Quelle est l’effectivité du principe de légalité ? L’adage selon lequel « les peines sont arbitraires en ce royaume » signifiait que le roi et les juges disposaient du pouvoir de réprimer même en l’absence de règles écrites ou coutumières en interprétant les règles existantes, les aggravants ou les cumulant à sa guise. En réaction à l’arbitraire des tribunaux seigneuriaux, un nouveau principe est mis en place avec Montesquieu dans « L’esprit des lois », ensuite avec Beccaria dans le « Traité des délits et des peines » publié en 1764. Se développe l’idée d’une nécessité pour la Loi de prévoir tous les éléments de définition de l’infraction et la sanction applicable pour éviter l’arbitraire, le rôle du juge devant se limiter à appliquer celle-ci. Ainsi, le principe de légalité pénale a été proclamé dans l’ancien code pénal de 1810 article 4 puis consacré dans la Constitution de 1958 par la décision du 20 janvier 1981 du Conseil Constitutionnel. Ce principe et ses corollaires exige que les crimes et les délits doivent être légalement définis avec clarté et précision, ainsi que les peines qui leur sont applicables. Par ailleurs, il faut préciser que, si l'internationalisation du droit fait que des normes internationales soient également créatrices de droit pénal, il convient de les laisser de côté puisqu'il s'agit du principe de Légalité et non de normativité au sens donné par Jean Cantonnier. Dès lors, la liberté juridictionnelle garantie, non seulement, le juge est contraint dans ses décisions par la Loi mais aussi le principe impose des obligations au législateur et au pouvoir réglementaire créateur de normes pénales. En outre, ayant acquis valeur constitutionnelle, le principe s’impose à tous les textes qui lui sont inférieurs dans la hiérarchie des normes. Néanmoins, quelle est l’effectivité du principe de légalité ? En effet, le principe de légalité a connu un déclin juridique de sa conception originelle au détriment du législateur (I) bien que l’affirmation du principe résiste par l’exigence d’un texte imposé aux juges et à l’exécutif (II). I-La manifestation du principe de légalité de sa conception originelle au détriment du législateur. Originellement, le principe de légalité criminelle était interprété de manière rigoureuse : seule la loi pouvait déterminer les incriminations et fixer les peines. La mutation du principe à conduit à l’altération du monopole du législateur en matière pénale. Non seulement par l’affirmation d’une compétence réglementaire autonome (A), mais aussi par la place du juge érigé en nouveau garant de la loi sur le plan formel (B). A-Le recul de la loi par l’affirmation d’une compétence réglementaire autonome. Place non négligeable réservé au pouvoir exécutif pour édicter des normes pénales par voie de règlements : partage des compétences entre le pouvoir réglementaire et la loi opéré par la Constitution de 1958 aux articles 34 et 37 et confirmé par un arrêt du Conseil d’Etat du 12 février 1960. Conduit à une réorganisation du pouvoir normatif. Déclin quantitativement grave par l’importance des condamnations de nature contraventionnelle dès lors délégalisées et ensuite qualitativement car certaines contraventions relèvent du régime délictuel : Le principe de légalité ne signifie donc pas exigence d’une loi au sens formel mais exigence au sens matériel c’est à dire d’un texte qui peut émaner, selon le cas, du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif. Cette amputation du domaine législatif, tend le droit pénal à ne plus se consacrer qu’aux incriminations et peines opportunes affectant dès lors la liberté des citoyens et la qualité intrinsèque du droit pénal. De plus, l’article 38 de la Constitution officialise la perte de prérogatives du législateur qui peut autorisé le gouvernement à adopter par voie d’ordonnances, des mesures qui entrent normalement dans le domaine de la loi. Or cette délégation – même si limitée par une loi d’habilitation - consentie par le Parlement peut conduire l’exécutif à créer des crimes et des délits. Enfin le principe de légalité criminelle perd toute son effectivité en période de crise où la Constitution par l’article 16 institue au Chef de L’Etat un véritable pouvoir législatif sans aucun contrôle. De plus, l’altération du principe de légalité s’opère quant à l’incrimination et à la peine. En effet, l’affaiblissement de la légalité criminelle se traduit par une définition de plus en plus imprécise de certaines incriminations qui offre aux juges des possibilités incompatibles avec une conception stricte de la légalité (B). B- le juge répressif érigé en nouveau garant de la loi sur le plan formel Du fait de l’inflation législative, les textes de droit pénal sont de plus en plus nombreux, épars et techniques conduisant au déclin manifeste du principe de la légalité criminelle en matière d’incrimination et de sanction. Le juge est amené à choisir les peines et applications : en effet le législateur ne peut tout prévoir et une application rigoureuse du principe a pour conséquence l’impossibilité de poursuivre les comportements se situant dans les failles de la loi. L’assouplissement du principe de légalité conduit à un contrôle d’opportunité de la loi par le juge soit une incrimination large : il s’accorde des pouvoirs excessifs d’une part en privilégiant la conception purement subjective des infractions pour condamner certains comportements moraux et d’autre part en conférant parfois une signification très extensive aux termes utilisés par le législateur avec le risque de substitution de la loi par le juge. le juge s’octroie le pouvoir d’interpréter les textes obscurs et imprécis du législateur voire même la Chambre criminelle de la Cour de cassation peut refuser de faire application de dispositions aussi générales lorsqu’il s’agissait de dispositions de nature réglementaire en s’appuyant sur l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme. Quant à la peine, l’individualisation de la sanction provoque inéluctablement une indétermination de celle-ci : le législateur abandonne au juge le pouvoir de déterminer, au moment de la condamnation, la peine opportune. Dès lors s’accroît un décalage entre la peine prévue, la peine prononcée et celle effectivement exécutée. Ainsi, la Convention européenne des droits de l’homme donne au juge pénal des moyens de contrôler le respect des garanties individuelles, l’autorité judiciaire devient censeur de la loi et gardienne de la liberté individuelle même à l’encontre du législateur. Néanmoins, serviteur de la loi, le juge pénal se doit de respecter l’étendue des textes répressifs mais en présence d’incriminations évasives. La loi pénale étant l’unique mode de détermination formelle des infractions, elle ne peut être étendue au-delà des limites que lui a tracées le législateur qui s’impose aux juges et à l’exécutif (II). II – La résistance du principe de légalité par l’exigence d’un texte imposé aux juge et à l’exécutif. L’affirmation contemporaine du principe de légalité lui donne une valeur constitutionnelle et universelle qui permet une résistance textuelle. Ainsi, le principe de légalité permet de protéger efficacement le citoyen contre l’arbitraire (A) et permet un encadrement de la fonction du juge pénal (B). A-Les valeurs constitutionnelle et universelle du principe de légalité : une résistance textuelle. La place au sommet de la hiérarchie des normes place le principe de légalité criminelle en clef de voûte du droit pénal et impose au législateur comme une exigence logique de sa fonction normative, la rédaction de textes définissant sans ambiguïté les comportements qu’ils érigent en infractions, et les sanctions qui leur sont attachés. Le principe de légalité a un rang constitutionnel du fait que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, appartenant au bloc de constitutionnalité, s’y réfère dans son article 8. En conséquence, le législateur ne doit recourir à la sanction pénale que dans les hypothèses où elle apparaît strictement nécessaire. Dès lors, le droit pénal ne doit être protecteur que des valeurs considérées comme essentielles par l’ensemble de la société et ne supporter aucune exception. Les incriminations et les sanctions doivent être définies en la matière avec une égale rigueur par le législateur et respectées avec d’identiques scrupules par les juridictions. Le principe exige pour définir l’incrimination un texte précis et intelligible selon l’adage « nullum crimen nulla poena sine lege » : pas d’infraction, pas de peine sans texte. En effet, le principe oblige le législateur à énoncer les comportements que la société ne peut tolérer sans réagir par une sanction pénale. En d’autres termes, toute poursuite doit se fonder sur un texte. Cette règle formulée par l’article 111-3 du nouveau Code pénal est absolue et générale. Enfin, le Conseil constitutionnel sur la base du principe de légalité peut censurer des dispositions législatives qui incriminent trop largement. La consécration du principe de légalité affirmé par la Constitution et les grands principes a plusieurs conséquences sur le juge répressif. Il lui est interdit de créer des incriminations ou des peines mais surtout il lui incombe de procéder à une interprétation stricte de la loi (B). B-Un encadrement de la fonction du juge pénal comme protection de manière effective du citoyen contre l’arbitraire. Le juge répressif ne peut prononcer de condamnation que si les faits poursuivis constituent une infraction pénale et qu’après avoir qualifié exactement ces faits. En effet, le juge pénal ne peut pas créer d’infractions que ce soit en inventant de nouvelles peines qui ne seraient pas définies dans la nomenclature des sanctions ou en prononçant une peine complémentaire qui n’est pas prévue par le texte réprimant l’infraction. Et cela même si précédemment on a vue que la jurisprudence en tant que source du droit contribue nécessairement à l’évolution progressive du droit pénal pour élucider les points douteux des textes législatifs. Par ailleurs, le juge pénal ne peut pas dépasser les limites maximales des peines fixées par la loi, il doit respecter le quantum de la sanction. De plus, le principe de légalité interdit au juge d’étendre, par voie interprétative les textes à des cas que ceux-ci n’ont pas prévus. En effet, l’interprétation analogique qui consiste à étendre le texte pénal à des faits non mentionnées est formellement exclu. Seul le législateur sera compétent pour modifier la rédaction de l’infraction pour pallier cette carence. L’article 111-4 du nouveau Code pénal impose cette règle de l’interprétation stricte. L’essentiel est l’intention du législateur et sa volonté. Ainsi, cette interprétation stricte mais non restrictive est davantage théologique : le juge complète sans s’y substituer la motivation du législateur en fonction des faits qui lui sont soumis, témoins de l’évolution de la société.