Hegel (1770 – 1831) Ou l’universelle vie de l’esprit D’où vient le besoin de philosopher, de penser ? De la situation de scission, de tous les modes de séparation qui sont générateur de tensions que la conscience essaie de résoudre et de réduire par des réflexions. En ce qui concerne les choses de l’esprit, il nous faut comprendre et connaître pour réduire les effets catastrophiques de ce malheur des hommes. « S’il n’y avait pas de malheur, il n’y aurait rien à raconter » écrit Queneau. La philosophie, selon Hegel, en se voulant fin de l’histoire de ce malheur universel, se définit comme prose de l’histoire du monde. La philosophie se veut anthropologie, théorie de la formation et de l’éducation de la conscience humaine. L’homme n’est jamais ce bloc unitaire et homogène qu’il voudrait être (drame, folie, désirs, recherche d’identité…). « la scission est la source du besoin de philosophie ». A ce malheur de hommes, il y a plusieurs façon de réagir (maudire, se lamenter, se réfugier dans la volonté de Dieu, s’en remettre à la Providence). La philosophie veut saisir conceptuellement la raison en œuvre dans les phénomènes. L’esprit ne se plait pas dans le désordre, la raison a pour essence de ne jamais se décourager devant la diversité. Il s’agit de saisir le noyau rationnel de tout ce qui apparaît et se manifeste. La tâche de la philosophie est donc de reconnaître la raison dans ses manifestations. L’expression « esprit pénétrant » désigne l’essence même du processus de connaissance : l’esprit pénètre dans la chose même. Principe fondamental de cette philosophie est « ce qui est rationnel est effectif, et ce qui est effectif est rationnel ». Dans le concept seul la vérité trouve l’élément de son existence. Cet élément universel est en même temps le seul réel, puisque «le spirituel seul est l’effectivement réel ». Ainsi la conscience connaissante et la chose connue par elle sont prises également dans la trame tissées par l’esprit, et par à, Hegel définit un principe d’immanence qui établit l’unité du processus ontologique (production de la chose) et du processus épistémologique (connaissance de la chose par la conscience). Ce que la conscience philosophique reconnaît, c’est la forme de la Nécessité : le fond de la connaissance vraie, c’est l’élimination du hasard. Le sensible n’est cohérent, logique, organisé qu’en raison de la présence omnisciente de l’esprit en lui. La conséquence en est cette doctrine de l’intelligibilité absolue du Réel (par opposition au kantisme), et l’inclusion dans la raison de tout ce qui semblait d’abord relever de la déraison. « La mort est la chose la plus redoutable, et tenir fermement ce qui est mort est ce qui exige la plus grande force ». L’esprit est cette puissance seulement en sachant regarder le négatif en face, et en sachant séjourner près de lui, ce qui permet de convertir le négatif en être. La mort est une valeur pour l’esprit, qui s’y éduque, et non un abîme sans fond et sans fin. Tout événement, toute réalité, toute production sont des phénomène ou des manifestations de l’esprit. La science des phénomène est alors définie comme phénoménologie. Le phénomène n’est en aucun cas un moindre être, il est la seule forme ou la seule figure de manifestation de l’esprit, il en est la réalisation exclusive. Pourtant se réalise le passage d’un phénomène à un autre. Si tout phénomène est vrai, en tant qu’il est la réalisation ici et maintenant de l’esprit, pourquoi ? ex stoïcisme, scepticisme doivent-elles s’effacer devant d’autres formes plus actuelles. Cela pose le problème de l’existence même de l’idée dans une histoire de la philosophie, histoire qui se veut logique et finalisée. Hegel pense que cette histoire des idées philosophiques constitue un progression vers le vrai, un développement du savoir vers sa vérité ultime. Le travail de la philosophie consiste à lire la continuité sous-jacente à l’histoire du monde sous ses formes culturelles, politiques, artistiques, religieuses. L’histoire du monde constitue le développement de l’esprit du monde. Toute manifestation est marquée du sceau de la nécessité, parce qu’il n’y a pas d’autre réalité que la réalité effective, parce qu’il n’y a pas de possibles. Il s’agit pour la philosophie de Hegel de répondre à la question du sens de l’histoire de l’esprit, de l’histoire des peuples, de l’histoire des hommes, qui lient dans un même destin catastrophes et édifications, décadence et splendeur, guerre et paix… La science qui permet de comprendre le passage d’une forme à une autre, qui permet de reconnaître la nécessité de ce passage en liaison avec le progrès de l’esprit, s’appelle la dialectique. Hegel la définit comme un système de bascule objectif Quelle forme prend alors cette finalité qui gouverne le destin et le devenir des actions ? Hegel montre que la liberté est la forme de réalisation de la raison : l’histoire de l’esprit est celle de la liberté. La liberté ne s’acquiert qu’après le passage par la dure expérience de la servitude : l’humanité ne se libère pas de l’esclavage mais par l’esclavage. Si comme le dit Queneau, « l’histoire est la science du malheur des hommes », elle est aussi chez Hegel, celle du devenir de la liberté.