1 L’EAU ET LA SANTÉ Introduction L’eau, le genre et la santé Maladies liées à l’eau L’eau et les futures vies humaines Travaux des chercheurs et des étudiants de la FLASH Bibliographie INTRODUCTION Nécessaire dialogue entre les professionnels de l’eau et les populations locales Pour mieux comprendre l’importance des liens entre les différentes disciplines impliquées dans la gestion des ressources en eau et l’accès des populations à une eau saine, si vitale, il peut être utile de revisiter la politique inaugurée par l’OMS en 1978, avec le lancement des soins de santé primaires, lors de la Conférence organisée avec l'UNICEF à Alma Ata. Cette politique prend en compte la dimension culturelle de la santé, y compris ce que l’on peut appeler l'aspect "sacré" de la médecine. Cette nouvelle politique, holistique, qui considère "l’Homme Total", avait insisté sur le fait que l’accès à une eau saine, la santé et le développement sont intimement liés et qu'il ne suffit pas seulement de mesurer quantitativement les besoins en eau douce ou sa qualité. La Déclaration d'Alma Ata sur les soins de santé primaires est fondée sur la définition universelle de la santé donnée dans la Constitution de l’OMS (1948 et 2006). Selon cette définition, "la santé n’est pas l’absence de maladie ou d’infirmité, mais un état de total bien-être physique, mental et social". Une autre révolution culturelle, tout aussi importante, s’est accomplie dans le secteur de l'eau en invitant les professionnels de l’eau à, selon l’idée lancée par René Dubos, "penser globalement et agir localement". Ce nouveau paradigme s’est révélé dans toute son ampleur lors du Troisième Forum Mondial de l’Eau (Kyoto, mars 2003). Les hydrologues, les géologues, les décideurs administratifs et autres professionnels de l’eau, ainsi que les acteurs sociaux qui s'y sont rencontrés ont insisté pour que les bonnes pratiques et la gouvernance jouent désormais un rôle clé au niveau international et se fondent sur le respect des droits humains. Ainsi, le droit à l’eau y a finalement fait émergence, comme l’a souligné la Déclaration des Indigènes, lancée à Kyoto pendant ce forum. La communauté internationale semble maintenant admettre que la politique de l’eau ne se limite à une politique électorale très localisée, la polis, mais qu'elle doive devenir planétaire et, si possible, passer de la politique à la planétique – ou "plan-éthique"… c’est-à-dire être gérée à niveau planétaire, mais aussi écorégional et local, c'est-à-dire gérée en tenant compte de la réalité vivante. ■ BRELET, C. ( 2003). ). L’eau et la gouvernance, préface de Lord Selborne. Paris, UNESCO / COMEST / PHI et http://portal.unesco.org/shs/fr/ev.php-URL_ID=4382&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html L’EAU, LE GENRE ET LA SANTÉ Les inégalités et les inéquités liées au genre sont le plus souvent à l’avantage des hommes – non seulement du point de vue économique et politique, et de l’éducation, mais encore des avantages concernant leur santé et leur accès aux soins de santé, alors que les femmes sont, de manière générale dans le monde entier, ont un rôle prépondérant, unique, comme donneuses de soins dans leur famille et leur communauté. ■ http://apps.who.int/medicinedocs/fr/d/Jh2966f/7.2.html Bien que non reconnues comme travailleuses de santé, les femmes assument de 70 à 80% de tous les soins de santé fournis dans les pays en développement (Banque Mondiale, 1993), mais trop souvent sans avoir le droit d’aller voir le médecin parce que c’est un homme, ou sans pouvoir aller le voir car il est trop loin, ou sans avoir l’argent pour payer la consultation et les médicaments. L’accès aux ressources en eau potable a des effets directs sur la qualité de vie des femmes. Et des effets immédiats sur la santé des enfants – les taux de mortalité infantile dans les pays en 2 développement sont liés à l’accès des femmes à une eau saine – et sur la santé des familles de manière générale. L’interdépendance de l’eau et de la santé des femmes est si étroite dans les pays en développement que tous les professionnels de l’eau devraient s’inquiéter sur la façon dont les inéquités liées au genre dans la gouvernance de l’eau affectent la santé des femmes et les générations qu’elles élèvent et éduquent. L’absence d’eau saine est la cause d’une importante mortalité infantile et maternelle. Ce problème souvent dramatique dans les régions en développement dépend de l’accès aux services de distribution de l’eau et de la qualité des services d’assainissement locaux. L’eau peut être le vecteur de divers agents infectieux qui peuvent devenir des pathogènes mortels, directement ou non. Les équipements nécessaires pour assurer un assainissement décent du milieu ne sont pas facilement accessibles là où la pauvreté prévaut. Parfois, les équipements d’assainissement ne sont pas forcément, ni directement acceptables là où d’anciennes cultures et les habitudes locales relèvent d’adaptations, parfois très ingénieuses, faites au cours de plusieurs siècles, mais où les conditions environnementales se sont modifiées à cause du changement climatique, ou bien où la croissance démographique a, elle aussi, changé. Ces faits expliquent pourquoi il est devenu nécessaire et urgent que les femmes aient, aussi bien que les hommes, la possibilité de se former à l’hygiène et à la prévention sanitaire. Le changement climatique que connaît notre planète modifie les systèmes hydrologiques et donc les ressources en eau, entraînant une dégradation des sols et un stress sur les systèmes de production alimentaire. Evaluer son influence sur la santé humaine requiert une nouvelle approche qui tienne compte des écosystèmes et qui reconnaisse que maintenir à long terme un bon état de santé chez une population dépend en grande partie de la stabilité et du bon fonctionnement des systèmes qui rendent possible la vie de notre biosphère. Cela ne peut se réaliser qu’en connaissant la complexité de ces systèmes dont notre vie à tous dépend. Le changement climatique constitue une nouvelle menace importante pour la santé publique et modifie la façon dont nous devons envisager la protection des populations vulnérables. ■ http://www.who.int/globalchange/fr/index.html Les maladies liées à l’eau sont en relation avec la qualité (présence ou non de micro-organisme et d’agents chimiques) et la quantité de l’eau disponible, les manières de la consommer et sa proximité – des données qui, toutes, peuvent et doivent être améliorées en Afrique. En voici quelques unes cidessous. MALADIES LIÉES À L’EAU ANÉMIE : diverses infections telles que le paludisme, la schistosomiase ou le ver solitaire sont en relation avec l’hygiène, l’assainissement, l’accès à une eau saine et sa gestion. Ces maladies entraînent des anémies et les aggravent, en particulier lorsqu’une population souffre de carence en fer, en particulier les femmes. L’anémie peut causer jusqu’à 20% de la mortalité maternelle. ASCARIDIOSE : cette infection est causée par les œufs de l’Ascaris lumbricoides (un vers rond dont les femelles adultes mesurent de 20 à 35 cm de long et les mâles adultes de 15 à 30 cm). Jusqu’à 10 % de la population des pays en développement est infectée par des vers intestinaux - dont un fort pourcentage est causé par Ascaris. Les œufs de ce parasite se trouvent dans le sol contaminé par les fèces humaines ou dans des aliments non cuits, ou insuffisamment, contaminés par un sol contenant ces œufs qui éclosent et donnent naissance à des larves dans l’intestin grêle de la personne contaminée. Ces larves traversent la paroi intestinale, atteignent les poumons par la voie sanguine et retournent vers la gorge où elles sont avalées. L’ascaridiase sévit partout où l’assainissement est insuffisant. Prévention : Disponibilité de l’eau pour l’hygiène personnelle ; élimination adéquate des fèces humaines ; bassins de stabilisation et autres technologies efficaces pour réduire la transmission due aux aliments cultivés dans un sol contaminé lorsque les eaux usées sont utilisées pour l'irrigation. 3 CAMPYLOBACTÉRIOSE : cette infection des voies digestives provoque des diarrhées, des douleurs abdominales, des malaises, de la fièvre, des nausées et des vomissements pendant une période de 2 à 5 jours, mais qui peut être suivie de rechutes. Elle est transmise par des viandes crues, peu cuites, ou encore par de l'eau, ou bien du lait cru contaminés par des bactéries (Campylobacter jejuni ou C. coli). Prévention : approvisionnement en eau de boisson saine, y compris désinfection continue (chloration) de l’eau de boisson ; manipulation adéquate des animaux consommés ; systèmes d’élimination des eaux usées appropriés ; cuisson complète des aliments potentiellement contaminés, souvent difficile dans les régions où la pauvreté s’accompagne de difficultés à trouver les combustibles nécessaires souvent onéreux ; bonne hygiène personnelle (se laver les mains après être passé aux toilettes, ainsi qu'après contact avec des animaux de compagnie ou des animaux d’élevage). CHOLÉRA : due à la bactérie Vibrio cholerae, cette maladie intestinale se transmet par voie fécaleorale, ou par ingestion d’eau et d’aliments contaminés. La présence de cette bactérie peut entraîner une diarrhée aqueuse aiguë, une déshydratation sévère et une insuffisance rénale mortelles. La période d’incubation très courte (de 2 heures à 5 jours) accroît le risque de voir le nombre de cas augmenter très rapidement. Bien qu’environ 75 % des sujets contaminés ne présentent pas de symptômes, le vibrion reste présent dans les selles pendant sept à quatorze jours; évacué dans l’environnement, il peut contaminer d’autres personnes. Depuis 2005, une recrudescence du choléra s’observe avec l’accroissement constant des populations vulnérables vivant dans de mauvaises conditions d’hygiène. Le choléra reste une menace pour la santé publique à l’échelle mondiale et l’un des principaux indicateurs du développement social. Prévention : hygiène personnelle (lavage des mains après être allé aux toilettes et avant de préparer les aliments) et alimentaire ; accès à une eau potable ; assainissement ; élimination adéquate des fèces humaines. DENGUE et DENGUE HÉMORRAGIQUE : transmise par les moustiques de type Aedes, cette maladie infectieuse est à l’origine d’un syndrome de type grippal sévère et, parfois, de complications potentiellement mortelles que l’on appelle la dengue hémorragique. La dengue progresse de façon spectaculaire depuis quelques décennies : deux cinquièmes de la population mondiale sont exposés à ce risque, dans les régions tropicales et subtropicales, en particulier dans les zones urbaines et semiurbaines. Prévention : se protéger des moustiques à l’aide de moustiquaires imprégnées ; détruire les endroits où nichent les moustiques, notamment les déchets pouvant contenir de l’eau même en infime quantité ; épandage d'insecticides adaptés sur les gîtes larvaires, notamment les récipients destinés à stocker de l’eau. DRACUNCULOSE ou VER DE GUINÉE : cette maladie parasitaire est causée par le ver parasite Dracunculus medinensis ou ver de Guinée présent dans de minuscules crustacées, les « cyclopes » qui vivent dans les eaux stagnantes. La femelle de ce ver peut atteindre 1 m de long et 2 mm de diamètre. L’acide gastrique digère ces crustacées, mais non les larves de ce ver qui rejoignent l’intestin grêle d’où elles se propagent dans le corps où, devenues adultes, les femelles donnent naissance à des milliers d’autres larves. Ce parasite se déplace pour sortir au niveau du pied, du bas des jambes, des bras, en y provoquant un œdème très 4 douloureux, puis une cloque et une ulcère accompagné de fièvre, nausées et vomissements lorsqu’il s’ouvre. Selon l’OMS, qui s’est donné pour but d’éradication cette maladie en 2009, l’Ethiopie, le Mali et le Ghana seraient sur le point de « gagner le combat contre la dracunculose » (Dr Gautam Biswas, administrateur à l’OMS du Programme renforcé d’éradication de la dracunculose). La transmission de la maladie est plus répandue dans les villages des zones rurales très isolées et dans les zones où se déplacent des groupes nomades. Les deux-tiers des cas rapportés en 1999 se trouvaient au Soudan où la guerre a freiné l’éradication de cette maladie. Prévention : filtrer l’eau (à travers un linge ou du sable très fin) ; faire bouillir l’eau avant de la boire ; construire des puits profonds. HÉPATITE : l’hépatite, une inflammation du foie, est le plus souvent provoquée par une infection virale. Les hépatites A et E sont transmises par voie fécale-orale, le plus souvent par de l’eau ou de la nourriture contaminée et de personne à personne. Leurs symptômes sont un jaunissement de la peau et des yeux (ictère), des urines foncées, une grande fatigue, des nausées, vomissements et douleurs abdominales. Prévention : faire bouillir l’eau avant de la boire ; le vaccin protège contre l’hépatite A dans plus de 95% des cas et assure une durée de protection contre le virus d’au moins dix ans. MALNUTRITION : cette maladie est aussi considérée comme une « maladie sociale », car elle est causée par la pauvreté et des carences alimentaires qui affectent près de 800 millions de personnes dans le monde. Chaque jour, la mort de la moitié des 26.000 enfants de moins de cinq ans est due à la malnutrition. Selon l’OMS, la malnutrition intervient dans plus de la moitié des décès d’enfants, bien qu’elle soit rarement citée comme une cause directe, car elle est souvent liée à de mauvaises pratiques alimentaires conjuguées à des infections : chaque année, entre 150.000 et 200.000 enfants perdent la vue faute de vitamine A. Selon l’UNICEF, 150 millions d’enfants souffrent de carences nutritionnelles qui auront un impact définitif sur leur développement, soit un tiers des enfants de moins de 5 ans des pays en développement. La malnutrition est la cause de retards de croissance, d’une diminution des capacités intellectuelles, d’une baisse des défenses immunitaires, de diarrhées et d’infections respiratoires. Conjuguée au manque d’hygiène, elle favorise l’apparition de la maladie du noma, affection buccodentaire au niveau des gencives qui peut s’étendre, faute de soins appropriés, sous la forme de gangrène à toute la mâchoire et aux joues et mutiler progressivement l’enfant condamné ainsi à une mort certaine. L’Afrique est le continent le plus touché : on y dénombre la moitié des décès de jeunes enfants alors qu’elle ne compte que moins du quart des enfants du monde : 30% des enfants de moins de 5 ans y ont une ration alimentaire insuffisante. Au Mali, 32% des enfants de moins de cinq ans ont un poids inférieur à la normale. Prévention : améliorer l’accès à l’eau potable et l’assainissement ; amélioration de l’hygiène personnelle ; améliorer l’hygiène alimentaire et sanitaire de la population grâce à une meilleure éducation des mères ; détection de la malnutrition grâce à la participation communautaire et création de structures locales afin d’assurer une prise en charge durable ; création et modernisation d'activités agricoles ou commerciales en milieu rural, notamment moyennant des projets de micro-financement gérés localement. 5 Le micro-crédit, un effet de levier Dans la plupart des pays, l’accès aux services de crédit, de dépôt de l’épargne et autres services financiers se trouve sérieusement restreint pour les pauvres, notamment dans les zones rurales. Le FIDA, une institution spécialisée du système des Nations unies, a été fondé en décembre 1977 dans le sillage de la Conférence mondiale de l'alimentation réunie à Rome en 1974. Défenseur des intérêts des ruraux pauvres, le FIDA s’est donné pour nouvelle priorité d’aider les gouvernements et les réseaux d’institutions financières rurales, en collaboration avec d’autres donateurs, à développer l’ensemble du système de financement rural. Le micro-crédit permet d’entraîner des mutations "à la base", souvent plus efficaces - en créant un maillage économique dans le pays - que certaines infrastructures ou certains gros projets industriels qui bénéficient rarement aux plus pauvres. ■ http:// www.ifad.org ONCHOCERCOSE ou CÉCITÉ DES RIVIÈRES : cette maladie parasitaire est causée par Onchocerca volvulus, un ver parasite mince pouvant vivre jusqu’à 14 ans dans l'organisme humain et transmis d'une personne à l'autre par la piqûre d'une mouche, la simulie (Simulium), qui pond ses œufs dans les eaux de rivières à courant rapide. Après l'accouplement, la simulie femelle cherche habituellement à s'alimenter ; en piquant une personne infectée par l'onchocercose pour prendre un repas de sang, elle peut ingérer les larves du ver qui peuvent être transmises à la personne suivante piquée par la simulie. Ces larves devenues des vers adultes s'installent près de la surface de la peau ou des articulations. Chaque ver femelle adulte (macrofilaire) peut mesurer plus d'un demi-mètre de long et produit des millions de jeunes vers microscopiques (microfilaires) qui migrent à travers la peau et, lorsqu'elles y meurent, causent des démangeaisons intenses et une dépigmentation de la peau (« peau de léopard »), des lymphoedèmes provoquant des aines pendantes et un éléphantiasis des organes génitaux, de graves troubles de la vue et la cécité lorsqu'elles atteignent les yeux. Les symptômes de cette maladie apparaissent généralement 1-3 ans après l'infection. Le Programme de Lutte contre l'Onchocercose en Afrique de l'Ouest (OCP) Le Programme de Lutte contre l'Onchocercose en Afrique de l'Ouest (OCP), parrainé conjointement par l'OMS, le PNUD et la FAO, et soutenu par une coalition de 20 pays et organismes donateurs, a été lancé en 1974 et couvrait en 2001 environ 30 millions de personnes dans 11 pays. L'OCP lutte contre l'onchocercose afin d'interrompre le cycle de transmission du parasite. Les larves des simulies sont détruites par épandage aérien de larvicides sur les gîtes larvaires dans les rivières à fort courant afin qu'elles ne se transforment pas en simulies capables de transmettre le parasite. Depuis 1987, l'utilisation de l'ivermectine en association avec l’épandage aérien de larvicides a eu un impact remarquable sur la transmission de la maladie et en a fortement réduit l'impact sur l'homme. Lorsque ce programme a été lancé, un million de personnes en Afrique de l'Ouest souffraient de l'onchocercose, dont 100.000 présentaient des lésions oculaires graves (y compris 35.000 devenues aveugles). L’OCP a été officiellement fermé en décembre 2002 après avoir pratiquement stoppé la tranmission de la maladie dans tous les pays participants sauf la Sierra Leone où leurs interventions ont été interrompues par une guerre civile pendant 10 ans. Le bénéfice global de cette intervention a été de 600.000 cas de cécité évités, 18 millions d'enfants, nés dans des zones maintenant sous contrôle, ont échappé au risque de la "cécité des rivières" et 25 millions d'hectares de terres remis en culture. OCP a clairement démontré le rôle important joué par le partenariat pour l'amélioration de la santé et son impact sur le développement socio-économique dans des régions éloignées et négligées. PALUDISME : le paludisme est une maladie pouvant être mortelle. Il est dû à des parasites – Plasmodium falciparum (le plus mortel), Plasmodium vivax, les plus répandus, ainsi que Plasmodium malariae et Plasmodium ovale – transmis par les piqûres de moustiques infectés. Un enfant meurt du paludisme toutes les 30 secondes dans le monde. Environ la moitié de la population mondiale est exposée au risque de paludisme, en particulier dans les pays à faibles revenus. L’OMS a évalué 247 millions de cas en 2006, à l’origine de près d'un million de décès, pour la plupart des enfants africains. 6 La transmission du paludisme varie en fonction de certains facteurs locaux :le régime des précipitations (la reproduction des moustiques est conditionnée par l’humidité), la proximité des gîtes larvaires par rapport aux habitations et les espèces de moustiques présentes dans la zone concernée. Les premiers symptômes les plus courants, fièvre, céphalées, frissons et vomissements, apparaissent en général de 10 à 15 jours après l’infestation. En l’absence de traitement au moyen de médicaments efficaces, le paludisme peut évoluer vers une forme grave, souvent mortelle. Outre les pertes humaines, le paludisme fait des ravages sur le plan économique dans les zones de prévalence élevée, en entraînant une baisse du produit intérieur brut (PIB) allant jusqu’à 1,3% dans les pays à forte transmission. Sur le long terme, les pertes annuelles cumulées ont abouti à des différences substantielles de PIB entre les pays avec ou sans paludisme (notamment en Afrique). Prévention : se protéger des moustiques à l’aide de moustiquaires imprégnées ; détruire les endroits où nichent les moustiques, notamment les déchets pouvant contenir de l’eau même en infime quantité ; épandage d'insecticides adaptés sur les gîtes larvaires, notamment les récipients destinés à stocker de l’eau ; pulvérisations d'insecticides à effet rémanent à l'intérieur des habitations. SCHISTOSOMIASE ou BILHARZIOSE : cette maladie hydrique est considérée comme la deuxième infection parasitaire en importance après le paludisme, en termes de santé publique et d'impact économique. Selon l’OMS, les projets concernant les ressources hydriques pour la production d’électricité et l’irrigation ont provoqué une énorme augmentation de la transmission et des flambées de schistosomiase dans plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne. Au nord du Sénégal, une région qui ne connaissait pas la schistosomiase intestinale avant la construction du barrage de Diama (en 1986), la quasi-totalité de la population était infectée en 1994. 80% de la transmission survient en Afrique sub-saharienne. La schistosomiase est causée par trois principales espèces de plathelminthes (Schistosoma haematobium, S. japonicum et S. mansoni). Les humains sont infectés lorsqu'à des fins domestiques, professionnelles et récréatives, ils entrent dans des eaux infestées de larves qui, après s’être développées dans des escargots, pénètrent la peau, se transforment et sont transportées par le sang jusqu’aux intestins ou la vessie. Parvenues à maturité, elles s’y accouplent, pondent des œufs provoquant une inflammation de ces tissus. Lorsque les humains urinent ou excrètent dans l’eau, les œufs s’y propagent, deviennent à leur tour des larves qui infectent les escargots d’eau et le cycle se poursuit. Prévention : améliorer l’assainissement et l'alimentation en eau potable ; promouvoir et instaurer localement l’éducation sanitaire, une composante fondamentale qui garantit la participation communautaire aux interventions de lutte ; études d’impact sur la santé dès la conception de nouveaux projets d’irrigation et autres projets concernant les ressources hydriques. TRACHOME : maladie infectieuse des yeux, le trachome peut provoquer une cécité après des réinfections répétées. Principale cause de cécité évitable au niveau mondial, cette maladie se propage dans des zones rurales avec un accès limité à l'eau et aux soins de santé, d’une personne à l’autre et se transmet fréquemment d’un enfant à un autre et d’un enfant à la mère. Cette infection survient généralement pour la première fois pendant l’enfance, mais la cécité ne se produit pas avant l’âge adulte. Le trachome est causé par une bactérie, Chlamydia trachomatis, qui se transmet par les sécrétions oculaires d’un enfant infecté, par ses mains, sur ses vêtements ou par des mouches qui se posent sur son visage. 7 Prévention : amélioration de l’assainissement et de l’accès à l’eau ; lavage du visage des enfants ; élimination des déchets humains et animaux. TRAUMATISME SPINAL : des déformations de la colonne vertébrale peuvent se produire lorsque les femmes doivent puiser l’eau et la porter sur de longues distances pendant une longue durée. Les traumatismes vont des atteintes des vertèbres, des ligaments et des disques, à la lésion de la moelle épinière elle-même. Prévention : améliorer l'alimentation en eau potable dans les zones rurales. TRYPANOSOME ou MALADIE DU SOMMEIL : cette maladie qui ravageait toute l’Afrique subsaharienne au début des années 1930 a été progressivement contrôlée dans les années 1960, mais elle est redevenue un fléau dans les zones rurales les plus reculées depuis les années 1970, là où les systèmes de santé sont les plus faibles. La maladie du sommeil a un impact important sur le développement des zones rurales, car elle affaiblit les ressources en main d’œuvre et compromet ainsi la production. La maladie du sommeil est causée par le trypanosome, parasite protozoaire transmis aux humains par la piqûre de la mouche tsé-tsé. Deux espèces de trypanosomes sont capables de transmettre la forme humaine de la maladie (Trypanosoma b. gambiense et Trypanosoma b. rhodesiense). Lorsqu’une personne est infectée, le trypanosome se multiplie dans le sang et dans les glandes lymphatiques pour ensuite franchir la barrière hémo-méningée et envahir le système nerveux central où il provoque de graves troubles neurologiques. Les altérations neurologiques causées par le trypanosome sont souvent irréversibles, même après un traitement réussi. Des retards psychomoteurs et neurologiques sont fréquents, même chez des enfants guéris. Si le patient n’est pas traité, l’issue est toujours fatale. Prévention : prévention individuelle par le port de vêtements clairs et couvrants, et l’utilisation de pommades ou lotions répulsives ; application d’écrans et de pièges imprégnés ou non d’insecticides ; dépistage systématique de tous les foyers pour dépister et traiter les malades ; débroussaillage des bords des rivières et des lacs afin de supprimer l’habitat naturel des mouches. . TYPHOÏDE : cette maladie infectieuse des intestins et du système sanguin est causée par une entérobactérie du genre des salmonelles. L’OMS évalue à 17 millions le nombre de cas se produisant annuellement dans le monde. L’eau et la nourriture contaminée sont les voies de contamination les plus courantes. Cette infection se manifeste de 1 à 3 semaines après la contamination par une fièvre s’élevant jusqu’à 39°-40°, accompagne d’anorexie, de la constipation ou de la diarrhée, des taches rosâtres sur la poitrine, une inflammation du foie et de la vésicule. Les fièvres paratyphoïdes se manifestent de la même façon, mais plus modérément. Prévention : éducation à l’hygiène personnelle et sanitaire dès les écoles primaires ; lavage des mains après être passé aux toilettes et avant de préparer les aliments ; améliorer l’accès à l’eau et l’assainissement ; interdire aux personnes infectées de manipuler les aliments. L’EAU ET LES FUTURES VIES HUMAINES La période allant de la 28ème semaine de grossesse à la fin de la première semaine suivant une naissance est celle où les risques de survie de la mère et d’un enfant à venir sont les plus élevés. Ces risques sont essentiellement déterminés par les conditions dans lesquelles elle vit. Améliorer la santé d’une population ne dépend seulement de l’efficacité des services de santé publique d’un pays, mais également de l’eau saine et de l’assainissement dont cette population dispose. La santé maternelle – dont dépend l’avenir d’une nation – dépend en grande partie de sa nutrition, de son hygiène personnelle et du travail qu’elle effectue, y compris ses tâches ménagères, l’approvisionnement en eau potable, les soins et l’éducation des jeunes enfants et, dans les régions 8 agricoles, la production de denrées alimentaires ou d’autres produits, mais également de la qualité et de la salubrité de son environnement, ainsi que de son accès à une eau saine. Photo © UNESCO / Brelet Le mot "Mali" en Bamanian (bambara), Mandingue et Djioula, signifie "hippopotame". La présence de ce mammifère dans les eaux des fleuves africains en symbolisait la qualité et l’abondance. Depuis 2006, l’IUCN a ajouté l’hippopotame sur sa liste des espèces menacées d’extinction. BIBLIOGRAPHIE ABBAT, F.R. (1993). Enseigner pour mieux apprendre : guide à l'intention des enseignants du personnel sanitaire de base. Genève, OMS. ANCELLE, T., HENNEQUIN, C. et PAYGAM, A. (1994). 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L'UER s'installe en 1978 à l'Hôpital de la Calade, qui prend alors le nom d'Hôpital Houphouët Boigny, et elle devient alors le Centre de Formation et de Recherche en Médecine et Santé Tropicales, dépendant sur le plan administratif de la 10 Faculté de Médecine. En octobre 2000, le CFRMST a déménagé sur le secteur Nord de la Faculté de Médecine, à proximité de l'Hôpital Nord, où se trouve le Service hospitalier des Maladies Infectieuses et Tropicales, également dirigé par le professeur Delmont. À des missions d'enseignement et de recherche avec le Mali, le Niger, la République Centrafricaine et les Comores, ce Centre de Formation s’ajoute un soutien en matériel d'enseignement et de travaux pratiques et la fourniture de documentation : http://ifr48.timone.univ-mrs.fr/portail2/index.php?option=com_content&task=view&id=37