Troubles du rythme cardiaque fœtal CHAPITRE 9 9.1. Rythme cardiaque fœtal normal À partir de 6 SA, le nœud sinusal assure l'automatisme contractile des oreillettes. Il parvient à maturité vers la 9e SA, accélérant la fréquence cardiaque fœtale de 100 à 180/min. Par la suite, le rythme se ralentit autour de 160/min vers 14 SA, puis 140 ± 20/min à 20 SA. Il décroît peu ensuite, s'établissant à 130 ± 20/min chez le fœtus proche du terme [1, 2]. Ce ralentissement progressif traduit l'influence croissante du système vagal après le 1er trimestre. En pratique, on considère que le rythme cardiaque fœtal (RCF) normal est compris entre 110 et 160/min et peut varier dans cette fourchette lors d'un examen échographique. Échocardiographie fœtale © 2013, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Méthodes d'exploration [3] Avant la naissance et en raison de l'impossibilité d'obtenir facilement un enregistrement ECG de qualité chez le fœtus, l'étude du rythme cardiaque fœtal repose sur l'échocardiographie. Celle-ci permet d'analyser l'activité non plus électrique mais mécanique des oreillettes et des ventricules en visualisant deux de ses conséquences : • les mouvements de paroi lors de la contraction, visibles en échographie bidimensionnelle mais étudiés au mieux en échographie mode TM (time-motion) ; • leurs effets sur les flux sanguins, visibles en Doppler couleur mais étudiés au mieux en mode Doppler pulsé. Étude des mouvements de parois (échographie TM) L'examen en mode TM est bien adapté à l'étude des tachycardies comme à celle des bradycardies. L'étude en mode TM est couplée et guidée par l'imagerie bidimensionnelle. La ligne de tir TM doit traverser successivement une oreillette et un ventricule pour permettre l'analyse simultanée de leurs contractions. Peu importe la latéralité (gauche ou droite) de ces cavités, qui est d'ailleurs habituellement différente pour l'une et l'autre, l'important est que leur enregistrement soit simultané et de positionner la ligne TM sur des segments de parois bien individualisés, libres d'échos parasites et dont les mouvements ont une amplitude suffisante dans le plan d'étude (figures 9.1 et 9.2). Lorsque les mouvements de paroi ventriculaire sont mal discernables (présentation défavorable du fœtus ou ventricules très hypocinétiques), une variante consiste à utiliser une ligne TM passant par un plan transaortique situé au niveau des valves aortiques. Les mouvements d'ouverture de ces valves traduisent alors la contraction du ventricule sous-jacent tandis que la contraction auriculaire est appréciée sur la paroi de l'oreillette gauche, adjacente à l'aorte (figures 9.3 et 9.4). 9 Étude des flux vasculaires (Doppler pulsé) Le principe est identique : enregistrer de façon simultanée un flux veineux et un flux artériel traduisant respectivement l'activité des oreillettes et 349 0001870337.INDD 349 3/22/2013 3:14:13 AM Échocardiographie fœtale Ligne TM VG VD Ao OG Figure 9.1. Étude du RCF en écho TM : ligne TM passant par une oreillette et un ventricule. Figure 9.2. Étude du RCF en écho TM. Les lignes blanches brisées symbolisent la conduction entre les oreillettes et les ventricules. O : contractions auriculaires ; V : contractions ventriculaires. V V Aorte Oreillette gauche Figure 9.3. Étude du RCF en mode TM par une ligne de tir transaortique : schéma de l'incidence TM utilisée. O O : contractions auriculaires ; V : contractions ventriculaires. O 350 0001870337.INDD 350 3/22/2013 3:14:13 AM Chapitre 9. Troubles du rythme cardiaque fœtal Figure 9.4. Étude du RCF en mode TM par une ligne de tir transaortique : aspect en échographie TM. O : contractions auriculaires ; OS : systole ventriculaire traduite par l'ouverture des valves aortiques. 9 Figure 9.5. Étude du RCF par écho-Doppler pulsé. Tracé obtenu avec une ligne de tir passant par l'aorte ascendante et la veine cave supérieure (VCS) et permettant de distinguer l'activité auriculaire (O) sur le flux veineux et l'activité ventriculaire (V) sur le flux aortique. Figure 9.6. Étude du RCF par écho-Doppler pulsé. Tracé obtenu avec une ligne de tir passant par l'aorte et le tronc veineux innominé (TVI). Sur le flux de ce dernier, la contraction auriculaire peut être bien visualisée ( pastilles jaunes). celle des ventricules. À cette fin, on utilisera une fenêtre d'échantillonnage élargie pour couvrir les deux vaisseaux explorés, ceux-ci étant aussi proches que possible du cœur. Ce peut être l'aorte ascendante et la veine cave supérieure (figure 9.5) ou le tronc veineux innominé et l'aorte horizontale (figure 9.6) [4]. Le flux unique et de haute vitesse observé sur l'artère est contemporain de la systole et de la contraction ventriculaire. Sur la veine, le flux (de basse vitesse) présente divers accidents parmi lesquels on peut individualiser une onde de reflux contemporaine de la contraction auriculaire. 351 0001870337.INDD 351 3/22/2013 3:14:14 AM Échocardiographie fœtale impossible d'affirmer qu'elle naît réellement du nœud sinusal. D'autres foyers d'activation auriculaires sont possibles, en particulier le nœud du sinus coronaire, proche de l'abouchement du sinus coronaire dans l'oreillette droite et doué de propriétés électrophysiologiques très proches de celles du nœud sinusal. Cette méthode Doppler est bien adaptée à l'étude des bradycardies fœtales (voir plus loin) mais plus difficile à utiliser que le mode TM pour l'étude des tachycardies au cours desquelles les différents accidents veineux se superposent et se confondent, avec des changements de morphologie secondaires au retentissement hémodynamique du trouble rythmique. VCS Nœud sinusal Remarque L'expression rythme sinusal (RS) désigne une activation cardiaque normale commandée par le nœud sinusal et respectant une séquence oreillettes-ventricules ordonnée et régulière empruntant les voies de conduction normales (figure 9.7). Chez le fœtus, cette expression est utilisée de façon impropre dans la mesure où s'il est possible de savoir si l'activation débute bien au niveau des oreillettes, il est OD OG VD VG Nœud du sinus coronaire Branche droite du faisceau de His Nœud auriculoventriculaire Tronc du faisceau de His Hémibranche antéro-sup G Hémibranche postéro-inf D Figure 9.7. Tissu nodal et voies de conduction normales. Les cellules du nœud du sinus coronaire présentant une dépolarisation diastolique lente spontanée moins rapide que celles du nœud sinusal, ce nœud est normalement inactif. Il peut néanmoins prendre la commande à la place du nœud sinusal dans certaines circonstances. 9.2. Arythmie physiologique ou pathologique ? L'activation cardiaque est normalement sous la dépendance du nœud sinusal, qui imprime sa propre fréquence (improprement appelée « rythme ») successivement aux oreillettes puis aux ventricules. Sous l'influence du système nerveux autonome, le rythme cardiaque est physiologiquement fluctuant et irrégulier. Sous l'effet du tonus vagal surviennent des épisodes de ralentissement (bradycardie) parfois marqués, et des fréquences aussi basses que 50 à 70/min peuvent être considérées comme physiologiques si l'accès reste bref, inférieur à 1–2 minutes et isolé, éventuellement influencé par la position maternelle ou une compression exagérée par la sonde d'échographie. De même, un ralentissement du RCF jusqu'à 100/min serait normal la nuit. Il en va de même des phénomènes d'accélération provoqués par une stimulation sympathique. Ils restent sans signification pathologique s'ils sont brefs, transitoires et avec une fréquence inférieure à 200/min. Une tachycardie supérieure à 150/min et durable est anormale et peut reconnaître deux origines : • soit il s'agit d'une tachycardie secondaire (ou réactionnelle) à une pathologie générale de la mère et/ ou du fœtus : anémie, infection, hyperthyroïdie, insuffisance cardiaque, etc. Habituellement inférieures à 200/min, de telles tachycardies relèvent non pas d'un traitement spécifique mais de celui de la pathologie causale (figure 9.8 ; tableau 9.1) ; • soit il s'agit d'une tachycardie primitive et autonome, par trouble propre de l'excitabilité cardiaque. Le RCF excède alors fréquemment (mais pas obligatoirement) 200/min et nécessite une prise en charge propre. Seules, ces tachycardies « primitives » seront envisagées ci-après. Figure 9.8. Tachycardie sinusale telle qu'elle peut être observée lors d'une pathologie fœtomaternelle. 352 0001870337.INDD 352 3/22/2013 3:14:17 AM Chapitre 9. Troubles du rythme cardiaque fœtal Tableau 9.1. Rythme cardiaque fœtal normal et pathologique. RCF normal : 110–160/min Bradycardie RCF < 110/min Bradycardie sévère RCF < 100/min Bradycardie physiologique Un RCF compris entre 100 et 120/min serait normal la nuit Bradycardie secondaire à une pathologie fœtomaternelle Pathologie maternelle – collagénose – traitement bêtabloquant Pathologie fœtale – souffrance fœtale Bradycardie primitive par trouble de la conduction intracardiaque Bloc auriculoventriculaire – du 2e degré – du 3e degré (BAV complet) Syndrome du QT long Tachycardie RCF > 160/min Tachycardie sévère RCF > 170/min Tachycardie secondaire à une pathologie fœtomaternelle Pathologie maternelle – – – – – hyperthyroïdie HTA anémie traitement sympathomimétique anxiété 9 Pathologie fœtale – anémie – hypoxie Pathologie maternofœtale – infection à cytomégalovirus – amniotite (La tachycardie fœtale précéderait l'apparition de la fièvre et de la polynucléose.) Tachycardie primitive par trouble de l'excitabilité myocardique Tachycardie supraventriculaire – – – – fibrillation auriculaire ( ? ) flutter auriculaire TSV par réentrée TSV sur foyer ectopique Tachycardie hissienne Tachycardie ventriculaire BAV : bloc auriculoventricualire ; HTA : hypertension artérielle ; TSV : tachycardie supraventriculaire. 353 0001870337.INDD 353 3/22/2013 3:14:18 AM Échocardiographie fœtale 9.3. Troubles du rythme cardiaque fœtal La constatation d'irrégularités du rythme cardiaque fœtal (RCF) lors d'une échographie est fréquente, jusqu'à 2 % des grossesses [5], et parfois source d'angoisse tant pour l'échographiste que pour les parents. Cette angoisse est souvent injustifiée, l'irrégularité du rythme ne faisant que traduire la présence d'extrasystoles, phénomène fréquent et bénin, habituellement sans conséquence pour le fœtus et la poursuite de la grossesse. Les troubles du rythme fœtal réellement préoccupants, tachycardies par trouble de l'excitabilité ou bradycardies liées à un trouble de la conduction intracardiaque, sont beaucoup plus rares et représentent moins de 10 % de l'ensemble [6]. Circonstances de découverte La découverte d'un trouble du rythme fœtal est le plus souvent fortuite, faite dans deux circonstances : • lors d'une échographie obstétricale de routine ; • lors d'un enregistrement externe du RCF, en particulier en fin de grossesse, devant une menace d'accouchement prématuré ou lors du travail. Il est plus rare que l'examen soit motivé par des manifestations cliniques secondaires à ce trouble rythmique : • diminution des mouvements actifs fœtaux ; • prise de poids et augmentation du volume utérin traduisant une anasarque en l'absence de pathologie infectieuse ou auto-immune. Il est alors observé : • soit un rythme irrégulier ; • soit un rythme anormalement rapide (typiquement supérieur à 200/min) ; • soit un rythme anormalement lent et irrégulier. D'emblée, il faut préciser qu'un rythme apparemment trop lent ne traduit pas obligatoirement une réelle bradycardie fœtale (habituellement régulière lorsqu'elle est secondaire à un trouble conductif) mais peut s'observer en présence de troubles de l'excitabilité. Cela est particulièrement vrai au cours d'un enregistrement externe, en raison des limites de l'appareillage incapable de « suivre » un rythme trop rapide (> 200/min) ou de détecter, donc comptabiliser, certaines extrasystoles. Cela implique de pratiquer systématiquement une échographie pour analyse fine du RCF lorsqu'un trouble du rythme fœtal soutenu est soupçonné sur un enregistrement externe. Troubles de l'excitabilité cardiaque (extrasystoles et tachycardies) Un trouble de l'excitabilité cardiaque peut se traduire selon trois modalités : • la fréquence apparaît globalement normale (entre 100 et 150/min) mais le rythme est entrecoupé d'irrégularités. Cette association fait évoquer en premier lieu des extrasystoles ; • la fréquence (ventriculaire) apparaît ralentie, avec des irrégularités du rythme. Il s'agit le plus souvent d'un type particulier d'extrasystoles dites « bloquées » ; • la fréquence est très rapide (supérieure à 200/ min), soit par accès, soit en permanence, le rythme étant soit régulier, soit irrégulier. On est en présence d'une tachycardie fœtale, supraventriculaire dans la grande majorité des cas, c'està-dire naissant au niveau des oreillettes ou de la jonction auriculoventriculaire. Rythme cardiaque irrégulier : les extrasystoles (tableau 9.2) Un rythme cardiaque irrégulier, à l'origine d'impression de « ratés » lors de l'examen du cœur fœtal, est dû le plus souvent à la survenue d'extrasystoles plus ou moins répétées dont on s'efforcera de définir la séquence d'activation pour en déterminer l'origine, auriculaire ou ventriculaire. Extrasystoles auriculaires Ce sont de loin les plus fréquentes. Elles peuvent survenir à tout moment au cours de la grossesse, 354 0001870337.INDD 354 3/22/2013 3:14:18 AM Chapitre 9. Troubles du rythme cardiaque fœtal Tableau 9.2. Troubles du rythme fœtaux : conduite à tenir et risque évolutif (d'après [5]). Troubles du rythme non soutenus Fréquence Extrasystoles auriculaires Très fréquente Conduite à tenir Risque évolutif Surveillance hebdomadaire Passage en TSV : 1 % 90 % ESA bloquées Fréquente Surveillance hebdomadaire Passage en TSV : 5 % Extrasystoles ventriculaires Rare Surveillance hebdomadaire Passage en TV si cardiopathie Brefs accès de tachycardie Fréquent Aucune Aucun Brefs accès de bradycardie Fréquent Aucune Aucun Tachycardies soutenues 10 % Hospitalisation en centre de niveau III Mort fœtale et séquelles neurologiques TSV : tachycardie supraventriculaire ; TV : tachycardie ventriculaire. mais seraient plus fréquentes après 28 SA avec un pic entre 36 et 41 SA où elles sont retrouvées chez 1 à 2 % des fœtus [1]. La plupart surviennent indépendamment de toute anomalie cardiaque, fonctionnelle ou structurale (à l'exception de rares tumeurs intracardiaques) et n'ont pas de retentissement appréciable sur l'hémodynamique fœtale. Le plus souvent, elles se résolvent spontanément à la naissance ou dans les jours suivants celle-ci. Toutes les extrasystoles auriculaires (ESA) partagent en commun le fait d'être responsables d'une contraction auriculaire prématurée mais peuvent revêtir deux aspects selon que celle-ci est suivie (ESA conduite) ou non (ESA bloquée) d'une contraction ventriculaire également prématurée. 9 Figure 9.9. Extrasystole auriculaire (ESA) conduite. lettes n'est en effet pas transmise aux ventricules et ceux-ci présentent un rythme plus lent, pouvant au maximum n'être que la moitié du rythme sinusal fœtal lorsque les extrasystoles sont bigéminées, c'està-dire survenant tous les deux battements cardiaques (figure 9.10). En dehors du travail, la constatation d'une « bradycardie fœtale » sur un enregistrement externe doit conduire à la pratique d'une échographie pour s'assurer qu'il ne s'agit pas simplement d'ESA bloquées, indépendantes de toute hypoxie fœtale. Le diagnostic sera affirmé par l'observation en échographie TM d'un rythme auriculaire irrégulier car entrecoupé de fréquentes ESA alors que la fréquence ventriculaire, également irrégulière, est entrecoupée de ralentissements (figure 9.11). Cette dissociation s'explique par le fait que ces ESA survenant très précocement sont transmises aux ventricules alors que ceux-ci sont encore en période réfractaire, donc non excitables. L'ESA auriculaire est donc suivie d'une pause ventriculaire. Extrasystoles auriculaires conduites Les plus fréquentes, elles sont à l'origine de l'impression de « ratés » ou de « cœur qui bat la breloque » évoquée plus haut. Leur diagnostic est facile sur un tracé en mode TM où elles apparaissent comme une séquence auriculoventriculaire complète survenant plus tôt qu'attendu et suivie d'un repos compensateur (figure 9.9). Extrasystoles auriculaires bloquées Elles sont plus rares (7 % des ESA) mais non exceptionnelles chez le fœtus, à la différence de ce qui est observé après la naissance [7]. Elles sont plus difficilement reconnues et souvent à l'origine d'un diagnostic erroné de bradycardie, en échographie et encore plus sur un enregistrement externe qui ne détecte que les conséquences des contractions ventriculaires. L'activation des oreil- 355 0001870337.INDD 355 3/22/2013 3:14:18 AM Échocardiographie fœtale a b Figure 9.10. Bigéminisme auriculaire. Chaque contraction auriculaire (O) est suivie d'une extrasystole auriculaire (flèche ascendante). a. Lorsque les ESA sont conduites, on observe une contraction ventriculaire prématurée (flèche descendante) alternant avec une contraction normale (V). La fréquence cardiaque est normale mais le rythme est irrégulier. b. Lorsque les ESA sont trop prématurées, elles ne sont pas transmises aux ventricules. La fréquence ventriculaire (V) est alors la moitié de la fréquence auriculaire, avec une bradycardie habituellement inférieure à 100/min. Figure 9.11. Extrasystole auriculaire (ESA) bloquée. La contraction prématurée des oreillettes n'est pas suivie d'une contraction des ventricules. Complications et conduite à tenir Le risque de décompensation cardiaque serait très faible, inférieur à 2 %, et ne s'observerait qu'en cas de malformation cardiaque associée [7]. Il n'a pas été rapporté de complication neurologique ou de décès in utero à la suite d'une extrasystolie auriculaire isolée. Le risque de passage en tachycardie soutenue est lié au fait que les ESA peuvent coexister avec la présence d'une voie de conduction accessoire pathologique entre les oreillettes et les ventricules (voir plus loin). Il reste cependant très faible et inférieur à 5 % si les ESA sont conduites [6], un peu plus élevé mais inférieur à 15 % si elles sont bloquées [8]. Ce risque semble accru si l'extrasystolie est d'apparition précoce, avant 28 SA, et lorsque coexistent de multiples ESA et un rythme ventriculaire plus lent [9]. Un traitement anti-arythmique systématique n'est donc pas indiqué mais une surveillance particulière peut se justifier en cas d'ESA fréquentes (plus d'une ESA tous les 10 complexes), d'ESA bloquées ou d'apparition précoce. Habituellement hebdomadaire et d'une durée de 4 à 6 semaines, ses modalités peuvent varier selon les centres. Si la disparition spontanée des extrasystoles est observée avant la naissance, 356 0001870337.INDD 356 3/22/2013 3:14:18 AM Chapitre 9. Troubles du rythme cardiaque fœtal aucune investigation ne sera à prévoir en postnatal. Dans le cas inverse, un bilan cardiopédiatrique avec électrocardiogramme est justifié à la naissance, en particulier afin d'exclure une préexcitation. talité et d'une morbidité non négligeables, précomme postnatale [10]. La possibilité de les traiter efficacement in utero, laissant espérer la naissance d'un nouveau-né bien portant et normal, en fait un des rares chapitres méritant réellement l'appellation de « médecine fœtale ». Extrasystoles ventriculaires Elles sont beaucoup plus rares (7 % des extrasystoles dans la série de Boldt et al. [7]) et apparaissent bénignes si elles sont isolées, c'est-à-dire en dehors de toute malformation cardiaque ou manifestation d'insuffisance cardiaque. On les reconnaît en échographie TM sur la survenue d'une contraction ventriculaire prématurée (conduisant à une fermeture brutale et également prématurée de la valve auriculoventriculaire) suivie ou non d'une contraction auriculaire (figure 9.12). Mécanismes et diagnostic Une tachycardie fœtale peut résulter : (i) d'un trouble de l'excitabilité auriculaire, (ii) d'une anomalie de la jonction entre oreillettes et ventricules, à l'origine de phénomène de réentrée ou (iii) d'un trouble de l'excitabilité à l'étage ventriculaire (faisceau de His et myocarde ventriculaire) (tableau 9.3). Troubles de l'excitabilité auriculaire : fibrillation et flutter auriculaires La fibrillation auriculaire serait exceptionnelle chez le fœtus [11] et son existence est même controversée par certains, du moins en l'absence de cardiopathie responsable d'une dilatation importante des oreillettes ou d'anomalie génétique prédisposante, les gènes incriminés étant localisés sur les chromosomes 10q22-24, 6q14-16 et 5p13 [12]. Il en va tout autrement du flutter auriculaire, deuxième cause par ordre de fréquence et à l'origine de 20 à 30 % des tachycardies fœtales. D'après Jaeggi et al. [13], un flutter auriculaire ne pourrait se développer tant que les oreillettes n'ont pas atteint une certaine masse critique, soit avant 27 à 30 SA. Un flutter correspond à un phénomène de « macro-réentrée » activant les oreillettes selon En résumé Il est fréquent d'observer des extrasystoles en particulier auriculaires durant la grossesse. Suspectées devant un RCF irrégulier ou l'apparente bradycardie d'un fœtus par ailleurs bien portant, elles sont facilement identifiées sur l'échographie TM. Sans conséquence, elles ne demandent aucun traitement. Elles ne doivent inquiéter ni l'examinateur ni les parents et disparaissent habituellement à la naissance. Tachycardies fœtales Beaucoup plus rares que les extrasystoles, les tachycardies fœtales sont d'une tout autre gravité, car souvent mal tolérées et à l'origine d'une mor- 9 Figure 9.12. Extrasystole ventriculaire (ESV) en écho TM. Dans cet exemple, l'ESV n'est pas conduite aux oreillettes qui conservent une séquence de contraction régulière. 357 0001870337.INDD 357 3/22/2013 3:14:24 AM Échocardiographie fœtale Tableau 9.3. Tachycardies fœtales : fréquence, caractéristiques et mécanisme. Dénomination Fréquence Fréquence auriculaire Fréquence ventriculaire Mécanisme Fibrillation auriculaire Exceptionnelle Non analysable > 300, irrégulière Flutter auriculaire 30 % 350–500 120–60, régulière ou non Macro-réentrée auriculaire Tachycardie atriale ectopique Rare 200–300 200–300 Foyer ectopique 220–350 220–350 Ré-entrée intranodale ou voie accessoire Variable 180–300 Foyer ectopique Naissant dans les oreillettes Naissant dans la jonction auriculoventriculaire TSV jonctionnelle 60–70 % Naissant dans les ventricules Tachycardie hissienne < 5% Tachycardie ventriculaire un circuit circulaire rapide, à une fréquence comprise entre 350 et 500/min. À des fréquences aussi élevées, il s'accompagne d'une nette altération de la contraction des oreillettes. Cette activation est transmise aux ventricules, rarement à la même fréquence (conduction 1/1), le plus souvent à une fréquence moindre (120 à 260/min) grâce au blocage de certaines impulsions par le nœud auriculoventriculaire (conduction 2/1 ou 3/1). Diagnostic échographique Figure 9.13. Flutter auriculaire à conduction 2/1 (à gauche) et régularisation de la crise avec retour à un rythme sinusal normal (à droite). On soupçonnera un flutter auriculaire devant une tachycardie découverte au cours du 3e trimestre et associant (figure 9.13 ; vidéo 9.1 dans l'annexe « Compléments vidéo ») : • une fréquence auriculaire très rapide et régulière ; • une fréquence ventriculaire moins rapide et le plus souvent irrégulière (bloc de conduction variable). Tachycardies jonctionnelles par réentrée intranodale ou à la faveur d'une voie accessoire Observées dans 4 à 6 pour 1 000 grossesses, ce sont les tachycardies les plus fréquentes, représentant 60 à 90 % des tachycardies du fœtus [14]. Elles sont secondaires soit à un circuit de « microréentrée » se produisant à l'intérieur même du nœud auriculoventriculaire, soit à un circuit de « macro-réentrée » unissant oreillettes et ventricules et empruntant les voies de conduction normales dans un sens et un faisceau accessoire (voie de préexcitation) dans l'autre (figure 9.14). Ce dernier mécanisme serait le plus fréquent, impliqué La combinaison la plus évocatrice est celle où la fréquence ventriculaire est régulière et moitié moindre que la fréquence auriculaire. La plus trompeuse est celle où les fréquences auriculaires et ventriculaires, très élevées, sont identiques (conduction 1/1). Il est alors impossible de distinguer le flutter d'une tachycardie par réentrée (voir plus loin). Le diagnostic pourra être redressé par l'apparition d'un bloc de conduction sous l'effet du traitement. 358 0001870337.INDD 358 3/22/2013 3:14:24 AM Chapitre 9. Troubles du rythme cardiaque fœtal dans plus de 50 % des tachycardies supraventriculaires (TSV) fœtales. Diagnostic échographique Voie accessoire Ces tachycardies par réentrée se caractérisent par : • une fréquence identique des oreillettes et des ventricules, comprise habituellement entre 220 et 340/min, un peu plus rapide en moyenne que celle observée au cours d'un flutter auriculaire [10] (figure 9.15) ; • un début et une fin brusques, la TSV démarrant sur une extrasystole et se terminant par une pause (figure 9.16). Figure 9.14. Représentation schématique d'un faisceau accessoire responsable d'une préexcitation. 9 Figure 9.15. TSV par réentrée, tracé en cours de crise. Figure 9.16. TSV par réentrée, tracé à l'arrêt d'une crise. 359 0001870337.INDD 359 3/22/2013 3:14:24 AM