COMMENT LES PLANTES UTILISENT UTILISENT UTILISENT L

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COMMENT LES PLANTES UTILISENT L’EAU :
MÉCANISMES ET RÉGULATIONS
PIERRE CRUIZIAT, INRA, CLERMONTCLERMONT-FERRAND
Chacun le sait, les plantes ont besoin d’eau pour vivre et croître : si l’état hydrique
(en gros la quantité d’eau des tissus) n’est pas satisfaisant, la croissance, en taille,
des organes va s’arrêter la première, suivie par les autres fonctions physiologiques
(en particulier la photosynthèse). Si cet état se dégrade encore, le végétal risque de
mourir rapidement. Or, nous allons le voir, l’état hydrique d’un végétal est extrêmement dépendant de deux quantités : l’absorption d’eau par les racines d’une part
et la transpiration des feuilles principalement, d’autre part (fig. 1). Autrement dit,
mis à part certains groupes comme les Cactées, la plupart des plantes n’ont pas
d’autonomie hydrique : elles doivent puiser dans le sol ce qu’elles perdent au même
moment par transpiration.
Le texte ci-dessous explique de quoi dépendent ces flux
entrant (l’absorption) et sortant (la transpiration), comment ils sont reliés l’un à l’autre, et comment la plante
« contrôle » son état hydrique en fonction du sol et du
climat.
1. La transpiration
La transpiration est la perte d’eau, sous forme vapeur,
que subit un végétal par ses feuilles principalement
(mais aussi, dans une bien moindre mesure habituellement, par les autres organes aériens comme les fleurs,
les tiges, etc.) Cette transpiration dépend de facteurs
climatiques et biologiques.
1.1 Facteurs climatiques
La transpiration est en fait une évaporation au sens
physique c’est-à-dire une perte d’eau sous forme de
vapeur. Que la surface qui évapore soit un drap, une
surface d’eau, un sol ou une feuille, l’évaporation requiert de l’énergie. Dans les conditions naturelles, cette
énergie provient principalement du soleil, mais aussi
d’autres facteurs climatiques : température et humidité
de l’air, vitesse du vent. Plus il y a de soleil, plus l’air
est sec, plus la température est élevée, plus le vent est
fort, plus la transpiration (on parle aussi d’évapotranspiration) « demandée » par le climat sera forte. C’est
en effet le climat qui détermine l’intensité maximale
(on parle d’évapotranspiration climatique ou potentielle) de la transpiration des végétaux du fait que c’est
lui qui apporte l’énergie nécessaire à cette évaporation.
Cette évapotranspiration se mesure en mm, comme la
pluie. En été l’évapotranspiration climatique se chiffre
à plusieurs mm par jour (3 à 6 mm environ). Rappelons
qu’un mm d’eau correspond à 1 litre par m2 soit 10 tonnes d’eau par hectare. Un couvert végétal couvrant, en
période de croissance et bien alimenté en eau, retire
donc du sol plusieurs dizaines de mètres cubes d’eau
par jour dont 90-95% ou plus, repart dans l’atmosphère !
Si l’on se place du côté du végétal, lors d’une belle journée d’été, la transpiration journalière d’une plante est du
même ordre de grandeur que toute l’eau qu’elle contient
dans ses tissus. Ainsi, par exemple un pied de maïs adulte
contient environ 800 grammes d’eau. Le flux d’eau qui le
traverse est d’environ 400 à 500 grammes, soit environ
la moitié de toute l’eau de ses tissus. Un arbre, selon les
conditions climatiques locales, les réserves d’eau du sol
et l’étendue de son feuillage, « consommera » de quelques litres à quelques centaines de litres d’eau par jour.
On a vu que la transpiration dépend d’abord de la quantité d’énergie solaire qui arrive sur les feuilles. Ainsi durant une belle journée, plus le soleil monte dans le ciel,
plus cette quantité d’énergie est grande et plus la transpiration foliaire (si les plantes sont bien alimentées en
eau) est importante elle aussi (fig.2).
D’où une forme en cloche de la transpiration journalière
Fig 2. La transpiration est d ’abord fonction du rayonnement solaire
À gauche journée sans nuages ; à droite, avec passages nuageux
dans ces conditions. Les passages nuageux diminuent
instantanément la quantité d’énergie qui arrive aux feuilWWW.SNHF.ORG
les et du coup la transpiration diminue aussitôt. (fig.
3).
Transpiration (Tr)
ou absorption
(Ab)
Tr
rˇhydratation
Ab
dess¸chement
6h
12 h
18h
Temps
Fig 3. Evolution journali¸re typique des flux d Õeau traversune
plante : transpiration et de l Õabsorption dÕune plante au cours dÕune
journˇe ensoleillˇe et en sol humide
1.2 Facteurs biologiques
La transpiration dépend aussi du degré d’ouverture
des stomates foliaires. Ces minuscules pores (quelques
centièmes de mm) à la surface des feuilles sont les
ouvertures par lesquelles la vapeur d’eau quitte les
feuilles. En dehors d’eux, la feuille est complètement
isolée de l’air extérieur par une couche particulière, la
cuticule, quasiment (mais pas complètement) imperméable. S’il n’en était pas ainsi, l’intérieur d’une
feuille étant très humide (de l’ordre de 98% d’humidité relative) se dessècherait en quelques minutes !
L’ouverture des stomates varie d’une part en fonction des facteurs climatiques, d’autre part en fonction
de nombreux facteurs biologiques : ils s’ouvrent à la
lumière, restent ouverts si l’humidité du sol ou de l’air
est plutôt élevée. Ils ont tendance à se fermer quand
le sol ou l’air est plutôt sec, la température élevée, ou
quand il fait nuit, quand la nutrition minérale est très
déficiente ou en présence de certains polluants atmosphériques.
Le facteur biologique le plus important pour l’état des
stomates est l’état hydrique des feuilles : si celui-ci se
dégrade, la seule réponse rapide dont dispose la plante
pour arrêter ou limiter très sérieusement cette dégradation est de fermer ses stomates. La fermeture stomatique est donc de loin le mécanisme le plus efficace
pour lutter contre la sécheresse (en dehors des adaptations spécifiques).
À propos des stomates, un autre point capital à retenir est le fait suivant : si les stomates sont les portes
de sortie de l’eau comme on vient de le dire, ce sont
aussi les portes d’entrée du gaz carbonique de l’air
indispensable à la photosynthèse. En conséquence,
lorsque les stomates sont fermés, la photosynthèse
s’arrête ! Autrement dit, dans ces conditions, la plante
ne fabrique plus les glucides dont elle a besoin pour
vivre. Elle vit sur ses réserves.
2. L’équilibre entre l’absorption et la transpiration :
variations de l’état hydrique au cours de la journée
Par un mécanisme physique qui sera expliqué cidessous, l’absorption est déterminée par la transpiration : l’eau du sol qui pénètre dans la plante est tirée
par la transpiration. Ainsi la quantité d’eau absorbée
par une plante dépend durant le jour, en premier lieu
de sa transpiration à chaque instant. Mais à chaque
instant, ces deux quantités ne sont pas tout à fait égales. C’est cette inégalité qui induit les variations nycthémérales de l’état hydrique des tissus des plantes.
En cas de sécheresse, la différence ente absorption et
transpiration a tendance à grandir, à moins que les
stomates ne se ferment.
En conditions normales (sol bien alimentée en eau,
soleil) dans la matinée tant que le soleil monte, les
tissus se déshydratent parce que l’absorption suit avec
un petit décalage la transpiration. De ce fait, elle est
toujours un peu plus faible que cette dernière (fig. 3).
L’après-midi et surtout durant la nuit, on assiste au
contraire à une réhydratation parce que l’absorption
est légèrement supérieure à la transpiration. D’où
cette alternance, au cours d’un nycthémère, entre une
période de déshydratation et une période de réhydratation (fig.4).
Il existe bien des techniques pour suivre d’une façon
Transpiration (Tr) et
Absorption (Ab)
Tr
Ab
6h
12 h
18h
tat hydrique
exprimˇ en Potentiel
hydrique, ψ
- 0.5 MPa
Etat hydrique le plus bas
Fig 4. CÕest lÕinˇgalitˇ entre la transpiration et l Õabsorption
qui est lÕorigine des variations de l Õťat hydrique
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quantitative ces variations de l’état hydrique des organes d’une plante. L’une des plus démonstratives et précises à la fois (elle commence à être utilisée par des professionnels) est le suivi des variations de diamètre d’une
branche ou du tronc d’un arbre (fig.5).
On voit très clairement les alternances entre déshydra-
Ainsi, mis à part sur des distances très courtes
(quelques mm à son entrée dans les racines et quelques
dixièmes de mm dans les feuilles) la sève « brute » circule toujours dans le réseau de l’appareil conducteur
(fig.6).
Curieux paradoxe : cet appareil qui distribue l’eau in-
Fig 5 Dans un vˇgˇtal la plus
grande partie du trajet suivi par
lÕeau se fait travers des
ˇlˇments conducteurs rigides,
poreux (vaisseaux ou trachˇides)
qui sont des cellules mortes
tation (décroissance du diamètre) et réhydratation
(augmentation du diamètre). Par ailleurs cette figure
montre aussi deux autres faits importants. D’une part
la croissance journalière du tronc ou des branches :
c’est une augmentation irréversible de diamètre,
contrairement à celle produite par les variations de
l’état hydrique. D’autre part l’arrêt rapide de cette
croissance en diamètre dès que les conditions d’alimentation en eau se dégradent.
3. La montée de la sève, des racines aux feuilles
Quand l’eau du sol pénètre par une racine dans une
plante, elle commence par traverser horizontalement
un certain nombre de cellules vivantes. Puis elle atteint, au centre, l’appareil conducteur (on parle aussi de
système vasculaire), véritable réseau d’irrigation de
tous les organes vivants de la plante. Une fois dans ce
réseau, l’eau va parcourir toute la plante, jusque dans
les feuilles (leurs nervures abritent les ramifications de
l’appareil conducteur) et les fleurs en particulier. Elle
finit ensuite par sortir du système vasculaire, traverse
encore le manchon de cellules vivantes qui l’entourent
avant de s’évaporer au bord de petits espaces vides situés à l’intérieur de la feuille. En effet celle-ci n’est pas
« pleine » ; elle est au contraire poreuse, comme une
éponge. C’est au niveau des parois qui bordent ces vides que l’eau quitte l’état liquide et passe en vapeur,
avant de rejoindre l’atmosphère par les stomates.
dispensable à la vie des plantes est formé de cellules
mortes ! Les éléments conducteurs sont de deux types,
appelés trachéides et vaisseaux. Les trachéides sont très
petites (quelques mm de long et quelques centièmes de
mm de diamètre) et se trouvent principalement chez
les conifères. Les vaisseaux, formés d’un très grand
nombre de cellules mortes, sont, par rapport aux précédents, de grande dimension (de quelques cm a plusieurs
mètres de long, un peu inférieur au mm en diamètre).
On les trouve majoritairement chez les plantes non
ligneuses et chez les feuillus. Trachéides et vaisseaux
sont des éléments aux parois rigides, imperméables à
l’eau sauf en quelques emplacements, les ponctuations.
Ces minuscules passoires permettent à l’eau de passer
d’un vaisseau à l’autre, que celui-ci soit dans une même
file ou dans une file adjacente.
Remarque : il ne faut pas confondre « la sève brute »
dont il est question ici et qui, en fait, n’est pas de l’eau
pure mais une solution très peu concentrée et qui globalement se déplace du bas (les racines) vers le haut (les
feuilles) et la sève « élaborée » ou phloémiene) qui est
une solution très concentrée de sucres en provenance
des feuilles. Cette sève distribue « la nourriture » aux
cellules des tissus vivants et se déplace globalement du
haut (feuilles) vers le bas (les racines).
Puisque la sève est tirée vers le haut par l’évaporation
foliaire, elle est sous « tension » c’est-à-dire sous une
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Journée à thème de la SNHF « Mieux Arroser »
Paris Janvier 2008
pression soit inférieure à la pression atmosphérique
soit même négative ! Grâce aux forces capillaires qui
s’exercent au niveau des minuscules surfaces d’évaporation foliaires (et non au niveau de l’appareil conducteur) la sève peut monter sans problème jusqu’au sommet des plus grands arbres (110 m environ). Mais le
risque principal de cet état physique de tension est
l’entrée d’air dans les vaisseaux. C’est ce qu’on appelle
l’embolie. Ce risque est d’autant plus grand que les
conditions climatiques conduisent à une transpiration
potentielle forte et que le sol est pauvre en eau. Vis-àvis de ce risque, les espèces d’arbres sont très différentes : les peupliers, les saules, les noyers sont bien plus
vulnérables à l’embolie estivale que les chênes méditerranéens ou les cèdres. Entre ces deux groupes se placent le hêtre, le frêne et des conifères comme le pin
sylvestre.
En fait, on a pu mettre en évidence chez un grand
nombre d’espèces arbustives un « couplage » entre l’état des stomates et celui de la tuyauterie : si l’embolie
de l’appareil conducteur devient importante, alors les
stomates se ferment. Du même coup, la transpiration
diminue et l’embolie arrête de s’étendre.
deur qu’en surface. Une autre piste est de choisir des
espèces résistantes à la sécheresse. Il en existe un très
grand nombre, en particulier dans la flore méditerranéenne. On trouve, depuis des années, en particulier
en Angleterre et en France, des horticulteurs et des
pépiniéristes spécialisés dans les techniques de jardins
«secs » ou « sans arrosage » proposant une gamme
florale étonnante. Si vous voulez vraiment réduire vos
apports d’eau, il faut abandonner l’idée de choisir vos
fleurs (que ce soit pour les plates-bandes ou pour une
plantation couvrante type « gazon ») ou vos arbustes,
uniquement parmi les espèces qu’on trouve en climat
atlantique.
Le climat quant à lui ne doit pas être considéré comme
une donnée non modifiable. On peut en effet, localement, par des techniques ou des astuces, y compris par
l’agencement des plantations (orientations, présence
d’arbres ou d’arbustes, brise-vent, etc.) créer un microclimat moins sec (évapotranspiration potentielle
plus faible) que le climat général.
Attention cependant : le nombre de paramètres entrant
en ligne de compte dans l’arrosage est si grand qu’il est
indispensable de faire des essais avant de trouver la
meilleure solution.
4. Conclusions
Les informations précédentes, bien qu’apparemment
loin des pratiques culturales, devraient pouvoir donner
quelques repères aux acteurs en charge de questions
d’apport d’eau aux plantations florales ou arbustives
notamment. Il est d’autant plus important d’y faire
attention que le réchauffement climatique va, selon une
très forte probabilité, accentuer de façon très profonde
les conditions de transpiration potentielle dans un
grand nombre de lieux.
En matière d’arrosage, on doit tenir compte de trois
facteurs : le sol, la plante, le climat.
Le sol est un réservoir d’eau pour la plante. Le souci
premier doit être de préserver sa disponibilité en eau :
cela signifie par exemple d’adapter la fréquence des
arrosages en fonction du type, sableux, limoneux ou
argileux, du sol. On doit aussi veiller à apporter l’eau
uniquement là où elle est nécessaire, c’est-à-dire là où
se trouvent les plantes qu’on souhaite voir prospérer,
mais ni dans les allées ni au pied des plantes non voulues. On peut aussi, surtout autour des arbres, pratiquer une technique de paillage.
En ce qui concerne les plantes, il faut avant tout essayer, par un arrosage adapté, de « forcer » la plante à
développer son système racinaire plutôt en profonWWW.SNHF.ORG
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