Cours Poncet – Philosophie – M. Cieniewicz L'utilitarisme classique 5 10 15 La croyance qui accepte comme fondement de la morale l’utilité ou le principe du plus grand bonheur soutient que les actions bonnes le sont en proportion de leur tendance à favoriser le bonheur et que les mauvaises le sont en tant qu’elles tendent à produire le contraire du bonheur. Par bonheur, il faut entendre le plaisir et l’absence de souffrance et par malheur il faut entendre la souffrance et l’absence de plaisir. Pour donner une vision claire du critère moral établi par la théorie, il faudrait en dire davantage, en particulier dire quelles choses sont comprises dans les idées de plaisir et de souffrance et dans quelle mesure la question demeure ouverte. Mais ces explications supplémentaires n’affectent pas la conception de la vie sur laquelle cette théorie morale se fonde, à savoir que le fait d’éprouver du plaisir et d’être affranchi de la souffrance est la seule chose désirable comme fin, et que toutes les choses désirables (qui sont aussi nombreuses dans l’utilitarisme que dans tout autre système) le sont soit par le plaisir qui leur est inhérent, soit comme moyens pour favoriser le plaisir et empêcher la souffrance. John Stuart MILL, L'utilitarisme, 1871. L'utilitarisme contemporain 20 25 30 35 40 La capacité à souffrir – ou plus précisément, à souffrir et/ou à éprouver le plaisir ou le bonheur – n'est pas simplement une caractéristique comme une autre comme la capacité à parler ou à comprendre les mathématiques supérieures. [...] Quand [Bentham] dit que nous devons considérer les intérêts de tous les êtres capables de souffrir ou d'éprouver du plaisir, il n'exclut de façon arbitraire du bénéfice de la considération aucun intérêt du tout – contrairement à ceux qui tracent la ligne en fonction de la possession de la raison ou du langage. La capacité à souffrir et à éprouver du plaisir est une condition nécessaire sans laquelle un être n'a pas d'intérêts du tout [...]. Une pierre n'a pas d'intérêts parce qu'elle ne peut pas souffrir. Rien de ce que nous pouvons lui faire ne peut avoir de conséquence pour son bien-être. La capacité à souffrir et à éprouver du plaisir, est, par contre, une condition non seulement nécessaire, mais aussi suffisante, pour dire qu'un être a des intérêts – il aura, au strict minimum, un intérêt à ne pas souffrir. [...] Si un être souffre, refuser de prendre cette souffrance en considération n'est pas justifié moralement. Peu importe la nature de cet être, le principe d'égalité exige qu'on prenne en considération sa souffrance comme celle de n'importe quel autre être pour autant qu'une telle comparaison soit admise. Si un être n'est pas susceptible de ressentir de la douleur ou de faire l'expérience du plaisir et du bonheur, il n'a rien en lui qui doive être pris en considération. C'est pourquoi notre intérêt pour autrui ne peut avoir d'autre limite défendable que celle de la sensibilité – pour utiliser un terme pratique [...] qui exprime à lui seul la capacité de souffrir et de ressentir du plaisir ou de la joie. Choisir des critères, tels que l'intelligence et la raison, pour rendre cette limite manifeste serait arbitraire. Pourquoi sinon ne pas choisir d'autres critères comme la couleur de peau ? Peter SINGER, La libération animale, 1975.