assemblée Constituante le 9 avril 1946. Ce projet est d’inspiration nettement socialisante (insiste beaucoup
sur les droits sociaux) proposant un système de monocaméralisme soit un régime type « conventionnel » : le
pouvoir exécutif est totalement dépendant d’une chambre omnipotente. Mais ce projet est refusé à 53%
par les Français lors du référendum du 5 mai 1946 : c’est un désaveux pour le PCF et la SFIO.
La reconstruction institutions est dans l’impasse. On décide alors de dissoudre l’Assemblée
nationale. Les nouvelles élections du 2 juin 1946 font du MRP le premier parti de France avec 28,2% des
suffrages et 161 sièges ; Bidault prend alors la tête du gouvernement cependant que Thorez devient vicePrésident. Le Tripartisme obtient la majorité absolue en voix comme en siège bien que la SFIO perde 20
sièges au profit du PCF qui en gagne 62 ainsi que pour les radicaux avec 6 sièges supplémentaires. Seul de
Gaulle souhaite que l’exécutif soit fort et indépendant et ce à travers son discours de Bayeux de 16 juin 1946
(première ville de France libérée par les Allié) : on y entrevoit le schéma gaullien selon lequel le seul
moyen d’assurer l’autorité de l’Etat est d’avoir un exécutif fort. D’où l’idée d’un renforcement de la
fonction présidentielle par le biais d’une élection par un collège électoral élargit de telle sorte que cette légitimité
élargie placerait le Président au-dessus des partis : il faut un arbitrage nationale qui fasse valoir la légitimité
au-dessus des combinaisons. Ce n’est pourtant pas un schéma présidentiel car il conserve les éléments
classiques du parlementarisme bicamériste et la responsabilité ministérielle. La majorité de la classe politique
française voit dans ce discours soit un risque de bonapartisme, soit un risque de présidentialisme à
l’américaine.
Le 30 septembre 1946, l’Assemblée présente un projet de constitution présidée par un démocrate
chrétien. Le référendum du 13 octobre 1946 ratifie ce projet par 53% de « oui ».
c. La constitution de 1946.
Elle est très différente de celle de la III° République. On note une minutie dans la rédaction de la
constitution, interdisant le développement d’une coutume constitutionnelle. De plus elle rompt avec les 34
articles de la constitution de la III° puisqu’on en compte 108 avec un préambule de 18 alinéas. Ce
préambule fixe des orientations qui consacrent les lois et les libertés de la Déclaration des Droits de l’Homme et
du Citoyen de 1789 et élargit aussi la conception de la démocratie dans ses implications économiques et
sociales avec le droit au travail, au savoir, à la culture, syndicale, de grève.
Cette constitution est étendue aux peuples colonisés : la France doit conduire les colonies à
s’administrer elles-mêmes dans le cadre de l’Union Française. Cette Union Française regroupe la France
métropolitaine, les DOM-TOM, les territoires associés et les Etats associés (Etats qui avaient le statut de
Protectorats). Le Président de la République assisté d’un Haut Conseil de l’Union Française et d’une Assemblée
de l’Union Française qui est moitié des représentante de la France, pour l’autre des territoires colonisés. Mais
dans les faits, ils n’ont qu’un rôle consultatif, les décisions étant prises par le gouvernement Français. L’Union
Française propose une association et non une décolonisation.
. Le Parlement. (Voir Pinay dans A retour de droite au pouvoir
52 à 54, a. l’expérience Pinay, pour plus tard, membre conseil national de Vichy, maire ss occupation, or
maires étaient nommés. Le conseil national crée en 41 avait pour but d’élaborer une nouvelle constitution,
mais il n’a pas siégé. Pinay fut partie des élites politiques de la fin de la IVe les plus populaires parce que
c’est un homme qui rassure, chef d’une petite entreprise donc monsieur tout le monde. C’est un libéral
donc plaît après des années de dirigisme politique, son modèle est Poincaré donc son modèle a fait ses
preuves. Il s’entoure de jeunes conseillers comme Jacques Rueff. Il reprend des sujets classiques qui font
succès comme la bonne gestion des finances)
La nouvelle Constitution met en place un bicaméralisme inégalitaire :
Assemblée nationale : elle remplace la Chambre des députés et elle est la pierre
angulaire des institutions. Elle se compose de 627 députés élus pour 5 ans au suffrage
universel au scrutin proportionnel de listes départementales. L’Assemblée a l’initiative
des lois, vote les lois et ne peut déléguer cette compétence (article 13), ce qui prive le
gouvernement d’une arme efficace : les décrets-lois. Cette Assemblée nationale autorise
la ratification des traités et peut unilatéralement faire et défaire les gouvernements.
Conseil de la République : il remplace le Sénat privé de ses pouvoirs. Il est composé de
315 membres élus pour 6 ans au suffrage universel indirect avec des modalités
d’élections très proches de celles de la III° République avec pour les cinq sixièmes par un
collège électoral composé de députés de conseillers Généraux, de délégués municipaux de
communes de moins de 10000 habitants : les communes rurales dominent au Conseil de
la République ( c’est la « super chambre de la République » pour J.P.Rioux) et le dernier
sixième par les députés de l’Assemblée nationale. Ses pouvoirs sont très réduits, se bornant
à donner son avis sur des projets de lois votés en première lecture par l’Assemblée
nationale. Il n’a aucun pouvoir sur le gouvernement. L’élection présidentielle est le seul
moment où l’on retrouve un bicaméralisme égalitaire.
. Le pouvoir exécutif.
Il a un rôle très diminué par rapport aux lois constitutionnelles de 1875. Il est élu pour 7 ans par
le Parlement réuni en Congrès à Versailles, à la majorité absolue des suffrages sans limite de tours. Il ne
peut exercer que deux mandats.
Il est irresponsable politiquement, ses actes devant être contresignés par le Président du Conseil ou
les ministres. Il préside le conseil des ministres ; nomme un certain nombre de hauts fonctionnaires ; il
préside le Conseil de la magistrature ; il a le titre de chef des armées bien que cela soit le Président du
conseil qui dispose du pouvoir des armées ; il a une espèce de droit de veto suspensif ; il désigne le
Président du Conseil et a une autorité morale qui peut peser sur le conseil des ministres dans les négociations
internationales et dans l’Union Française. Il n’a ni le pouvoir de dissolution, ni l’initiative des lois.
. Le Conseil de ministres.
La Constitution du 4 octobre 1946 innove en plaçant les ministres sous l’autorité d’un Président
du Conseil. Il est nommé par le Président de la République après avant d’être investi par les chambres à
la majorité absolue. Dans la pratique, l’investiture va avoir un fonctionnement très difficile puisqu’il est
quasiment impossible d’obtenir la majorité absolue. S’ajoute à cela la double investiture qui va s’établir
dès le début avec Ramadier : investiture du Président du Conseil puis du gouvernement (clause pas écrite dans
la Constitution)
Les attributions du Président du Conseil : il a l’initiative des lois ; il dirige la force armée et il est
responsable de la politique gouvernementale. Il existe deux instruments classiques qui permettent
d’assurer la responsabilité du gouvernement :
La question de confiance qui relève de l’initiative du Président du Conseil. Le vote est à la
majorité absolue, et si ce n’est pas le cas, le gouvernement doit démissionner collectivement
La motion de censure qui relève à l’origine de l’initiative des députés, adoptée à la majorité
absolue au scrutin publique un jour après avoir été déposée. On a voulu la solenniser mais cela
se révélera peut efficace dans la pratique.
Dans la pratique, les gouvernements vont démissionner sans poser la question de confiance quand
ils n’obtiennent pas une majorité simple dans un vote. Le droit de dissolution est réhabilité mais très encadré
selon 3 contraintes :
Il est impossible de dissoudre durant les 18 premiers mois d’une législature
Il faut qu’il y ait eu deux crises ministérielles successives en 18 mois
Ces deux crises doivent résulter soit d’une question de confiance ou d’une motion de censure
D’un point de vu constitutionnel, ce type de dissolution est dénué de sens puisqu’il devient l’arme
du pouvoir législatif : l’Assemblée nationale contrôle sa propre dissolution… c’est la marque du
« parlementarisme absolu » décrié par Burdeau. Il n’en sera fait usage qu’une seule fois par E.Faure en
décembre 1955.
. Le Comité Constitutionnel.
Son rôle est d’examiner la constitutionalité des lois. Il se compose de trois membres de droit avec
les Présidents de la République, de l’Assemblée nationale et du Conseil de la République et de 10 membres
élus (7 par l’Assemblée nationale, 3 par le Conseil de la République).
B/ La République des espoirs (1946-1953).
1. La République des partis (1946-1947)
a. La mise en place des institutions.
Le 10 novembre 1946 a lieu les élections de la première Assemblée nationale de la IV° République.
On note une légère hausse de l’abstention (21,1%).
Le PCF redevient le premier parti de France avec 183 sièges tandis que le MRP et la SFIO reculent. Ces
trois partis vont former le Tripartisme. Notons aussi que Vincent Auriol va être à nouveau porté à la
Présidence de l’Assemblée nationale.
Le Conseil de la République, ancien Sénat, est élu le 8 décembre 1946 avec une composition presque
identique à celle de l’Assemblée nationale.
Le Président de la République est élu le 16 janvier 1947 par le Congrès réunis à Versailles, et surprend
par sa rapidité : Vincent Auriol est élu au premier tour avec une très forte majorité (il fut ministre des
finances sous le Front Populaire, contre les pleins pouvoirs à Pétain, membre de la résistance) Ce
personnage va exercer une magistrature morale en faisant des choix qui vont influencer la politique de la IV°
République : il pousse Ramadier à ordonner la démission de ministres communistes en 1947. Il est alors
remplacé à la Présidence de l’Assemblée nationale par Edouard Herriot qui fut le dernier Président de la
Chambre des députés, votant contre Pétain en 1940. Il sera alors interné en camp sous Vichy.
Le premier gouvernement est formé par le socialiste Paul Ramadier étant majoritairement
composé de membres des 3 partis mais s’intitule « gouvernement d’accord général » (9 SFIO, 5
communistes, 5 MRP, des radicaux, 3 de l’UDSR en Mitterrand et un indépendant).
Dans ce gouvernement, les communistes occupent le portefeuille la défense nationale divisée en trois
ministères pour amoindrir l’influence du ministre communiste secondé par un socialiste et un radical. Ramadier
va être à l’origine de la pratique de la double investiture.
b. L’échec du Tripartisme et la crise de 1947.
Les désaccords entre les trois partis vont vite apparaître dans un contexte international tendu.
Dès le 5 mai 1947, les ministres communistes sont évincés du gouvernement Ramadier, et il va leur falloir
attendre 1981 pour revenir au gouvernement. Il y a trois points de désaccords qui vont provoquer la rupture :
Les questions coloniales : L’Union Française est mal partie puisque tout le monde est
d’accord pour faire des réformes mais pas en direction de la décolonisation. Seul le PCF veut
une décolonisation totale et immédiate tandis que la SFIO est pour l’autonomie et le
MRP pour le statu quo de l’Union Française. Il faut trouver une solution aux divers
problèmes posés :
o
La question indochinoise : La fin de la guerre signe le départ des japonais. Aussi le général de
Gaulle décide-t-il d’envoyer en Indochine l’amiral D’Argenlieu en tant que haut commissaire et
Sainteny comme commissaire de la République au Tonkin. L’Indochine est composée d’une
colonie (Cochinchine) et de 4 protectorats (Annam, Tonkin, Cambodge et Laos) On y trouve trois
peuples : les vietnamiens qui occupent la Cochinchine, l’Annam et le Tonkin, les cambodgiens et
les Laotiens. Les communistes occupent le Tonkin avec l’oncle Hô chi minh qui forme un
gouvernement provisoire. Ils signent un accord le 6 mars 1946 avec Sainteny reconnaissant le
Vietnam comme un Etat libre dans l’Union Française : statut d’Etat associé. Un référendum doit
décider de la réunion du Tonkin, de l’Annam et de la Cochinchine mais l’amiral D’Argenlieu
bloque le processus en proclamant le 1er juin 1946 la République de Cochinchine. En juillet 1946,
Hô chi minh assiste à la Conférence de Fontainebleau qui est un échec. Sur le terrain (Tonkin),
des incidents éclatent le 22 novembre 1946 et la flotte française bombarde Haiphong le 23
novembre 1946. Le 19 décembre 1946, les milices communistes menées par le général Giap
attaquent les quartiers blancs : c’est le début de la guerre.
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Madagascar : en mars 1947, le Mouvement Démocratique de Rénovation Malgache (MDRM) se
soulève pour obtenir l’indépendance. La France répond par une forte répression faisant 89 000
morts.
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La question algérienne : le 8 mai 1945, des émeutes nationalistes éclatent à Sétif et 29 européens
sont tués. La répression qui suit est terrible par manque d’informations : 6000 à 8000 morts
(Camus dans Combat averti des dangers de la radicalisation des positions de chacun). Sur place,
les nationalistes sont représentés par l’Union Démocratique pour le Manifeste Algérien
(UDMA) de Ferhat Abbas qui réclame un fédéralisme franco-algérien et par Mouvement
pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD) de Messali Hadj, plus radical, qui
réclame l’indépendance. Les européens d’Algérie ne sont pas prêt à l’indépendance et le
statut du 27 août 1947 créé une Assemblée Algérienne élue pour moitié par le Collège des français
et pour l’autre par les Algériens : ceci est mal perçu est Europe et les premières élections,
truquées, annoncent une fonctionnement difficile qui provoque le refus par Hadj de siéger.
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Le Maroc : On y trouve le Mouvement indépendantiste de l’Istiqlal avec le soutient officiel du
sultan par le discours du 10 avril 1947.
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La Tunisie : On trouve le Néo-Destour de Bourguiba en liberté surveillée.
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L’Afrique noire : les élites intellectuelles réclament au moins l’autonomie avec HouphouêtBoigny qui a fondé en 1946 le Rassemblement Démocratique Africain.
Les questions économiques et sociales : P.Ramadier veut poursuivre une politique de
blocage des salaires alors que les ministres communistes s’y opposent : d’où la rupture avec
la révocation des ministres communistes le 5 mai 1947.
L’entrée en Guerre Froide rend la position des ministres communistes très problématique :
le 5 mars 1946, Churchill prononce le discours de Fulton avec le « rideau de fer ». Le 12
mars 1947 : Doctrine de l’endiguement de Truman et le 5 juin 1947 le Plan Marshall
accepté par 16 pays européens mais refusé par l’URSS, donc par les communistes
français.
L’année 1947 soulève des grandes crises sociales au mois de décembre avec une situation quasi
insurrectionnelle en France : grèves révolutionnaires organisées par la CGT avec 3 millions de grévistes en
novembre 1947. Le 19 novembre 1947, Ramadier démissionne et est remplacé par Robert Schuman qui
fait entrer Jules Moch à l’Intérieur : s’en suit un glissement à droite. Ce dernier va mobiliser les réservistes
pour réprimer l’agitation sociale.
Une fois la remise en ordre le 10 décembre 1947, la CGT se divise pour la deuxième fois avec la
formation de la CGT-FO, anti-communiste (formée le 12 avril 1948 autour de Léon Jouhaux) qui s’oppose
aux précédents adhérents de la vieille CGT en se réclamant de la Charte d’Amiens (apolitisme), financé
par les syndicats américain et la CIA. On trouve aussi le Fédération de l’Education Nationale qui devient
autonome de la CGT.
2. La troisième force (1947-1952)
a. Une « coalition négative ».
Cette phrase est attribuée à G.Mollet qui désigne une coalition recoupant toutes les forces
politiques refusant à la fois le communisme et le gaullisme. On trouve une unité sur la politique extérieure et
sur la question coloniale. Mais il y a un désaccord sur la politique économique et sociale. Les socialistes sont
pour une politique dirigiste ce que refusent le MRP, et sont à l’origine du renversement de 6
gouvernements dans cette période. La Troisième force doit faire face à deux oppositions :
L’opposition gaulliste : Le général fonde le RPF le 7 avril 1947, qu’il justifie par le péril
extérieur et par l’incapacité de la IV° République à y faire face. Il veut une réforme de la
Constitution. Le RPF est ouvert à tous (ce n’est as un « parti » au sens stricte), n’importe qui
peut y adhérer sauf les communistes étant considérés comme séparatistes. Les socialistes ne
sont pas d’accord : (Ramadier déclare : « il n’y a ni sauveur, ni César, ni Tribun »,
Mayer parle de sous Doumergue). Seuls les radicaux et l’UDSR autorisent la double
appartenance avec Soustelle et Baumel. Notons le score exceptionnel lors des élections
municipales des 19 et 20 octobre 1947 : les 13 plus grandes villes de France dont
Bordeaux, Rennes, Marseille, Strasbourg passent au RPF. De Gaulle devient alors
Président du Conseil municipal de Paris. Début 1948 le RPF connaît un million de
membres et face à ce succès, il réclame la dissolution de l’Assemblée et la préparation
d’une nouvelle Constitution.
Le PCF : il redevient le parti de l’étranger - le « parti russe » selon Mollet ou
« séparatiste » pour de Gaulle, d’où une exclusion liée à sa fidélité aux ordres du
Kominform et à ses prises de position sont gênante, approuvant le coup de Prague et la
condamnation du schisme titiste. A l’automne 1948, de grandes grèves dans le bassin
minier éclatent, 60 000 CRS et policiers sont mobilisés pour réprimer l’agitation. Les
manifestations populistes du PCF vont chuter le nombre de ses d’adhérents au fil des
congrès passant de 900 000 en 1947 à 500 000 en 1952. Mais son potentiel électoral persiste
puisqu’un quart des électeurs votent PCF grâce à une forte présence du parti sur le terrain.
b. De la Troisième force vers le centre avec le système des apparentements.
On note en 1948 un élargissement progressif de la Troisième force vers la droite au profit des
radicaux avec le Rassemblement des Gauches Républicaines (RGR) avec Mayer, Queuille ou encore
Marie. Toutes les présidences – sauf celle de la République – sont radicales avec Monnerville au Conseil
de la République et Sarraut au Conseil de l’Union Française. Le premier gouvernement radical est formé par
Marie en juillet 1948 avec Reynaud aux Finances. Mais ce dernier fait tomber le gouvernement en août 1948 à
cause d’une politique trop à droite.
Un deuxième gouvernement radical est formé par Queuille, docteur de formation. Député corrézien 19
fois ministre sous la III° République et notamment ministre de l’agriculture. Il va occuper le plus long ministre
de la période du 11 septembre 1948 au 6 octobre 1949, soit 13 mois. Mais son bilan est contrasté : il est très
habile (admiration de l’Historien P.Williams), il sait pratiquer le compromis mais on va l’accuser d’immobilisme
pour se maintenir en place. Habile tacticien, il va également contenir la poussée gaulliste (la troisième force
est pour lui un système négatif), en repoussant les élections cantonales en mars 1949. Le résultat de ces
élections lui donne raison en confortant l’aile droite de la Troisième force, le Parti gaulliste ne progressant pas. Il
va pourtant chuter en octobre 1949 sur la politique économique car au sein de la Troisième force la SFIO est
pour une hausse des salaires que la droite rejette.
Des élections législatives sont prévues pour mai 1951, et la majorité gouvernementale va changer
la loi électorale pour se maintenir au pouvoir. On craint en effet le scrutin proportionnel qui ne dégage
pas de majorité, ce qui est un facteur de crise redouté. C’est Queuille, à nouveau Président du Conseil entre
mars 1951 et juillet 1951 qui va élaborer un compromis voté par l’Assemblée nationale le 9 mai 1951 : le
système des apparentements qui est une combinaison entre le scrutin proportionnel et celui majoritaire.
On maintient le scrutin majoritaire de liste avec une représentation à la proportionnelle. Mais on a la
possibilité d’apparentement entre listes avant le scrutin. Ainsi, quand les listes apparentées obtiennent la majorité
des suffrages, elles remportent la majorité des sièges dans le département concerné. Le but était de mettre à
l’écart les listes qui ne pouvaient pas s’apparenter telles celles du PCF mis à l’écart et du RPF puisque de
Gaulle donne consigne de na pas s’apparenter – bien qu’il y ait quelques transgressions dans certains
départements. Le Monde du 26 avril 1951 a titré : « c’est la loi électorale la moins honnête de notre Histoire »
Mais le vote a bien lieu le 7 juillet 1951 avec 88 apparentements conclus entre socialistes, radicaux et
modérés qui obtiennent la majorité absolue avec 388 sièges sur 627. Toutefois, le PCF et le RPF obtiennent
respectivement 26,5% et 21% contre 15% pour la SFIO, 11,5% pour les radicaux, et seulement 12,5% pour le
MRP : quid de la démocratie… Cela n’empêche pas Pleven de forme un gouvernement sans socialistes en
août 1951.
c. Bilan et dislocation de la Troisième force.
Les aspects positifs tout d’abord : on note une amélioration indéniable de la situation économique et
sociale puisqu’en 1949 les rationnements sont supprimés : ce sont les premiers effets du premier Plan (19471953) de Monnet (commissaire au plan), et du Plan Marshall. Aussi la reconstruction est-elle acquise en 1952 ;
Notons aussi les premiers pas vers la construction européenne grâce à Monnet et sa déclaration
conjointe avec Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères le 9 mai 1950 : création de la CECA
avec par le traité signé le 19 avril 1951
La France adhère à l’Alliance Atlantique le 4 avril 1949 entrant ainsi dans la guerre froide aux
côtés des Américains.
Mais cette évolution vers l’Europe et l’atlantisme pose la question du réarmement allemand : Pleven
propose de créer une armée européenne intégrant l’armée de la RFA – c’est la Communauté Européenne
de Défense (CED). Il aboutit dans un premier temps à la signature d’un traité : Le plan est ensuite accepté
le 27 mai 1952 par les 6 pays membres de la CECA sous le gouvernement Pinay bien qu’il reste le problème de
la ratification par l’Assemblée nationale.
L’aspect négatif ensuite : la situation coloniale se détériore avec des revendication
indépendantistes qui se manifestent de manière de plus en plus puissante et donnent lieu à des plaintes au
conseil de sécu de l’ONU (Tunisie, Maroc) : la France est montrée du doigt. D’où une de fermeté menée par
la France dans l’Union Française à l’exception de la rétrocession à l’Inde en mai 1950 du comptoir du
Chandernagor.
C’est pourtant sur la question scolaire que la Troisième force va voler en éclat. Ce sont les
gaullistes qui vont jouer le rôle de meneur, de provocateur, semant la discorde entre les socialistes et le
MRP. Aussi le RPF dépose-t-il une proposition de loi – la loi Baranger adopté le 21 septembre 1951 - qui
prévoit une allocation de 3 000 FF par enfants et par ans à toutes les écoles primaires y compris celles
privées ; ceci est inacceptable pour les socialistes. Si le MRP, RPF, et la droite ont voté pour, la SFIO et le
PCF ont voté contre tandis que les radicaux et l’UDSR reste partagés. Mais la rupture finale résulte du vote
de la loi Marie qui accorde des bourses aux élèves de collèges privés le 14 septembre 1951 : les socialistes et le
PCF renversent alors le gouvernement Pleven le 7 janvier 1952, marquant ainsi de façon ostentatoire l’entrée
officielle des socialistes et dans l’opposition.
Le gouvernement qui va reprendre Matignon est tenu par Edgar Faure pour 40 jours avec 40
ministres qui lui fera perdre 4 kg. Un vrai problème institutionnel se pose puisque personne n’arrive à dégager
une majorité. On en vient à essayer de constituer un gouvernement autour d’une majorité tournée autour
du centre droit ou essayant d’intégrer les gaullistes, ce qui marque son grand retour. On tente d’intégrer
les gaullistes dont certains considèrent qu’il est temps d’accéder au pouvoir, alors que de Gaulle est
contre : « aller à la soupe » étant donné que de Gaulle refuse les institutions de la IV° République.
II. La dérive du système républicain (1952-1958).
A/ Peut-on gouverner (1952-1956) ?
Le gouvernement tente des mesures par une rénovation politique jusqu’en 1956. Le système va
néanmoins rapidement montrer ses limites, d’autant plus que la situation extérieure pose problème.
Le poids de la conjoncture internationale est à ce stade déterminant dans l’évolution politique de
la France, que ce soit la question de la CED ou la question coloniale.
1. Le retour de la droite au pouvoir (1952-1954)
Le premier homme de droite à revenir au pouvoir depuis 1945 est Pinay qui a une étiquette des
indépendants.
a. L’expérience Pinay (mars - décembre 1952).
Auriol en faisant appel à Pinay misait en fait sur son échec, espérant ainsi une nouvelle coalition
autour de Queuille. Pourtant il saura coopérer franchement avec Pinay sur la dévaluation du franc et la politique
extérieure. Pinay est un ancien membre du Conseil national de Vichy, qui devait élaborer une nouvelle
constitution, bien qu’ayant peu de pouvoirs à son sein (crée par la loi du 24 janvier 1941) Déclaré
inéligible à la libération, sa condamnation sera ensuite annulée ce qui lui permettra d’être réélu dans la
Loire en 1946. Il est ensuite ministre sans cesse depuis 1948. Maire de St-Chamond, il dirige une petite
entreprise de cuirs et de peau.
Il incarne le Français moyen, honnête et Leur (il fut l’un des Présidents du conseil les plus
populaires de la IV° République avec Mendès-France et de Gaulle) C’est un libéral opposé à tout dirigisme
économique, et orthodoxe en matière financière. Il a pris Poincaré pour modèle et pour principal conseiller le
technicien Rueff, optant pour la défense du franc, ce qui a entraîné un impact rassurant sur l’opinion dans une
France ruinée par l’inflation et les déficits budgétaires.
Il va réussir une opération politique considérable en faisant éclater le parti gaulliste puisque 27
députés du RPF acceptent de participer au gouvernement : de Gaulle va alors se désintéresser du RPF qui est
alors dissout en mai 1953. Aussi l’aile droite du RPF rejoint-elle la droite classique cependant que de Gaulle
entame sa longue traversée du désert. La chute du RPF entraîne la perte des grandes villes pour la droite :
Marseille avec le retour de Defferre au printemps 1953.
Le gouvernement Pinay a été un gouvernement à poigne avec une politique de fermeté face à
l’agitation communiste en mai 1952 : des manifestations violentes furent organisées par le PCF contre la
visite à Paris du Général Américain Ridgway accusé d’avoir utilisé des armes bactériologiques en Corée.
Celles-ci furent durement réprimées avec l’arrestation de Duclos, leader du PCF (« complot des pigeons
voyageurs ») en plus du secrétaire général de la CGT.
En matière de politique économique et financière, on note un redressement avec l’emprunt Pinay.
Sa politique économique est une politique libérale de baisse des dépenses publiques et de recours à
l’emprunt d’Etat fixé 3,5%, indexé sur l’or et exempté d’impôts de doits de succession. Il bloque aussi les
prix marquant un retour de la confiance, et il fait voter le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti).
Cette politique a cependant pour effet négatif de ralentir les investissements et la croissance économique.
Cependant le mythe Pinay est né (on le surnomme le « sage de St-Chamond » et de futurs politiques
viendront le voir avec Bérégovoy considéré comme le « Pinay de gauche ») : il reste l’homme de la stabilité
des prix et du redressement monétaire. C’est le premier homme politique populaire de la IV° accumulant les
rancœurs des parlementaires et suscitant le mécontentement du MRP car le traité de ratification de la CED
n’est toujours pas signé. D’où le renversement de Pinay en décembre 1952 : les crises ministérielles
reprennent.
b. Une orientation à droite qui se confirme.
On note une crise sociale en août 1953 avec des grèves spontanées contre la politique sociale et
conservatrice du gouvernement Laniel qui propose de reculer l’âge de la retraite. L’année 1953 est aussi
une année où les institutions vont être discréditées par l’élection du nouveau Président de la République
qui a nécessité 13 tours de scrutin contre le socialiste Naegelen, c’est une consternation Française et
mondiale : « Nous sommes la risée du monde » déclare Bidault. René Coty, modéré indépendant et non
candidat est finalement élu en décembre 1953 parce qu’il a subit une opération de la prostate, ce qui l’a éloigné
du débat sur la CED : il n’a donc pas pu prendre position.
La querelle de la CED empoisonne la vie politique française et les gouvernements successifs
n’osent pas « sortir le cadavre du placard » Laniel sort affaibli de cette élection car il s’était porté
candidat.
Il va aussi subir de plein fouet la situation coloniale qui tourne à la catastrophe en Indochine avec la
défaite de Dîen Bîen Phû le 7 mai 1954 après un mois de combats. On n’a pas réussi à obtenir le soutien
militaire des Etats-Unis ce qui entraîne la chute de Laniel après un violent réquisitoire à l’Assemblée
nationale de Mendès - France le 12 juin 1953.
2. L’impossible renouveau : l’expérience Mendès-France (juin 1954février 1955)
C’est dans les 7 mois du gouvernement Mendès-France que se joue l’espoir de la rénovation de la IV°
République mais c’est finalement la crise algérienne qui va faire retomber la IV° dans l’impuissance.
a. Une inflexion politique nouvelle.
Mendès-France apparaît comme un homme neuf n’ayant fait parti d’aucun ministère depuis 1945
en raison de la question financière. Avocat, membre du Parti radical, député depuis 1932, sous secrétaire
au Trésor de Blum en 1937, il s’est embarqué sur le Massilia en juin 1940. Arrêté par Vichy en août 1940,
il s’évade et gagne Londres où il collabore avec de Gaulle. Il participe au GPRF comme ministre de
l’économie, mais démissionne par désaccord au sujet de la politique financière. Il sera aussi député de l’Eure de
1946 à 1958.
Il va tenter une style nouveau de gouvernance, dégageant du jeu les partis et l’emprise du
Parlement Il va manifester sa volonté d’indépendance en formant son gouvernement sans consulter les
partis : son gouvernement est formé d’une majorité hétéroclite avec des membres de la SFIO, des
radicaux, des communistes, des membres de l’UDSR mais aussi des gaullistes qui sont des républicainssociaux qui apprécient le passé de résistant de Mendès-France mais aussi son attitude critique envers le
système politique. La droite est hostile à ce gouvernement, et elle obtient le soutien du MRP, parti européen et
défenseur de l’Empire.
Mendès-France est un Président du Conseil qui va séduire l’opinion et va devenir populaire en
usant des moyens médiatiques de l’époque (presse écrite), surtout avec L’Express fondé en 1953 par JeanJacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, dans lequel il expose son projet le 14 mai 1954 : « Un appel à la
jeunesse ». Il reprendra ses orientations plus tard en 1962 dans La République moderne : il est favorable à
un dépassement des clivages droite-gauche, dirigisme-libéralisme et laïcité-cléricalisme : c’est la volonté de
moderniser le débat. Il utilise aussi la radio sur les conseils de L’Express avec des « causeries
hebdomadaires » au coin du feu.
Le ministère veut imposer la rupture avec une équipe réduite et rajeunie (16 ministre au lieu de 22)
Mitterrand débarque au ministère de l’Intérieur, Chaban-Delmas aux Travaux publics et Fouché
(gaulliste) au Affaires tunisiennes et marocaines. Mendès-France s’est réservé le ministre des Affaires
Etrangères, et symboliquement il s’installe au Quai d’Orsay. Edgar Faure est ministre de l’économie et des
finances avec aussi une équipe jeune : Duhamel et Valéry Giscard d’Estaing… On a donc un gouvernement
qui brouille les cartes politiques traditionnelles.
b. « Gouverner c’est choisir » (ouvrage publié en 1953 par Mendès-France).
Il y montre qu’il a tout de suite voulu agir et avoir des résultats face à la gravité de la situation
Sur la question indochinoise : Une conférence internationale est ouverte à Genève depuis le
26 avril 1954. Dans son discours d’investiture du 17 juin 1954, il promet la constitution d’un
accord avant le 20 juillet 1954. Les accords de Genève sont ainsi signés dans la nuit du 20
au 21 juillet 1954. Mais il y a une très forte humiliation subie par l’armée qui a le
sentiment d’avoir été abandonnée par les politiques, ce qui suscite des désirs de
vengeance.
Sur la question des protectorats sud-africains : jusqu’à Mendès-France, c’est la méthode
forte qui a primé, entraînant une impasse politique. Mendès-France décide alors de renouer
le dialogue.
Sur la question marocaine : les autorités françaises avaient réprimé les manifestations de 52
déportés dont le Sultan Ben Youssef à Madagascar en août 1953. Mendès-France annule cet
exil.
Sur la question tunisienne : Mendès-France s’y rend avec Fouché et le maréchal Juin, ce qui
rassure les européens de Tunisie. D’où le discours de Carthage du 31 juillet 1954 au cours
duquel la France reconnaît « l’autonomie interne de l’Etat tunisien » : c’est un pas
franchi vers l’indépendance. L’année 1954 est une année-clé dans l’Histoire du Maroc et
de la Tunisie.
Sur la question européenne : elle est aussi tranchée sous ce gouvernement. Au sein du
gouvernement il va y avoir des pour et des contre CED. Mendès-France ne va pas
engager la responsabilité de son gouvernement sur un projet qui n’est pas le sien, bien
qu’il soit décider à sortir de cette situation. C’est un sujet délicat puisque que 3 ministres
gaullistes démissionnent le 13 août 1954 (dont Chaban), et ne reviendront qu’une fois la CED
enterrée, en septembre, ce qui entraînera de suite la démission de 3 ministres « cédistes ». A
l’Assemblée nationale, l’ambiance est alors survoltée : le 30 août une majorité de 55 voix
rejette le projet, c’est le « crime du 30 août » (expression du MRP) Les communistes et
les gaullistes ont voté contre pour défendre l’indépendance nationale contre les
Allemands (gaullistes) ou les Américains et les Allemands (communistes). Mais il y a aussi
eu des anticédistes dans tous les partis (SFIO par exemple) qui ont pourtant proposé une
solution alternative en modifiant l’article 54 des accords de Paris : l’Allemagne peut se doter
d’une armée intégrée au sein des forces de l’OTAN.
En août 1954, Mendès-France et au sommet de sa popularité avec ses interventions
radiophoniques tous les samedis, alors surnommé « PMF », cependant qu’il devient impopulaire au sein
du Parlement. Le 30 novembre 1954, il fait voter une révision constitutionnelle pour limiter les crises
ministérielles et le pouvoir du Parlement : le Président du conseil serait investi à la majorité simple, la
majorité absolue restant nécessaire pour renverser le gouvernement. On note ainsi une volonté d’accroître le
pouvoir du Conseil de la République avec le rétablissement de la navette entre les deux assemblées, le
Conseil de la République retrouvant son pouvoir législatif : cette révision est qualifiée de « réformette ».
c. La chute du gouvernement Mendès-France.
Parmi les difficultés majeures que Mendès-France va devoir affronter en octobre 1959, il y a la
situation algérienne avec la guerre qui débute sous son gouvernement. L’Algérie est constituée de 3
départements (Alger, Oran, Constantine) rattachés au ministère de l’Intérieur, administrés par un
gouvernement général. Le pays est composé de plus de 8 millions de musulmans et d’1,5 millions d’européens.
Le statut de 1947 créé une Assemblée divisée en deux collèges, un pour les européens, un pour les musulmans.
Cependant, les 8 millions de musulmans ont une représentation identique à celle des 1,5 millions
d’européens. Ce statu n’a même pas été appliqué correctement puisque les élections de 1948 ont été
truquées. Socialement, on est clairement dans une situation coloniale avec de très fortes inégalités sociales
entre minorités européenne et majorité musulmane.
Le 1er novembre 1954 marque le début de la Guerre d’Algérie avec la « Toussaint Rouge » : 70
attentats sont perpétrés à travers la Kabylie et dans les Aurès qui sont des régions difficiles à tenir parce
qu’elles sont montagneuses. On dénombre alors 8 morts. Les musulmans sont organisés par un Comité
Révolutionnaire d’Unité et d’Action (CRUA) qui a constitué le 10 octobre 1954 un Front de Libération
Nationale (FLN). Parmi les activistes on trouve Ben Bellah qui vient du MTLD de Messali Hadj (tendance dure
parmi les nationalistes). Une Armée de Libération Nationale (ALN) est créée : l’objectif est clair, obtenir
l’indépendance de l’Algérie.
Mendès-France et Mitterrand, alors ministre de l’Intérieur, réagissent avec fermeté en affirmant
le 12 novembre 1954 « qu’on ne transige pas lorsqu’il s’agit de défendre la paix intérieure de la nation et
l’intégrité de la République » (Mitterrand) ou que « L’Algérie c’est la France, des Flandres au Congo, il y a
la loi, une seule nation, un seul parlement. C’est la constitution et c’est notre volonté ». Les forces militaires
passent alors de 57 000 à 83 000 hommes en Algérie, 2 000 personnes seront arrêtées, tout en mettant en chantier
un plan de réformes d’urgences avec l’application loyale du statut de 1947. On nomme Soustelle, un libéral exmembre du RPF, au poste de gouverneur général. A ce stade, Soustelle a l’intention de mener une politique
d’intégration qui consiste en l’assimilation de la population musulmane pour en faire des Français à part
entière.
Depuis septembre 1954, le climat de confiance au sein de l’Assemblée nationale se dégrade, et la
cote de popularité de Mendès-France baisse parmi les parlementaires. Ainsi Mauriac écrit-il dans
L’Express : « qu’il entend le bruit des couteaux qui s’aiguisent »
Réaction des partis politiques : l’extrême droite attaque Mendès-France directement, l’accusant de
neutralisme sur le plan international et de vouloir brader l’Empire. On retrouve la même accusation chez les
représentants de la droite. Le MRP lui reproche le crime du 30 août 1954 qui signe l’échec de la CED. La SFIO
lui reproche d’avoir signé les Accords de Paris le 23 octobre 1954 pour un réarmement de la RFA dans l’OTAN.
La popularité de Mendès-France va aussi souffrir par le décret du 20 octobre 1954 par lequel le
gouvernement restreint les privilèges des bouilleurs de cru. Dans le même temps, Mendès-France fait une
campagne pour la distribution de lait dans les écoles, alors inquiété par l’alcoolisme en France (comme le
montre un ouvrage comme Mythologies de Roland Barthes publié en 1957 : Le vin et le lait : « le vin est
senti par la nation française comme un bien qui lui est propre… ») On note alors un déchaînement des
bouilleurs de cru et des producteurs de vin : cela provoque une hausse du mouvement poujadiste à travers
l’Union de Défense des Commerçants et des Artisans (UDCA).
Le gouvernement Mendès-France est renversé le 6 février 1955. Pour un certain nombre de
Français, toute réforme du régime est à présent vaine.
3. La France malade de l’Algérie (1955-1956).
a. Le gouvernement d’Edgar Faure (février-décembre 1955).
Il est investi le 25 février 1955 à la tête d’un gouvernement de centre droit au bout de trois
semaines de crise. C’est un radical comme Mendès-France. Il est décidé à restaurer l’autorité de l’Etat : « il
faut en finir avec la procédure qui conduit à la désagrégation de l’Etat » et « C’est le gouvernement qui
gouverne et si ce gouvernement reste, il gouvernera » Il poursuit alors la politique de son prédécesseur en
matière coloniale à l’égard de la Tunisie et du Maroc. On parle de « mendésisme sans Mendès ».
Mais la situation s’aggrave en Algérie avec rappel des réservistes et le vote de la loi de l’état
d’urgence le 31 mars 1955. Cette loi suspend les libertés publiques sur le territoire algérien. Le 21 août 1955, le
FLN déclenche une insurrection dans le Constantinois : c’est le massacre d’El Milia faisant une
cinquantaine de morts européens y compris une vingtaine d’enfants. Le but était de pousser à la rupture
définitive. La répression française est en conséquence puisqu’elle entraîne la mort de musulmans.
Soustelle, libéral devenu gouverneur général en Algérie change de position politique en devenant l’un des plus
farouche partisan de l’Algérie française. Les effectifs français sont alors portés à 250 000 hommes.
En métropole, la situation algérienne est assez mal comprise et personne ne songe à
l’indépendance sauf les communistes. Certains intellectuels comme Camus s’émeuvent de cette atteinte à
aux Droits de l’Homme à travers son appel à « la trêve du sang » dans L’Express. En mai 1955, le congrès
du MRP fait état de « certaines pratiques policières incompatibles avec la dignité humaine »
Faure estime que l’Assemblée nationale n’a pas l’autorité suffisante pour faire face au problème. Il
propose alors aux députés de réduire de 6 mois la durée de législature : une nouvelle loi électorale est votée est
en discussion. Faure est ainsi renversé le 29 novembre 1955 cependant qu’il use l’arme de la dissolution selon
l’article 51 de la Constitution puisqu’il y a eu deux crises ministérielles qui se sont succédées en 18 mois. Cela
n’avait pas été fait depuis le 25 juin 1877. Le décret est pris le 2 décembre 1955. Faure est alors accusé de
vouloir poster un mauvais coup à la République, cette date rappelant celle du coup d’Etat de Napoléon en
1851 et de l’instauration du Second Empire en 1852. Il est alors exclu du parti Radical.
b. La victoire du Front républicain.
Des élections législatives se déroulent le 2 janvier 1956. Elles se déroulent dans une grande
confusion car les partis classiques sont affaiblis par leurs oppositions internes sur les questions
européenne et algérienne. On peut distinguer dans la campagne deux grandes coalitions qui vont
s’opposer.
Autour de Mendès-France se forme le Front Républicain avec des membres de la SFIO, de
l’UDSR de Mitterrand, d’une partie des Républicains sociaux de Chaban-Delmas, et de quelques
radicaux. Il fait campagne sur le thème de la paix en Algérie, étant soutenu par L’Express, tandis que le PCF est
toujours mis de côté.
A droite, Faure entraîne une coalition hétéroclite avec l’Union Nationale : on y trouve Le
Rassemblement des Gauches Républicaines (RGR) autour du radical non-mendésiste, Faure, l’Union des
Indépendants et des Paysans de Pinay et Laniel (droite modérée), quelques UDSR autour de Pleven, le
MRP et quelques Républicains sociaux.
La campagne est très perturbée par des violences liées aux mouvements Poujadistes dont le slogan
populiste est : « Sortez les sortants » L’Union de Défense des Commerçants et des Artisans (UDCA) de
Poujade a été fondée en décembre 1953, mouvement qui va devenir un parti lors de ses élections. A sa tête
on trouve un petit commerçant qui essaie de s’insérer : Poujade qui est un papetier originaire de SaintCéré dans le Lot. C’est un mouvement corporatiste et anti-parlementaire qui concentre son discours sur la
lutte contre la fiscalité, mais porte aussi son ressentiment contre les fonctionnaires, les intellectuels, les
homosexuels et plus généralement contre les milieux politiques. C’est aussi un mouvement xénophobe et
proche de l’extrême droite. Selon Mitterrand, c’est « un fascisme d’arrière boutique » cependant que L’Express
titre : il est « Pouj-adolf ». François Rioux dans La France de la iV° République écrit que « le poujadisme
est le symptôme d’une France retardataire qui redoute la modernisation ». Son succès se trouve dans des
régions touchées de plein fouet par l’exode rural : cela traduit le désarroi d’une France qui regrette le
cocorico et qui refuse le Coca Cola.
Les élections se font au scrutin de liste à un tour avec des listes à la proportionnelle et avec des
apparentements possibles (ils seront rares). Du coup, il n’y a pas de majorité nette qui se dégage : les deux
coalitions font à peu près jeu égal même si la gauche possède un léger avantage avec le Front Républicain.
Au sein de la gauche et ses 150 sièges, la SFIO obtient la majorité avec 95 sièges (majorité mendésiste)
cependant que le PCF maintient ses positions et que les Républicains sociaux chutent. A droite, les modérés avec
les indépendant progressent avec 95 sièges alors que le MRP poursuit son déclin. La surprise est la flambée du
poujadisme avec 52 députés (12,5% des suffrages) représentant 2 millions de voix. L’Assemblée nationale
issue de ces élections est divisée en 4 puisque la gauche et la droite sont encadrées par un important
groupe de députés communistes et de députés poujadistes et d’extrême droite. Dans le poujadisme, Le Pen
est élu à 28 ans, député de l’extrême droite. Aussi la chambre se découpe en tiers, les députés opposés au
régime, la gauche et la droite.
Coty va charger le secrétaire général de la SFIO, Guy Mollet, maire de la ville d’Arras, de former
un nouveau gouvernement (janvier 1956-mai 1957) qui sera le plus long de la IV° République. Coty ne
prend pas Mendès-France car il pense que Mollet sera plus apte au consensus.
B/ La chute de la IV° République (1956-1958).
Mollet va former un gouvernement de centre gauche qui va poursuivre l’opération dite de
« pacification » en Algérie qui ne va cesser de s’aggraver cependant que les institutions vont entrer dans
une phase de décomposition, surtout en avril-mai 1958 avec une longue crise ministérielle qu va se
transformer en crise de régime.
1. Le gouvernement Mollet (janvier 1956- mai 1957)
Mollet ne va pas laisser une image très positive
a. Les objectifs atteints par le gouvernement.
Le gouvernement est composé de 38 ministres, dont 18 socialistes, 14 radicaux, des UDSR et des
républicains sociaux. Mendès-France est alors ministre d’Etat sous portefeuille. Ce gouvernement va
engager de grandes réformes sociales puisqu’on passe à 3 semaines de congés payés, qu’on créé le Fond
National de solidarité pour aider les vieux démunis à financer leur retraites financé par la vignette
automobile. Une réforme de la sécurité sociale permet un remboursement des assurés à 80%.
Le 25 mars 1957 est signé le Traité de Rome qui établit la création d’une CEE et le Traité de
l’EURATOM qui visait à assurer le développement du nucléaire.
En termes de politique coloniale : les deux protectorats, le Maroc (7 mars 1956) et la Tunisie (20
mars 1956) vont obtenir l’indépendance. En Afrique noire on note des avancées significatives avec la loi cadre
Defferre du 23 juin 1956 qui prévoit l’élection d’une assemblée à collège unique sur les territoires ; elle
désigne un conseil de gouvernement dont le gouverneur sera français et le vice-président africain. Elle
donne ainsi de l’autonomie aux colonies pour les préparer à l’indépendance cependant que Houphouët
Boigny voulait un système fédéral.
b. Le retournement de Mollet et la « Guerre à outrance ».
Mollet a eu de mauvaises évaluations de la situation. Quand il arrive au pouvoir, il croit qu’il peut
encore négocier avec le FLN autre chose que l’indépendance. Il pense que des réformes profondes
suffiront. De son côté, Soustelle avait compris la situation de la radicalisation. Mollet le remplace par un
gaulliste, le général Catroux qui avait déjà oeuvré au Maroc pour l’indépendance. Catroux qui a 80 ans,
est très mal accueilli par les européens qui le prennent pour un bradeur d’Empire. Mollet se rend en
Algérie le 6 février 1956 surnommée la « journée des tomates » avec les européens dans la rue qui
craignent l’indépendance qui leur ferait perdre des avantages sociaux (c’est la crainte de la prolétarisation).
Le même jour, Catroux démissionne et il est remplacé par le socialiste Robert Lacoste qui va mener une
politique de fermeté soutenue par Mollet. Le 6 février 1956 annonce le 13 mai 1958 : une émeute organisée
a eu raison de la politique initiale d’un gouvernement.
Mollet va désormais orienter sa politique algérienne autour du triptyque « Cessez le feu, élections,
négociations » pour maîtriser le FLN. Le retournement de Mollet est aussi très imprégné de nationalisme.
On parle alors de « national-molettisme » : la gauche a voulu montrer que la gauche pouvait aussi être
efficace, faire implicitement aussi bien que la droite, dans le domaine du patriotisme puisque l’escalade à
la guerre est approuvée par une majorité de députés le 12 mars 1956. L’Assemblée nationale accorde alors
à Mollet les « pouvoirs spéciaux » en Algérie, ce qui permet l’augmentation de la répression par tous les
moyens : 455 voix pour, 76 voix contre. Dans le même temps, on créé 8 départements pour un meilleur
contrôle cependant que l’on accroît l’accessibilité des musulmans à l’administration.
Le contingent est massivement employé avec, à la disposition de la France, 450 000 hommes ; il n’y a
pas eu de telle mobilisation en dehors de la France depuis 1830. C’est la montée de la guerre : on maintient
des soldats sous les drapeaux pendant 30 mois au lieu de 18. En Algérie, le pouvoir passe de plus en plus
dans les mains de l’armée. L’armée est incarnée par des individus tels que le général Massu qui se voit
confier le maintient de l’ordre à Alger en janvier 1957 avec la dixième division de parachutistes : c’est la
« guerre sans nom » (Massu) Il débute alors la bataille d’Alger par laquelle il faut, selon Massu «rétablir
l’ordre dans la capitale par tous les moyens » Cela fonctionne même si les méthodes employées restent
contestables. On note ainsi l’arraisonnement d’un avion marocain par l’armée française contenant des
leaders nationalistes dont Ben Bella. C’était l’avion du Roi du Maroc. Paris a été mis devant le fait
accompli face à cet incident diplomatique.
c. L’échec du molletisme.
Paris contrôle de moins en moins la situation sur place, en partie à cause détournement d’un
avion marocain dans lequel se trouvait Ben Bella par les commandants d’Alger décide sous l’avis de Paris.
On note aussi la crise de Suez qui sera un fiasco diplomatique malgré le succès sur le terrain avec les
parachutistes. Cette expédition est liée à la guerre d’Algérie car l’Egypte était une base aérienne du FLN.
L’opération est menée par la France, la Grande-Bretagne et Israël contre l’Egypte de Nasser qui a
nationalisé le canal de Suez le 26 juillet 1956. Si l’intervention est un succès, lancée le 29 octobre 1956, elle
est pourtant condamnée par les deux grandes puissances de la guerre froide avec l’ultimatum du 5
novembre 1956. L’URSS menace d’utiliser la puissance nucléaire sur Tel-Aviv, Londres et Paris.
Ce fiasco diplomatique et cette humiliation vont entraîner une désagrégation de la majorité interne
ainsi qu’à l’intérieur même du gouvernement. Mendès-France désapprouve les moyens utilisés en Algérie
avec les tortures ; d’où sa démission. En conseil des ministres Mitterrand et Deferre vont manifester leur
désapprobation. Savary, sous-secrétaire aux affaires tunisiennes et marocaines démissionne aussi.
L’Express mène une violente campagne contre la politique de Mollet cependant que le PCF cesse
son soutien au gouvernement en entrant dans l’opposition en octobre 1956. Contre toute attente, c’est la
droite qui continue à soutenir Mollet, et l’extrême droite se réveille autour de Tixier Vignancour, Soustelle et
Bidault qui forment l’Union pour le Salut et le Renouveau de l’Algérie Française (USRAF). Mollet tombe
pourtant le 21 mai 1957 sur son programme financier (économie budgétaire par une hausse des impôts),
pris au piège de ses contradictions.
2. La décomposition finale
a. L’impuissance du pouvoir civil.
Deux gouvernements en moins d’un an vont se succéder, séparés eux-mêmes par une crise
ministérielle de plus d’un mois. Le premier gouvernement est formé par Bourgès Maunoury, un radical du
Front Républicain, en juin 1957. Ce gouvernement est peu différent du précédent avec la suppression des
éléments mendésistes et libéraux au profit d’un ministre, André Maurice, représentant l’Algérie Française à la
Défense Nationale. Un partisan de l’Algérie français est nommé à la Défense. Maunoury est renversé en
septembre 1957 sur un projet de loi cadre, semblable à celui Deferre, envisageant des élections en Algérie avec
un collège unique.
Pendant cinq semaines, le pouvoir va rester vacant. La République parlementaire n’arrive plus, à
ce stade, à masquer ses faiblesses et ses insuffisances. Le deuxième gouvernement est celui du radical
Gaillard, ministre des finances sous le gouvernement Maunoury, formé en novembre 1957 jusqu’en avril
1958. Son gouvernement se veut un gouvernement d’union anti-nationale. Il y figure des représentants du
MRP, des gaullistes, des modérés avec Pflimlin aux finances et Chaban-Delmas à la Défense Nationale. Il
parvient à faire adopter une loi cadre en novembre 1957 sur l’Algérie mais c’est une proposition édulcorée par
l’assemblée (loi adoptée après le troisième texte proposé) et elle ne sera applicable que « 3 mois après la fin des
hostilités » (texte officiel) : elle ne sera donc jamais appliquée.
En Algérie, l’impuissance du pouvoir civil s’illustre puisque les militaires contrôlent la situation.
Ceux-ci veulent oublier l’Indochine et tenir en Algérie. Ils appliquent la stratégie maoïste de guerre
révolutionnaire en infiltrant la population civile pour couper les bases arrières du FLN par la terreur,
l’aide sociale et la propagande. Les civils suspectés sont regroupés dans des camps malgré le fait que l’armée
nationale est en recul à la suite de la bataille d’Alger. On note une baisse des attentats. Le FLN semble bien
moins tenir la population et on tente aussi de le couper de ses bases extérieures. On a installé la ligne
Maurice (du nom du ministre de la défense du gouvernement Maunoury) à la frontière tunisienne mais la
guerre devient de plus en plus coûteuse. On va alors requérir aux prêts américains avec l’envoi de Monnet aux
Etats-Unis.
Une fracture se produit dans l’opinion publique : il se dessine de plus en plus un front de refus qui
condamne la torture et les exécutions sommaires sans jugement (avec des intellectuels, des universitaires,
l’UNEF, les syndicalistes) et parmi les revues Esprit, et Les temps modernes de Sartre.
Parmi les journaux France Observateur, L’Express, Témoignage chrétien, Le Monde, L’humanité
prennent position contre les méthodes de l’armée. Le réseau Jeanson, formé en octobre 1957 ( par des
intellectuels dont Francis et Colette, amis de Sartre) mène campagne pour le FLN même en collectant des
fonds (on les appelent les porteurs de valise).
A l’opposé, les partisans de l’Algérie Française envisagent l’option d’un coup d’Etat pour mettre en
place un régime fort qui luttera contre la crise.
Le bombardement du village de Sakhiet Sidi Youssef (en Tunisie) en février 1958, après l’attaque
d’une patrouille française qui fait 69 morts dont 21 enfants permet au FLN d’internationaliser le conflit et
la Tunisie saisit l’ONU pour agression. Les Etats-Unis condamnent la France et menacent de ne pas accorder
les crédits. Le gouvernement français doit accepter une mission anglo-américaine pour contrôler la frontière
algéro-tunisienne. Cela choque la droite, les modérés, les gaullistes et les membres de l’USRAF de Soustelle qui
dénoncent un nouveau Munich. Le 15 avril 1958, Gaillard est renversé.
b. La crise du 13 mai 1958.
Il y a 3 temps dans cette crise : le 13 mai lui-même, le rôle des gaullistes et l’appel des gaullistes.
En France est lancée une campagne en faveur du recours à de Gaulle. René Pleven et Bidault ne
peuvent former un gouvernement. René Coty fait alors appel au président du MRP Pierre Pflimlin qui
s’est présenté en faveur de négociations en faveur du FLN. Pour les européens de l’Algérie, il est l’homme
de l’abandon de l’Algérie. Le même jour une manifestation dégénère à Alger, les manifestants prennent
d’assaut le palais du gouverneur général sans que les parachutistes n’interviennent. Les généraux et les officiers
supérieurs prennent alors la tête de la rébellion et forment un comité de salut public comprenant les
généraux Massu (gaulliste très populaire avec la bataille d’Alger), Salan (moins populaire étant resté
associé à la perte de l’Indochine ; il exerce le commandement supérieur des troupes d’Algérie), Léon
Delbecque (gaulliste) et des membres de l’USRAF. Ce Comité de salut public exige la formation d’un
gouvernement de la République seul capable de garder l’Algérie « partie intégrante de la République ».
Félix Gaillard accepte de déléguer tous les pouvoirs aux militaires à Salan puis à Massu. C’est une manière de
temporiser. En métropole on a peur du coup de force ce qui favorise l’investissement de Pierre Pflimlin
grâce à l’appuie du MRP de l’UDSR des radicaux des socialistes et de 25 % des modérés. Jules Moch
entre au ministère de l’Intérieur car il est le briseur de grève de 1947.
Se développe une offensive gaulliste. Le 15 mai 1958, le général Salan influencé par Delbecque
prononce un « vive de Gaulle ». Celui-ci se présente comme l’ultime recours à la presse. L’Assemblée
nationale décrète l’état d’urgence (coupure des relations avec l’Algérie interdiction de sortie du
territoire…) Malgré l’interdiction de sortie du territoire, Soustelle parvient à gagner Alger et se prononce
lui aussi en faveur du recours à de Gaulle. La menace du complot militaire est réelle des parachutistes ont
débarqués en Corse le 24 mai. Des troupes sont prêtes à Toulouse et à Rambouillet pour un coup de force
prévu pour le 27 et 28 mai 1958. Pour sauver le gouvernement civil le recours à de Gaulle devient inévitable.
Une partie des socialistes se rallie à de Gaulle, Mollet étant anti-communiste et atlantiste ainsi que Vincent
Auriol qui lui demandent d’être le garant de la légalité républicaine. Le 27 mai 1958 de Gaulle s’adresse à
l’armée pour la faire rester dans le devoir.
La conclusion de la crise prend place entre le 28 mai et 2 juin 1958. Pierre Pflimlin démissionne à
cause d’une gauche divisée et une droite hostile. Pflimlin démissionne le 28 mai 1958. La gauche tente de
réagir autour de Mendès-France et François Mitterrand en faveur de la IV° République mais le processus
s’enclenche en faveur de De Gaulle. A la demande de Coty, le président de l’Assemblée nationale André le
Troquet ainsi que le président du Conseil de la République Gaston Monnerville rendent visite au général
de Gaulle pour connaître ses intentions exactes. René Coty a fait son choix, de Gaulle, et menace de
démissionner si son choix n’est pas suivi par les parlementaires. Mollet obtient de De Gaulle sa présence à
l’assemblée pour qu’il sollicite l’investiture et qu’il maintienne la responsabilité du gouvernement.
Le 1° juin la composition du dernier gouvernement de la IV° République est connu : de Gaulle est
président du conseil et ministre de la Défense nationale. Maurice Couve de Murville et Michel Debré son les
deux seuls gaullistes, Malraux est nommé mais n’a pas obtenu de portefeuille. Il n’y a aucun représentant
de l’Algérie française cependant que Mollet, Pflimlin, Pinay, Houphouët, nommés, représentent des
concessions faites au système des partis pour s’imposer puisqu’ils sont les grandes figures des partis.
De Gaulle se présente à l’assemblée en costume civil et évoque les risques de guerre civile et exige les
pleins pouvoirs pour 6 mois et promet de soumettre au référendum une nouvelle constitution. Pierre Cot,
Mitterrand et Mendès-France s’opposent à ce qu’ils appellent un coup d’état porté par les factieux
d’Algérie. Il est investi par 329 voix contre 224. Les socialistes ont voté contre mais aussi les communistes les
mendésistes et quelques isolés. Le 2 juin 1958 de Gaulle reçoit les pleins pouvoirs des deux assemblées. Il lui
faut une modification de la constitution pour ajouter le référendum sur la nouvelle constitution : 160
députés s’opposent. Il obtient les pleins pouvoirs et les pouvoirs spéciaux en Algérie ainsi que la possibilité de
présenter une nouvelle constitution au référendum. La crainte du putsch a permis à de Gaulle de s’imposer.
L’armée rentre dans le rang.
Finalement, de Gaulle a réussi à abattre la République des partis et la tendance fascisante de la
droite
CONCLUSION.
Pour Michel Winock, la crise du 13 mai 1958 est due à la rencontre de trois crises : la crise du
système politique, la crise du système colonial et la crise militaire :
La crise du système politique : la IV° République souffre de sa faible légitimité de départ.
Mais cette République a oeuvrée positivement avec la reconstruction et la croissance et la
construction européenne. Elle a engagée la politique de décolonisation en Afrique noire. Mais
elle a connu un pourrissement permanent de l’autorité marqué par l’instabilité
gouvernementale avec 17 ministères d’une durée moyenne de 8 mois. Toute volonté de
renouveau de l’autorité s’étant avéré inefficace comme en témoigne l’expérience MendèsFrance. On tente d’adapter le système avec les lois cadres qui permettent de fixer un cadre
général au sein duquel le gouvernement agit par décret. L’administration, la police, l’armée
ne répondent pas toujours à l’autorité politique.
Raymond Aron souligne « quand les hommes ne choisissent pas, les évènements
choisissent pour eux. »
La crise coloniale : Jacques Fauvet (directeur du Monde entre 1969-1982, auteur d’un
ouvrage sur la IV° République) résume l’impact de la crise coloniale sur la IV° République
« la IV° République en souffrira comme d’un cancer rongeant ses finances, sa politique
étrangère, et le cadre de son armée. Elle en périra. » Elle a en effet mené 7 ans de guerre
d’Indochine puis s’engage dans la guerre d’Algérie.
La crise militaire : elle est liée à la crise coloniale mais elle est beaucoup plus ancienne car il
y a eu l’humiliation de 1940 et de 1954. Mais l’armée n’a pas de plan ni de solution
politique préparés, elle émet des vœux et des refus. La solution gaulliste n’est pas celle des
militaires au départ et cela pèsera par la suite.
La crise algérienne finale du 13 mai 1958 est donc la rencontre d’une crise de structure
(ingouvernabilité de la IV° République) et des contingences utilisées par de Gaulle pour s’imposer (crise
algérienne)
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