Redefining Health Care Creating Value-Based

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ACTUALITÉ DES LIVRES
Redefining Health Care Creating Value-Based
Competition on Results
Michael E. Porter et Elizabeth Olmsted Teisberg
Boston, Harvard Business School Press, 2006, 506 pages, 35 dollars
Dans cet ouvrage, Michael Porter et son coauteur Elizabeth Teisberg, expliquent comment les mécanismes de marché peuvent
encore sauver le système de santé américain. Ils préconisent de transposer judicieusement les principes concurrentiels mis en
évidence par Porter pour le management
stratégique des entreprises, au domaine de
la santé : redéfinir le rôle de chacun des
acteurs du marché (les forces de la concurrence) et laisser le jeu concurrentiel organiser les activités du secteur en fonction de la
chaîne de valeur créée pour le patient. Le
ton est volontiers incantatoire et l’ouvrage
tient souvent plus du manifeste que de la
démonstration scientifique nuancée. On
pourrait croire que les auteurs veulent avant
tout nous convaincre que, contrairement
aux apparences, la régulation par le marché
n’a pas trouvé ses limites dans le secteur de
la santé… Il faut dire que même le très libéral « Governator » de Californie, Arnold
Swcharzenegger, envisage d’adopter un
programme de santé universel dans son
État en créant un nouvel impôt, tant la crise
sanitaire est explosive1. Force est de reconnaître, cependant, que l’analyse sans
concession de la situation dans laquelle se
trouve le système de santé américain, ne
manque pas de pertinence et que les préconisations des auteurs offrent des pistes réellement novatrices pour l’action.
Dans le premier chapitre, les auteurs dressent un tableau de la situation aux ÉtatsUnis et dans la plupart des pays développés : une hausse irrépressible des dépenses
de santé, une qualité des soins de plus en
plus contestée et une couverture sociale qui
1. Laetitia Maihes « Quand les États-Unis réinventent la Sécurité sociale », Les Échos, 25 janvier 2007.
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Revue française de gestion – N° 177/2007
se réduit d’une façon intolérable. Le second
chapitre analyse les causes de cette situation, la concurrence existe certes, mais elle
opère au mauvais niveau. C’est l’occasion
pour les auteurs de pourfendre les erreurs
du système, et rien, ni personne n’est épargné. La mauvaise conception de la santé, le
mauvais objectif dans la mauvaise dimension spatiotemporelle, la mauvaise structure
de l’offre de soins, le mauvais découpage
des activités du secteur, la mauvaise information, les mauvaises motivations des
patients, les mauvaises incitations des compagnies d’assurances, des prestataires de
services, et l’attitude inadaptée des
employeurs. Le chapitre 3 explique comment on en est arrivé là. Toutes les réformes
du système de santé américain des dernières
décennies sont examinées et renvoyées dos
à dos. La capitation, l’intégration verticale,
la coopération concertée médecins-hôpital,
la pratique libérale en cabinet multispécialités, ou les épiphénomènes des réseaux de
soins coordonnés, font une soupe trop
chaude. Le paiement à l’acte, la pratique
individualisée, les relations privilégiées
entre secteur libéral et secteur hospitalier,
les assurances défiscalisées qui encouragent
la consommation, ainsi que les autres caractéristiques des entreprises familiales, font
une soupe trop froide. Les auteurs sont
convaincus que seule leur solution sauvera
le système, mais comme le dit Voltaire à
travers le personnage de Bélisaire, « la
vérité luit de sa propre lumière et on
n’éclaire pas les esprits avec les flammes
des bûchers »2. La question qui est implicitement posée, mais non abordée, est en
2. Voltaire, L’Ingénu, 1767.
fait la suivante : pourquoi un tel acharnement à persister dans l’erreur ?
La concurrence basée sur la valeur créée
pour le patient, voilà la panacée. Dans le
chapitre 4, les auteurs en énoncent les
grands principes, en illustrant leur propos à
l’aide de quelques cas exemplaires du système de santé américain, l’oncologie pédiatrique, la dialyse rénale, les soins intensifs,
la chirurgie cardiaque, les transplantations
d’organes… Ils amènent à réorganiser les
stratégies des prestataires de services de
santé en fonction des besoins mis en évidence par ce que les auteurs appellent les
conditions médicales spécifiques, à savoir le
couple pathologie/patient. Le découpage
des activités doit se faire en considérant le
cycle complet du traitement, depuis la prévention et l’éducation jusqu’au suivi postclinique. Par ailleurs, la concurrence entre
les prestataires doit amener à améliorer la
qualité sans augmenter les coûts, en encourageant l’expérience, les économies
d’échelle et l’intégration des dernières avancées médicales pour une couple pathologie/patient donné. Le jeu concurrentiel s’appuie sur un système d’information
permettant de créer et de diffuser les indicateurs de résultats des différents prestataires.
Le système d’information est basé sur le
dossier médical électronique nominatif et la
médiation de sociétés d’information et d’expertise médicales spécialisées dans l’analyse de cas complexes et le conseil dans le
choix des meilleurs prestataires de soins.
Enfin, la préférence doit être donnée aux
innovations créatrices de valeur pour le
patient. L’innovation est présentée comme
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la véritable planche de salut du système, elle
permettra de répondre aux besoins croissants d’une population vieillissante en évitant la dérive insupportable des coûts. Les
chapitres 5 à 8 exposent le rôle et la stratégie de chacun des partenaires dans un jeu
concurrentiel basé sur la création de valeur
pour le patient : les prestataires de service
(chapitre 5), les compagnies d’assurance
(chapitre 6), les fournisseurs, les consommateurs et les employeurs (chapitre 7), ainsi
que les pouvoirs publics (chapitre 8).
Cet ouvrage présente avant tout le mérite
d’éclairer le secteur de la santé d’une façon
totalement nouvelle, en utilisant une grille
de lecture qui permet de soulever ses incohérences. Le revers de la médaille, est que
les auteurs combattent les préjugés qui gouvernent le système au nom de principes qui
ne garantissent, en aucune façon, que le
modèle proposé sera supérieur au modèle
existant. En particulier, la relation technicienne et marchande qui est préconisée
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entre médecins et malades, ne saurait facilement se substituer au colloque singulier.
La confiance et le respect du malade pour
l’équipe médicale, l’alchimie interpersonnelle, sont certainement déterminants dans
la valeur créée par le système et perçue par
le malade, comment évaluer ces paramètres
dans les indicateurs de résultats ? Comment
dès lors garantir que le jeu concurrentiel ne
sera pas faussé d’emblée si le malade doit
rester maître de ses choix ? Mais les systèmes de santé des pays industrialisés sont
menacés d’explosion, il est urgent d’agir et
le lecteur trouvera ici des démarches novatrices dont certaines sont déjà en train de se
mettre en place dans notre pays. C’est pourquoi cet ouvrage doit être lu par tous les
acteurs du système de santé français, bien
que le contexte en soit différent.
Isabelle GUERRERO
Université de la Méditerranée
Aix-Marseille II
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