Le prix de la nature - Observatoire Régional de l`Environnement

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Janvier
2012
LES DOSSIERS
DE L’ENVIRONNEMENT
EN POITOU-CHARENTES
N°5
Donner un prix à la Nature ?
Le prix de la nature
Dans ce dossier, l’ORE présente des théories et des instruments
économiques aidant à la compréhension du sujet. Leur connaissance permet de mieux appréhender les questions en débat et de
prendre part aux choix de société.
Prix
?
Eau
Air
Biodiversité
?
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...€
?
es années 1960 marquent le
début d’une prise de conscience écologique : les ressources naturelles comme
l’air, l’eau, la biodiversité sont menacées. Du
fait de l’action de l’Homme, elles sont de plus en
plus polluées, ou de plus en plus rares.
...€
L
Nature
La théorie économique néoclassique l’explique par le fait que
leur véritable valeur sociale, mesurée par les multiples services
qu’elles peuvent rendre (ressources productives, biens de consommation, espaces récréatifs, intérêts esthétiques ou scientifiques…),
n’est que rarement reflétée dans les prises de décisions de production, de consommation ou d’aménagement, prédisposant à leur détérioration. Les dommages infligés concernent la nature (détérioration de la
qualité d'un milieu, disparition d'un habitat, épuisement d'une ressource, disparition d’une espèce...), mais ils concernent aussi directement les individus
(atteinte à la santé, à la qualité de vie...).
En appui de la réglementation, des instruments basés sur le principe pollueurpayeur sont mis en place : indemnisation, compensation, écotaxe, quotas transférables. Ils sont censés traduire la valeur sociale de la nature en valeur monétaire,
en une unité de mesure ayant la dimension de prix, afin de l’intégrer dans toutes les
décisions privées ou publiques dans le but de responsabiliser les acteurs économiques qui
y portent atteinte.
p2
p6
Aujourd’hui, la gravité des problèmes environnementaux (réchauffement climatique, stress
hydrique, pollution des eaux continentales et marines, érosion de la biodiversité) et la nécessité
de parvenir à les résoudre pour le bien-être et la survie de l’Homme font que ces instruments économiques prennent de plus en plus de place dans les
débats et les décisions qui entourent les politiques de préservation
de la nature.
Pour comprendre...
On parle de prix sur des tonnes de CO2 rejetées dans l’air, sur des tonnes de
pesticides utilisées et susceptibles de dégrader la qualité des sols et de l’eau,
Evaluer la nature.
sur des unités de biodiversité …
Quels Enjeux ?
p7
Quel prix
pour la nature ?
p8
Le cas de l’air
p 10
Le cas de l’eau
p 12
Le cas de
la biodiversité
p 14
Questions en débat
Cela reste cependant une vision très économique de la notion de préservation. C’est accepter l’idée que la nature n’est perçue qu’à travers l’intérêt que lui
portent les individus. C’est pourquoi la monétarisation de la nature se heurte à une
opposition forte de certains qui considèrent sa valeur comme une fin en soi audelà de son utilité, pour qui le bien-être de l’Homme n’est pas l’unique raison de la
protéger et pour qui il n’est donc pas toujours possible d’y mettre un prix.
A la préconisation économique des uns se superposent des considérations
d’acceptabilité et d’équité des autres. Parler de prix de la nature fait donc
débat.
Et s’il s’agissait moins de choisir entre deux approches que de saisir l’opportunité de repenser un mode
de développement basé sur un nouveau rapport Homme/Nature ?
Pour comprendre
Quand la nature devient ressources
Par définition, la nature est ce qui, dans le monde physique, n’a pas été transformé par l’être humain.
Qualifier la nature de « ressources », c’est alors implicitement la faire entrer dans la sphère économique ; les ressources étant porteuses d’une utilité.
Une ressource naturelle est en effet une substance, une matière, du vivant ... susceptible d’être utilisée pour
les besoins de l’Homme.
Il peut s’agir d'une matière première d’origine minérale (l'eau, l’air) ou d'origine vivante (le bois).
Ce peut être de la matière organique fossile (le pétrole, le charbon, le gaz naturel).
Il peut s'agir d'une source d'énergie (énergie solaire, énergie éolienne).
Les surfaces de sol disponibles, la biodiversité sont aussi des ressources naturelles.
La nature trouve sa
place dans
l’économique par les
services qu’elle peut
rendre.
L’adjectif naturel fait de cette « ressource » quelque chose d’extérieur à la société qui entend l’utiliser. A partir du moment où
l’Homme se l’approprie, le problème n’est donc pas celui de sa fourniture (comme pour les biens économiques) puisqu’elle
préexiste à l’action humaine ; il est celui de sa conservation (ou de sa dégradation), dépendante de l’évolution des relations
Homme-Nature.
Schéma simplifié de la circulation des ressources dans la
sphère de production/consommation
-Zoom sur les ressources
AIR, EAU et BIODIVERSITELongtemps, l’économie a traité l’air, l’eau, la
biodiversité, comme des ressources inépuisables et gratuites, utilisées lors du processus de
production ou de consommation :
--> l’industriel qui utilise l’air ou l’eau pour déverser
des polluants issus de son activité,
--> l’agriculteur qui supprime des haies et qui utilise
des engrais et des pesticides pour une production
plus intensive,
--> l’aménageur qui utilise l’espace pour la
construction d’une route ou d’une voie de chemin
de fer,
--> le consommateur qui utilise le sol comme
décharge pour stocker ses déchets...
Consommation directe des ressources
PRODUCTION
CAPITAL
Autres
ressources
CONSOMMATION
TRAVAIL
Biens et
Services
Autres
ressources
naturelles
Ressources
naturelles
AIR
EAU
BIODIVERSITE
Pollution diffuse ou
accidentelle
Déchets
Destruction
Forte pollution et destruction des ressources
Aucune contrainte environnementale : naturelles : la primauté de l’économie est substituée
à celle de la nature.
Du début de l’ère industrielle aux années aprèsguerre, leur «utilisation» lors des activités de
production et de consommation a entraîné leur
détérioration (pollution de l’air et de l’eau, perte
de biodiversité) considérée comme une conséquence inévitable des activités économiques
dans un objectif de croissance. Les services
qu’elles offraient avaient la particularité d’être
gratuits. Ils ont été «utilisés» de façon abusive
alors que la capacité d’assimilation des polluants
ou la capacité de résilience de la nature est
limitée.
Années 1960-1970
Premiers mouvements environnementaux
La réglementation devient le principal outil des
politiques de protection de l’environnement.
Théorie : Chaque bien économique constitue un marché propre, c'est-à-dire qu'il existe
une demande (des consommateurs) et une offre (des producteurs) pour ce bien, équilibrées par un prix :
► le marché du travail où les salariés échangent leur force de travail contre un salaire ;
► le marché des biens et services qui sont achetés à un certain prix (les ressources
naturelles épuisables ou non renouvelables comme le pétrole, les métaux...en font
parties). ... ....
Pendant longtemps, les biens économiques se sont opposés en ce sens aux biens naturels
tels que l’air, l’eau ou la biodiversité, qui ne s’échangeaient pas sur un marché : rejeter des
polluants dans l’air, dans l’eau, détruire la faune et la flore se faisaient sans contrepartie
monétaire. Les phénomènes de pollution ou de destruction résultaient donc d’une
défaillance du marché. Il était alors nécessaire d’introduire une autorité extérieure aux
agents, l’État, pour pallier aux insuffisances du marché (en tout premier lieu par la
réglementation).
2
-La réglementation est la solution la plus efficace pour assurer un
niveau élevé de protection de la nature : normes de qualité
(concentration maximale autorisée d’un polluant par litre d’eau...),
normes d’émissions (quantités maximales autorisées de rejets de SO2
dans l’atmosphère), normes de produits (teneurs en soufre maximale
des combustibles). Son objectif est de fixer un niveau de pollution
acceptable avec comme conséquence de ne laisser aucun choix au
pollueur dans la mesure où ce dernier n’a pas d’autres possibilités
que de s’y conformer.
Contraignante, elle est très coûteuse à respecter.
-De même, les lois ou directives portant directement sur la protection des espaces de nature ou des espèces restent la logique prépondérante dans l’approche de préservation et conservation (parcs
nationaux).
L’air, l’eau, la biodiversité : des ressources très spécifiques
Dans le processus de production/consommation
-Ce sont des biens dits libres : en théorie (en l’absence d’une
réglemention), ils sont non limités, disponibles en quantité infinie. On
les trouve en abondance (donc suffisamment par rapport aux besoins)
et gratuitement. Ils ne font pas l’objet d’échanges marchands contrairement aux biens économiques créés par l’activité de production.
-Ils ne sont pas rares en théorie, mais dans la réalité, ils peuvent
être pollués ou détruits, donc raréfiés par une utilisation lors du
processus de production. Par contre, ce même processus de production gère la rareté d’autres biens : l’offre répond rapidement à la
demande pour des biens économiques.
-A la différence des autres biens, ils ne sont pas produits (donc leurs
coûts de production sont nuls) ; ils ont une offre fixe ; la production n’est
pas déterminée par une demande comme pour les biens qui relèvent
des mécanismes de marché et qui sont disponibles en quantité indéterminée.
-Ils ne s’épuisent pas à l’usage (pour l’air et l’eau), c’est-à-dire qu’ils
peuvent supporter un grand nombre d’usages et ne s’épuisent pas
dans le processus de production-consommation. Ce sont des
ressources renouvelables à la différence d’autres matières premières.
La biodiversité d’un écosystème est par contre plus difficilement
reproductible ; elle fait partie des biens qui se détruisent en se
partageant. Elle existe dans son ensemble et la fragmentation des
écosystèmes la détruit. Elle résulte d’une infinie diversité de régulations
qu’il est impossible de reproduire.
-La durée d’un bien de production quelconque peut être prévue.
Quand le bien devient obsolète, il doit être remplacé. Par contre, pour
que le bien naturel se « reproduise » (amélioration de sa qualité pour
l’air ou l’eau, reconquête d’un milieu pour la biodiversité), il faut un
certain temps qui ne peut être réduit.
-Ils impliquent une concurrence d’ordre économique (comme pour
les autres biens) : l’emploi de l’eau par exemple se répartit entre eau
potable, eau d’irrigation, eau industrielle... Par contre, ils impliquent
aussi une concurrence d’ordre écologique : l’eau n’est pas accaparée
uniquement par des emplois économiques mais aussi par des emplois
écologiques liés à l’existence et au fonctionnement des écosystèmes.
-Ce sont des biens qui sont affectés par la somme d’actions individuelles. Au niveau collectif, personne n’a l’objectif de détruire
l’équilibre des milieux, de modifier les climats... La préservation de ce
type de biens relève donc d’une responsabilité partagée.
Dans le domaine du droit
Ce sont des biens communs : des choses qui n’appartiennent à
personne (ou à tous), qui ne sont susceptibles d’aucune appropriation
mais dont chacun peut user à sa convenance (res communis) --> l’air, la
mer.
Certains de ces biens n’appartiennent à personne mais sont néanmoins
appropriables (res nullius)--> le gibier sauvage.
contrairement aux autres biens (issus de la production) qui font
l’objet de propriété classique : droit de propriété exclusif et absolu
d'utiliser, de jouir, de disposer et de transmettre des biens (res propria).
Dans l’analyse économique
Ce sont des biens publics purs :
-des biens dont la consommation par une personne ne diminue pas la
consommation d’une autre personne (non rivalité) --> le fait de respirer ne
prive pas les autres d’air.
On parle aussi de non divisibilité d’un bien.
-il n’est pas possible non plus d’empêcher une personne de consommer
ce bien (non-exclusion) --> il n’est pas possible d’empêcher quelqu’un de
respirer l’air.
ou des biens publics impurs :
-souvent des biens communs qui ne vérifient que la caractéristique de
non-exclusion --> le caractère non exclusif de la ressource eau est largement
accepté, mais il existe une rivalité dans son usage : la surexploitation d’une nappe
par un acteur prive les autres de sa jouissance ; idem pour des rejets de polluants
dans un cours d’eau.
La rivalité est fonction de la rareté relative du bien --> les conflits d’usage
de l’eau n’existent vraiment qu’en période d’étiage (période pendant laquelle le cours
d'eau est au plus bas, avec un débit faible).
contrairement aux autres biens (issus de la production) qui sont
des biens privés (qui répondent aux critères inverses que sont la
rivalité et l’exclusion).
Ce sont également des biens publics mondiaux ou globaux, des
biens ayant les caractéristiques de non rivalité et de non exclusion non
seulement entre individus mais aussi entre populations des différents
pays ; des biens à enjeux environnementaux planétaires ; --> changement climatique, disparition de la biodiversité, pollution des océans.
L’air, l’eau, la
biodiversité sont des
biens naturels qui
n’appartiennent à
personne mais qui
conditionnent la vie
de tous.
De part la spécificité de ces ressources, le problème est
celui de trouver un juste équilibre entre le développement quantitatif (répondre aux besoins de l’Homme
par la production et la consommation) et qualitatif
(protection de l’environnement), car le bien-être de
l’Homme est très dépendant des deux.
La nécessité sous-jacente à cet arbitrage est celle de
concilier activités économiques et protection de la
nature.
Théorie : L’économie du bien-être étudie les conditions dans lesquelles il
est possible d’assurer le maximum de satisfaction aux individus qui
composent la société.
3
Quand les dommages apparaissent...ou
quand le bien-être de l’Homme est remis en cause
L’introduction des aspects monétaires dans l’analyse permet d’envisager la problématique sous un angle nouveau, non pas
seulement par rapport à la détérioration de la nature, mais aussi par rapport à la façon dont cela affecte les individus.
Toute décision de production ou de consommation a des
conséquences sur le milieu naturel, mais aussi sur la situation
des agents économiques.
A partir du moment où un dommage apparaît, ils en supportent le coût.
Exemples «pollution»-->dommages-->coûts
Décisions de production
ou de consommation
Emissions de SO2, NOx... par les
industries ou par les activités de
transport
Dommages sur la nature
Dommages
pour l’Homme
--pollution de l’air
--détérioration de la flore ( forêts...)
--détérioration de la faune
(acidification des lacs...)
...
--impact sur la santé (mortalité,
morbidité)
--effet sur les matériaux (corrosion,
salissures...)
...
Coût social
-- coûts des soins médicaux
--coûts des journées de travail
perdues
--coûts des services de nettoyage
...
-- coûts de dépollution pour répondre
aux exigences de qualité de l’eau
destinée à la consommation humaine
-- coûts de voyages plus longs pour
aller pêcher ailleurs (plus une perte de
satisfaction)...
--pollution du sol et par voie de
conséquence des eaux de surfaces, des
eaux souterraines et des eaux marines
--détérioration de la faune (mortalité
des poissons...)
...
--altération de la qualité physico-chimique des eaux
--diminution de la diversité» piscicole
...
Utilisation d’espaces de nature pour
la construction de maisons
individuelles en bord de mer
-- destruction d’un écosystème
--perte d’un patrimoine naturel, d’un
paysage emblématique...
-- coûts des pertes d’aménités...
Extraction de pétrole offshore
--> destruction d’un écosystème
en cas d’accident et de marée noire
--pollution des plages
--diminution du stock de poissons
...
--coûts de la dépollution
--manque à gagner pour les activités
de pêche, conchyliculture, tourisme
...
Utilisation d’engrais par les agriculteurs pour les besoins d’une agriculture intensive
En cas de non-réparation des dommages par le «pollueur», le coût en incombe à l'ensemble de la société.
Pollution de l’air
Théorie : --> quand le pollueur ne supporte pas la totalité des coûts de son action, on
désigne cette situation comme un cas de divergence entre les coûts privés et les coûts
sociaux. Cet écart entre coûts privés et coûts sociaux représente le coût des
dommages causés par la pollution, que l’on appelle coût externe. L’effet ayant provoqué cet écart, la pollution, s’appelle effet externe ou externalité ; le coût de la détérioration étant « extérieur » au mécanisme des prix (Pigou 1920).
Exemple : si la pollution n’est pas incluse dans les coûts de production de l’industriel
(coûts privés) il faut par contre considérer qu’elle représente un coût pour le reste de la
société (coût social) par le fait qu’elle exerce un effet défavorable. Le niveau de pollution de l’environnement donne lieu à des coûts que la communauté doit supporter :
services de santé plus élevés, dommages infligés aux matériaux, aux cultures, dégradation de la qualité de l’air.
En polluant l’air ou l’eau au cours de son activité de production, il utilise les services
d’absorption des rejets qu’offre l’environnement, qui peuvent être considérés comme
des facteurs de production qui, par rapport au travail, au capital ou aux matières
premières, ont la particularité d’être gratuits.
PRODUCTEURS
SOCIETE
Coûts privés = 0
Coûts sociaux ≠ 0
--services de santé plus élevés,
--coûts liés à l’entretien ou au nettoyage
supplémentaire pour les bâtiments...
C’est pourquoi on peut interpréter les externalités environnementales en termes
d’utilisation gratuite des ressources ou d’un prix qui ne reflète pas ou mal leur
rareté. Un moyen de combler cet écart est de faire payer les coûts externes aux
pollueurs au moyen d’une taxe ; cela justifie l’intervention d’un organisme régulateur, l’Etat.
-->Une autre analyse très proche de celle des externalités est également avancée : la
pollution résulte de l’absence de droits de propriété sur la nature. Pollutions et
destructions proviennent de ce que la nature n’appartient à personne et nul alors
n’est incité à la bien gérer ou protéger. L’instauration de tels droits (répartition de
droits à utiliser l’environnement), transférables entre agents économiques
(négociations privées), peut suffire à résoudre le problème de prise en compte des
coûts sociaux (Coase 1960). L’intervention de l’Etat est alors remise en cause. Cela
inspira les fondements des permis à polluer (Cf page 7).
4
-->Dans tous les cas, faire payer le coût de la pollution ou de la détérioration des
ressources à ceux qui l’occasionnent, faire prendre en charge les externalités négatives par les acteurs économiques qui en sont à l’origine, relève du principe
pollueur-payeur. L’écart entre les coûts privés et sociaux est éliminé. On dit alors que
le principe permet «d’internaliser» les coûts des dommages dans le calcul économique.
Donner une valeur monétaire aux dommages -ce qui
sous-entend le calcul du coût social- et l'intégrer dans
les décisions publiques et privées de production et de
consommation relève du principe pollueur-payeur.
Années 1970-1990
Application du principe pollueur-payeur
-Le coût des dommages environnementaux doit être pris en compte par le
pollueur au même titre que les coûts de prévention et de lutte contre la
pollution issus de la réglementation.
-Les pouvoirs publics développent alors la mise en place d’instruments
économiques qui visent à donner un prix à la nature : indemnisation,
compensation des nuisances environnementales, écotaxes, permis
d’émissions (Cf page 7). En outre, ils favorisent
l’apparition de comportements plus
Prendre en compte les
incitatifs à la correction et à la
dommages à la nature
prévention.
-Ces instruments viennent
compléter et/ou renforcer
l’action des instruments
réglementaires dans la politique
environnementale.
et à l’Homme dans le
processus de
décisions des agents
économiques implique
de pouvoir chiffrer le
coût social des
dommages.
Comment évaluer les coûts des dommages à la nature ?
Donner une valeur monétaire aux dommages, ou calculer les coûts des dommages, revient à faire l’évaluation économique
des ressources naturelles, puisque le dommage représente la perte ou l’altération de la ressource (ou la perte de bien-être
qui lui est associé). La procédure d’évaluation des dommages consiste donc à placer des valeurs monétaires sur les conséquences
directes et connues des impacts d’une ou de plusieurs activités économiques sur l’environnement, mais aussi sur les conséquences
plus indirectes basées sur la perte de services rendus par la nature.
Connaître les coûts liés à la «réparation» de la nature
Il s’agit de chiffrer la valeur de l’environnement en fonction des coûts nécessités pour sa réparation et les coûts liés à la prise en charge
des conséquences de la pollution.
Lors d’un accident pétrolier par exemple, la lutte contre la marée noire est à l’origine de nombreux coûts (traitement des fuites par barrages, pompage en
mer, dispersion de produits chimiques par avion pour permettre la dilution du pétrole et le rendre davantage biodégradable, prélèvements du pétrole sur la
couche supérieure du sable et son transport pour évacuation...).
Connaître les coûts liés à la perte des services rendus
Il s’agit aussi d’estimer la valeur de la perte des services rendus par la nature. Dans le cas de valeur marchande, l’évaluation ne pose pas
de problème particulier puisqu’il est possible d’obtenir directement une mesure monétaire, il n’en va pas de même pour l’évaluation
des valeurs non marchandes. Une difficulté vient de la diversité des éléments à prendre en compte pour déterminer la valeur de ce
type de dommages, diversité liée aux différentes fonctions attendues des milieux naturels.
Les services rendus par la nature sont classés en deux catégories dans le calcul économique et s’attachent à dissocier la valeur d’usage
de la valeur de non-usage ; l’ensemble formant la valeur économique totale :
Valeur d’usage
Valeur d’usage directe
Valeur d’usage indirecte
Prestations directement
consommables
avantages fonctionnels
Nourriture, bois, plantes
médicinales, activités
récréatives payantes...
Fonction de protection,
fonction écologique,
fonction hydrologique
Valeur de non-d’usage
valeur d’option
usages potentiels futurs
conservation pour les
générations futures
valeur d’héritage
Valeur patrimoniale
Altruisme
Legs pour les générations
futures
Sources potentielles de
matières premières, opportu- Paysages, espèces animales
et végétales ...
nité de loisirs, conservation
d’habitats, de paysages...
Valeur marchande
valeur d’existence
Attachement à la nature
en dehors de tout usage.
La nature a une valeur en
elle et pour elle-même,
une valeur intrinsèque.
Valeur non marchande
Ainsi par exemple, la forêt a des fonctions marchandes comme la sylviculture et l’exploitation forestière, mais elle a également des fonctions non marchandes
comme la protection des eaux et des sols, la séquestration du carbone, la préservation de la biodiversité ou l’accueil du public.
Lorsqu’un dommage est causé à la forêt (construction d’une autoroute ...), cela porte atteinte à chacune de ces fonctions et par là même à sa valeur économique
totale.
Il existe plusieurs méthodes d’évaluation des coûts des dommages ou de la perte des services
rendus par la nature. Dans la pratique, de nombreuses difficultés de calcul demeurent (Cf page 14).
Théoriquement, les méthodes d’évaluation visent à
construire des indicateurs ayant la dimension de prix
pour l’utilisation de la nature. Le but de faire payer est
celui d’inciter à restaurer, à améliorer ou à maintenir la
qualité de l'environnement et, par voie de conséquence,
les services qui y sont associés.
Même si, dans la réalité, les prix fixés sont beaucoup plus
bas par rapport à la véritable valeur de la nature (Cf page 14),
connaître les coûts des dommages permet une meilleure
compréhension des problèmes environnementaux et
donc une meilleure rationalité dans le choix des politiques
(rajustement dans la réglementation, analyse des alternatives dans le choix des instruments économiques).
Théorie : Du principe général de rationalité économique, l’objectif global
d’une politique d’environnement est de minimiser à la fois les coûts sociaux
(coûts liés aux dommages causés par une pollution) et les coûts privés (coût
de la lutte contre la pollution ou coût du prix à payer pour polluer) afin de
concilier au mieux développement économique et protection de la nature.
Il s’agit de chercher à minimiser le coût total de la pollution pour l’ensemble
de la société.
EN SAVOIR +
E
Voir les méthodes de
Voi
monétarisation
mon
sur notre site internet
Années 2000
Volonté de renforcement de l’application du
principe pollueur-payeur
-La notion de coûts des dommages environnementaux s’élargit avec la
volonté d’une meilleure prise en compte de la globalité des services que
peut rendre la nature. Le calcul des coûts des dommages, basé jusqu’alors
principalement sur des coûts de «réparation» de la nature ou sur des coûts
liés à une valeur marchande, prend une autre dimension en insistant sur
l’importance des services rendus par la nature et donc sur les coûts liés à
une perte de sa valeur non marchande.
-La directive européenne sur la responsabilité environnementale (2004)
stipule qu’il appartient aux autorités publiques de veiller à ce que les
responsables prennent eux-mêmes ou financent les mesures nécessaires
de prévention et de réparation.
-Au niveau de l’utilisation des instruments de marché, les permis
d’émissions transférables, sont largement mis en avant.
5
5
Evaluer la nature. Quels enjeux ?
Un enjeu de préservation ...
Evaluer économiquement les actifs naturels est un des moyens de lutter contre leur dégradation :
--> en améliorant la prise de décision
Prendre en compte la valeur des fonctions et des services fournis par la nature améliore les prises de décisions dans les
choix de politiques territoriales.
La valeur économique est ici souvent de nature instrumentale. Elle n’implique pas nécessairement une monétarisation.
L’objectif est, en permettant la saisie de la valeur de la nature en unité monétaire, de la comparer avec d’autres valeurs économiques et ainsi d’arbitrer de façon plus efficace les décisions à prendre (s’assurer que les bénéfices d’un projet sont supérieurs aux
coûts sociaux qu’il engendre).
Dans le cas de l’étude de projet de construction d’une autoroute, c’est aller au-delà des valeurs strictement économiques (coûts d’investissement, coûts
d’exploitation et de gestion, coûts des accidents/valeur des gains de temps des usagers, recettes de péage…) ou sociales (coûts des morts évités...) en
soulignant les impacts sur les coûts attribués à la nature (dans le cas de disparition d’une forêt : perte de séquestration du CO2 ou de la régulation de la
qualité de l’air, menaces sur certaines espèces végétales et animales, perte des plaisirs récréatifs -promenade, écotourisme-). On peut ainsi mieux
estimer si la construction de l’autoroute provoque des avantages supérieurs à la perte des espaces naturels détruits (méthode coûts/avantages).
La valeur monétaire attachée aux espaces naturels peut aussi permettre aux gestionnaires d’espaces naturels d’argumenter le
bien-fondé d’une politique de protection.
Au delà du choix d’un projet, il s’agit également de compenser ou d’indemniser à sa juste valeur la destruction d’un espace une
fois les décisions prises.
--> en améliorant la prise en charge de préjudices commis
Connaître la valeur de la nature c’est aller plus loin que la simple dimension réparatrice dans la reconnaissance d’un préjudice écologique. C’est prendre en compte la valeur des ressources perdues.
Dans le cas du naufrage d’un pétrolier, c’est aller au-delà du calcul des coûts de nettoyage, des pertes de revenus des pêcheurs…en évaluant la perte de
biodiversité, les atteintes au paysage maritime…
Evaluer le préjudice écologique permet d’aller au-delà du préjudice économique et permet d’engager le développement d’une
logique de sanction. Sans prix, toute dégradation échappe à une logique punitive.
Il est alors possible d’introduire une réelle indemnisation (qui dépasse les frais de restauration et les pertes marchandes) par le
biais de sanctions financières au titre des dommages aux écosystèmes par exemple. Ceci constitue un signal de nature à inciter
celui ou ceux reconnus pénalement responsables à engager davantage de mesures de prévention.
--> en régulant et optimisant l’accès et l’utilisation aux ressources
En attribuant une valeur aux dommages infligés à la nature, il devient possible d’avoir une idée de la modification de sa
qualité et des conséquences de cette modification, afin de faire payer sa détérioration.
En faisant payer pour son utilisation (forte pollution de l’air par une industrie, prélèvements d’eau importants pour irriguer les
cultures…), on cherche alors à dissuader d’utiliser la ressource sans réserve ; à poursuivre les actions curatives, mais également à
prévenir et inciter les industriels à modifier progressivement leur " process " et inciter les autres acteurs à adopter des comportements plus respectueux.
Dans le cas des rejets de CO2, c’est acheter des droits à polluer ou payer une éco-taxe. Dans le cas de prélèvements d’eau, c’est imposer des quotas et
faire payer pour leur dépassement...
...pour le bien-être de l’Homme ... pour sa survie ?
En continuant sur la voie de la destruction d’espaces de nature,
de l'extinction des espèces, de la pollution de l’air et de l’eau, du
réchauffement climatique..., la qualité de vie et les opportunités
de développement des générations présentes et à venir se
trouvent réduites. Le capital naturel disparaît à un rythme
incompatible avec un développement durable.
Théorie : Le développement durable se veut un processus de développement qui concilie l’écologique, l’économique et le social. C’est un développement, respectueux des ressources naturelles et des écosystèmes, qui
garantit l’efficacité économique mais sans perdre de vue la lutte contre les
inégalités, l’exclusion et la recherche de l’équité.
66
Il en va peut-être de la survie de l’espèce humaine.
--le réchauffement climatique est à l’origine d’une augmentation de la
fréquence et de l'intensité des événements extrêmes comme les
sécheresses, les ouragans ou les cyclones avec des dégâts humains importants. Il est également responsable d’une élévation du niveau moyen des
océans et des populations pourraient à l’avenir être déplacées suite à la
montée des eaux.
--le processus de disparition des espèces vivantes ne cesse de s’accélérer.
Pourtant, elles rendent la planète vivable par leur action sur la fertilisation
des sols arables, la fixation du carbone de l’atmosphère, la production de
l’eau potable, la décomposition des déchets…Elles peuvent aussi fournir
de nouveaux médicaments, des substituts au pétrole..
Quel prix pour la nature ?
L’indemnisation
L’auteur d’une atteinte à l’environnement doit réparer les dommages causés, notamment dans les situations de pollution accidentelle
(marée noire, rejets de produits toxiques).
Le prix à payer doit refléter le coût du préjudice.
L’indemnisation doit donc porter sur le coût de la réparation du dommage, sa restauration, sa remise en état. Mais elle doit également
porter sur la compensation de pertes : des pertes marchandes (liées à des activités touristiques...) ou non marchandes (perte de biodiversité, baisse d’activités de loisirs (pêche récréative, promenade...).
La compensation
Tous travaux ou projets d’aménagement sont soumis à une étude d’impact qui comprend au minimum une analyse de l’état initial du
site et de son environnement, l’étude des modifications que le projet y engendrerait et les mesures envisagées pour les supprimer,
réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l’environnement.
Compenser signifie donc financer et réaliser une action en faveur de la biodiversité générant un gain au moins équivalent à la perte
résiduelle.
L’écotaxe
Les permis d’émission négociables
Une taxe sur des émissions ou des prélèvements vise à introduire
une incitation à réduire les atteintes à la nature en leur donnant
un prix. On pénalise les activités en prélevant un impôt proportionnel à l’usage de la ressource ou à l’impact du polluant.
Le principe est que le pollueur compare le coût de réduction de
sa pollution au prix de la taxe. Il sera incité à dépolluer jusqu’à ce
que le coût de dépollution soit égal au montant de la taxe.
Dans le cas d’une pollution de l’air par exemple, la taxe laisse le choix à
l’entreprise. Elle peut décider de maintenir le niveau de ses émissions. Elle ne
fait alors aucune dépense d’amélioration de ses performances environnementales mais paie une taxe élevée. Elle peut aussi choisir de réduire les
émissions polluantes ; ceci entraîne des dépenses d’amélioration de ses
performances environnementales mais diminue sa dépense fiscale.
Dans les deux cas, la pollution entre dans les coûts de production de
l’entreprise : par le biais d’un prix reflétant l’utilisation des services
d’absorption de l’air, par le biais d’un prix reflétant «l’évitement» à polluer.
Il opère des choix de façon à minimiser ses coûts de production.
Cependant, la taxe est un système dans lequel on ne met pas de
limite d’émissions ; on dit simplement à l’avance combien il en
coûtera d’émettre (le prix est fixé). Son effet sur les quantités
polluantes émises est donc incertain et difficile à prévoir.
Théorie : L’instauration d’une taxe ou d’un système d’échange de quotas présente
l’avantage sur la réglementation de laisser aux agents économiques la décision
de l’ajustement de leurs comportements. Ils peuvent en effet arbitrer entre réduire
la pollution qu’ils causent (baisser le coût social) ou maintenir celle-ci en contrepartie du paiement de la taxe ou de l’achat de permis d’émissions (augmenter le
coût privé). Les analyses démontrent, qu’en théorie, ces instruments sont plus
efficaces économiquement que les outils réglementaires (par leur capacité à
minimiser les coûts de réalisation d’un objectif de protection donné).
Avec la réglementation, l’Etat dicte des comportements (normes, interdictions),
avec les instruments de marché, il laisse des choix (réduire la pollution ou payer).
Mais lorsque ces derniers s’ajoutent aux réglementations, ils ne font que renforcer
l’incitation à réduire les coûts privés et peuvent ainsi accélérer le rythme des
innovations visant à protéger l’environnement (mise au point de nouvelles
technologies, amélioration des procédés de production ...).
La différence fondamentale entre les deux outils économiques est que, dans le
cas de la taxe, l’Etat fixe un coût global de la pollution, mais il ne connaît pas
quelles seront les quantités de polluants émises au moment où il fixe la taxe.
Dans le cas des permis, l’Etat a fixé un niveau de pollution, donc de réduction
d’émissions attendues, mais il ne saura pas en chiffrer le coût.
Le principe est d’acheter des droits à polluer (ou permis, ou
quotas). Un droit représente l’autorisation de rejeter une unité
de polluant dans l’air pendant une période donnée.
Après avoir fixé un volume total d’émissions admissibles, une
agence de régulation répartit cette quantité entre les différents
agents concernés. L’allocation initiale de permis est souvent
gratuite. L’obtention de nouveaux droits (si la pollution doit être
supérieure au montant alloué) ne peut s’opérer que par des
échanges de permis entre pollueurs. La possibilité d’échanger
les permis fait émerger un prix selon les lois de l’offre et de la
demande. De façon générale, si l’effort de réduction de pollution
demandé est important et que le nombre de permis en vente
sur le marché est faible, alors le prix du permis sera élevé.
Une entreprise qui n’aurait pas assez de ses droits initiaux alloués pour
produire peut soit réduire ses émissions, soit acheter des permis à une autre
entreprise qui elle ne les aurait pas tous utilisés. Une entreprise pour
laquelle les coûts de réduction sont plus faibles diminue en effet davantage
ses émissions pour revendre des permis à l’entreprise dont les coûts de
réduction de la pollution sont plus élevés.
L’Etat ou une institution peut également racheter des droits sur le marché
pour en abaisser la quantité totale disponible et ainsi réduire la pollution.
Les marchés de droits à polluer régulent donc les émissions par
les quantités et non par les prix comme les taxes. Il existe également, sur le même modèle, des marchés de droits à prélever.
Les instruments économiques exposés dans les
six pages suivantes ne sont donnés qu’à titre
d’exemples de l’existant. Leur présentation n’a
pas vocation à l’analyse de leurs avantages et
leurs inconvénients, des conditions et des conséquences de leur mise en oeuvre et de leur fonctionnement.
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Des prix pour la réduction des émissions de CO2
Le quatrième rapport d’évaluation du Groupe Intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), publié en
2007, confirme que le réchauffement de la planète est sans
équivoque : hausse des températures moyennes de
l’atmosphère et de l’océan, fonte massive de la neige et de la
glace, élévation du niveau moyen de la mer.
Températures moyennes dans le monde
(courbe de tendance)
La hausse des concentrations de gaz à effet de serre (GES)
produits par les activités humaines en est la raison essentielle.
Elles ont très fortement augmenté dans le monde ces
dernières décennies (+ 70 % entre 1970 et 2004).
Lecture : une stabilisation des températures moyennes de la planète en 2100 à un
niveau supérieur de 2 à 2,4°C par rapport à l’ère préindustrielle suppose qu’en 2050, les
émissions de CO2 aient déjà diminué de 50 % à 85 % par rapport à leur niveau de 2000.
Des émissions supérieures de 20 % à 85 % pourraient entraîner une hausse des températures de 4 à 4,9 °C.
Source : Alternatives Economiques, «L’économie durable», Hors-Série N°83, 4ième trimestre 2009.
Le coût des dommages engendrés par le réchauffement climatique
Le rapport Stern, réalisé en 2006, avait pour objet de calculer le prix idéal du carbone, à partir d’informations sur le coût des dommages
engendrés par le réchauffement climatique. La conclusion est que si rien n’est fait pour diviser par deux les émissions mondiales de CO2 à
l’horizon 2050, l’augmentation de la température moyenne dépassera les 2°C et les dommages climatiques représenteraient entre 5 et 20
% du PIB annuel.
Par contre, il a chiffré le coût de la lutte contre le réchauffement climatique à 1 % du PIB mondial chaque année si l’on agit dès aujourd’hui
pour limiter la température moyenne de la planète dans une limite de 2°C.
Il en a déduit le prix que devrait avoir une tonne de CO2 émise pour «internaliser» ces dommages : 85 dollars en l’occurence dans le cas d’un
scénario de «laisser faire» où les dommages seraient maxima.
Cependant, un prix aussi élevé aurait des conséquences majeures sur de nombreux secteurs économiques et risquerait de créer ou
d’aggraver la précarité pour une partie de la population.
Le prix du carbone
La mise en place d’une taxe carbone est étudiée en France. Elle
s’appliquerait aux énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon, GPL) et
serait calculée en fonction de leur contenu en CO2.
France : part des différents secteurs dans les émissions
totales de gaz à effet de serre en France en 2005
Le montant de la taxe avait été fixé à 17€/t de CO2 pour l’année
2010. Elle devait encourager les ménages, les entreprises, à adopter
des pratiques de consommation et d’achat plus sobres en carbone
et en énergie. Elle correspondait au prix à payer pour leurs
émissions de chauffage, de transport...
Les fonds prélevés devaient ensuite être redistribués sous forme de
crédits d’impôts pour les ménages afin d’éviter de créer ou
d’aggraver une «précarité énergétique».
Aujourd’hui, les modalités d’application de cette contribution
carbone sont en cours de révision. Elle a été jugée inégalitaire entre
les entreprises qu’elle allait frapper à taux plein, celles qui seraient
frappées à taux partiel (agriculteurs, transporteurs routiers) et
celles qui seraient totalement exonérées (grands établissements
industriels qui relèvent du système européen des permis
d’émissions et qui négocient actuellement le quota autour de 13
euros/tonne, soit moins que le prix fixé par la taxe carbone).
La tarification du carbone est utilisée au plan national dans
plusieurs pays européens (Suède, Norvège, Danemark, Irlande).
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Source : ADEME Poitou-Charentes
La stabilisation de la concentration des GES implique une réduction
massive des émissions, soit la nécessité de réformes importantes
des politiques énergétique, industrielle, urbaine…
Par la taxe, le prix des énergies fossiles se trouve ainsi augmenté de
manière à inciter les utilisateurs à réduire leur consommation. Des
investissements visant à réduire les rejets de CO2 deviennent
rentables, alors qu’ils ne l’auraient pas été sans la taxe.
Le prix du quota sur le marché européen du carbone
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’Union
Européenne a décidé de limiter les émissions de CO2 qu’un site
industriel peut occasionner (plus de 11 000 établissements
européens sont concernés). Les Etats attribuent des autorisations annuelles d’émissions (encore appelées allocations,
quotas ou permis) à chaque acteur concerné : les producteurs
d’électricité (un peu plus de 60 % des quotas attribués), la
sidérurgie, les producteurs de ciment ou de verre...). Pour le
moment, cette allocation est gratuite.
Chaque installation, par l’intermédiaire des quotas, est donc
dotée d’un plafond d’émissions (un quota équivaut à une quantité de CO2), qu’elle doit respecter.
Pour y parvenir, elle peut soit réduire ses émissions, soit acheter
des quotas à un autre site industriel, qui lui, aurait réduit ses
émissions en deçà de son plafond. Plutôt que de revendre des
quotas, l’entreprise peut également garder la part qu’elle
n’utilise pas pour le reste de la période.
Note : Le marché couvre deux périodes :
2005-2007 a été une phase de mise en route ;
2008-2012 correspond à celle des engagements pris lors du protocole de Kyoto
(réduction de 8 % des émissions de CO2).
L’industriel ne peut pas garder de quotas d’une période sur l’autre.
L’incertitude demeure quant à la possibilité de garder des quotas de la seconde
période (mise en banque) pour la troisième période (2013-2020).
Le système autorise donc ceux qui ont trop de permis à les
vendre à ceux qui n’en ont pas assez. C’est à l’occasion de cet
échange que se matérialise le «prix du CO2».
Les entreprises ne supportent donc pas le coût d’achat des
quotas tant que leurs émissions se situent en deçà de leur
allocation. Le paiement d’un coût intervient à compter de la
première tonne de CO2 émise au-delà de l’allocation initiale.
A partir de 2013, les entreprises industrielles et les producteurs
d’énergie vont progressivement payer le CO2 émis dès la
première tonne, alors qu’ils ne paient aujourd’hui qu’après avoir
dépassé les quotas d’émissions alloués gratuitement. Ceci
devrait les inciter à rejeter encore moins.
Enfin, le total des émissions autorisées ne relèverait plus de
plans nationaux mais d’un plan européen.
Les quantités globales émises sont pilotées par les pouvoirs
publics et les prix de ces quotas varient en fonction de l’offre et
de la demande.
Le nombre de quotas devrait diminuer de façon drastique entre
2013 et 2020 pour atteindre une baisse de 21% par rapport à
2005.
Volume et valeur des transactions de quotas européens
depuis 2005
Volumes échangés Valeurs des transactions
(millions de quotas)
(millions d’euros)
Prix moyen du quota
(en euros)
2005
262
5 400
20,6
2006
828
14 500
17,5
2007
1 458
25 200
17,3
2008
2 731
61 200
22,4
2009
5 016
65 900
13,1
Source : calculs Mission Climat de la Caisse des Dépôts à partir des données Point carbon
in «Conseil économique pour le développement durable, N°12, 2010.
En 2009, les transactions de quotas européens ont atteint 5 016
millions de tonnes de CO2. En valeur, ces transactions ont représenté
environ 66 milliards d’euros avec un prix moyen de 13,1 euros la
tonne.
Sur la période 2005-2008, les transferts se sont principalement
opérés vers le secteur électrique, acheteurs de quotas, en provenance des autres secteurs industriels, vendeurs de quotas.
Le prix du carbone sur le marché volontaire de compensation
De plus en plus d’entreprises, d’acteurs publics, de particuliers
s’engagent volontairement (en dehors de contraintes réglementaires) dans l’acquisition de crédits d’émissions de CO2 afin
de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre. La
compensation consiste à mesurer les émissions de GES d’une
activité (transport, chauffage...), puis, après avoir cherché à
réduire ces émissions, à financer un projet de réduction des
émissions de GES ou de séquestration carbone : énergies renouvelables, efficacité énergétique, reboisement qui permettra de
réduire, dans un autre lieu un même volume de GES.
Le marché volontaire est formé d’entreprises à but lucratif ou
d’associations et fondations à but non lucratif.
Ce marché de crédits carbone connaît une croissance rapide.
En 2007, 42 milions de tonnes d’équivalent CO2 ont été échangées (dont 17 % issues de projets forestiers). Le prix moyen était
de 10 euros/tonne.
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Des prix pour la préservation de la ressource eau
Les sécheresses des dernières décennies, l’inadéquation
entre les ressources en eau disponibles et les besoins des
usagers (agriculteurs, industriels, particuliers) et les phénomènes de pollution posent un problème majeur de préservation des écosystèmes aquatiques.
Les ressources en eau subissent donc une pression croissante, tant au niveau de l’approvisionnement que de la
qualité de l’eau. De nombreuses parties du monde sont déjà
confrontées à des pénuries ; et plus de 2 milliards de
personnes n’ont pas accès à l’eau potable.
La pénurie d’eau douce
Source : d’après Alternatives Economiques, «L’économie durable», Hors-Série N°83, 4ème trimestre 2009.
Les coûts complets de l’eau
En Europe, la Directive Cadre sur l’Eau (2000) spécifie que les Etats membres doivent veiller à ce que la politique de tarification incite les usagers à une
utilisation plus efficace de la ressource. Pour cela, conformément au principe pollueur-payeur, les différents secteurs utilisateurs doivent contribuer
de manière appropriée à une meilleure récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau (les coûts financiers classiques mais aussi les
coûts pour l’environnement et la ressource).
Ce concept de récupération des coûts complets cherche bien à intégrer l’ensemble des coûts au sein du processus décisionnel à l’origine des
politiques de gestion de l’eau.
Cela fait appel à une caractérisation de l’ensemble des fonctionnalités des écosystèmes pouvant conduire à des besoins d’évaluation monétaires du
coût de leur dégradation et des services induits.
L’application du principe pollueur-payeur doit permettre de mettre à la charge des pollueurs les coûts supportés du fait des rejets ou des prélèvements (épuration, distribution, ...) mais aussi les coûts équivalents aux coûts des dommages environnementaux qu’ils provoquent (perturbation du
régime hydraulique, consommation de la ressource, pollution de la ressource...) ou des services induits perdus (recharge de nappes, biodiversité,
paysages...).
La Directive a donc exigé des états membres qu’ils mettent en place des démarches d’évaluation économique des dommages et des bénéfices
environnementaux. De nombreuses études ont été faites, au plan local, pour évaluer notamment le caractère disproportionné ou non des coûts des
travaux nécessaires pour atteindre le «bon état des eaux» : état chimique (respect des concentrations de substances prioritaires), état écologique
(biologique, physico-chimique, hydromorphologique....) et état quantitatif.
10
Le prix des droits de prélèvement d’eau
Les pays d’Europe sont très attachés à la taxation (ou aux
redevances) pour le paiement des prélèvements d’eau. Cependant, il apparaît que la taxe remplit plus une mission de collecte
financière qu’une incitation à mieux gérer la ressource. Il
faudrait pour cela un prix qui reflète plus que le coût de l’usage
de l’eau, un prix significatif, proportionnel à sa rareté.
La DCE, avec les principes de recouvrement des coûts et de
tarification incitative, génère aujourd’hui un contexte plus
propice à l’amélioration de ces systèmes de taxation.
Des pays comme l’Australie et le Chili ont quant à eux choisi de
gérer l’utilisation de la ressource en mettant en place un
système de droits de prélèvement (quotas), attribués par
l’administration (gratuitement ou non), échangeables (sur un
marché), à l’instar des quotas de CO2.
L’introduction d’un tel système implique le passage d’une eau
gratuite à une eau payante (prix de la ressource et non prix de
l’usage).
Le droit d’eau peut correspondre à un débit prélevable ou à un
volume disponible. La ressource échangée est souterraine
(nappe) ou de surface (rivière, réservoir). Le transfert est permanent (vente d’un droit d’accès à la ressource) ou temporaire
(vente d’un volume d’eau). Enfin, les échanges s’effectuent à
l’intérieur d’un même usage ou entre usages, à un niveau individuel ou collectif (association), à une échelle locale ou régionale.
Les quotas alloués initialement sont très dépendants de la
pluviométrie et les taux d’allocation sont souvent réévalués en
fonction de la quantité d’eau disponible.
Ces marchés sont fortement réglementés. Les droits sur l’eau et
les possibilités d’échanges et de ventes sont totalement contrôlés par les Etats ou les autorités locales.
Le marché des quotas dans la gestion
de l’eau en Australie
Un marché de l’eau est un lieu d’échange de droits d’eau initialement attribués aux différents usagers.
Des quotas volumétriques de prélèvement d’eau sont initialement
attribués aux différents usagers. Le marché de l’eau repose ensuite
sur la possibilité d’échanger ces quotas.
Les transactions peuvent être temporaires (=transfert de tout ou
partie du quota alloué, pour une période maximale de 1 an) ou
permanente (=transfert du droit avec le quota de référence associé).
Comparaison des volumes d’eau alloués et mis sur le marché
dans différents Etats en 2004-2005
La part des volumes échangés sur le marché est variable selon les
Etats. Mais ce sont majoritairement les agriculteurs, principaux
détenteurs des droits de prélèvement, qui participent au marché.
Les prix sur le marché peuvent varier fortement selon les années. Ils
reflètent les variations de la disponibilité de la ressource : le prix
moyen annuel de 1 000 m3 d’eau s’est vendu 54 dollars australiens
en 2005/2006 et 519 dollars australiens en 2006/2007.
Des prix pour la pollution par les pesticides
La plupart des pays scandinaves ont entrepris depuis plus de 20
ans un programme de réduction d’utilisation des pesticides
dans le secteur agricole.
Le Danemark, la Suède, la Norvège par exemple ont réussi à
réduire d’au moins 50 % leur consommation. Cette diminution
s’explique par la nouveauté des matières actives utilisées (à
spectre plus large ou plus efficaces à moindre dose), par la
moindre fréquence de traitement des cultures, mais surtout par
une réglementation très stricte (interdiction de matières actives
pourtant toujours autorisées par la Commission Européenne) et
par la taxation importante des pesticides vendus.
Au Danemark par exemple, depuis 1999, la taxe représente 34 %
du prix des herbicides et fongicides et 54 % du prix des insecticides (3 % en 1986). Elle a accru, de manière directe, le coût
relatif de l’utilisation de ces intrants, et en a réduit l’intérêt pour
les agriculteurs.
En outre, cette écotaxe a permis à d’autres mesures de devenir
compétitives (lutte biologique, désherbage mécanique),
d’autant plus que 83 % de l'argent récolté par les taxes est
reversé aux agriculteurs sous diverses formes.
En France : la redevance pour pollutions diffuses
La loi sur l’eau de 1964 avait déjà établi un système de redevances
de pollution afin de lutter contre la contamination des eaux
continentales.
Mais depuis janvier 2008, une redevance vise tout spécifiquement à
limiter l’utilisation des pesticides. Elle concerne les distributeurs et
est à acquitter aux Agences de l’eau.
Elle est plafonnée à 0,50 euro par kilo pour les substances dangereuses pour l’environnement relevant de la chimie minérale, à 1,20
euro par kilo pour les substances dangereuses pour
l’environnement, et à 3 euros par kilo pour les substances toxiques,
très toxiques, cancérogènes pour l’Homme.
Note :Taxe ou redevance ?
La distinction entre taxe et redevance repose essentiellement sur la destination des
recettes. Les recettes de la taxe sont versées au budget général de l’Etat, sans
affectation particulière. Les recettes de la redevance sont affectées à des fins spécifiques, de lutte contre la pollution ou d’amélioration de l’environnement.
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Des prix pour la protection de la biodiversité
La destruction des habitats naturels, le réchauffement climatique, la pollution (de l’air, de l’eau, des sols), sont des menaces
pour la biodiversité avec pour conséquence la perturbation
des écosystèmes.
La Liste rouge des espèces menacées qu’a publiée l’Union mondiale pour la conservation de la nature (UICN) confirme le
risque d'extinction de nombreuses espèces : 17 291 espèces
sur 47 677 répertoriées en 2009.
Les résultats révèlent que 21 % de tous les mammifères
connus, 30 % des amphibiens, 12 % des oiseaux, 28 % des
reptiles, 37 % des poissons d’eau douce, 70 % des plantes, 35 %
des invertébrés répertoriés à ce jour sont menacés.
Lecture : la perte de la biodiversité est mesurée par l’indicateur MAS (Mean Species
Abundance ou abondance des espèces communes). La construction
d’infrastructures serait à l’origine de la disparition de près de 5 % des espèces
communes dans le monde.
Pour l’ensemble de la planète, la perte de zones naturelles entre 2000
et 2050 devrait s’élever à 750 millions d’hectares (taille de l’Australie).
Perte de biodiversité mondiale 2000-2050
Source : Communautés Européennes, «L’économie des écosystèmes et de la biodiversité», 2008.
L’évaluation financière de l’apport de la biodiversité et du coût de sa destruction
Les rapports de Pavan Sukhdev et Bernard Chevassus-au-Louis tentent de donner un prix à la biodiversité pour démontrer
l’importance des services rendus par la diversité biologique ainsi que le coût d’une perte de cette diversité et de sa compensation.
Le premier, dans un rapport commandé par l’Union Europénne, estime à 23 500 milliards d’euros par an la valeur des services rendus
par les écosystèmes au niveau mondial (dans la première partie de son étude publiée en 2008).
Il estime également que ce sont près de 60 % des services rendus par les ecosystèmes de la planète qui se sont dégradés au cours des
50 dernières années et que si rien n’est fait, ce sont encore 11 % de zones naturelles qui vont disparaître d’ici 2050 (et donc les services
associés).
Le second, dans un rapport du Centre d’Analyse Stratégique (2009), propose des valeurs de références, en terme monétaire, de milieux
semi-naturels. Ainsi, un hectare de forêt aurait une valeur moyenne de 970 euros par an ; la fourchette pouvant varier de 500 à 2 000
euros/ha/an en fonction de l’importance des différents services tels que le stockage de carbone ou la fonction touristique. Cette valeur
minimale de 500 euros/ha/an serait près de 4 fois supérieure à la valeur de la seule production de bois.
Une valeur minimale de l’ordre de 600 euros/ha/an est proposée pour les prairies utilisées de manière extensive.
Il fait référence également à l’étude de Braat et ten Brink (2008) qui estime que la perte des services écologiques pourrait représenter
jusqu’à 7 % du PIB mondial en 2050, soit environ 13 938 milliards d’euros par an.
ERIKA : le prix du préjudice écologique
Le 16 janvier 2008, le Tribunal de Grande Instance de Paris a
reconnu Total coupable de délit de pollution.
Il a ainsi pris en compte le fait que le préjudice écologique va
bien au-delà du préjudice économique : réparer le préjudice
environnemental va plus loin que le seul prix à payer pour des
opérations de nettoyage et de remise en état du site pollué et
que les compensations économiques induites par une baisse du
chiffre d’affaires ou de la fréquentation touristique.
Des indemnisations ont été accordées aux associations de
protection de la nature pour un préjudice écologique.
Note : Le préjudice écologique correspond à l’ensemble des dommages
n’entrant pas dans la valeur marchande.
12
Le procés Erika
-Les montants demandés par les parties civiles lors de ce
procès étaient de l’ordre de 500 millions d’euros parmi lesquels
110 millions étaient demandés par les différentes collectivités
territoriales au titre de préjudice écologique. La LPO était également partie civile au titre de cette catégorie de dommages.
-Une étude de F. Bonnieux, «Evaluation économique du
préjudice écologique causé par le naufrage de l’Erika», avait
avancé le chiffre global de 371,5 millions d'euros (valeur 2005).
-Finalement, une indemnisation au titre de préjudice écologique a été attribuée à la Ligue pour la Protection des Oiseaux
en reconnaissance de son rôle de gardien de l’environnement
(300 000 euros).
200,6 millions d’euros de dommages et intérêts ont également
été accordés aux collectivités territoriales.
Compensation : le prix d’unités de biodiversité
Les Etats-Unis offrent aujourd’hui le système de compensation
le plus développé. Les entreprises et agriculteurs qui portent
atteintes aux zones naturelles doivent en effet acheter des
crédits environnementaux à des banques spécialisées pour
compenser les dégradations.
En 2006, le montant des échanges de crédits des banques de
compensation spécialisées dans les zones humides s’est chiffré
à 350 millions de dollars.
Un système d’échange de crédits d’espèces en voies
d’extinction existe également afin de compenser les impacts
négatifs sur des espèces menacées et leurs habitats. En mai
2005, le volume du marché avait dépassé 40 millions de dollars,
avec 930 transactions réalisées.
Dans le même ordre d’idées, en France, des conventions ont été
signées entre le Ministère de l'Ecologie et la filière biodiversité
de la Caisse des Dépots et Consignation (CDC) pour engager la
création de « réserves d'actifs naturels ».
Depuis 1976, la loi sur la protection de la nature impose aux
aménageurs du territoire, en tant que maîtres d'ouvrages, en
premier lieu d'éviter les impacts sur la biodiversité, ensuite de
réduire ceux qui n'auront pas pu être évités, et en dernier
recours de compenser ceux qui n'auront pu être ni évités ni
réduits.
Aujourd’hui, des programmes se mettent en place afin « d'anticiper » le besoin de compensation en créant « des réserves »,
des unités d'échange de biodiversité, disponibles à l’avance
pour répondre à cette demande de compensation.
Il s’agit de constituer des actifs naturels pour permettre aux
maîtres d’ouvrages de compenser les atteintes que leurs activités auraient causées ou seraient susceptibles de causer, ceci en
aidant à la réhabilitation de terrains spécifiques :
--les espaces sont ensuite convertis en «unités de biodiversité»
(d’où l’importance de connaître leur valeur économique).
--un aménageur ou un promoteur peut alors convertir les
impacts résiduels de son projet en unités de biodiversité. Il peut
compenser ses impacts en acquérant autant d’unités de biodiversité qu’il en aura détruit.
L’achat d’unités de biodiversité ne doit pas être privilégié au
détriment d’efficaces mesures d’évitement.
La CDC Biodiversité a acquis par exemple le site de Cossure, 357
hectares d’anciens vergers, à Saint-Martin-de-Crau dans les
Bouches-du-Rhône. Elle s’est engagée à réhabiliter un espace
favorable à la biodiversité originale du territoire par la reconstitution d’ensembles végétaux (végétation de steppe) permettant la présence d’espèces animales communes en Crau sèche :
Outarde canepetière, Ganga cata, Oedicnème criard, Lézard
ocellé…
Suisse : une taxe pour compenser
La suisse, quant à elle, suite à une étude de la WWF, réfléchit
à la mise en place d’une taxe comme nouvel instrument de
compensation, notamment une taxe sur l’utilisation de
surface et l’imperméabilisation du sol lors de la construction
de nouveaux bâtiments. Celle-ci permettrait de créer un
fonds pour la renaturation de certains espaces. Elle dissuaderait le bétonnage tout en encourageant la densification dans
les villes.
-- des surfaces à conserver ou à reconquérir sont acquises pour
fabriquer des réserves d’actifs naturels.
Pêche : le prix des quotas individuels transférables
Les quotas individuels transférables font partie des solutions
proposées pour l’amélioration de la gestion des ressources
halieutiques. Ils existent aux Pays-Bas, en Islande, en Australie...
Basé sur le principe de droits d’émissions, ce système consiste à
fixer, pour une espèce exploitée, un quota global (TAC= Totaux
Autorisés de Captures), révisable en fonction de l’évolution du
stock. Ces TAC sont ensuite attribués sous forme de quotas
individuels transférables (QIT) aux pêcheurs, pour une période
donnée.
Le caractère individuel permet au pêcheur d’arrêter de
chercher à s’accaparer la part la plus importante du quota
collectif. Il n’est plus obligé à chercher à pêcher une plus grande
part que celle de ses concurrents sur zone et peut étaler ses
captures sur l’année.
Le caractère transferable lui permet d’accroître son efficacité
économique car les pêcheurs les moins efficaces ou qui sont
dans l'incapacité une année donnée de pêcher leur quota,
peuvent céder leurs droits ; les vendre ou les louer sur un
marché privé. Le jeu des négociations fixe le prix du quota.
Le quota individuel vise à introduire l’idée de propriété privée
de stock de poissons qui est censée inciter les pêcheurs à ménager la ressource, car une fois propriétaires, ils ont tout intérêt à la
gérer de façon optimale pour en accroître la valeur afin
d’augmenter leurs revenus ou de revendre au mieux lorsqu’ils
cesseront leur activité.
Pour exemple, en 1994, le prix du quota individuel transférable
sur le marché néerlandais de la sole avoisinait en moyenne les
27 euros du kilo.
Au delà de la pêche
Ce type de marché existe aux Etats-Unis pour une gestion plus
durable de l’espace (protection des terres agricoles ou des
espaces naturels contre l’étalement urbain), par l’intermédiaire
de la vente de quotas ou de droits d’aménagement transférables.
L’Etat distribue à tous les propriétaires de terrain non bâtis des
droits à construire. Chaque fois qu’un droit d’utilisation de sol
doit être supprimé dans une zone (un espace à protéger), les
propriétaires se voient offrir des droits équivalents dans une
autre zone, où ces droits pourront être exploités ou vendus.
13
Questions en débat
«Le prix de la nature» est-il réellement le reflet de sa valeur ?
Attribuer un «juste prix» aux actifs naturels suppose que l’on puisse évaluer «au mieux» les dommages environnementaux passés (pour
l’indemnisation de dommages, pour une incitation à moins polluer) ou futurs (pour la prise en compte de l’impact environnemental de
projets). Cependant, les analyses critiques des méthodes d’évaluation nourrissent des controverses sur la validité des chiffres produits.
En tout premier lieu, ces méthodes sont limitées par des défauts d’informations. La valeur que l’on attribue à un bien naturel
dépend en effet de nombreux paramètres incertains. Par exemple, le coût d’une tonne de GES est lié à l’ampleur des conséquences futures
du changement climatique, à l’évolution des nouvelles technologies et des modes de vie, aux préférences des générations futures...points sur
lesquels l’incertitude est grande. Cela pose la question de l’échelle temporelle et spatiale des impacts. C’est pourquoi, de nombreux
scenari sont souvent proposés.
En second lieu, les valeurs monétaires calculées peuvent en effet varier considérablement, en particulier au niveau du calcul de la valeur
de non-usage. Cette dernière est en effet très dépendante des préférences de chacun. Autant la valeur d’usage renvoie à des bénéfices
collectifs, autant la valeur de non-usage, en particulier la valeur d’existence, renvoie à l’appréciation subjective des individus : deux
personnes n’accorderont pas forcément la même valeur à l’existence d’un paysage ou à l’existence de la baleine. C’est pourquoi, les
méthodes de calcul basées sur les préférences déclarées des individus (comme celle de l’évaluation contingente) sont souvent
remises en cause (inclinaison pour surestimer les préférences, introduire des réponses fausses...pour influencer les résultats de l’étude).
Mais bien souvent, la valeur de la nature est difficilement estimable ou trop importante. Comment pourrait-on mesurer, par
exemple, la valeur d’existence d’une espèce, le coût de la disparition d’une espèce, ou bien mesurer le coût de la rupture de l’équilibre écologique et ses conséquences ?
Enfin, des coûts de dommages trop élevés ne sont ni économiquement, ni socialement acceptables et donc rarement retenus.
De fait, les mécanismes de régulation sont souvent indépendants du coût réel des dommages.
Un tel système de prix est alors une représentation incomplète de la valeur réelle de la nature.
L’idée même de prix ne prédispose-t-elle pas à l’idée que
la nature puisse s’acheter ?...que le risque de spéculation puisse
s’immiscer ?
Il n’est pas rare de trouver des oppositions fortes au recours à l’évaluation monétaire des ressources naturelles suivant l’argument
qu’elles conduisent à une marchandisation de l’environnement. Les conséquences sont importantes. Le fait par exemple qu’un aménageur ou qu’un promoteur puisse convertir les impacts résiduels de son projet en acquérant autant d’unités de biodiversité qu’il en aura
détruit («renaturer» ailleurs) peut favoriser la poursuite de la dégradation de la nature en toute bonne conscience, puisqu’il en aura le
droit s’il en a les moyens. La compensation financière pourrait devenir «une licence de destruction» de la nature. Le seul intérêt serait
alors celui de l’organisme en charge du système (souvent une banque). Habilité à transformer les territoires en actifs financiers, il pourrait avoir l’avantage de spéculer.
De même, avec n’importe quel permis négociable, le bien acquis devenant marchand peut entraîner spéculation.
Enfin, il est très difficile de concevoir de mettre un prix sur la nature (qui peut être assimilé à un droit à polluer ou à détruire, lui-même
assimilé à un droit de propriété sur la nature) alors même qu’elle représente un bien commun.
Est-il éthique d’évaluer la nature ?
L’économie évalue la nature ; une idée choquante pour bon nombre de citoyens pour qui la nature, le vivant, n’a pas de prix. La monétarisation de la nature correspond à faire abstraction de l’éthique et à dévaloriser les biens publics mondiaux. Cette idée est particulièrement mise en avant dans le cadre de l’évaluation de la biodiversité.
Aujourd’hui, l’Homme considère que la dégradation de la nature et de ses fonctions implique un dommage à son encontre et une
diminution de son bien-être. Ainsi, l’obligation de préserver l’environnement, si elle existe, reste principalement dérivée des intérêts
humains de préserver les supports de la vie sur Terre.
14
Les instruments de marché ne promulguent-ils pas une approche
trop «anthropocentrée» de la protection de la nature ?
Cette politique par les prix analyse la protection de l’environnement dans l’optique exclusivement économique. Elle peut s’apparenter
en cela à une approche trop «anthropocentrée» de la protection de la nature. Celle-ci énonce en effet que la poursuite de la croissance
économique reste possible avec des contraintes environnementales. Elle s’inscrit dans le cadre d’une théorie économique dominante.
La nature n’a qu’une valeur instrumentale ; une logique qui revient à maximiser les compensations marchandes de la destruction de
l’environnement. On compte sur les progrès techniques et scientifiques pour réparer tout dommage.
L’ économie englobe la sphère environnementale ; elle est identifiée comme une priorité.
L’ évaluation économique se place alors dans une vision utilitariste de la nature (la nature est ressource) et se définit en référence au
bien-être humain. C’est au bénéfice de l’Homme qu’il faut la protéger, une protection très dépendante des comportements des agents
face aux instruments économiques, souvent ex-post et à valeur compensatoire, laissant une large place au «correctif» par rapport au
«préventif».
De la même façon, cela peut sous-entendre que la nature ne peut que se dégrader et l’on reste plus dans une logique de «réparation»
de dommages.
Théorie : L’approche anthropocentrée s’oppose à deux autres approches :
--> Une approche dites «écocentrée» insiste sur l’existence des limites naturelles. La croissance économique ne peut être durable si elle menace son support écologique. La
nature est un capital qu’il convient de préserver. Elle fournit des services fondamentaux ainsi que des valeurs de non usages uniques et irremplaçables. Elle prône donc une
gestion mesurée, rationnelle et scientifique des ressources naturelles, une protection de la nature de type «conservationniste». Elle impose le respect de la nature en tant que
lieu habitable pour l’Homme.
L’Homme, et par là-même le système économique, fait partie de la nature. L’Homme profite des services rendus par la nature mais ces productions se doivent d’intégrer la
contrainte de régénération des ressources naturelles.
--> Une approche dites «biocentrée», défend une conception «préservationniste» de la nature, qui justifie la protection intégrale de la nature pour la valeur que celle-ci
possède en elle-même. La nature a une valeur intrinsèque, indépendante de l’utilité qu’en ont les humains. La valorisation et la monétarisation de la nature correspond
alors à une dévalorisation de cette dernière.
Basée sur des considérations éthiques, cette approche correspond à une critique radicale des modes de production et consommation de notre société. La protection de la
nature n’est alors compatible qu’avec une décroissance économique.
Ces différentes approches : «anthropocentrée», «écocentrée», «biocentrée», conditionnent la valeur que l’on souhaite associer à la
nature et la façon dont on souhaite privilégier sa protection.
Vers une économie durable ou repenser le développement ?
Aujourd’hui, les enjeux sur la nature sont tels que les réflexions se tournent vers l’exploration de nouvelles voies qui satisfassent au besoin de croissance économique, de responsabilité sociale et de préservation de la nature ; celles qui seront à même
d’avancer vers une mutation écologique de l’économie et donc de promouvoir de nouveaux modèles comportementaux
des agents économiques basés sur de véritables choix de « prévention ».
L’ensemble des secteurs de la société est concerné : les entreprises (concept de Responsabilité Sociétale de l’entreprise...), les agriculteurs (initiatives volontaires de modes de productions contribuant à l’entretien des écosystèmes...), les citoyens (comportements
d’achat favorable à l’environnement...), les collectivités territoriales (nouveaux mode de gouvernance, soutien à la recherche et à
l’innovation, aux éco-industries…).
Pour un bon usage de la nature ?
Vers une responsabilisation individuelle ?
et une réelle volonté politique ?
-L’air, l’eau, la biodiversité ont une valeur sociale qui reflète leurs
multiples usages et non usage. Traduire cette valeur sociale en valeur
monétaire, c’est vouloir prendre en compte les différentes raisons qui
fondent l’intérêt de les préserver (ne plus raisonner en termes de
dommages à la nature, mais en termes d’intérêts à la protéger).
Les conditions de fonctionnement d’une telle économienécessitent cependant la mise en place de plans stratégiques de long terme. L’action publique, couplée à un
nouvel esprit civique, doit y jouer un rôle fondamental.
Possible ou utopique ? un tel mode de développement
reste de toutes les façons subordonné à une réelle
volonté politique.
-L’évaluation des services rendus par la nature doit alors devenir un
outil de sensibilisation et de mobilisation au-delà de sa fonction de
diagnostic et d‘analyse afin d’orienter les comportements vers un
mode de développement basé sur une logique plus «écocentrée»,
une logique «d’ échange avec la nature».
-L’approche réglementaire reste prépondérante.
-Les instruments économiques, notamment les mécanismes de
marché (taxes, permis négociables), peuvent trouver leur place mais
doivent être une modalité de fonctionnement des institutions parmi
d’autres.
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Auteur : Valérie Barbier
Comité de lecture :
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Patricia BUSSEROLE (CREN), Michel HORTOLAN (CESER),
Christian HUYGHE (INRA), Jean-François LOUINEAU (Région
Poitou-Charentes), Francesco RICCI (Université de Poitiers-Faculté
de Sciences Economiques)
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Directeur de publication : Catherine TROMAS
Rédacteur en chef : Franck TROUSLOT
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