Avis Commission Faune et de ses Habitats du CNPN Carrières de Moissey (39) – renouvellement d’exploitation et extension sur 128 ha situées sur les communes de Brans, Moissey, Offlanges et Serre-les-Moulières (39) (26.01.2010) (ref. 10/005) Dossier très insuffisant, notamment sur les inventaires, l’évaluation des impacts sur les espèces protégées et par conséquence sur les mesures compensatoires à mettre en oeuvre qui doit être complété avant de recevoir un avis définitif. - Inventaires : ceux-ci sont incomplets, voire absents (reptiles, insectes, …), et ne couvrent pas un cycle biologique complet Nous n’avons pas le calendrier des inventaires sur le terrain pour apprécier la validité de ceux-ci, pour ceux où des dates sont précisées, ils sont trop partiels pour apprécier la présence ou non d’espèces protégées. Le pétitionnaire, lui-même le dit mais n’en tire pas les conséquences, je cite « Difficultés rencontrées, en règle générale, les limites sont liées, à: - un problème de saison, qui ne permet pas toujours un relevé exhaustif (problème des caractéristiques des différents taxons, non toujours reconnus, de leur phénologie, de leur détectabilité, de leur écologie, de leur physiologie, de leur origine…) - un problème de durée qui ne couvre pas toujours un cycle biologique complet (cycle variant d’un groupe à l’autre et d’un taxon à l’autre par exemple) Pour cette étude, ces limites ont été levées par l’emploi de méthodes d’inventaires et des périodes adaptées » (page 27) Ainsi pour les oiseaux : « Trois ponts d’IPA ont été réalisés,…..l’écoute dure 20 minutes……le premier passage a été réalisé mi-avril 2007 et le second mi-mai 07 » (page 29) et cela sur une surface de 150 ha Pour les mammifères « La Franche-Comté compte 57 espèces de mammifères dont 9 espèces en liste rouge et 6 en liste orange. Sur l’ensemble de ces espèces formant le fond patrimonial de Franche-Comté, seules 3 pourraient trouver un habitat favorable sur l’ensemble de la zone d’étude (aire d’impact direct) : le lérot (potentiellement menacé), le putois (potentiellement menacé) et la belette (potentiellement menacé). Aucune de ces trois espèces n’est protégée en Franche-Comté » (page 38) Ce qui indique qu’aucun inventaire des mammifères terrestres n’a été fait (pas de protocole ni de calendrier d’inventaire) Pour les batraciens « Les territoires estivaux sont impossibles à appréhender notamment par le fait que l’ensemble du site peut être prospecté par l’ensemble de la cohorte des amphibiens au cours de la dispersion post-juvénile. Néanmoins, de part la faiblesse du compartiment bois mort qui constitue un habitat « cache » pour ses animaux, il est fort probable que seul un faible contingent d’individu est présent sur l’emprise totale » (page 27) « les talwegs et l’ensemble des milieux humides proches ont été prospectés. Les résultats sont synthétisés dans le tableau ci-dessous » (page 44) (pas de protocole ni de calendrier d’inventaire) Pour les reptiles : rien dans le dossier, si ce n’est dans le tableau (page 46) présentant le bilan des espèces animales protégées sensibles et retenues pour l’évaluation des impacts ; groupe taxonomique reptiles, espèce retenue néant. Sans inventaire, il est évident qu’il n’y a pas d’espèces à prendre en compte, or dans un tel milieu et sur une telle surface, il est impensable qu’aucune espèce de reptiles ne soit présente. Pour les insectes « Le groupe des insectes compte plusieurs milliers d’espèces en Franche-Comté. A chaque groupe des méthodes aussi diverses et variées qu’il y a d’auteurs peuvent être mise (sic) en place. La mise en place de méthodes dépend avant tout de la finalité de ces dernières. En l’occurrence, la problématique d’une carrière est le diagnostic des enjeux potentiellement impactés. Nous avons donc pris la liste de références des espèces protégées potentiellement présentes sur la zone d’extension sollicitée. Aucune ne fréquente des massifs boisés au stade d’évolution écologique actuellement en place » (page 27) « le lucane cerf-volant, bien que non observée sur l’emprise, est très certainement présente dans les composantes caducifoliées des boisements étudiés. En effet, ces derniers boisements sont mâtures et donc favorables à cet insecte. Il s’agit de la seule espèce protégée utilisant l’emprise comme habitat ». Pas de protocole d’échantillonnage, ni de calendrier pour les insectes (coléoptères, lépidoptères, odonates, groupe pour lesquels des espèces sont protégées au niveau national. Evaluation de l’impact sur les espèces protégées : Malgré des inventaires non réalisés ou incomplets, la présence sur l’emprise totale du projet de 59 espèces animales protégées est attestée. Or l’évaluation des impacts n’est réalisée qu sur 13 espèces, soit 23%. Alors que ces recherches doivent porter sur l’ensemble des espèces protégées potentiellement impactées par le projet, le pétitionnaire en élimine une grande partie qu’il classe dans « espèces protégées, non en danger en Franche-Comté et en France (d’après les listes rouges) et non inscrites en annexe I de la Directive oiseaux ou non inscrites en annexe de la directive Habitats- En raison de leur statut régional et des faibles effectifs impactés, ces espèces ne seront pas retenues pour la suite des évaluations » Cette approche est contraire à l’esprit de la loi, le législateur n’a pas décidé de protéger que les espèces menacées mais un ensemble d’espèces dont la protection a justement pour but qu’elles ne deviennent pas des espèces menacées. Car, une telle approche veut dire que tant qu’une espèce protégée et son habitat, dont l’état de conservation est favorable, peuvent être détruit. L’article L.411-2 du code de l’environnement précise bien que des dérogations à la protection des espèces sont possibles si le bon état de conservation n’est pas remis en question. Mesures de réduction d’impacts Une telle approche réductrice de l’évaluation de l’impact ne peut permettre de juger de l’efficacité de la mise en place de ces mesures Mesures compensatoires Elles sont complètement absentes. Si nous prenons l’exemple des chiroptères (page 74), « la CPEPESC conclu son étude par « en raison de la destruction de 40 hectares de milieu forestier où de nombreuses espèces de chauve-souris de colonies de mise bas proches viennent s’y nourrir, la perte de ces territoires de chasse doit être compensée par la reconversion sur la période de 30 ans de 40 hectares (7 hectares par période de 5 ans) de parcelles forestières résineuses vers des peuplements forestiers hétérogènes à dominante feuillue » Le pétitionnaire précise « ces préconisations ne semblent pas réalisables par le pétitionnaire et relèvent de la gestion globale des peuplements forestiers du Massif de la Serre et non de ceux impactés par le présent projet » En l’état actuel du dossier, nous constatons qu’au moins 59 espèces protégées sont impactées par le projet dont 13 listes rouges des espèces menacées et au moins deux (sonneur à ventre jaune et chiroptères) font l’objet d’un plan d’action national pour leur conservation. La surface sollicitée est de 128 hectares pour 30 ans, vu les imprécisions du dossier et la présence d’espèces menacées et d’espèces faisant l’objet d’un plan national d’action, la compensation foncière doit être évaluée à 1280 hectares (ratio de 10 pour 1 quand des espèces de ce type sont en jeu) Par ailleurs, nous partageons complètement l’avis de la DIREN concernant l’intérêt public majeur du projet, le projet, les enjeux identifiés, l’état de conservation des espèces, les mesures compensatoires, les alternatives,… et ces conclusions.