SEPTEMBrE 2013

publicité
EXCELLENCE
I N N O VAT I O N
VA L O R I S AT I O N
Septembre 2013
CRCHUM — Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal
La sclérose en plaques :
de la détresse à l’espoir
Par Laurent Salez
Plus de cent ans après sa première description par le médecin
français Charcot, la sclérose en plaques compte encore parmi les
pathologies dont les mécanismes
intimes restent les plus obscurs.
Photo : Jorge Ivan Alvarez et Simone Terouz
Selon la Société canadienne de la sclérose en plaques, environ
trois nouveaux cas par jour sont déclarés au Canada, rejoignant
les quelque 100 000 patients déjà répertoriés. La maladie est
généralement diagnostiquée entre 15 et 40 ans, elle touche
trois femmes pour un homme, évolue vers un handicap sévère
dans 85 % des cas et ne connaît actuellement aucun traitement
curatif.
Les origines de la maladie sont peu connues. On sait cependant qu’elle n’est pas contagieuse. Les chercheurs s’entendent
pour dire que les causes reposent non seulement sur des composantes génétiques, mais également sur des facteurs environnementaux. Les cliniciens ont maintenant à disposition des
outils puissants pour diagnostiquer la maladie; après entrevue
et examens fonctionnels, la résonance magnétique nucléaire,
voire la ponction lombaire représentent des moyens fiables pour
poser le verdict.
Infiltration de globules blancs
Perte de myéline
Envoi de poste-publication, numéro de convention : 40051592
Lésion typique de sclérose en plaques
Un échantillon de cerveau post-mortem d’un patient atteint de la sclérose
en plaque a été coloré au luxol-fast blue et à l’hématoxyline-éosine. La myéline
est normalement colorée en bleu; on peut donc observer les régions du cerveau
où la myéline a été détruite (perte de coloration bleue, régions apparaissant en
rose). De plus, la présence de globules blancs au sein du cerveau est détectée
par la coloration de leur noyau en violet.
Bien qu’il soit impossible de prévoir l’évolution de la pathologie, on en décrit habituellement deux grands types selon la
fréquence et la réversibilité des symptômes : dans 85 % des
cas, la forme est appelée « poussées- rémissions », caractérisée
par l’apparition de crises majeures suivies de périodes de répits.
Quelques médicaments ont déjà été développés pour calmer et
dossier spécial
Sclérose en plaques
dossier spécial
Sclérose en plaques
Photo : Jorge Ivan Alvarez et Simone Terouz
Lésion typique de sclérose en plaques
réduire les poussées, sans pour autant prévenir l’apparition
de nouvelles crises. Dans 15 % des cas, l’évolution est bien
différente : on parle alors de diverses formes progressives,
pour lesquelles il n’existe actuellement aucun traitement pour
freiner la constante et irréversible évolution des symptômes.
Si on ne connaît pas les causes de la maladie, on sait par
contre comment elle se manifeste. Les nombreuses recherches ont permis de prouver qu’elle est la conséquence de
la dégradation de fibres nerveuses dans le système nerveux
central. On pointe comme premier responsable le système immunitaire, chargé initialement de défendre l’organisme contre
les infections et les cancers. Les cellules de l’immunité parfois se trompent de cible et dégradent la myéline, ce puissant
isolant naturel qui tapisse l’extérieur des cellules nerveuses et
permet une conduction efficace de l’influx nerveux. Lorsque la
myéline fait défaut, une série de manifestations pathologiques
se révèlent : douleurs, raideurs, fatigue, troubles de l’équilibre,
de la mobilité et de la mémoire, anxiété, dépression, infections, etc.
Les chercheurs
s’entendent pour
dire que les causes
reposent non
seulement sur
des composantes
génétiques, mais
également sur
des facteurs
environnementaux.
Chefs de file au Canada et à l’échelle mondiale, le CHUM et son
Centre de recherche hébergent une équipe interdisciplinaire hautement qualifiée et expérimentée. Une équipe de chercheurs reconnue comme une des meilleures dans le monde travaille en étroite
collaboration avec un service médical qui fait aujourd’hui référence.
Ensemble, ils dévouent leur temps et leurs compétences et en font
leur combat auprès de milliers de patients déjà engagés. C’est la
convergence des observations et les échanges constants entre professionnels et patients qui assurent à chacun des acteurs impliqués
de s’alimenter mutuellement et ainsi de garantir des soins toujours plus efficaces et de développer une recherche toujours plus
à l’avant-garde.
Les pages qui suivent présenteront la sclérose en plaques
de plusieurs perspectives différentes mais complémentaires :
celles d’une patiente, d’une infirmière, des cliniciens et des chercheurs.
2
r eche r che c r chum
septemb r e 2 0 1 3
dossier spécial
Sclérose en plaques
Chantal Girard :
« L’important, ce n’est pas ce qui
arrive, c’est ce que tu fais avec ! »
Chantal Girard était éducatrice spécialisée à
l’Hôpital Rivière-des-Prairies auprès de patients atteints
de graves troubles mentaux. Elle aimait son travail et le
faisait avec enthousiasme et conviction.
On peut facilement imaginer qu’elle était appréciée et reconnue, tant sa foi et son amour de vivre transparaissent dès le
premier contact.
En 1996, l’apparition de symptômes inquiétants la force à
consulter. Alors que les médecins hésitent encore avec un
syndrome amyotrophique, le diagnostic tombe comme un
couperet en 2003 : Chantal devra vivre avec la sclérose en
plaques, qu’elle refusera toujours ensuite de voir comme une
fatalité mais plutôt comme une raison de se battre et de comprendre le message que la vie lui envoie.
Depuis, Chantal ne cesse de se tenir au courant de l’état des
recherches et des thérapies en développement. Elle place une
confiance sans limites envers ceux qui ont déjà déclaré la
guerre à cette maladie, qu’on connaît encore si mal et qu’on a
encore tant de mal à soigner.
Atteinte par la forme progressive primaire de la maladie, qui
ne connaît par ailleurs aucun traitement encore actuellement,
elle accepte de rejoindre l’équipe du CHUM en 2007 pour se
soumettre à une nouvelle thérapie. Elle gagne le surnom de
rat de laboratoire auprès de ses amis, qui la soutiennent et
l’encouragent à poursuivre son combat. Mais le traitement
ne fonctionne pas. Ses espoirs de guérison s’évanouissent un
moment, mais pas pour longtemps. Sa rage de vivre l’emporte
sur la morosité. Son sourire et sa vivacité, plus que jamais, la
guident vers de nouveaux espoirs.
La clinique de neurologie du CHUM la reçoit régulièrement.
Elle y obtient des soins particuliers et repart avec des conseils
qui l’aident à mieux gérer son quotidien. Même si son autonomie et sa force vitale sont intactes, un soutien psychologique
et une approche humaine de la part d’une équipe professionnelle et expérimentée lui apparaissent comme fondamentaux
pour garder la tête haute. Quand on lui demande quel regard
elle porte sur l’équipe du CHUM, elle explique que toute sa reconnaissance va à ceux qui cherchent, vers ceux qui soignent
et vers les généreux donateurs pour que de nouveaux traitements, enfin, rendent plus supportables des symptômes qui
sans cesse sont plus douloureux et difficiles à intégrer dans
une vie comblée et heureuse.
Chantal Girard
L’important, lui répétait son père aujourd’hui disparu, ce n’est pas
ce qui arrive, c’est ce que tu fais avec ! Chantal ne l’a pas oublié et en
a fait sa raison de vivre. Elle a décidé de s’impliquer dans le conseil
d’administration de la Sclérose en plaques St-Hyacinthe-Acton à
titre de secrétaire. Elle met à contribution toutes ses compétences,
notamment en participant à des levées de fonds et à des événements d’entraide.
J’ai rencontré Chantal quelques minutes après que son infirmière lui
propose une nouvelle molécule à l’essai. Son but : l’aider à retrouver
sa démarche de jeune fille ! Le rêve de Chantal qu’elle me confie
enfin : une fois ses économies rassemblées, elle rejoindra la France
et parcourra le chemin de Compostelle.
r eche r che c r chum
septemb r e 2 0 1 3
3
dossier spécial
Sclérose en plaques
L’empathie, la franchise
et la confiance
L’équipe médecin patient
« L’annonce d’un diagnostic de sclérose en plaques est un art »,
déclare le Dr Marc Girard, neurologue à la clinique ambulatoire de
neurologie du CHUM. Il s’agit là d’un moment crucial pendant lequel
une forte relation de confiance doit nécessairement s’installer entre
le patient et son médecin ; relation privilégiée qui, notons-le, durera
par ailleurs de nombreuses années.
À ce moment précis, le patient se pose de nombreuses questions : faudra-t-il cesser de travailler,
comment annoncer le diagnostic aux proches,
faut-il nécessairement envisager d’être privé un
jour de son autonomie, quels sont les traitements
disponibles ?... Autant de questions auxquelles le
médecin doit faire face et auxquelles il doit répondre avec autant de franchise, d’empathie que de
respect.
L’impossibilité de prédire comment la maladie
évoluera avec le temps place le médecin dans une
situation délicate et particulière qui implique de
prendre le temps pour écouter, informer et rassurer. La cohésion du message va de pair avec
celui du reste de l’équipe soignante qui prendra le
relais et accompagnera le patient tout au long de
son combat. C’est là encore un travail collaboratif
avec l’ensemble des acteurs impliqués qui assure
l’application d’un traitement adapté et la collecte exhaustive de données précieuses pour la recherche.
À l’époque où le Dr Girard a commencé à recevoir
des patients atteints de sclérose en plaques, il y
a une vingtaine d’années, son travail consistait essentiellement à diagnostiquer la maladie. L’absence
Dr Marc Girard
totale de traitement n’impliquait aucun suivi particulier et laissait le patient sans solutions médicales. Aujourd’hui, les choses ont quelque peu
L’impossibilité de prédire comment la
évolué. Avec le développement de l’imagerie par résonance
maladie évoluera avec le temps place le
magnétique et la découverte d’agents pharmacologiques généralement fiables, sa charge de travail a considérablement
médecin dans une situation délicate et
augmenté, notamment pour gérer les effets secondaires de
particulière qui implique de prendre le
certains médicaments ou proposer des traitements spécitemps pour écouter, informer et rassurer.
fiques destinés à soulager les symptômes.
Suite à la page 9
4
r eche r che c r chum
septemb r e 2 0 1 3
dossier spécial
Sclérose en plaques
Aider les patients à apprendre à
vivre avec la sclérose en plaques
Josée Poirier est infirmière clinicienne spécialisée dans
l’accompagnement et les soins de patients atteints par la
sclérose en plaques. Elle reçoit chaque semaine en clinique
au Centre ambulatoire de neurologie du CHUM. Fière et digne
combattante depuis presque 20 ans, Josée Poirier est le membre
incontournable d’une
équipe soignante qui base
son action sur la collaboration et l’association des
compétences.
Sa fonction nécessite une grande expérience dans le
suivi et le traitement de la maladie. Son métier est très
complexe car elle doit non seulement connaître parfaitement l’importante variabilité des symptômes et
des traitements, mais elle doit également être capable
de répondre aux nombreuses attentes des patients.
La sclérose en plaques a ceci de particulier qu’elle implique souvent des syndromes dépressifs; selon elle,
l’empathie et le don de soi font partie intégrante de
sa fonction, qu’elle estime avant tout être une vocation. Même si le lien de confiance avec un patient peut
mettre des mois à s’installer, il finit toujours par prendre sa place et rendre le combat plus efficace.
Josée Poirier
Même si le lien de confiance
avec un patient peut mettre des
mois à s’installer, il finit toujours
par prendre sa place et rendre le
combat plus efficace.
L’annonce du diagnostic implique de gérer avec diplomatie et humanité une grande incertitude et une forte
inquiétude de la part du patient. « Accompagner un patient atteint
de cette maladie, c’est l’aider à accepter de nombreux deuils »,
déclare-t-elle, consciente que l’on ne doit pas accepter la maladie
mais apprendre à vivre avec. Là est une de ses fonctions premières,
car à ses yeux il semble évident que l’état psychique du patient aide
considérablement au traitement des symptômes et qu’un travail
d’équipe avec le médecin assure une meilleure prise en charge. En
effet, le choix du traitement repose sur une décision du patient;
ses capacités à prendre du recul et à comprendre ses choix sont
donc primordiaux. Dans le système de santé actuel, Josée fait figure
d’exception. Étant donné que chaque patient évolue et réagit aux
traitements de façon différente, le fait d’être spécialisée lui permet
de mieux connaître la maladie et ainsi de répondre plus efficacement à la détresse et aux angoisses. L’anxiété, propre au patient
atteint de sclérose en plaques, est une composante importante que
l’on ne doit jamais perdre de vue.
Suite à la page 9
r eche r che c r chum
septemb r e 2 0 1 3
5
dossier spécial
Sclérose en plaques
La découverte et la validation
au CRCHUM et médecin
de traitements Chercheur
neurologue à la tête de la clinique de
Après ses études, qu’il a complétées aux États-Unis, il revient
à Montréal en 1975 dans la ferme intention de réunir autour de
lui certains des meilleurs chercheurs, infirmières et cliniciens
du monde de la neurologie. Quarante ans plus tard, c’est chose
faite. Son équipe jouit d’une renommée toujours grandissante
et les reconnaissances à son égard ne cessent de fleurir.
Outre les malades qu’il reçoit et dont il assure le suivi des
traitements, il agit surtout à titre de chercheur-clinicien. Sa
renommée lui a valu la reconnaissance et le financement de
grands organismes gouvernementaux ainsi que de l’industrie
pharmaceutique. Ces investissements lui ont permis de faire
avancer de façon notoire la qualité des soins mais également
de développer et de
valider la quasi-totalité
des thérapies unanimement reconnues pour
limiter l’apparition de
nouveaux symptômes
et réduire ceux déjà
existants. Ce n’est pas
Le Dr Duquette
souhaite mieux
décrire quelles
cellules du système
de défense de
l’organisme se
trompent de cible
et attaquent les
cellules nerveuses
plutôt que les
défendre et les
réparer.
D Pierre Duquette
r
moins de 75 protocoles de recherche auxquels il a participé au
cours des dernières décennies, protocoles qui pour plusieurs
ont abouti à la mise sur le marché de nouveaux médicaments.
Ainsi, au début des années 2000, le Dr Duquette a participé
à l’étude clinique nord-américaine qui a permis d’identifier
l’interféron bêta par injection comme un retardateur puissant
de l’apparition de nouvelles crises de la maladie. Toujours en
collaboration étroite avec les chercheurs, le personnel soignant et les patients, lesquels alimentent ses études et ses
6
r eche r che c r chum
septemb r e 2 0 1 3
la sclérose en plaques du CHUM, le
Dr Pierre Duquette dirige une équipe
de recherche et de soins aujourd’hui
reconnue à l’international comme un
centre de référence en neurologie.
analyses, il contribue actuellement à une quinzaine de protocoles
de recherche qui laissent présager la découverte de nouvelles
armes thérapeutiques.
Mais si le succès est là, le combat n’est pas terminé ! Conscient de
la valeur du travail déjà effectué, le Dr Duquette a plus que jamais
d’autres tours dans son sac et espère, avec son équipe, trouver le
remède plutôt que pallier simplement aux symptômes ou ralentir
l’évolution de la maladie. De nombreux projets, fort coûteux, sont
en cours et d’autres encore à l’étude. Il souhaite par exemple former
des cohortes de patients qu’il suivra régulièrement pour en établir
des profils pathologiques complets et offrir à long terme des traitements plus spécifiques à chacun d’entre eux. Pour ce faire, il croit
fermement au développement de l’imagerie médicale qui a par ailleurs déjà montré une grande utilité dans le diagnostic de la maladie. Il souhaite également mieux décrire quelles cellules du système
de défense de l’organisme se trompent de cible et attaquent les cellules nerveuses plutôt que les défendre et les réparer. Pour mener
à bien ses projets, les exigences sont nombreuses. Et les besoins
sont d’abord humains : recruter des chercheurs de talent, acquérir
du temps de la part de spécialistes radiologues, obtenir un accès
plus rapide et plus au facile aux machines exploratrices telles que
la résonance magnétique, trouver des programmeurs informaticiens pour développer des logiciels d’analyses... autant de moyens
qui nécessitent de trouver toujours plus de fonds et toujours plus
de compétences.
Si son activité tourne essentiellement autour de la recherche clinique, le Dr Duquette demeure néanmoins un homme de terrain.
Constamment en interaction avec les membres de l’équipe de
soins et de recherche, il constate avec inquiétude qu’il devient fort
difficile d’assurer le suivi de 2 600 patients avec une unique infirmière clinicienne à disposition. Il appréhende l’avenir du suivi de
ces patients et espère que d’autres financements pourront garantir
l’avenir de sa clinique en termes d’accueil des malades, de qualité
des soins et de suivi des dossiers. Les succès obtenus, selon lui,
n’auront de sens que si d’autres moyens sont mis en œuvre pour en
atteindre d’autres !
dossier spécial
Sclérose en plaques
Travail d’équipe et dialogue continu
pour une meilleure conscience
l’organisme devient la cible
de la maladie Lorsque
d’une attaque virale ou bactérienne,
Dans la plupart des cas, le processus inflammatoire laisse peu
de traces sur son passage et rétablit le bon fonctionnement de
l’organe concerné. Seulement voilà, le système nerveux est un
organe à part. Quand il est le siège d’un combat de ce type,
les lésions qui apparaissent peuvent devenir dramatiques et
altérer durablement la fonction normale des neurones.
Chercheure en neuro-immunologie au Centre de recherche
du CHUM depuis 2006, la Dre Nathalie Arbour représente
un des fleurons de la recherche internationale sur la sclérose
en plaques. Depuis ses premiers pas en biologie qu’elle commence lors de ses études postsecondaires, elle n’a cessé
de cultiver sa passion pour comprendre les mécanismes intimes de l’organisme qui lui permettent de se défendre contre
les attaques virales et le développement de pathologies qui
touchent au système nerveux central. Ses travaux portent
sur le dialogue très complexe qui s’établit entre le système
nerveux central et les cellules de défense, notamment lors
du développement de maladies neurologiques telles que la
sclérose en plaques.
Il n’est bien entendu pas question de remettre en cause l’utilité
du système immunitaire, mais en étudiant le cas de dizaines
de patients atteints par la sclérose en plaques, la Dre Arbour
a pu isoler une sous-population de globules blancs – appelés
lymphocytes CD4/NKG2C+ – qui s’avèrent être toxiques pour
la gaine qui entoure les neurones. Lorsque les globules blancs
sont appelés massivement à rejoindre les cellules nerveuses
pour les défendre, une partie d’entre eux semblent manifestement s’y opposer et détruire plutôt que protéger.
Cette étude a fait l’objet d’une récente publication qui donne
à la recherche mondiale sur le sujet une nouvelle cible pharmacologique à observer pour empêcher spécifiquement ces
cellules d’atteindre le système nerveux sans pour autant entraver le travail bénéfique des autres cellules de l’immunité. La
Dre Arbour a évidemment une longueur d’avance; ses travaux
en cours permettront, et c’est son objectif, de mettre hors
d’état cette sous-population de cellules CD4 au sein du système nerveux des patients atteints de la sclérose en plaques
et ainsi offrir un nouvel espoir à ceux pour lesquels les traitements actuels ne suffisent pas.
Lorsqu’on demande à Nathalie Arbour pourquoi le Centre de
recherche du CHUM lui est cher, la réponse n’est pas longue
à venir : « Il existe au sein du CHUM une équipe pluridisciplinaire qui fait intervenir tous les acteurs concernés et qui
permet au chercheur fondamentaliste de rester en contact
permanent avec la réalité que vivent les patients. » D’ailleurs,
l’organe touché est rapidement inondé
par une armée de cellules spécialisées,
les globules blancs, lesquels sont
chargés de combattre l’infection.
« Il existe au sein
du CHUM une
équipe pluridisciplinaire qui fait
intervenir tous les
acteurs concernés
et qui permet
au chercheur
fondamentaliste
de rester en contact
permanent avec
la réalité que vivent
les patients. »
Dre Nathalie Arbour
toujours consciente que les malades constituent une source de
courage et d’inspiration, elle est sensible à la reconnaissance dont
ils lui font part lors de conférences qu’elle donne pour leur expliquer
son travail, son implication et ses découvertes.
Les actions et les motivations de la Dre Nathalie Arbour contre
la maladie montrent que la recherche fondamentale n’est pas une
discipline nécessairement isolée et que les préoccupations des
chercheurs peuvent s’intégrer harmonieusement avec celles des
médecins et du personnel soignant. Pour le bien du patient et un
digne combat contre cette maladie dévastatrice.
r eche r che c r chum
septemb r e 2 0 1 3
7
dossier spécial
Sclérose en plaques
Bloquer l’entrée des cellules
destructrices : à la recherche de
nouvelles cibles thérapeutiques
Le Dr Alexandre Prat est responsable de l’axe Neurosciences au
CRCHUM. Il est également neurologue spécialisé en sclérose en
plaques à l’Hôpital Notre-Dame du CHUM. Ses travaux portent
essentiellement sur l’identification de
nouvelles cibles thérapeutiques qui
Les cellules de l’immunité se déplacent de leur endroit de
production jusqu’aux organes infectés en utilisant notamconduiront idéalement au traitement
ment le compartiment sanguin comme moyen de locomotion.
Lorsqu’une alerte est déclenchée, les cellules de l’immunité
de nombreuses maladies neurodégépeuvent franchir la paroi des vaisseaux sanguins et rejoindre
nératives, notamment la sclérose
un organe infecté pour combattre une invasion éventuelle. Le
système nerveux central est un organe particulièrement bien
en plaques.
isolé des cellules du sang grâce à l’existence d’une barrière
naturelle appelée barrière hémato-encéphalique. Ce rempart
naturel, constitué de cellules solidement accrochées les unes
aux autres assure une protection physique renforcée du système nerveux. En cas d’infection, les cellules immunitaires
doivent franchir cette barrière supplémentaire pour assurer
leur fonction naturelle de défense, mais certaines d’entre elles,
pour des raisons encore inconnues s’attaquent aux neurones
et dégradent la myéline qui les protège.
Le Dr Prat s’intéresse à tous les événements qui se produisent
lors de l’apparition d’une lésion cérébrale résultant de
l’infiltration de cellules immunitaires au travers de la barrière
hémato-encéphalique. Dans le passé, il a pu démontrer le rôle
protecteur de cette barrière et montrer pourquoi sa fragilité
pouvait être la cause de l’apparition de la sclérose en plaques.
Plus récemment, il a publié un article d’envergure qui montre que certaines cellules du système nerveux, les astrocytes,
fabriquent naturellement des molécules qui sont perçues par
les cellules qui recouvrent les vaisseaux sanguins comme un
protecteur naturel contre une invasion massive de cellules immunitaires. Grâce à ces données importantes, le Dr Prat espère bloquer spécifiquement l’entrée des cellules destructrices de la myéline dans le système nerveux central et stopper à
terme la cause même de la maladie. Ses recherches actuelles
constituent un espoir considérable pour les patients.
À la fois chercheur fondamentaliste et clinicien, le Dr Prat
continue d’investiguer de nouvelles pistes de recherche
dans le laboratoire qu’il dirige composé de sept étudiants
au Ph. D., huit chercheurs postdoctoraux et trois assistantes
de recherche; en outre, il a déposé deux brevets d’invention
sur des cibles thérapeutiques qu’il a lui-même découvertes.
L’industrie pharmaceutique finance actuellement les premiers
essais cliniques de ces cibles sur des sujets humains et espère
8
r eche r che c r chum
septemb r e 2 0 1 3
pouvoir proposer deux nouveaux traitements permettant
de réduire les poussées tout
en limitant considérablement
les effets secondaires communément attendus avec les
traitements conventionnels.
Ces projets d’envergure sont
financés par les Instituts de recherche en santé du Canada, le
Centre de recherche du CHUM
et la Société canadienne de la
sclérose en plaques. Les efforts constants et les investissements considérables de
chacun pourraient déboucher
sur des thérapies nouvelles
d’ici trois à cinq ans.
À l’instar de ses collègues
cliniciens et infirmiers de la clinique de la sclérose en plaques
du CHUM, le Dr Prat est fier
Dr Alexandre Prat
de collaborer avec une équipe dynamique et inspirante.
S’il passe le plus clair de son
temps au laboratoire, il tient à garder ce lien étroit avec les patients,
conscient que « si leurs besoins me fournissent une motivation à
poursuivre mes recherches, le fruit de mon travail – l’amélioration
des soins pour pallier à leur condition – constitue le plus bel héritage et la meilleure des récompenses. »
dossier spécial
Sclérose en plaques
L’équipe médecin patient
Suite de la page 4
Il existe à cet effet deux approches thérapeutiques complémentaires aujourd’hui disponibles :
La première, qui a fait ses preuves pour diminuer la fréquence
et l’intensité des poussées et a même permis dans certains cas
une rémission complète, consiste en l’injection d’interférons
ou d’acétate de glatiramère. Malheureusement, ce type de
traitement montre son efficacité contre la forme cyclique,
mais il n’existe actuellement aucun traitement contre la forme
progressive de la maladie (15 % des cas).
La seconde catégorie de médicaments à disposition concerne
toutes les molécules qui permettent de soulager uniquement les symptômes de la maladie : perte de la mobilité et
de l’équilibre, spasmes, douleurs, raideurs, engourdissements,
fatigue, troubles de la mémoire, anxiété, dépression, infections
urinaires... Il est par ailleurs intéressant de noter à ce propos
que la multiplication des traitements à disposition nécessite
d’instaurer une très importante cohésion et un dialogue fluide entre
les différentes spécialités médicales impliquées au vu des énormes
dommages collatéraux impliqués dans la sclérose en plaques.
Le développement de ce dialogue constitue une force qui a été
développée avec fierté et succès au CHUM ces dernières années.
Le Dr Girard a grandi au milieu d’une famille directement touchée
par la maladie. Biologiste en herbe, il nourrit très jeune l’espoir
d’aider et de soulager ceux qui voient leur vie bouleversée par une
telle épreuve. « J’ai voué ma carrière à aider les patients atteints
de sclérose en plaques avec l’espoir intime de voir la maladie enfin
traitée avant la fin de ma carrière », dit-il. Que ce vœu rejoigne ceux
de nombreux patients qui lui font confiance et travaille en équipe
avec lui pour qu’il se réalise !
Aider les patients à apprendre à vivre
avec la sclérose en plaques
Suite de la page 5
Soucieuse et informée des progrès constants de la recherche,
Josée Poirier conseille et réfère éventuellement les patients
qui acceptent de participer à de nouveaux protocoles de recherche auprès de l’infirmière de recherche. Tout au long du
traitement, elle peut ensuite fournir un suivi de l’évolution des
symptômes et assurer un retour vers ses collègues cliniciens
et fondamentalistes sur l’efficacité de la médication à l’essai.
Ainsi, sa position lui confère un rôle clé pour articuler correctement des rapports étroits entre chercheurs, cliniciens et
patients.
Par ailleurs, en 2004, Berlex Canada (Bayer) décerne à Josée
Poirier le prix du mérite infirmier en sclérose en plaques du Canada.
En 2005, le prix international d’excellence et de reconnaissance
June Halper dans le domaine infirmier en sclérose en plaques en
Amérique du Nord lui est remis par l’organisation internationale des
infirmières en sclérose en plaques (IOMSN). Ces reconnaissances
témoignent de façon éloquente de son leadership, sa créativité et
surtout son engagement continuel envers les patients atteints de la
sclérose en plaques.
Avec le temps, Josée Poirier est devenue une référence auprès
des personnes atteintes mais également pour divers professionnels de la santé comme les CLSC et la Société canadienne
de la sclérose en plaques, qui lui demandent continuellement
des références et des informations sur les nombreux patients
qu’elle traite et suit chaque jour.
r eche r che c r chum
septemb r e 2 0 1 3
9
Cancer du sein triple négatif : la voie de l’immunothérapie
On sait aujourd’hui que l’organisme est naturellement capable de se défendre contre certains
cancers. Mais lorsque les facteurs environnementaux ou génétiques par exemple sont défavorables,
les cellules cancéreuses trouvent les failles et détournent les protections naturelles de l’organisme
pour se développer. Depuis plusieurs décennies, la chimiothérapie et la radiothérapie constituent
un moyen thérapeutique efficace mais impliquent les effets secondaires dévastateurs qu’on leur
connaît, leur action ne se limitant pas à la tumeur mais également aux tissus environnants.
Par Laurent Salez
En 1999, John Stagg entame ses travaux de
doctorat à l’Université McGill, où il développe rapidement une passion pour la thérapie
contre le cancer. Il ne le sait pas alors, mais il
va participer à l’essor fulgurant et non moins
prometteur de l’immunothérapie anticancéreuse. Cette branche de la biologie consiste à
stimuler spécifiquement les défenses naturelles
de l’organisme pour combattre le développement des cellules cancéreuses et des tumeurs,
tout en limitant les effets secondaires attribués
à la chimiothérapie habituelle.
Des centaines de chercheurs en immunothérapie de par le monde s’emploient donc à détecter
des cibles naturelles du système immunitaire
et ainsi développer des molécules synthétiques
pour le stimuler. Aujourd’hui, seule une petite
dizaine de cibles ont été mises en évidence.
John Stagg est l’un des pionniers en la matière
et apparaît clairement décidé à poursuivre dans
cette voie.
C’est à Melbourne, alors qu’il il poursuit ses recherches postdoctorales, qu’il propose pour la
première fois un traitement du cancer du sein
en associant chimiothérapie conventionnelle et
immunothérapie, notamment par la mise en évidence du rôle de la molécule CD73, un constituant naturel des cellules immunitaires impliqué
dans la défense anticancéreuse.
Alors que Melbourne le retient au terme de son
stage, avec le généreux support de l’Institut du
cancer de Montréal, il est rappelé à Montréal
pour monter son laboratoire et poursuivre ses
travaux au Centre de recherche du CHUM. Il
valide la molécule CD73 comme cible immunothérapeutique potentielle et montre que son
mode d’action semble favoriser dans certains
cas le développement tumoral !
Dans le traitement du cancer du sein, il n’existe
actuellement aucun traitement spécifique.
Depuis plus de 20 ans, les anthracyclines et les
traitements hormonaux constituent de bons
outils chimiothérapeutiques, lesquels donnent
habituellement d’assez bons résultats en termes
de rémission. John Stagg s’intéresse particulièrement à une sous-population de patientes
(environ 10-15 % d’entre elles) qui présentent
10
r eche r che c r chum
septemb r e 2 0 1 3
Des centaines de
chercheurs en
immunothérapie
de par le monde
s’emploient à
détecter des
cibles naturelles
du système
immunitaire et
ainsi développer
des molécules
synthétiques pour
le stimuler.
une particularité génétique
empêchant les traitements
hormonaux. On parle alors
de cancer triple négatif et
le pronostic est souvent
dramatique. La médecine
se tourne notamment vers
les anthracyclines comme
un des moyens de dernier
recours.
John Stagg a étudié le cas
Dr John Stagg
de 6 000 femmes atteintes
de cancer du sein triple
négatif. Il montre que les patientes qui possèdent une forte activité naturelle de leur CD73
(initialement décrit comme favorisant le développement de tumeurs) sont également celles
pour lesquelles les anthracyclines sont moins
efficaces. En d’autres termes, John Stagg met en
évidence que la molécule CD73, si elle est trop
fortement exprimée dans l’organisme, limite
l’action d’un des seuls médicaments disponibles.
Dans son dernier article paru dans la très prestigieuse revue Proceedings of the National Academy
of Sciences des États-Unis, il présente donc le
constituant cellulaire CD73 comme une cible de
choix dont il faudrait limiter l’action pour rendre
efficace le traitement aux anthracyclines.
Naturellement, John Stagg est déjà en discussion avec l’industrie pharmaceutique pour
développer des agents pharmacologiques capables de moduler l’action de CD73.
Tout en poursuivant ses recherches sur son
mode d’action, il pense nécessaire de débloquer des fonds supplémentaires pour tester une
banque de molécules déjà approuvées par la
Food and Drug Administration des États-Unis. Ces
molécules candidates pourraient montrer une
efficacité et offrir enfin à chacune des patientes
atteintes de cancer triple négatif la promesse
d’un traitement et d’une rémission.
Freiner la mort cellulaire
pour améliorer des traitements contre le cancer
Certains types de traitements anticancéreux visent à inhiber la progression de certains cancers
en induisant la mort des cellules. Or « la mort de certaines cellules peut favoriser la survie d’autres
cellules… Mais pas nécessairement les bonnes » explique le Dr Jean-François Cailhier.
Par Olivier Dilain
Son équipe souhaite améliorer l’efficacité
des traitements anticancéreux en améliorant notre compréhension du lien entre
l’apoptose (la mort cellulaire programmée) et la capacité de notre système immunitaire de lutter contre le cancer. Plus
précisément, elle s’intéresse au MFG-E8
(Milk Fat Globule-EGF factor 8), une
molécule relâchée par les cellules mourant par apoptose. La présence de MFGE8 pourrait affecter l’efficacité des traitements de certains types de cancer en
provoquant une réaction inflammatoire
et en réduisant la réponse immunitaire
anti-tumeur.
Toutes les
cellules ont
potentiellement
la capacité de
s’autodétruire et
c’est un phénomène
courant et naturel
qui permet
d’assurer notre
survie.
L’apoptose dans les traitements
anticancéreux
Certains traitements anticancéreux favorisent
justement l’apoptose. Ce processus physiologique consiste en un suicide cellulaire en
réponse à un signal. Toutes les cellules ont
potentiellement la capacité de s’autodétruire
et c’est un phénomène courant et naturel qui
permet d’assurer notre survie. Par exemple, chez
le fœtus, c’est l’apoptose qui permet de créer
des espaces entre les doigts afin de les individualiser.
Ainsi, certains traitements apoptotiques (comme certains types d’hormonothérapie ou de
chimiothérapie), favorisent le recrutement des
macrophages, des cellules immunitaires chargées de se débarrasser des cellules mortes. En
s’activant, les macrophages libèrent une quantité de MFG-E8, dont le rôle est de se coller
aux cellules mortes par apoptose pour aider
le macrophage à bien jouer son rôle pour « ingérer » les cellules mortes. Suite à ce nettoyage
de cellules, le macrophage devient immunosuppresseur, c’est-à-dire qu’il inhibe la réponse
immunitaire et réduit ainsi sa capacité de lutter
contre les tumeurs.
Les résultats de recherche du laboratoire du
Dr Cailhier montrent que les cellules apoptotiques peuvent également libérer une certaine
quantité de MFG-E8, facilitant ainsi le travail des
macrophages et par la même occasion freinant
le combat du système immunitaire contre le
cancer. Cette hypothèse, testée en laboratoire,
reste à confirmer auprès de patients.
Dr Jean-François Cailhier
Cependant, d’autres cancers, que l’on dit proinflammatoire, comme le cancer de la prostate
ou encore le cancer du côlon, se nourrissent
de l’inflammation pour se développer. Dans ce
cas précis, les traitements anticancers favorisant l’apoptose pourraient être plus efficaces
puisqu’ils viendraient réduire l’inflammation.
De la recherche aux patients,
des patients à la recherche
Le Dr Cailhier souhaite adopter une approche
translationnelle qui favorise un aller-retour entre
la recherche et les patients afin de confirmer ses
hypothèses.
D’une part, il y a les patients atteints d’un
cancer de la prostate, qui ne répondent plus à
l’hormonothérapie, et qui sont traités par une
chimiothérapie favorisant l’apoptose : « Dès les
premières semaines, on cherchera à identifier
des marqueurs d’apoptose cellulaire, comme
le MFG-E8, afin de nous aider à distinguer les
patients qui vont répondre des patients qui
ne vont pas bien répondre, le but étant
d’éviter d’exposer inutilement des patients à
ce fort traitement qu’est la chimiothérapie »,
explique-t-il. Si cette hypothèse est confirmée,
on pourrait savoir, avec une prise de sang précoce chez les patients atteints de cancers proinflammatoires, si un traitement anticancéreux
entraînant la mort cellulaire par apoptose
favorisera la guérison à long terme.
Dans le cas de cancers qui ne sont pas proinflammatoires, on opterait alors pour d’autres
types de traitements qui n’induisent pas de mort
cellulaire par apoptose, comme l’autophagie,
ou l’autodégradation cellulaire, qui induit une
réponse du système immunitaire permettant
une réponse anticancéreuse plus forte et plus
efficace.
Dans un cas comme l’autre, c’est le patient
qui gagne.
r eche r che c r chum
septemb r e 2 0 1 3
11
Augmenter l’espérance de vie des patients schizophrènes
Chez les patients schizophrènes, l’espérance de vie est entre neuf et treize ans inférieurs à la population en
général. Les principales causes de mortalité sont le diabète, l’hypercholestérolémie et les risques cardiovasculaires qui y sont reliés. Des recherches en biologie ont démontré que le risque de diabète est multiplié par six
chez les patients schizophrènes par rapport à la population en général. On a surtout observé, chez ces mêmes
patients, des augmentations d’appétit. La sédentarité, la pauvreté et de mauvaises habitudes alimentaires sont
des causes de ces maladies, mais y a-t-il au niveau cognitif des paramètres, comme un mauvais contrôle de la
modulation de l’appétit, qui joueraient également un rôle ?
Par Olivier Dilain
L’équipe du laboratoire du Dr Emmanuel Stip
se penche sur la question en expliquant pourquoi les causes de mortalité liées au syndrome
métabolique sont plus importantes dans cette
population.
Il y a certainement une modification des réseaux
neuronaux impliqués dans les stimuli de l’appétit
qui contribue à la difficulté de la gestion de la
modulation diététique.
Des troubles métaboliques plus
fréquents chez les schizophrènes
Avec une étude sur 14 000 personnes, le
Dr Stip et son équipe ont évalué le rôle des antipsychotiques chez des patients atteints de
schizophrénie et des patients atteints de maladies affectives (dépression ou maladie bipolaire). Avec le même médicament, les patients
atteints de schizophrénie ont plus de troubles
métaboliques que les patients atteints de maladies affectives.
Ensuite, l’équipe s’est plus particulièrement penchée sur le processus cognitif de la schizophrénie par l’observation de l’activité cérébrale
lorsque les patients sont exposés à des images
appétissantes. L’étude consiste à projeter à des
patients schizophréniques et à un groupe contrôle (non malades) – qui ont reçu un même
traitement antipsychotique standard – des
séries d’images appétissantes et neutres.
Il y a des différences d’activation dans les zones
du cerveau entre les deux groupes : les uns sont
activés pendant que les autres ne le sont pas, ou
les deux sont activés mais pas dans les mêmes
régions du cerveau. Une chose est sûre : il y a
des modifications dans le contrôle de l’appétit
qui ne sont pas les mêmes que pour la population en général.
Cette étude démontre également que les activations cérébrales augmentent au fur et à
mesure de la séance d’exposition à des images
appétissantes alors que ce n’est pas le cas pour
le groupe contrôle, où les activations se font de
manière quasiment identique, que ce soit un
stimulus neutre ou appétissant. « C’est comme
s’il y avait un problème d’inhibition des activations par rapport à des stimuli appétissants »,
constate le chercheur.
Des réseaux neuronaux impliqués
dans le contrôle de l’appétit
Dans une autre étude, l’équipe du Dr Stip a administré de l’olanzapine, un antipsychotique
efficace, connu pour augmenter l’appétit, pour
confirmer ses hypothèses.
12
r eche r che c r chum
septemb r e 2 0 1 3
Cette expérience de 16 semaines
a confirmé que même lorsque l’on
donne cet antipsychotique, il y a davantage d’activations en présence
de stimuli appétissants, en plus des
activations cérébrales dues au médicament.
Une des hypothèses serait que
parmi les facteurs qui entraînent
des troubles métaboliques, il y a
certainement une modification des
réseaux neuronaux impliqués dans
les stimuli de l’appétit qui contribue
à la difficulté de la gestion de la
modulation diététique.
Vers de nouvelles
possibilités
Dr Emmanuel Stip
« On cherche surtout à augmenter l’espérance
de vie, insiste le Dr Stip, par la diminution du
diabète, du syndrome d’hypertriglycéridémie,
d’hypercholestérolémie et des risques cardiovasculaires ». Une des pistes étudiée de façon
préliminaire démontre que lorsque des activités
sportives sont proposées à ces patients, certaines composantes des troubles métaboliques
peuvent être améliorées, comme c’est le cas
pour la population en général.
e x c e ll e n c e
Dans tous les cas, ces recherches démontrent la limite des médicaments et permettent,
lorsque l’on échange avec les compagnies pharmaceutiques, de voir s’il y a des médicaments
antipsychotiques qui favoriseraient la bonne
modulation des activations par rapport aux
stimuli appétissants. « C’est le genre de recherche qui pourrait faire aboutir en pharmacologie
à des médicaments mieux adaptés. » résume le
Dr Stip.
i n n o vat i o n
v alor i sa t i o n
Recherche CRCHUM est publié trois fois par année par le
CRCHUM — Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal.
Réalisation graphique : Production multimédia du CHUM
Rédacteur en chef : Richard Ashby
Photographies : Production multimédia du CHUM, Jorge Ivan Alvarez et Simone Terouz.
Rédaction : Francine Cartier, Mireille Chalifour, Olivier Dilain et Laurent Salez.
Abonnement gratuit (copie papier et/ou PDF) : [email protected]
Correspondance Recherche CRCHUM, Bureau d’aide à la recherche, Centre hospitalier de l’Université de Montréal
Hôtel-Dieu, Pavillon Masson, 8-113, 3850, rue Saint-Urbain, Montréal (Québec) Canada H2W 1T7
Dépôt légal 2009
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
Reproduction autorisée avec mention obligatoire de la source.
www.crchum.com
ISSN 1918-5936
Téléchargement