Instruments financiers : Comment se préparer au Big Bang

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EXPERTISES
FINANCE
PAR
Hubert de Vaumas
Associé KPMG
Finance & gestion février 2016
Instruments financiers
Comment se préparer
au Big Bang de 2018
38
A l’aune de la crise financière de 2008 et à la demande notamment du
G20, l’IASB avait entamé la révision de la norme IAS 39 qui était jugée
trop complexe et inadaptée. Après de longs débats, la version finale de
la norme IFRS 9 Instruments financiers a été publiée en juillet 2014.
D’application obligatoire au 1er janvier 2018, cette norme risque de modifier un grand nombre de pratiques comptables.
I
FRS 9 modifie en
profondeur la norme actuelle
IAS 39 sur la classification et
l’évaluation des actifs financiers ainsi que le modèle de
dépréciation des actifs financiers. Ce nouveau modèle de
classification devrait entrainer
l’application de plus de « juste
valeur » dans le bilan des
banques. En outre, le nouveau
modèle de dépréciation va radicalement changer la façon
dont les banques comptabilisent les pertes de crédit sur
leurs portefeuilles de prêts. Les
dépréciations devraient être
d’un montant plus important
et probablement plus volatiles.
Afin de pouvoir être prêts
(notamment sur ces deux
phases) pour l’application obligatoire d’IFRS 9 prévue pour
les exercices ouverts après le
1er janvier 2018, les établissements bancaires ont lancé très
rapidement après la publication définitive du texte et de
façon intensive les travaux de
mise en application d’IFRS 9.
La comptabilité de couverture proposée par IFRS 9 repose sur une approche visant
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à améliorer le modèle général
actuel en alignant le traitement comptable sur les activités de gestion des risques de
l’entreprise. Ainsi, certaines
entreprises industrielles et
commerciales songent à appliquer IFRS 9 de façon anticipée
dès son adoption par l’Union
Européenne afin de pouvoir
bénéficier dès à présent des
améliorations en matière de
comptabilité de couverture.
Seuls les principes de décomptabilisation des instruments financiers selon IAS 39 qui
avaient montré une certaine
robustesse pendant la crise de
2008 ont été intégralement
repris dans la norme IFRS 9.
Classement et
évaluation des
actifs financiers
Bien que les trois modalités
possibles d’évaluation des actifs
financiers – coût amorti, juste
valeur par les autres éléments
du résultat global et juste valeur par résultat – soient similaires à celles d’IAS 39, les critères de classement dans la
catégorie appropriée sont très
différents. De plus, les dérivés
incorporés ne sont plus séparés
des contrats hôtes d’actifs financiers.
Pour la classification et l’évaluation des actifs financiers,
IFRS 9 retient une nouvelle
approche basée d’une part sur
les caractéristiques contractuelles des actifs et d’autre part
sur le modèle économique de
gestion de ces actifs (« business
model »). Le classement d’un
actif financier peut être résumé
selon la figure ci-contre.
Pour les instruments de
dettes évalués en juste valeur
par les autres éléments du résultat global, les produits d’intérêt, les pertes de crédit attendues et les gains et pertes de
change sont comptabilisés en
résultat à l’instar des actifs au
coût amorti. Les autres gains
et pertes sont comptabilisés en
autres éléments du résultat
global et sont recyclés en résultat lorsque l’actif est décomptabilisé.
Pour les instruments de capitaux propres qui ne sont
pas détenus à des fins de transaction, une entreprise peut
choisir de façon irrévocable de
comptabiliser les variations
ultérieures de juste valeur, y
compris les variations de
changes, en autres éléments
du résultat global. Aucun recyclage au compte de résultat ne
pourra alors être réalisé ultérieurement, quelles que soient
les circonstances.
Si l’évaluation d’un actif financier au coût amorti ou en
juste valeur par les autres éléments du résultat global crée
un mismatch comptable, une
entreprise peut irrévocablement choisir de l’évaluer en
juste valeur par résultat si ce
choix est susceptible de réduire
le mismatch.
Classement et
évaluation des
passifs financiers
S’agissant du classement et de
l’évaluation des passifs financiers, IFRS 9 reprend la quasitotalité des dispositions
d’IAS 39. Cependant, le gain ou
la perte d’un passif financier,
désigné en juste valeur par résultat, attribuable aux variations du risque de crédit propre
est, sauf exceptions, comptabilisé en autres éléments du résultat global. Le montant résiduel
de la variation de la juste valeur
est comptabilisé en résultat.
Dépréciation des
actifs financiers
IFRS 9 remplace le modèle
des « pertes encourues » d’IAS
39 par le modèle des « pertes de
crédit attendues ». Il ne sera ainsi
plus nécessaire d’attendre la
survenance d’un événement de
perte pour comptabiliser une
dépréciation. La norme IFRS 9
vise à répondre aux critiques
jugeant les dépréciations des
prêts « trop limitées et trop tardives » et conduira à accélérer
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OUI
Les flux de trésorerie contractuels
représentent-ils uniquement
le paiement du principal et des intérêts ?
Le business model est-il
de collecter les flux de
trésorerie contractuels ?
OUI
NON
le montant des pertes comptabilisées. Si la condition ayant
généré l’augmentation du
risque n’existe plus, la perte de
crédit attendue sera de nouveau calculée sur les 12 prochains mois.
• Si la recouvrabilité du principal est menacée (i.e. perte
avérée), le produit financier
(intérêt) est calculé sur la base
du montant de l’instrument
net de la dépréciation.
Une approche simplifiée est
permise pour les créances commerciales avec l’utilisation
d’une matrice de dépréciation
statistique.
coût
amorti
NON
Le business model est-il
de collecter les flux de
trésorerie contractuels
et de céder l’actif ?
OUI
FVOCI1
(instruments
de dette)
NON
FVTPL1
1. JVOCI : juste valeur par les autres éléments du résultat global
2. FVTPL : juste valeur par résultat
la comptabilisation des pertes.
Pour ce faire, le nouveau
modèle prend en compte l’ensemble des événements passés,
présents, ainsi que les conditions économiques futures afin
d’estimer les pertes. La perte de
crédit attendue (Expected Credit
Loss) est définie comme la valeur actuelle des insuffisances
de paiement futur calculée sur
une base probabilisée.
Le nouveau modèle s’applique aux instruments de
dettes comptabilisés au bilan,
tels que les prêts ou les obligations, et évalués au coût amorti
ou en juste valeur par les
autres éléments du résultat global. Il s’applique également à
certains engagements de prêts
et garanties financières.
Le modèle des pertes de crédit attendues par IFRS 9 est
basé sur une méthode d’évaluation reposant sur trois
phases telle qu’illustrée sur la
figure ci-dessous.
• Dès la comptabilisation initiale, l’actif financier sera déprécié à hauteur des pertes de
crédit attendues sur les 12 prochains mois et le produit financier (intérêt) est calculé sur la
base du montant brut de l’instrument.
• Si le risque de crédit a augmenté de manière significative,
il sera déprécié à hauteur des
pertes de crédit attendues sur
sa durée de vie totale. Ce qui
devrait conduire à augmenter
Comptabilité
de couverture
IFRS 9 aligne davantage la
comptabilité de couverture sur
la gestion des risques de l’entreprise en contrepartie d’une information financière accrue.
La nouvelle norme ne modifie
pas en profondeur la typologie
actuelle des relations de couverture (couverture de juste
valeur, de flux de trésoreries ou
d’investissement net à l’étranger) ; cependant, IFRS 9 élargit
le nombre de stratégies de couverture éligibles à la comptabilité de couverture et assouplis
certains principes comptables.
Toutefois, le guide d’application
reste à ce stade complexe dans
certains domaines.
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Classement d’un actif financier
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Modèle des pertes de crédit attendues IFRS 9
Comptabilisation
initiale
Augmentation significative du risque
de crédit (sans perte avérée)
Pertes de crédit
attendues sur 12 mois
Indicateur objectif de dépréciation
(avec perte avérée)
Pertes de crédit attendues sur la durée de vie totale
TIE appliqué au montant brut de l’actif
TIE appliqué au coût amorti de l’actif
1.
2.
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Finance & gestion février 2016
L’analyse de ces nouvelles dispositions et de la façon de les
appliquer au mieux dans les
circonstances particulières
d’une entreprise pourra nécessiter un travail important.
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Une comptabilité
de couverture ouverte
à un éventail plus large de
stratégies de couverture
• Composantes de risque
d’éléments non financiers.
Actuellement, la norme IAS 39
ne permet pas d’appliquer la
comptabilité de couverture sur
une composante d’un actif non
financier, même quand celle-ci
est une indexation ou une partie d’une formule définie. La
totalité du prix doit faire l’objet
de la couverture. Seul le risque
de change peut être couvert
indépendamment.
Avec IFRS 9, les composantes
de risque des éléments non financiers, identifiables séparément et mesurables de façon
fiable, peuvent maintenant être
désignées comme éléments
couverts. Il sera par exemple
désormais possible de couvrir
le risque d’une composante
identifiée d’un alliage de métaux dès lors que celle-ci est
identifiable séparément et mesurable de façon fiable.
• Couvertures d’expositions
agrégées. La norme IAS 39 ne
permet pas de couvrir un dérivé
par un autre dérivé. Ainsi, par
exemple, un cap de taux qui
qui vient couvrir le taux variable d’un swap adossé à un
emprunt taux fixe n’est pas
qualifiable d’instrument de
couverture selon la norme
IAS 39.
Avec IFRS 9, une exposition
agrégée (combinaison d’un
dérivé et d’une exposition non
dérivée) qui est gérée comme
une exposition unique pourra
être désignée comme un élément couvert.
Si les composantes de l’exposition agrégée avaient déjà été
désignées dans une relation de
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couver ture, (comme par
exemple un swap variabilisant
un emprunt à taux fixe qualifié
de couverture de juste valeur),
l’entreprise comptabilisera la
seconde relation de couverture
(par exemple un autre swap
refixant le taux de la position
agrégée) sans avoir à déqualifier et requalifier la relation de
couverture initiale.
• Couverture par strate
(« layer components »). Audelà de permettre une couverture d’un pourcentage du nominal de l’élément couvert, ce
qui est déjà permis par la
norme IAS 39, la norme IFRS 9
permet de couvrir une composante d’une strate de la valeur
nominale, c’est-à-dire une partie spécifiée du montant de cet
élément. IFRS 9 permet maint e n a n t d e d é s i g n e r, p a r
exemple, comme élément couvert le montant correspondant
de 20 millions des dernières
obligations restantes (notion de
« fonds de cuve ») d’un emprunt
obligataire à taux fixe de
100 millions.
• Actions à la juste valeur
par« Autres éléments du résultat global » ( Other Comprehensive Income » (OCI).
Selon IFRS 9, une entreprise
peut, lors de la comptabilisation initiale, choisir, de façon
irrévocable, de présenter en
OCI les variations ultérieures
de juste valeur des actions.
Avec le nouveau texte, elle
pourra couvrir l’exposition au
risque de change ou au risque
de variation de prix des actions
évaluées à la juste valeur par
OCI et comptabiliser l’intégralité de l’inefficacité de la couverture en OCI sans recyclage
en résultat.
• Pas d’arrêt volontaire
d’une relation de couverture
mais un « rééquilibrage »
requis le cas échéant. Une
entreprise ne sera pas autorisée à rompre volontairement
une relation de couverture si
celle-ci respecte toujours l’objectif de gestion des risques
défini ainsi que tous les autres
critères d’éligibilité. Une entreprise pourra être amenée à
« rééquilibrer » une relation de
couverture qui ne se comporterait pas de la manière prévue,
en ajustant les quantités de
l’élément couvert ou de l’instrument de couverture afin de
maintenir un ratio de couverture qui respecte les exigences
d’efficacité.
Des principes comptables
assouplis visant à diminuer
la volatilité du résultat
• Nouveau concept de « coût
de la couverture ». Dans le
nouveau texte, une entreprise
pourra exclure de la relation
de couverture la valeur temps
d’une option achetée, la composante « forward » (report /
déport) des contrats à terme et
les marges entre devises
( « fo re i g n c u r re n cy b a s i s
spreads ») et les assimiler à un
« coût » lié à la couverture.
Les variations de juste valeur
liées à la valeur temps considérées comme inefficaces des
options utilisées comme instruments de couverture seront
comptabilisées obligatoirement
en autres éléments du résultat
global (OCI) dans les capitaux
propres, alors qu’IAS 39 imposait leur comptabilisation en
résultat. Ces montants inscrits
en OCI seront recyclés en résultat soit comme un coût de la
transaction couverte dans l’élément couvert ou soit amorti
sur la durée de vie de la couverture.
Ce traitement pourra aussi
être étendu, sur option, à la
composante « forward » des
contrats à terme et aux « basis
spreads» de devises des instruments de couverture.
• Pas d’arrêt volontaire
d’une relation de couverture
mais un « rééquilibrage »
requis le cas échéant. Une
entreprise ne sera pas autorisée à rompre volontairement
une relation de couverture si
celle-ci respecte toujours l’objectif de gestion des risques
défini ainsi que tous les autres
critères d’éligibilité. Ainsi, l’entreprise pourra être amenée à
« rééquilibrer » une relation de
couverture qui ne se comporterait pas de la manière prévue,
en ajustant les quantités de
l’élément couvert ou de l’instrument de couverture afin de
maintenir un ratio de couverture qui respecte les exigences
d’efficacité. l
IFRS 9 élargit le nombre
de stratégies de couverture
éligibles à la comptabilité
de couverture
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