Chapitre 5 : Les politiques conjoncturelles

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Chapitre 5 : Les politiques conjoncturelles
On distingue les politiques conjoncturelles des politiques structurelles :
Les politiques structurelles sont par exemple les
politiques d’éducation, les politiques industrielles, les réformes
institutionnelles (concernant le marché du travail, le marché
financier, etc.), etc. Ce sont des politiques qui visent une
croissance économique à long terme, qui s’inscrivent dans la
durée.
A contrario, les politiques conjoncturelles visent à
atténuer les fluctuations autour de la tendance de long terme, et
en tout était de cause à limiter l’ampleur des récessions. Ces
politiques conjoncturelles correspondent aux politiques
monétaires menées par la Banque Centrale et aux politiques
budgétaires qui agissent toutes sur la demande de biens.
L’économie subit en effet des fluctuations au
cours du temps qui correspondent à des cycles ; on
distingue 4 phases ayant des durées différentes :
- une phase de croissance
- une phase de stabilisation (pic)
- une phase de récession
- un creux (heures les plus sombres)
Et ainsi de suite.
Les économistes s’accordent pour dire que la durée d’un pic est de 4/5 ans environ. On parle de cycles des
affaires ou business cycles.
Définition : Deux variables sont dites contra-cycliques quand elles sont en opposition de phase : l’expansion de
l’une correspond à la récession de l’autre.
Exemple : le chômage et l’activité.
Définition : Deux variables sont dites pro-cycliques quand elles sont coïncidentes, c’est-à-dire quand elles
partagent le même cycle.
Exemple : l’investissement et l’activité.
Il existe d’autres types de cycles en économie :
les cycles très courts, appelés cycles infraannuels (à l’intérieur d’un année) qui correspondent aux
variations saisonnières.
Exemple : entre mi-novembre et mi-décembre, l’activité du commerce connaît des pics, et il en est de même
pendant les périodes de soldes.
-
-
Les cycles très longs, appelés cycles kondratiev (différents de la théorie marxiste), qui durent de
50 à 60 ans.
Kondratiev commence la datation de son premier cycle de 1787 à 1814, une période durant laquelle une phase
de croissance a eu lieu, puis à partir de 1815 une récession s’est opérée pour se finir en 1849.
Le deuxième cycle démarre en 1850, date à laquelle une croissance a à nouveau eu lieu jusqu’en 1873 où la
récession a repris le relais pur s’achever en 1896.
Le troisième commence donc en 1896 où la croissance reprend jusqu’en 1923, puis une récession s’opère
jusqu’en 1948.
De 1948 à 1973, les trente glorieuses donc, la croissance recommence (quatrième cycle), puis de 1973 à 1998 la
récession refait son apparition.
On suppose donc qu’à partir de 1998 le cycle reprendra comme précédemment.
Schumpeter a donné des fondements théoriques pour expliquer ces cycles en se basant sur les innovations
technologiques : l’idée est que l’émergence d’une innovation technologique radicale entraîne une phase de
croissance. Exemples :
- 1787 : apparition de la machine à vapeur et révolution avec les machines à tisser.
- 1850 : découverte de l’acier et généralisation du chemin de fer
- 1896 : création du moteur à explosion et utilisation de l’électricité.
Une vague d’innovations moins importantes se produit alors : ce sont les innovations agrémentales qui
créent des emplois et participent par conséquent à la phase de croissance. Néanmoins, il y a un moment où cela
s’essouffle, les innovations deviennent anecdotiques, le marché devient saturé et les entreprises sont amenées à
faire faillite, d’où la récession. On parle ici d’assainissement du marché. Il faut attendre une nouvelle innovation
pour relancer la machine.
En d’autres termes, les phases de récession s’expliquent par l’épuisement des opportunités
d’investissement. La source se tarit, l’investissement agrégé devient trop abondant par rapport aux débouchés,
on observe alors une vague de faillites.
Au cours de chapitre, nous nous intéresserons exclusivement aux cycles d’affaires et à l’impact des
politiques conjoncturelles sur ces derniers.
I.
L’utilisation des dépenses publiques comme un moyen d’éviter les
récessions
Dans une optique keynésienne de court terme, les gouvernements peuvent choisir de relancer l’activité
économique en menant une politique budgétaire expansionniste.
Attention : Dans le chapitre 3 ; nous étions dans une optique de long terme ; il est naturel que les conséquences
d’une politique budgétaire à court terme et à long terme soient différentes.
A court terme, on considère que les prix sont rigides, c’est-à-dire fixes, car ils n’ont pas eu le temps de s’ajuster.
On observe donc un déséquilibre sur le marché des biens et services.
y eff 1 : production effective pour la demande 1
y eff 2 : production effective pour la demande 2
_
Pour p, il y a une insuffisance de la demande.
Dans ce type de situation, on dit que les
entreprises sont contraintes sur leurs débouchés ; le niveau
de production s’ajuste alors sur le niveau de la demande.
Evidemment, tout se passe comme si la courbe d’offre
agrégée était horizontale puisque toute hausse de la
demande se traduit par une hausse de la production.
En économie fermée, les composantes de la demande sont :
yd = C+I+G
Avec comme précédemment :
C : consommation
I : investissement
G : dépenses publiques
Toute augmentation des dépenses publiques implique une de hausse de la demande de biens, ce qui
implique à court terme et à prix constants une augmentation de la production, et donc une diminution du
chômage.
Keynes souligne et met à jour ce qu’il appelle le cercle vertueux, qui correspond à l’effet multiplicateur :
Hausse de G => hausse de y d => hausse de y => hausse de la consommation privée => hausse de y d => etc.
Cercle vertueux
La consommation keynésienne des ménages est une fonction croissante du revenu et s’écrit :
C = G + c (y - T)
Avec C : Consommation privée G : Dépenses publiques T : Impôts
y : production
En d’autres termes, une augmentation d’une unité des dépenses publiques entraîne une augmentation de la
production supérieure à l’unité. Ce mécanisme n’est VALABLE qu’à COURT TERME.
Que se passe-t-il à long terme, lorsque les prix sont flexibles et les marchés équilibrés ?
Sur le marché des biens :
_
_ _
y = F (K, L)
Le niveau de production est déterminé pars les équilibres sur le
marché des facteurs.
Notons qu’au niveau de y d 2, les effets sont décuplés.
A long terme, une politique budgétaire n’a plus aucun effet sur
la production et donc sur le chômage : c’est un effet d’éviction
totale (on retrouve ici le résultat du chapitre 3).
L’augmentation des dépenses publiques est exactement
compensée par la baisse de l’investissement privé.
Par ailleurs, Keynes nous indique qu’à court terme, un effet
d’éviction peut avoir lieu, mais il n’est jamais total. Par
conséquent, on a bien un effet sur l’activité économique.
La politique budgétaire expansionniste (c’est-à-dire l’augmentation des dépenses publiques) permet ainsi de
limiter l’ampleur des récessions à court terme.
Exemple : Roosevelt applique avec succès les préceptes de Keynes durant la grande dépression aux Etats-Unis.
Néanmoins, ce type de politique présente des inconvénients :
1) Limite à moyen terme d’une politique expansionniste
Dès le moyen terme, on observe une hausse des prix sur le marché des biens, et à trop vouloir relancer
l’activité on initie une spirale inflationniste, ou du moins c’est le risque qu’on encourt.
Exemple : Dans les années 60, les Etats-Unis ont connu une série de grandes dépenses volontaires comme les
programmes aéronautiques, et en parallèle des dépenses subies comme la guerre du Vietnam. Il y a donc eu une
spirale inflationniste à a fin des années 60.
La leçon des années 70 est que lorsque la politique économique devient trop expansionniste, l’inflation
ne se contente pas de monter modérément, mais se met aussi à s’accélérer sans limite apparente, avec la
boucle prix-salaire-prix qui s’enclenche.
2) Limite externe à l’utilisation des politiques budgétaires
En économie ouverte, une politique budgétaire expansionniste peut générer un déficit de la balance
commerciale. En augmentant les dépenses publiques, on augmente la consommation privée par l’effet
multiplicateur, mais les ménages consomment aussi plus de produits étrangers, d’où une augmentation de
l’importation.
Cette limite externe est une des explications d’un blocage de la relance de la demande en 1981. En 1981, la
politique budgétaire menée par la France était isolée, au sens où en Angleterre en particulier, on menait des
politiques restrictives. On a donc reproché aux gouvernements français de financer la relance de nos partenaires
(car les dépenses publiques profitent aussi aux producteurs étrangers), ce qui a induit un déficit de la balance
commerciale. Cet échec a mis le doigt sur l’importance dans nos économies de plus en plus ouvertes à mettre en
place des politiques concertées au niveau européen.
3) Limite provenant du poids des finances publiques
En menant une politique budgétaire expansionniste, on creuse généralement le déficit budgétaire, ce qui
alourdit la dette publique.
Le déficit budgétaire présente deux composantes :
 le déficit primaire :
G–T
où G représente les dépenses publiques,
et T les impôts diminués des transferts
 le paiement des intérêts sur la dette accumulée dans le passé.
Dette à la date t :
Dette t = Dette t-1 + Déficit budgétaire t
Un effet boule de neige est donc possible : une augmentation du déficit budgétaire peut provoquer cet effet boule
de neige au sens où elle aggrave la dette, et augmente par conséquent le poids de remboursement de la dette, et
donc le paiement des intérêts sur la dette, ce qui provoque une augmentation du déficit budgétaire sur la période,
et ainsi de suite.
Il arrive un moment où le niveau de la dette est si élevé, qu’on dit que la dette nourrit la dette. Et en effet, on a
observé une dérive des finances publiques en Europe :
Période
1961-1970
1971-1980
1981-1990
Déficit en proportion du PIB
0,2 %
2,6 %
4,0 %
Ce déficit a atteint son point culminant en 1993 avec un déficit
s’élevant à 6,1 % du PIB européen.
Dans les années 60, la croissance économique était très
élevée, et les recettes fiscales étaient proportionnelles à l’activité
économique. Les pays disposaient donc de recettes fiscales importantes, ce qui leur a permis d’effectuer des
dépenses publiques à budget équilibré.
A l’opposé, dans les années 70, les taux de croissance du PIB étaient faibles, les recettes fiscales étaient
donc amoindries. Par ailleurs, la très forte inflation de cette époque a entraîné des taux d’intérêts réels ex-post
faibles, voire même négatifs, ce qui a induit une redistribution en faveur des emprunteurs, et notamment en
faveur de l’Etat. Le paiement des intérêts ne pesait donc pas lourd sur le budget du gouvernement, il n’y avait
donc pas encore d’explosion du budget.
Dans les années 80, on assiste à un véritable retournement de situation, avec à la fois des taux de
croissance faibles et des taux d’intérêts élevés. Conséquence : le déficit public s’est creusé, pour culminer en
1993.
A partir de ce moment, les pays européens ont décidé de mener une politique concertée
d’assainissement de leur déficit avec le traité de Maastricht en 1991, qui exige que le déficit en proportion du
PIB doit être strictement inférieur à 3 % et que la dette en proportion du PIB ne doit pas excéder 60 %. Ce traité
a instauré la théorie du couronnement qui stipulait que, pour faire partie des élus de l’union monétaire, il fallait
respecter certains critères assez stricts en matière de financement public.
Attention : les déficits correspondent à des flux
tandis que les dettes correspondent à des stocks, car elles
prennent du temps.
Union Européenne
Italie
Belgique
Ratio d’endettement
1981
1998
2000
24 %
56,7 %
55 %
56,4 %
107 % 102,8 %
82,2 % 114,7 %
109 %
Une dérive budgétaire fait peser de lourdes contraintes sur l’utilisation de la politique budgétaire à des
fins de stabilisations de l’activité, car les gouvernements se retrouvent comme asphyxiés, avec comme principale
préoccupation le remboursement des dettes passées. Par conséquent, ils n’ont plus les marges de manœuvre
nécessaires pour mener une politique budgétaire expansionniste, et doivent se contenter de politiques passives en
laissant jouer ce que l’on appelle les stabilisateurs automatiques : si les impôts sont proportionnels aux
revenus, les recettes fiscales vont s’écrire :
T =t×y
(où t représente le taux de taxe), ce qui montre
qu’en période de crise, non seulement l’activité chute, mais les impôts diminuent aussi. Et, d’après la fonction de
consommation keynésienne C = G + c (y - T)
la diminution des impôts soutient quelque peu le revenu
disponible des ménages, et par la même leur consommation.
4) L’équivalence ricardienne
Rappelons qu’il existe deux instruments pour effectuer une politique budgétaire expansionniste :
l’augmentation des dépenses publiques, et la baisse des impôts.
D’après Ricardo (1772-1823), quand on prend en compte la contrainte budgétaire intertemporelle du
gouvernement ou des ménages, une politique budgétaire expansionniste du type baisse des impôts n’a aucun
effet sur l’activité, et donc sur l’emploi.
Supposons qu’un gouvernement décide d’accorder une baisse des impôts afin de relancer la
consommation. Selon Ricardo, les ménagent anticipent le fait que les déficits publics vont se creuser, et que tôt
ou tard, le gouvernement devra augmenter les impôts pour rembourser sa dette. Par conséquent, les ménages
vont épargner le coup de pouce fiscal pour être à même de rembourser l’augmentation des impôts futurs.
Définition : l’équivalence ricardienne montre que la baisse des impôts entraîne non pas une augmentation de
la consommation, mais une augmentation équivalente de l’épargne privée, qui vient exactement compenser
l’aggravation du déficit budgétaire.
Sur le marché des fonds prêtables, l’augmentation de la demande de fonds du gouvernement est servie
par l’augmentation de l’offre de fonds des ménages à taux d’intérêt réels inchangé, il n’y a donc aucun effet sur
l’activité.
A montant d’épargne nationale inchangé, on a juste une recomposition de cette épargne : la baisse de
l’épargne publique est exactement compensée par une augmentation de l’épargne privée.
Sur le plan empirique, on ne retrouve pas cette équivalence ricardienne, car au niveau théorique elle
suppose que les agents ont une durée de vie infinie. Or dans la réalité, ils sont mortels, et peuvent donc espérer
que l’augmentation des impôts futurs pour compenser l’aggravation du déficit budgétaire aura lieu après leur
mort. Dans ce cas, ils peuvent profiter du cadeau fiscal.
II.
La politique monétaire
Hypothèse keynésienne : à court terme, les prix sont fixes.
On rappelle que i = r + π et qu’à court terme, les prix son fixes, donc le taux d’inflation π est nul ; une baisse
du taux d’intérêt nominal i entraîne donc une baisse du taux d’intérêt réel r. Une politique expansionniste à court
terme (à prix fixes) donc, selon Keynes, induit une baisse des taux d’intérêts et par conséquent une relance de
l’investissement privé.
Effet multiplicateur
En résumé :
↑ M S => ↓ i => ↓ r => ↑ I => ↑ y d => ↑ y => ↑ C => ↑ y d , etc.
Avec y d = C + I + G
On ne retrouve pas ici les conclusions du chapitre 3 où le taux d’intérêt réel d’équilibre ne dépendait pas de
l’offre de monnaie. En effet, le chapitre 3 est un modèle de long terme, et que dans un tel cas, une politique
monétaire expansionniste n’a aucun effet sur l’activité. En effet, à long terme, le niveau des prix s’ajuste et
augmente suite à une augmentation de la masse monétaire (cf. graph.) L’augmentation des prix conduit donc le
rapport M/P à son niveau initial. On dit que la monnaie est neutre à long terme, au sens où une variation de la
quantité de monnaie en circulation n’a aucune incidence sur les variables réelles. Seules les variables nominales
varient, proportionnellement à la variation de la quantité de monnaie en circulation. On parle aussi de
dichotomie, car il n’y a aucune interaction entre sphère nominale et sphère réelle.
Remarque : Dans la conduite d’une politique monétaire à court terme, il faut noter le rôle fondamental des
anticipations des ménages (comme on l’a vu dans le chapitre précédent), et donc l’importance de l’effet des
annonces de la Banque Centrale.
Remarque : John Taylor a étudié les effets d’une augmentation permanente de 3 % de la masse monétaire, étalée
progressivement sur un an. Ces effets de la politique monétaire atteignent leur maximum après trois trimestres.
Au pic, il observe que la production est de 1,8 % supérieure à ce qu’elle aurait été sans politique monétaire, mais
au fil du temps, les prix ont augmenté, et la production a retrouvé son niveau d’équilibre. Après 4 ans, les effets
de la politique monétaire sont quasiment nuls.
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