HYPOKALIEMIE - HYPERKALIEMIE I - OBJECTIFS 1 - Savoir repérer les hypo- et les hyperkaliémies et en connaître les principaux mécanismes physiopathologiques. 2 - Repérer : · une insuffisance rénale aiguë derrière une hyperkaliémie, · une fuite intestinale ou urinaire derrière une hypokaliémie. 3 - Savoir interpréter conjointement des anomalies du métabolisme du potassium et de l'équilibre acidobasique. 4 - Evaluer les anomalies de l'excitabilité neuromusculaire induites par les dyskaliémies, et tout particulièrement l'excitabilité cardiaque. 5 - Savoir traiter les dyskaliémies. II - PRÉREQUIS PHYSIOLOGIQUES 1 - Le potassium se distribue inégalement entre milieu intra- et extra cellulaire. Dans les cellules sa concentration est comprises entre 100 et 150 mmol/l alors que dans le milieu extracellulaire elle est comprise entre 4 et 5 mmol/l. 2 - Les entrées de potassium sont essentiellement représentées par l'ingestion de végétaux (fruits et légumes). 3 - L'élimination du potassium est fécale et urinaire. Cette dernière est régulée par le tubule rénal notamment sous le contrôle des hormones minéralocorticoïdes (aldostérone). La kaliémie est aussi régulée par des transferts internes entre les compartiments intra- et extracellulaires, sous la dépendance du PH, de l'insuline, des catecholamines, etc... 4 - L'ion potassium contribue au maintien de la polarité des cellules. Toute dyskaliémie modifiera l'excitabilité cellulaire soit en hyperpolarisant soit en dépolarisant la cellule. Ainsi, les variations de concentration du potassium modifient-elles l'excitabilité neuromusculaire notamment cardiaque induisant des troubles du rythme et contrôle-t-elle de nombreuses sécrétions endocrines (insuline). III - CONDITIONS D'ÉTUDE DES DYSKALIÉMIES 1 - Une hyperkaliémie peut-être un artéfact liée à l'hémolyse : toujours contrôler la qualité du prélèvement sanguin. 2 - On ne peut évaluer une dyskaliémie sans la mesure du potassium dans les urines de 24 heures. 3 - On ne peut aborder le diagnostic étiologique d'une dyskaliémie sans faire concurremment le bilan du sodium et celui des protons. IV - DÉFINITIONS L'hypokaliémie est certaine au-dessous d'une concentration plasmatique de 3,5 mmol/l. Cette diminution doit être interprétée en fonction de son ancienneté si tant est qu'elle puisse être déterminée, afin de savoir si les stocks tissulaires en potassium sont normaux ou diminués. En présence d'une hypokaliémie sévère la kaliurèse, si elle est adaptée, ne doit pas excéder 10 à 15 mmol/24 h. En pratique, l'excrétion urinaire de plus de 40 mmol/24 h de potassium, en présence d'une hypokaliémie et en l'absence de traitement diurétique, témoigne à l'évidence d'une fuite rénale. L'hyperkaliémie se définie par une concentration plasmatique du potassium supérieure à 5 mmol/l, en l'absence d'hémolyse. Une hyperkaliémie est souvent bien tolérée avant que n'apparaissent brutalement des troubles du rythme cardiaque en rapport avec une hyperexcitabilité de la cellule myocardique. L'hyperkaliémie est rare chez les sujets ayant une fonction rénale normale, si bien qu'en général, les symptômes associés à l'hyperkaliémie reflètent la cause de ce déséquilibre : insuffisance rénale, myolyse, maladie d'Addison. V - SIGNES CLINIQUES ASSOCIÉS AUX DYSKALIÉMIES Ils sont résumés dans le tableau n°I. Dans tous les cas de figure l'examen clinique doit : · mesurer la pression artérielle, · réaliser un électrocardiogramme, · évaluer la dyskaliémie en fonction du bilan de l'eau, du sodium et des protons. Dans tous les cas de figure le risque majeur est celui d'un trouble du rythme cardiaque pouvant inopinément se compliquer de tachycardie ventriculaire, de fibrillation ventriculaire, source d'arrêt circulatoire et de mort subite. VI - CAUSES DES HYPOKALIÉMIES En pratique, définir avant tout raisonnement si l'hypokaliémie est associée ou non à une hypertension artérielle. 1 - Les hypokaliémies sans hypertension : elles pourraient être dues à une carence d'apport : c'est un cas de figure improbable comptetenu de notre diéte usuelle, elles reflètent une déplétion : soit digestive : vomissements, diarrhées, fistule, abus de laxatifs, soit urinaire : traitement diurétique reconnu ou subreptice, dans le contexte d'une anomalie digestive, la symptomatologie gastroentérologique est généralement bruyante et l'hypokaliémie n'est que l'un des éléments d'un déséquilibre du milieu intérieur associant déshydratation, anomalie du métabolisme du sodium et troubles de l'équilibre acidobasique. dans le contexte d'une anomalie rénale, la déplétion sodée est la conséquence d'un traitement diurétique. Une alcalose métabolique est constamment associée, témoignant de mécanisme de compensation. La préservation du potassium se fait au détriment d'une fuite urinaire de protons. Dans l'urine une quantité de potassium supérieure à 20 mmol/24 h, en présence d'une hypokaliémie sévère témoigne de l'impossibilité du rein à épargner le potassium donc impose la recherche de médicaments (ou toxiques) à l'origine de la fuite de potassium. les hypokaliémies sont exceptionnellement dues à une anomalie de redistribution interne du potassium, observée dans le cas de certaines anomalies génétiques comme la maladie de Westhall ou acquises (comas diabétiques). 2 - Les hypokaliémies avec hypertension : Elles s'orientent vers une anomalie de l'axe rénine-angiotensine-aldostérone et imposent des investigations approfondies pour rechercher une cause curable. De telles investigations sont obligatoirement associées à l'étude du bilan du sodium. · pseudohypoaldostéronisme primaire par intoxication de la réglisse (acide glycérizique, souvent totalement ignoré) · hyperaldostéronisme primaire par tumeur surrénalienne ou syndrome de Conn. Le tableau n°2 permet de schématiser les causes d'hypertension artérielle associées à une hypokaliémie. VII - CAUSES DES HYPERKALIÉMIES L'étiologie la plus fréquente est l'insuffisance rénale, qu'elle soit aiguë ou chronique. Dans l'urémie chronique l'hyperkaliémie est à redouter lorsque les 2/3 du capital néphronique sont détruits. La prescription de diurétique épargnant le potassium est formellement contre-indiquée dans l'insuffisance rénale. La prescription d'inhibiteurs de l'enzyme de conversion n'est pas contre-indiquée mais demande la surveillance de la kaliémie. Les autres causes d'hyperkaliémie sont rare et doivent toujours faire évoquer une affection cortico-surrénalienne : maladie d'Addison, pseudohypoaldostéronisme, etc,... VIII - RECOMMANDATIONS THÉRAPEUTIQUES 1 - Traitement des hypokaliémies Contrôler la perte de potassium par traitement de la maladie digestive ou arrêt de diurétiques ou arrêt de la réglisse. Le syndrome de Conn se traite par ablation chirurgicale de la surrénale. La supplémentation médicamenteuse en potassium devrait être transitoire et le relais pris par une alimentation riche en légumes et fruits. Retenir qu'un fruit frais (orange, banane, pomme, poire, ...) apporte entre 15 et 20 mmol de potassium. Il existe différents sels de potassium. L'un des mieux toléré est le KALEORID, dont la posologie sera adaptée au déficit en potassium. 2 - Traitement des hyperkaliémies Lorsque l'hyperkaliémie est chronique dans le cas d'une insuffisance rénale chronique, il faut : diminuer les ingestats de fruits et légumes prescrire du KAYEXALATE, résine échangeuse d'ions aux doses de 15 à 30 g/24 h, par voie orales, en cas d'hyperkaliémie aiguë, dans le cadre d'une insuffisance rénale aiguë, après avoir éliminé tout artéfact d'hémolyse, combiner suivant l'urgence : des mesures destinées à faire passer du potassium du milieu extracellulaire vers le milieu intracellulaire : · perfusion de glucose + insuline, · alcalinisation par sérum bicarbonaté, · Salbutamol par voie veineuse ou nasale, · modifier l'hyperexcitabilité neuromusculaire par injection prudente de sel de calcium, · soustraire du potassium du milieu extracellulaire par lavement de KAYEXALATE (200 g sous faible volume), dans tous les cas de figure, le traitement de dyskaliémie sévère doit être fait en unité de réanimation néphrologique sous surveillance cardiologique continue. Tableau I : Principales manifestations cliniques des hypokaliémies et hyperkaliémies Signes cliniques Hypokaliémies Hyperkaliémies Signes musculaires faiblesse rhabdomyolyse* atrophie faiblesse dysanthrie dysphagie paresthésies Signes neurologiques irritabilité tétanie* léthargies, troubles psychiques paralysie flasque Signes cardiovasculaires débit cardiaque extrasystoles modifications onde T, QRS onde U dépression ST augmentation action digitalique hypotension orthostatique onde T pointue élargissement QRS bloc intraventriculaire troubles conduction AV tachycardie ventriculaire arrêt cardiaque polyurie, trouble de concentration polydipsie primaire alcalose métabolique acidose Signes gastro-intestinaux constipation iléus* nausées, vomissements iléus Anomalies métaboliques intolérance au glucose retard de croissance hypoglycémie Signes néphrologiques * en cas d'hypokaliémie ou d'hyperkaliémie sévères paralysies flasques* Tableau II : Causes des hypokaliémies I. – Redistribution alcalose paralysie périodique insuline et bêta-sympathomimétiques II. – Causes digestives carence d'apport vomissements aspiration gastrique diarrhée syndrome de malabsorption abus de laxatifs tumeur villeuse urétérosigmoïdostomie III. – Causes rénales 1. Diurétiques 2. Hypercorticismes : . hyperaldostéonisme primaire . hypercorticismes primaires ou thérapeutiques . défauts enzymatiques (11 bêta-hydroxylase, 17 alpha-hydroxylase) . intoxication par la réglisse 3. Hyperaldostéronisme secondaire avec hypertension artérielle : . HTA essentielle ((à activité rénine haute) . HTA réno-vasculaire . HTA maligne . tumeur sécrétant la rénine 4. Hyperaldostéronisme secondaire sans hypertension artérielle : . insuffisance cardiaque œdémateuse . cirrhose hépatique décompensée . syndrome de Bartter 5. Tubulopathies 6. Diurèse osmotique Tableau III : Diagnostic étiologique des hypokaliémies sans hypertension artérielle Bicarbonates plasmatiques Chlorémie Trouble gastro-intestinal - diarrhée - abus de laxatifs - urétérosigmoïdostomie - tumeur villeuse Kaliurie Chlorurie Trouble rénal - acidose tubulaire - acétazolamide - glycosurie et cétonurie Trouble rénal Trouble gastro-intestinal - vomissements - aspiration gastrique - abus de laxatifs - diurétique - syndrome de Bartter variable variable Tableau IV : Diagnostic étiologique des hypokaliémies associées à une hypertension artérielle Aldostéronémie N Activité rénine plasmatique N N N Cortisolémie N - HTA maligne - HTA rénovasculaire - Tumeur sécrétant rénine - Traitement diurétique Hyperaldostéronisme primaire - Syndrome de Liddle - Intoxication réglisse Syndrome de Cushing Tableau V : Causes des hyperkaliémies Redistribution : Acidose Intoxication digitalique Succinylcholine Paralysie périodique hyperkaliémique Défaut d'insuline Administration de solution glucosée hypertonique Insuffisance rénale : IR aiguë oligo-anurique IR chronique avec déséquilibre métabolique Diurétiques épargnant le potassium Affection cortico-surrénalienne : Maladie d'Addison Hyperplasie congénitale des surrénales Déficit isolé en aldostérone Hypoaldostéronisme hyporéninémique Traitement héparinique Pseudo hypoaldostéronisme