Personne n’a pu décider de l’heure du début de sa vie .. Que personne ne décide ni pour luimême et encore moins pour l’autre comment il doit l’achever. Et qu’entre ces 2 insaisissables extrémités, soit simplement donnée la priorité à l’amour de l’autre et de soi, c'est-à-dire le respect , le service et l’admiration de cette vie donnée et fugitive. C’’est ce préambule qui pourrait servir de base à toute loi humaine .. Spécialement celle-ci qui concerne la fin de vie. Une loi ne concerne pas une fraction de la société. Elle s’applique à tous : ceux qui la subissent – ici : ceux qui arrivent en fin de vie - comme à ceux qui la mettent en œuvre – ici cas : le personnel médical et les proches . Il n’y pas de « NOUS » d’un côté et de « VOUS » de l’autre. Nous sommes tous ‘égaux’ devant la loi et dans une certaine obligation de la respecter .. C’est pourquoi il est important d’en élaborer les termes en pensant à TOUS les membres de la société et non pas à l’une ou l’autre minorité ou majorité qui se serait exprimé à travers l’un ou l’autre sondage ou même un vote démocratique. Concernant le préambule et l’article 1. Je souhaite qu’il soit rappelé ce que la Cour des Comptes a notifié en ce 11 février 2015 : « La prise en charge des personnes en fin de vie est le parent pauvre du système de santé français .. Les capacités d’accueil sont également trop concentrées sur les hôpitaux en défaveur de l’accompagnement à domicile .. Et malgré cette concentration « 15.000 patients décédés qui auraient dû être accompagnés en 2010, seuls 7,5 % ont bénéficié de soins palliatifs. » En somme la loi Leonetti sur les soins palliatifs qui avait pourtant été votée à l’unanimité voici quelques années n’est toujours pas mise en pratique convenablement et on voudrait déjà légiférer sur une loi plus ‘ambitieuse : patience et prudence ! De larges passage de ce rapport de la Cour des Comptes mériterait de figurer dans le préambule de cette loi et aiderait à la recentrer sur l’essentiel : accompagner les personnes en fin de vie dans la dignité tant pour l’accompagné que pour l’accompagnateur. Concernant l’article 2 : Je souhaite qu’il soit explicitement mentionné que l’alimentation et l’hydratation ne soient pas considérées comme des traitements. IL s’agissait précisément de l’ambiguïté qui figurait dans la loi Leonetti et qui a déjà permis la lente mise à mort de patients paucirelationnels( e.g ; Vincent Lambert) . Coluche estimait que la « bouffe » n’était pas un soin particulier ni un luxe à apporter à la personne mais un simple ‘minimum humain » . Il fonda pour cette raison les ‘restos du cœur’ ! La boisson et la nourriture sont de simples biens vitaux comme l’oxygène et un environnement salubre. De plus L’article L1110-5 de la loi LEONETTI prévoyait que « lorsque les actes apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. » Dans le présent article on se propose de remplacer l’expression « peuvent être » par « sont » ; Cela entraîne évidemment un lien de cause à effet qui pourrait ne plus laisser la liberté de conscience du personnel médical quant au bien-fondé de cette suspension .. Je préfère donc que soit maintenue l’expression employée dans la loi LEONETTI : « peuvent être suspendus» . Concernant l’article 3 : Le plus grave et dangereux de tous les articles puisqu’il crée de fait un droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès associée à la l’arrêt des traitement de maintien de vie .. Dans cet article on rentre de plein pied dans une démarche de légalisation d’un geste euthanasique. Osons appeler les choses par leur nom ! Certes si la douleur est insupportable il faut envisager des sédations, mais pourquoi ne pas proposer et promouvoir la pratique des sédations intermittentes ou transitoires qui permettent de mesurer les effets de l’apaisement sur l’évolution de la maladie et de donner la possibilité à tout moment au patient d’affiner le traitement lorsqu’il revient à lui – soit en demandant d’intensifier la sédation soit au contraire en demandant de l’alléger car les souffrances ( physiques ou morales – ne l’exigent pas/plus. Si un patient est bien pris en charge dans une unité de soins palliatifs, il est très rare qu’il formule des demandes d’euthanasie persistantes ( 0,3 % selon une étude de Jeanne Garnier « BMC Palliative Care 2014, 13-53 » Nov14) Concernant les articles 4 & 5 : Cet article va plutôt dans le bon sens de l’immense majorité des Français : il faut mettre les moyens tant dans le déploiement des soins palliatifs que des traitements de la douleur. Former les médecins dans ces disciplines relativement récentes par les études et la formation continue. Et que l’on cesse de nous parler sans cesse des ‘déficits sociaux’ pour justifier les restrictions dans ce domaine ! La position tenue le 11 février dernier par la Cour des Comptes que l’on ne peut qualifier de laxiste doit nous donner d’excellentes pistes à suivre de toute urgence ! De plus il nous faut impérativement nous rappeler que les déficits de l’Etat ne sont apparus que depuis le jour où l’Etat a abdiqué sa fonction régalienne de battre monnaie. Faudra-t-il qu’il reprenne cette fonction en vue de protéger les droits des plus faibles de notre société ? Bémol sur l’article 5 : Veiller aussi à ce que tout le personnel médical conserve sa liberté de conscience .. Qu’il puisse à tout moment exprimer une objection que sa conscience lui dicte même si le patient exprime sa requête de ‘sédation profonde et continue’. L’exigence d’une personne ne doit pas lier une autre au point de ne plus permettre à celle-ci d’exercer son libre arbitre ! Concernant l’article 8 : Pourquoi sacraliser la volonté d’une personne à un moment donné de son histoire. Ecoutons attentivement le témoignage de personnes qui ont vécu un grave accident mais qui ont été suffisamment bien entourées pour retrouver une force de vie sans nécessairement avoir été guérie – e.g. Philippe Pozzo di Borgo, tétraplégique depuis plus de vingt ans et dont l’histoire a inspiré le scénario du film Intouchables : la plupart auraient accepté de signer avant leur accident une lettre demandant de mettre fin à leur jour s’il se trouvait dans une maladie gravement handicapante sans perspective de guérison .. Et pourtant une fois qu’ils vivent cette situation, ils changent d’avis car ils réalisant qu’ils peuvent encore vivre des choses importantes avant de mourir. J’ai été personnellement bouleversé par les témoignages de ces personnes qui se disaient avoir enfin trouver un sens à leur vie . Certes M. Pozzo di Borgo bénéficie de moyens que la plupart des Français ne possèdent pas mais en tant que société et représentants de nos citoyens posons-nous la question si c’est cette différence de moyens qui doit nous autoriser à légiférer la programmation de la mort des petits et des ‘sans-dents’ ? Encore une fois posons-nous la question des moyens que ‘l’on veut mettre dans l’accompagnement des souffrants et des personnes âgées en général .. Quelle retraite offrons-nous à nos seniors pour qu’ils puissent se payer un accompagnement digne de leur condition ? Et les familles puis les amis de ces personnes en fin de vie : comment sont-elles encouragées et soutenues concrètement dans leurs efforts de favoriser les meilleures conditions pour leur proches ? Toutes ces considérations manquent cruellement dans ces articles de proposition de loi. En guise de conclusion : Je ne sais pas comment je vais finir ma vie mais rassurez-vous, vous qui me faites l’honneur de me lire, vous ne le savez pas non plus. Et c’est un beau privilège : celui de pouvoir accueillir à chaque instant cette vie comme un formidable cadeau. Cela apporte de la paix dans le cœur car il y nourrit un sentiment de reconnaissance. Croire que l’on peut (ou pourra) tout (y compris ses proches ou le personnel médical) contrôler procure le trouble car c’est une chimère que l’on poursuit .. tout en la redoutant ! Aidons-nous à trouver la paix .. Accueillons la vie en prenant soin d’elle tant en nous que chez les autres.