REPUBLIQUE TUNISIENNE ===== MINISTERE DE LA SANTE PUBLIQUE ===== COMITE NATIONAL D’ETHIQUE MEDICALE ===== SPECIFICITES ET ROLE DES COMITES D’ETHIQUE. EXEMPLE DE LA TUNISIE Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Tunis, le 16 janvier 2003 Pr B. HAMZA Président du Comité National d’Ethique Médicale 2 Des domaines de la médecine posent aujourd’hui des problèmes de bioéthique, demandent davantage de questionnement, et mettent notre conscience et la réponse qui s’ensuit, à la rude épreuve du respect des principes fondamentaux de l’éthique. La science a en effet démontré que la révolution thérapeutique, et biologique, le développement de la génétique pouvaient donner à l’homme, des espoirs, mais aussi des angoisses. L’on sait que les nouvelles connaissances en biotechnologie peuvent avoir des incidences éthiques et morales lorsqu’elles sont confrontées à des dérives, à des dévoiements à l’occasion des applications irrationnelles. En effet, nous assistons aujourd’hui à une aventure biologique, objet de grands bouleversements entre autres : diagnostic prénatal, diagnostic préimplantatoire, diagnostic de sexe, manipulation génétique, clonage reproductif et thérapeutique ... Cette aventure nous amène à repenser les rapports entre l’homme et l’évolution de plus en plus rapide des connaissances, les risques de dérives et de nuire à la dignité de l’homme, son inviolabilité, sa sécurité, sa 3 manière de naître, de se développer, de vieillir et mourir. Aussi, pour parer aux applications irrationnelles des connaissances aux conséquences immorales et contraire à l’éthique, les communautés internationales, régionales et nationales se sont-elles dotées d’instruments de régulation. Parmi les instruments nationaux de régulation, l’on peut citer les comités nationaux d’éthique médicale. Ce sont des comités à compétence consultative pour les sciences de la vie, tournée vers le développement des sciences biomédicales. Ces comités n’ont pas pour mission de légiférer ou de réglementer. Cependant, de part leur qualité nationale, de part la qualité et le savoir des corps professionnels médicaux, philosophiques, sociaux et culturels qui y sont représentés, ils constituent une référence, à la fois à la détermination d’une politique de santé, ses implications éthiques et au respect des connaissances. C’est pour parer aux applications irrationnelles et à d’éventuelles dérives, que la Tunisie s’est dotée d’un comité d’éthique médicale. Ainsi, l’on peut dire que la Tunisie est le premier pays arabomusulman à avoir prévu dans son arsenal législatif, l’éventualité de la résurgence de problèmes moraux et 4 éthiques soulevés par la recherche dans le domaine de la biologie et par une application pratique. La spécificité du comité de Tunisie est, comme le précise l’article 8 de la loi 29-7-91 relative à l’organisation sanitaire « un organisme consultatif de la santé publique » au même titre que : Le Conseil Supérieur de la Santé Publique ; Le Conseil Supérieur de la Population ; Le Conseil National du Médicament ; Le Conseil National des Equipements Médico-techniques ; Les Conseils Régionaux de la Santé Publique ; Le Conseil National des Etablissements Sanitaires privés. Ainsi le Comité National d’Ethique Médicale de Tunisie (CNEM) est-il perçu dans un ensemble législatif. Les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement des organismes consultatifs de la santé publique lui sont spécifiques et fixées par décret. La composition du Comité est pluridisciplinaire. Il comporte 29 membres dont 17 5 proposés par leurs départements respectifs : le conseil constitutionnel, le conseil supérieur islamique, le comité supérieur pour les droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour de cassation, le tribunal administratif, un professeur d’enseignement supérieur de philosophie, de sociologie et de droit, un représentant du Secrétaire d’Etat à la Recherche Scientifique, un représentant du Ministère des Affaires sociales, trois représentants du domaine de la santé et un représentant appartenant au domaine de l’information. Douze membres sont de droit et es-qualité : les doyens des facultés médecine, médecine dentaire et de pharmacie, les présidents des conseils nationaux des ordres des médecins, des médecins-dentistes, des médecins vétérinaires et des pharmaciens. Il est créé au sein du comité national d’éthique médicale une section technique appelée à instruire les dossiers inscrits à l’ordre du jour des travaux du comité (art. 7). La section technique est composée de sept membres choisis parmi les personnalités constituant le comité . Ils sont désignés par le comité sur proposition de son président. Le président de ladite section est 6 désigné par décision du ministre de la santé publique parmi ses membres (art. 8). MODE DE FONCTIONNEMENT DU CNEM S’agissant du rôle du CNEM, celui-ci étant un organisme consultatif de la santé publique, il a pour mission : de donner un avis sur les problèmes moraux et éthiques qui sont soulevés par la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé et la pratique médicale ; il a aussi pour rôle d’édicter de grands principes pour concilier le progrès accompli dans les sciences biomédicales avec les normes éthiques, les valeurs humaines, les droits de l’homme, les réalités sociales et culturelles. En vertu de l’article 5 du décret d’application qui régit le comité, il est habilité à être saisi pour avis consultatifs qui émaneraient du Président de la chambre des députés, du Président du conseil constitutionnel, du Président du Conseil économique et social, d’un membre du gouvernement, ainsi que d’un établissement d’enseignement supérieur, de recherche 7 scientifique, ou d’une association des sciences de la santé. Il peut également se saisir lui-même de problèmes de bioéthique en vertu d’une modification du décret et à la demande du CNEM, arrêté daté du 1009-2001. Aujourd’hui, l’on peut considérer les activités du comité à travers : 1. Les Avis qu’il a émis. 2. Les conférences annuelles. 3. Les manifestations scientifiques locales et régionales. 4. Une Rencontre Internationale. 5. Une Rencontre Maghrébine. 6. La formation à la bioéthique. 7. L’enseignement et la documentation. LES SAISINES ET LES AVIS Les avis ont tous été émis sur saisines du Ministère de la Santé Publique et ont concerné : 1. La procréation médicalement assistée (décembre 1996). Pour éviter les dérives et les mauvaises pratiques de la PMA dont la demande est devenue importante, le CNEM a émis cet avis pour mettre des règles et des conditions à la pratique de la P.M.A. afin, entre autres, de préserver et respecter la vie et la filiation. 8 L’avis du CNEM : la P.M.A. ne saurait être pratiquée que dans le cadre strict du couple juridiquement constitué conformément à la législation de notre pays. La seule filiation admise et celle que « désigne le lit » comme disent les juristes musulmans. Le recours à des tiers donneurs est en contradiction totale avec notre éthique religieuse. Le respect de la vie est un principe inaliénable tant du point de vue philosophique qu’éthique, politique et déontologique. Le désir d’enfant est certes légitime, mais il y a des critères à mettre en œuvre. Age des membres du couple, délai minimum après le mariage, santé de la mère et les risques encourus par l’enfant … 2. La création de Comités d’éthique locaux intra-hospitaliers (avril 1997). Leur rôle est essentiellement consultatif et éducatif. Ils aident les médecins à prendre des décisions concernant leurs recherches et à les inciter à y réfléchir davantage. Ils veillent à respecter les protocoles des programmes de recherche biomédicales et participent à la formation et à l’éducation du personnel de la santé. 3. Le clonage reproductif (mai 1997). C’est un problème complexe dont les différentes dimensions se ramifient et s’entremêlent. Certes nous 9 utilisons le clonage animal dans un but économique et nutritionnel, mais nous assistons aujourd’hui à une aventure scientifique : clonage humain. Problème actuellement d’actualité et qui fait l’objet de sévères critiques justifiées. 4. Ethique : progrès technologique et coût de la santé (février 1999). La santé est tributaire d’une triple spirale : du progrès, des coûts et de la demande. Il est important d’étudier l’évolution de la santé et de l’économie vu les progrès énormes de la technologie, (moyens d’investigation des maladies, la thérapeutique etc.). La maîtrise de cette évolution est devenue un enjeu majeur de politique de santé pour les décideurs. 5. Le clonage thérapeutique (juillet 2002). Si le clonage reproductif se définit comme la reproduction asexuée d’embryons humains, le clonage dit thérapeutique est « le transfert d’une cellule somatique dans un ovocyte énucléé». L’objectif est de créer un embryon et lui soustraire ses blastocytes à des fins thérapeutiques (thérapie cellulaire). Il ne peut donc aboutir à une naissance, auquel cas, il serait reproductif. 10 Il s’agit alors d’initier un processus de vie puis de l’interrompre pour une utilisation thérapeutique, or, l’article 13 de la loi dispose: « Un embryon humain ne peut être conçu in vitro ou par d’autres pratiques que dans le cadre de la médecine reproductive ». Donc la loi sur la médecine de reproduction inclut implicitement dans son interdiction le clonage dit thérapeutique. La législation tunisienne est donc claire. Même en considérant ses bénéfices thérapeutiques, il n’est pas justifié de contrevenir au principe selon lequel la création d’embryons humains, toujours par voie sexuée, doit être leur propre développement et non l’expérimentation, la recherche et la production de matériel thérapeutique qui impliquent leur réification. Toutefois, en considérant qu’il est nécessaire de promouvoir la thérapeutique des maladies incurables, chez un individu, par la thérapie cellulaire utilisant les cellules souches, l’on constate que les cellules issues de transfert de noyau somatique de ses propres cellules, en raison de leur identité immunologique sont indubitablement prometteuses (greffons particulièrement tolérés et sans rejet). Donc, reconnaissant à ces cellules souches un intérêt thérapeutique majeur, il faut s’interroger s’il existe d’autres sources qui permettent d’obtenir ces 11 cellules, sans recourir à l’embryon créé par fécondation in vitro Le Comité estime important de développer et de renforcer la recherche sur les cellules souches adultes. Celles-ci peuvent constituer une source privilégiée, évitant le recours à l’instrumentalisation de l’embryon par le biais du clonage dit thérapeutique qui, par ailleurs, peut toujours être transgressé par le passage au clonage reproductif, universellement interdit. Cet avis a été transmis, par le biais du Ministère de la Santé Publique, à l’Assemblée Générale des Nations Unies afin d’élaborer une convention internationale sur le clonage thérapeutique. Les cinq premiers avis ont fait l’objet de publication et d’une large distribution, à l’échelle nationale, régionale et internationale (UNESCO en particulier). La PMA, a fait l’objet d’une loi parue dans le journal officiel de la république tunisienne (JORT), (loi n° 2001-93 du 7 août 2001, relative à médecine de la reproduction). Elle reproduit les principes fondamentaux émis par le Comité. S’agissant des AUTO-SAISINES (décret n° 20012133 du 10 septembre 2001 art. 5(nouveau)), le CNEM 12 peut se saisir d’office des questions relevant du domaine de son activité. Il s’est saisi des questions, qui sont l’objet d’étude et de recommandations par des comités appropriés et feront l’objet de discussion au niveau de la section technique puis du comité plénier. 1. L’I.V.G. après le premier trimestre : aspects médical, éthique et juridique. 2. Les essais de nouveaux traitements chez l’homme : aspects éthiques et juridiques 3. La lutte contre la diffusion de l’infection par le virus de l’immuno-déficience humaine (V.I.H.) : Aspects éthiques et juridiques. 4. L’utilisation des techniques par analyse de l’ADN en recherche de paternité (techniques des empreintes génétiques) : Aspects éthiques et juridiques. 5. La non-commercialisation de génome humain : Aspects éthiques et juridiques. 6. L’internet et la médecine : aspects éthiques et juridiques. 7. L’arrêt des soins en réanimation. En ce qui concerne les CONFERENCES ANNUELLES, celles-ci sont prévues en vertu de l’article 2 du décret qui le régit : le Comité National d’Ethique Médicale a la charge d’organiser des 13 Conférences annuelles au cours desquelles des questions importantes liées à l’éthique médicale sont abordées publiquement. Les thèmes qui ont été abordés sont les suivants : 1. LA FORMATION EN BIOETHIQUE (25-4-96). L’éthique implique une conduite orientée vers le meilleur comportement possible, en vue d’arriver au meilleur résultat possible. Il ne s’agit pas d’un comportement stéréotypé, sorte de loi morale rigide assignée à chacun, mais d’un comportement qui s’adapte à chaque situation et respecte la dignité humaine. L’intérêt actuel pour l’éthique médicale résulte des prodigieux progrès de la science et de la médecine. Des progrès technologiques ont été accomplis dans divers domaines : recherche scientifique, méthodes de diagnostic, procédés curatifs, chirurgie, transplantation cardiaque, fertilisation in vitro, et autres techniques nouvelles utilisées par des équipes médicales grâce à leur formation spécialisée et aux moyens techniques mis à leur disposition. Mais ces progrès technologiques posent des problèmes dont les solutions ne sont pas prêtes à l’avance, et nécessitent de sérieuses réflexions, avant la prise de n’importe quelle décision. Dans ce domaine, nous sommes tenus d’apporter, sans 14 improvisation, ou précipitation, des solutions à des problèmes, conformément à nos ambitions scientifiques et aussi à notre respect de l’être humain, de la morale, de la civilisation et de la religion. Depuis des décades, la Tunisie s’est engagé, d’abord à défendre une éthique axée sur les préoccupations primordiales de nos concitoyens : garantir le droit aux soins pour tous, se prémunir et se protéger des maladies contagieuses, augmenter l’espérance de vie, développer l’éducation de base, améliorer les conditions de vie, développer l’éducation de base. Nous poursuivrons dans cette voie que nous considérons conforme à une saine démarche éthique, car elle nous a permis de réaliser un certain nombre d’objectifs et de maîtriser certaines situations difficiles et de tirer profit des conquêtes de la science dans le domaine de la vie. Cependant, nous serons, de plus en plus confrontés à des problèmes complexes et serons en butte à des abus et à des dérapages si nous n’avons pas de formation en bioéthique à acquérir par la théorie et la pratique. 2. LES COMITES D’ETHIQUE LOCAUX INTRA-HOSPITALIERS (22-10-97). La nécessité de mener des recherches sur certaines pathologies qui a conduit à la mise sur pied de comités 15 ‘éthique locaux notamment « hospitaliers » et ce, d’autant plus que les règles internationales font obligation aux chercheurs de solliciter l’avis d’un comité. La mission des comités d’éthique hospitaliers consiste dans : - Evaluation des projets de recherche : conformément à la Déclaration d’Helsinki, tout protocole de rechercheimpliquant l’être humain doit être soumis à un comité d’éthique pour évaluation, qu’il émane de centres hospitaliers ou d’organismes de recherche, publics ou privés. - L’aide à la décision : les raisons de cette mission attribuée aux C.E.H. sont multiples : * La complexité des problèmes éthiques de nature différente qui dépassent des problèmes concernant la seule compétence professionnelle du médecin ; la concertation éventuelle des groupes d’acteurs dont les intérêts, les fins et les projections de valeurs peuvent ne pas être compatibles : le malade et son entourage ; les professionnels de la santé ; les administrateurs. A ces raisons, s’ajoutent des coûts économiques qui peuvent être considérables, des normes juridiques qui, dans certains cas, sont sujettes à interprétation et l’on comprendra qu’il n’est pas aberrant de juger qu’une 16 aide à la décision, fournie par un comité multidisciplinaire puisse être utile aux professionnels de la santé, aux malades et à la qualité globale des soins hospitaliers. - La formation : Dans la mesure où le comité d’éthique hospitalier doit faire réfléchir et fournir un forum de discussion sur les questions éthiques, il propose de lui attribuer la mission d’élaborer — en dehors des situations d’urgence — des orientations visant à guider la prise de décision éthique des soignants dans leur travail journalier. - Veiller aux droits des malades : Il est proposé que les C.E.H. veillent aux droits du patient, à la qualité des soins qui lui sont prodigués, à la qualité humaine de l’environnement hospitalier et qu’ils veillent également à la bonne information des malades et aux modalités du recueil de leur consentement pour toute intervention, en dehors de l’urgence. 3. LE PROGRES MEDICAL : COUT ET ETHIQUE (22-4-98). Notre politique nationale de santé vise à : améliorer et renforcer notre système de couverture sociale ; donner à chacun la meilleure chance de préserver et de promouvoir sa santé. 17 Ces objectifs éthiques doivent s’exprimer dans trois priorités : 1. Améliorer la santé : l’objectif de la politique de santé est d’identifier au moins les besoins de santé des populations, de développer et d’organiser au mieux les moyens de prévention comme de soins pour y répondre. 2. Réduire les inégalités et prêter une attention particulière aux plus fragiles tout en consolidant l’universalité de la sécurité sociale. 3. Oeuvrer pour un équilibre financier de la sécurité sociale, condition de pérennité, à la fois par un financement plus assuré et plus équitable et par une maîtrise des dépenses au service de l’impératif de meilleure utilisation des ressources. 1) Une politique de santé au service des populations Une politique de la santé publique renforcée : trois objectifs : - Renforcer la prévention et la promotion de la santé des enfants, des adolescents et des jeunes ; - Améliorer la prévention, le dépistage et la prise en charge des soins palliatifs ; - Réduire les inégalités de santé inter et intrarégionales. 4. ETHIQUE ET COMMUNICATION DE LA SANTE (11-11-99). 18 Le thème est en rapport à la médiatisation de la santé, ses limites éthiques et juridiques. Si nous avons choisi ce thème, c’est en raison de l’accroissement du nombre, de la rapidité, de la technicité des informations scientifiques et de l’intérêt qui leur est porté par le grand public sachant que celui-ci exige la viabilité de l’information, ses sources sociales et techniques. Il faudrait avoir constamment à l’esprit que l’information ne s’adresse pas seulement au grand public. Elle s’adresse de plus en plus à un public informé, éduqué, qui connaît parfois le sujet et qui cherche l’actualité et la nouveauté. Aussi, la responsabilité du corps scientifique est-elle engagée pour limiter autant que possible, la quête du scoop et la prédilection pour le sensationnel. 5. LA RELATION SOIGNANTSOIGNE : CONSIDERATIONS JURIDIQUES ET ETHIQUES (16-112000). Aujourd’hui, la prise en charge du malade, ne se réduit pas exclusivement aux soins. l’acte médial devenant inséparable de la démarche formative et éducative. Celui-ci en raison des progrès technologiques doit répondre aux obligations de soins de plus en plus renouvelés. Cela suppose donc une relation de partenariat, une confiance réciproque qui doit aboutir à 19 une meilleure compréhension entre les deux partenaires soit le thérapeute et son patient. Le résultat en est l’acceptation, un consentement mutuel après avoir fait prendre conscience au patient des actes médicaux dont la justification est liée à l’efficacité, à la nécessité diagnostique, thérapeutique et à la solidarité nationale, s’agissant du meilleur coût des prescriptions. On passe alors du paternalisme à la codécision. 6. LES ENJEUX ETHIQUES DES PROGRES DE LA MEDECINE (12-01-2002) On peut dire que notre société contemporaine a beaucoup évolué sur le plan des connaissances de la médecine. De Curative, préventive, prédictive, substitutive, elle s’étendra à la médecine regénératrice. Nous pourrons alors, guérir, prédire, prévenir, transplanter des organes du vivant et du cadavre, transplanter des cellules fœtales, des cellules souches embryonnaires. L’embryon sera instrumentalisé pour parer les organes défectueux. Devant ces possibilités, les enjeux bioéthiques se développeront encore davantage. La pratique médicale se trouvera davantage confrontée à des dilemmes. Chercheurs et praticiens doivent engager alors, un dialogue avec leur conscience pour tenter de dégager une conduite qui respecte au mieux 20 les deux règles fondamentales de l’éthique, la non nocivité, l’utilité de l’application de la recherche. Aussi, l’éthique devra-t-elle être constamment l’objet de notre réflexion, car toute la société est concernée par les activités nouvelles du génie de la science. La science et la technique doivent prendre en compte les enjeux culturels et éthiques qui leur sont liés. Si la palette des pouvoirs potentiels de la recherche s’oriente de plus en plus en faveur de l’homme, elle doit, néanmoins se dérouler dans le respect des principes fondamentaux de l’éthique. C’est alors que celle-ci s’introduira davantage dans le langage médical, juridique et politique. Il n’y a pas de doute : nos sociétés doivent apprendre à vivre avec le progrès des connaissances de la biotechnologie. Il importe qu’elles soient informées aussi des risques de l’usage inconsidéré de chaque nouvelle technologie : aux comités d’expliquer et soulever des débats sur les enjeux du développement pour instituer au sein de la société la confiance en la science. Il importe de faire participer les citoyens, à tous les niveaux, aux débats sur les progrès de la médecine et médiatiser les enjeux du développement. C’est ce rôle que voudraient jouer les comités d’éthique en organisant des conférences 21 d’information, d’éducation ouvertes au public et des débats autour des progrès de la science. Le rôle de ces comités est aussi de porter l’attention des décideurs sur les avancées de la science médicale, ainsi que leurs implications éthiques. Si l’on ne peut discuter les bienfaits du progrès, c’est l’utilisation banalisée, qu’elle soit curative, préventive, prédictive, substitutive ou regénératrice qui soulève des enjeux bioéthiques. Ceux-ci occupent de plus en plus l’avant-scène de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, d’où la responsabilité d’une réflexion approfondie sur les sciences de la vie, suivie d’un encadrement législatif ou règlementaire dans un domaine aussi fertile au progrès rapide des pratiques et des techniques. DIFFUSION DES AVIS ET ACTES DES CONFERENCES Nous faisons remarquer que les 6 premières conférences ont fait l’objet de publication et d’une large distribution aux participants aux conférences annuelles, certains départements et associations scientifiques nationales et internationales (CIB, Comité consultatif français, libanais, algérien, Commission européenne, et d’autres). Ils sont disponibles au sein de notre bibliothèque pour consultation éventuelle. 22 Concernant LES MANIFESTATIONS SCIENTIFIQUES LOCALES ET REGIONALES L’intervention du Comité a été sollicitée lors de manifestations scientifiques locales et régionales. Il est intervenu sur les thèmes suivants : la PMA, la transplantation d’organes, l’éthique médicale, la médecine prédictive, le diagnostic anténatal, l’acharnement thérapeutique, islam et progrès médical dans les sciences de la vie, le vieillissement, les xénogreffes et éthique. LA RENCONTRE INTERNATIONALE DE BIOETHIQUE Une Rencontre Internationale de Bioéthique, a été organisée en collaboration avec le Secrétariat d’Etat à la Recherche Scientifique et à la Technologie. Les thèmes ont concerné en particulier la Problématisation de l’universalité de l’éthique, les valeurs de la vie et éthique de la responsabilité, l’acharnement thérapeutique, les aspects religieux, culturels et éthiques de la transplantation d’organes, la bioéthique : enjeux pour la protection de la personne et de la société. LE COLLOQUE BIOETHIQUE MAGHREBIN 23 DE Un Colloque Maghrébin de Bioéthique a été organisé à Tunis en novembre 1999 autour du thème « Douleur et soins palliatifs ». Nous avons voulu attirer l’attention sur la souffrance morale et psychologique qui pose des problèmes du maintien de la dignité humaine. Les enjeux éthiques au stade de fin de la vie concernent le sens donné aux derniers moments de celle-ci de sa valeur et de sa qualité. Aussi toute décision médicale est-elle confrontée à des choix de valeurs, à des dilemmes pour les soignants. C’et là que la relation soignant-patient doit s’enrichir d’attitude d’écoute, de générosité, de solidarité. En mettant tout en œuvre pour permettre au patient de vivre le temps qui lui reste dans les meilleures conditions possibles, aussi bien du point de vue physique que psychologique, social et familial. Concernant la DOCUMENTATION Le Comité s’est doté d’une importante documentation sur la bioéthique (ouvrages, revues, thèse, mémoires, etc.) qui est consultée, non seulement par le corps médical, mais également par d’autres corps (juristes, sociologues, philosophes, chercheurs, cliniciens, biologistes). 24 Concernant L’ENSEIGNEMENT de l’éthique médicale Celui-ci est intégré soit dans la déontologie, soit dans la philosophie des science ou le droit humanitaire, soit dans le certificat de pratique médicale autour de cas cliniques où les données éthiques sont abordées devant des situations cliniques. Un effort est fait en matière de formation pratique des paramédicaux au cours de leur cursus. Ainsi la formation des médecins et des paramédicaux constituet-elle un apport déterminant à la rationalisation qualitative et même économique du recours au progrès de la biotechnologie. C’est dans cette perspective que les modules diffusés tendent de démontrer que la formation médicale n’est pas seulement fondée sur « l’accumulation des connaissances théoriques et académiques », mais sur des confrontations éthiques des problèmes de pratique médicale. Quel a été l’impact du Comité ? On peut l’envisager sur 3 plans : 1. des professionnels de la santé 2. l’opinion publique à travers les médias 3. la société. 25 1°/ Sur les professionnels de la santé et sur l’enseignement supérieur L’on peut considérer que l’impact des conférences annuelles, des manifestations scientifiques et régionales, de la documentation fournie au niveau des institutions de l’enseignement, et des professionnels de la santé et d’autres disciplines a été positif. Des associations médicales, sociales et juridiques ont sollicité l’intervention du Comité lors de leurs manifestations scientifiques (ex. droit, médecine scolaire et préscolaire, office national de la famille et de la population, vétérinaires, dentistes, biologistes, département de philosophie - faculté des sciences humaines et sociales de l’Université de Tunis I). 2°/ Les médias Les médias ont assisté chaque fois à nos conférences annuelles et des interviews leur ont été accordés pour information des citoyens sur nos choix en bioéthique, interviews et qui ont été publiés par les quotidiens locaux ou qui ont fait l’objet d’émissions radiophoniques ou télévisées. 3°/ La société L’impact sur la société, c’est avec modestie que l’on pourrait le quantifier. Au niveau de la société tunisienne, il y a encore une confusion entre morale, 26 déontologie et éthique. Les normes éthiques proposées par le Comité devraient donc susciter réflexions et interrogations et déboucher éventuellement à la consolidation par le droit et à une réglementation spécifique. CONCLUSION En conclusion, l’on peut dire que depuis sa création, le Comité National d’Ethique Médicale de Tunisie s’est attaché à édicter de grands principes qui permettent de concilier les progrès technologiques avec les normes éthiques, les valeurs humaines et les réalités sociales. Les sujets débattus ou à débattre au sein de comités nationaux là où ils existent dans les pays arabes, sont nombreux compte tenu du contexte social, culturel et économique. A ce sujet, je voudrais faire remarquer que le Conseil des Ministres Arabes de la Santé, qui s’est réuni à Beyrouth le 28 mars 2000, sur proposition du Ministre Tunisien de la Santé Publique a appelé à la création de comités de bioéthique nationaux. Il a été décidé de créer un Comité Arabe d’Ethique Médicale, composé des pays membres et a recommandé par ailleurs l’enseignement de l’éthique médicale. Ce Comité serait habilité à favoriser les échanges de données scientifiques et juridiques de la bioéthique. Cette initiative aurait alors, le rôle d’un 27 réseau inter-arabe, appelé à travailler avec d’autres réseaux régionaux, méditerranéens en particulier et autres. Cette décision serait le point de départ d’un mécanisme qui permettrait de coordonner nos efforts, de jouer un rôle catalyseur, de donner cohérence, d’agir comme instrument de soutien à la concertation, de faire des choix, d’informer notre public, de faire valoir notre spécificité au sein des organisations internationales où des problèmes essentiels des sciences de la vie sont discutés. Ceux-ci ne peuvent nous laisser indifférents car l’indifférence n’appartient à aucun ordre éthique et il est de notre devoir de discuter de nos propres choix à faire, des nouvelles responsabilités à exercer en cherchant un équilibre entre le pouvoir de la science et notre attachement aux valeurs de notre société dans un esprit d’humanisme, de générosité et de solidarité. Des comités nationaux de bioéthique ont par ailleurs été mis en place dans certains pays arabes notamment : Algérie, Egypte, Liban. C’est ainsi que le Conseil National de l’Ethique des Sciences de la Santé a été institué en Algérie par la loi n° 90-17 du 13 juillet 1990 relative à la protection et à la promotion de la santé ; il a été effectivement organisé par le décret exécutif n° 96-122 du 6 avril 1996. L’Egypte s’est 28 dotée d’un Comité National de Bioéthique par l’arrêté n° 1791 du 28 novembre 1996 du Ministère de l’Education. Au Liban, un comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la santé et de la vie a également été institué par l’arrêté n° 63 du 15 mai 2001 du Président du Conseil des Ministres. Le premier comité en date dans le contexte régional Arabo-musulman et qui s’est manifesté par ses activités mentionnées ci-dessus est le comité tunisien. Il a plaidé pour des choix qui s’apparentent à ses yeux aux démarches les plus éthiques et aux progrès renouvelés de la science tout en souhaitant que les thèmes objets de réflexion et de vigilance entrent dans un cadre de contrat règlementaire qui les fonde au profit de notre société. Des Etats arabo-musulmans sont de plus en plus conscients des risques induits par l’absence de législation positive et ont le recours aux fatwas. C’est dans ce sens que l’Académie Islamique du Fiqh (1997, dans sa session relative au clonage humain) les a invité à adopter des lois et des règlements nécessaires à l’encadrement de la bioéthique. Quant à la Tunisie, elle a opté pour le droit positif pour encadrer la bioéthique 29 et l’on peut citer à titre d’exemple la loi sur les transplantations d’organes, la loi sur la reproduction assistée, qui inclut dans l’article 8 le clonage. 30