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La laïcité
Chapitre III
Analyse du concept de laïcité : complexité et paradoxes
 les pays démocratiques peuvent donc être dits « laïques » au sens où ils respectent la liberté religieuse, et en général,
les droits fondamentaux, tels que ceux énoncés dans la convention européenne des droits de l’homme.
L’absence de laïcité dans la plupart des pays du monde
 cette absence de laïcité doit être relié à des conditions culturelles, politiques et socio-économiques. Il existe un lien
intime entre la formation de l’Etat moderne et la laïcité : c’est parce que l’Etat se sépare de la société civile qu’il peut
représenter l’intérêt général et ne plus s’identifier à l’une de ses « parties ».
 il ne faut pas trop se faire d’illusions : l’idée même de pluralisme et de tolérance, c’est-à-dire la dissociation des
questions politiques et des questions de la vie bonne, est née dans un contexte européen spécifique et ne s’exporte pas
aisément.
Le traumatisme de la laïcisation
 il est toujours problématique de faire comprendre à ses fidèles que leur croyance doit se retirer, pour ainsi dire, dans la
sphère privée.
la privatisation de la religion ne signifie pas qu’elle se réduise à une affaire privée et intérieure : la liberté de culte
permet l’extériorisation et la poursuite en commun de buts religieux…qui doit perdre sa dimension politique dans la
mesure où l’Etat est considéré comme la chose de tous, de tout le laos…ainsi si une règle ou un comportement, légitimés
dans une communauté religieuse par la Loi divine, entrent en contradiction avec une loi de l’Etat, c’est cette dernière
qui devra l’emporter. ( par ex une pratique comme l’excision entrerait en conflit avec un droit fondamental (celui de la
femme à l’intégrité physique), il est clair que la loi des hommes prévaudrait.
 la religion imposée ( compelle intrare) a toujours fait de mauvais croyants, des convertis d’opportunité (ce sera
un des arguments essentiels de John Locke en faveur de la tolérance religieuse)
 si l’on croit à la Vérité d’une orientation de vie, il est quasi inévitable que l’on désire qu’elle pénètre tous les aspects
de l’existence…la laïcisation de la société ne constitue jamais un pacte réel avec les religieux.
La laïcisation antireligieuse
 …confondre la religion avec la religion d’Etat… les laïques ont souvent cru que l’Etat de l’intérêt général ne pourrait
décidément se construire qu’en éliminant définitivement le recours à ce que Marx avait appelé l’opium du peuple.
 l’Etat devient celui de tous en éradiquant le dogmatisme, l’intolérance et l’esprit de soumission, …l’Etat accède à la
transcendance de l’intérêt général en ne prenant pas position sur les questions de la vie bonne et donc en protégeant les
religions tout en empêchant qu’elles ne recolonisent la sphère publique.
 le libre-penseur rétorquera que lui, au moins, ne se soumet pas à une vérité transcendante, laquelle, d’une manière ou
d’une autre, se subordonne la raison critique et qu’il est prêt, à la différence du religieux, à construire un monde
purement humain délivré des mythes et préjugés qui divisent les peuples.
Les paradoxes de la rationalisation du monde
 Max Weber avait parlé d’un processus de désenchantement du monde par lequel la rationalité conquérait de plus en
plus les sphères du monde de la vie … rien ne garantit que la raison « non aidée » sera à même, par ses propres forces,
de reconstruire un monde humain.
 cette suspicion court tout au long de la philosophie…depuis Pascal dénonçant l’inutilité et l’incertitude de la raison
cartésienne.
 … mais si les buts ne sont plus inscrits dans une Objectivité supérieure, s’il n’existe plus de Loi surnaturelle
s’imposant à tous les hommes et orientant leur salut, le risque existe que les fins des hommes apparaissent comme
purement subjectives, que tout se vaille et que le nihilisme menace.
 chacun reconnaît les pouvoirs de destruction de la raison … Weber voit essentiellement dans le processus de la
rationalisation du monde cet aspect négatif dans la mesure où la raison instrumentale fournit aux hommes de plus en plus
de moyen d’organiser leur vie, mais laisse ouvertes, infondées et en définitives subjectives les fins au service
desquelles de tels instruments sont « utiles ».
Quelle garantie du lien social : religion ou morale laïque ?
 chacun gardera, c’est certain, son idée : l’un soulignera que, dans un monde que les dieux ont déserté, seule une
religion humaniste peut sauver la société de la barbarie, alors que l’autre verra dans les vertus de la raison critique et
d’une tolérance purement mondaine le garant le plus solide de l’universalité des droits de l’homme et de la soumission du
politique à des valeurs partagées.
Laïcité, libéralisme et citoyenneté
 il ne s’agit pas de conférer à l’Etat une sorte d’impunité machiavélienne et de lui permettre de domestiquer les
confessions. Au contraire, cet Etat lui-même doit être restreint dans sa souveraineté au nom du respect des droits de
l’homme, c’est-à-dire de valeurs supérieures.
 l’Etat doit donc être séparé des droits de l’homme, il ne peut les instrumentaliser. C’est parce que les droits de
l’homme sont supérieurs à l’Etat que ce dernier se sépare de la société civile, c’est-à-dire qu’il incarne bien
l’intérêt général.
 MAIS présenter les choses de cette façon est encore insuffisant, les droits de l’homme ne constitue en quelque sorte
qu’un intérêt général mince … c’est une tendance que l’on retrouve aux E-U dans le discours libertarien sur l’Etat
minimal..
 un tel discours n’a pas lieu en France : la laïcité républicaine ( basée sur les valeurs de liberté, d’égalité, et de
fraternité) suppose au contraire une école et un Etat porteur d’une idée forte de citoyenneté, et s’accommode mal de
l’idée suivant laquelle l’initiative en matière de valeurs morales pourrait être en quelque sorte entièrement absorbée par la
société.
La nouvelle laïcité
 il faut se rappeler que le droit au port du foulard a été défendu au nom du pluralisme et de la liberté d’expression, bref
des droits de l’homme, alors qu’il symbolise en particulier pour les femmes du Maghreb et en Iran, l’oppression du laos
par une fraction fondamentaliste…
 il est indéniable que la laïcité doit se dégager d’un combat antireligieux qui date du temps refusait les libertés
publiques (et donc la séparation avec l’Etat)
 c’est une conception à la fois libérale et communautarienne de la laïcité qui risque de remplacer la notion
républicaine…redonnant aux confessions un pouvoir de façonnement des esprits qui leur avait été progressivement
arraché.
Libérale : l’Etat sera ramené à un arbitre, garant de ce que les différentes conceptions de la vie bonne qui émergent de
la société ne se manifestent pas par la violence et l’exclusion
Communautarienne : les Eglises reconstitueraient leurs communautés, recoloniserait la sphère publique et mettraient
en cause la laïcité.
danger fondamental : une augmentation du pouvoir des groupes religieux et un affaiblissement corrélatif de l’Etat,
domestiqué par ceux-ci, peuvent exercer une influence délétère sur le principe de liberté.
Liberté religieuse et liberté d’expression
L’affaire Rushdie
 n’est-ce pas le droit incontestable de l’écrivain Rushdie d’exercer sa liberté d’expression en prenant ses distances, de
façon fictionnelle et humoristique, vis-à-vis de la tradition dans laquelle il avait été éduqué ?
 si tout groupe dont l’orthodoxie est mise en question se permet de réclamer que le bras séculier de l’Etat s’abatte sur
ses dissidents… la liberté d’expression disparaîtra. : la société s’identifiera de plus en plus à une sorte de mosaïque de
groupes conservateurs … j
 l’Etat laïque peut légitimement utiliser le monopole de la violence qui est le sien en entravant l’action de ceux
qui cherchent à imposer leur idée de la vie bonne à autrui… Rushdie a seulement exprimé des idées…
 aux E-U l’exigence de political correctness fait en sorte que chacun s’autocensure de façon à ne pas choquer les
membres du groupe… la laïcité est menacée, l’Etat dépend de plus en plus des groupes organisés capables de faire régner
l’hypocrisie et la domination de la pensée la plus conventionnelle.
Laïcité et diffamation collective
 en effet il est nécessaire de faire une distinction nette entre les propos attaquant des idées (et atteignant donc, bien
évidemment, indirectement leurs défenseurs) et ceux qui s’en prennent à la personne avant qu’elle ait pu émettre quelque
idée que ce soit. ..toute idée doit pouvoir être discutée…(malaise en ce qui concerne la censure sur les propos de
l’inexistence des camps de la mort) .
 c’est affaire de pédagogie que d’expliquer que la prise de distance par rapport aux opinions constitue une
présupposition majeure des sociétés démocratiques, ou au moins la reconnaissance de ce qu’autrui peut légitimement se
situer dans un espace de pensée « autre ».
Laïcité et répression du discours raciste
Que penser des lois antiracistes ?…le racisme s’identifie à un acte d’expulsion a priori d’une catégorie de l’humanité …
 les propos de Rushdie s’en prennent, d’une façon d’ailleurs bien plus complexe et ambiguë que l’on ne l’a soutenu, à
la doctrine musulmane (ou à une certaine interprétation qui en est donnée aujourd’hui). Le discours raciste récuse des
individus avant toute expression d’idées. Là se trouve la différence. Je ne prétends pas qu’une telle analyse fournisse
une justification absolue des lois antiracistes…
 ..au moins peut-on soutenir que le cas de Rushdie et celui du raciste doivent par essence être distingués : l’un parle
librement, s’en prend à des idées, ne demande pas mieux que celles-ci soient partagées, et, pour le reste, laisse
entièrement aux conservateurs le droit de persister dans une croyance qu’il récuse pour sa part…
Chapitre IV
Perspectives philosophiques sur la laïcité
 RAWLS, le défenseur le plus cohérent de l’idée suivant laquelle les questions de justice doivent être séparées des
questions concernant la vie bonne.
 le concept de contrat social suppose quelle que soit l’interprétation particulière que l’on en donne, une volonté des
individus, vivant dans un hypothétique état de nature, de mettre fin à l’insécurité, à l’imprévisibilité et à la violence.
 …que l’Etat n’appartienne pas à quelques-uns mais, résultant d’un contrat dont tous sont parties, constitue la
« chose de tous » .
 c’est HOBBES qui a introduit dans la philosophie politique les changements les plus radicaux …confronté au 17ème
siècle à une guerre civile extrêmement violente dans laquelle les conflits religieux s’incarnaient politiquement de la façon
la plus brutale…
La tolérance selon HOBBES et LOCKE
 la solution hobbesienne est bien connue : comme les conflits religieux proviennent d’interprétations divergentes des
Ecritures, l’Etat imposera une lecture officielle de ces dernières.
 Hobbes se montre pessimiste quant à la possibilité d’atteindre la vérité ultime en matière morale , dans son livre
Léviathan (1651) il indique qu’il n’existe pas de souverain bien tel que l’avait imaginé Aristote. Bref, pas de
métaphysique rationaliste possible pour accorder les esprits sur la vie bonne. Mais pas d’unité religieuse non plus,
comme le montrent les horribles combats qui déchirent l’Angleterre…
 il faut donc construire le politique, qui doit monopoliser l’exercice légitime de la violence pour faire cesser les
guerres, sans se référer à la vie bonne (= à l’époque : l’interprétation correcte des Ecritures pour s’orienter dans
l’existence.
 L’Etat cesse d’être le jouet des confessions , il devient souverain en absorbant la dimension spirituelle. Mais cette
domestication des Eglises s’opère au détriment de la liberté individuelle, car pour atteindre l’indivisibilité de la
souveraineté, il apparaît nécessaire à Hobbes d’éliminer toute liberté d’expression.
 Hobbes définit l’homme de façon très matérialiste et mécaniste comme essentiellement motivé par la tendance à la
conservation de soi (= d’éviter la mort)
 le point de vue de LOCKE est très différent. Il ne considère pas l’état de nature comme le règne de la pure violence…
au contraire, la loi de la nature, qui est la loi de Dieu, gouverne les hommes dans l’état de nature. Il se fait qu’à un certain
moment, des institutions s’avèrent nécessaires pour protéger la vie, la liberté et la propriété des individus.
 mais Locke réserve aux individus un droit de résistance à l’oppression dans le cas où le pouvoir institué par le pacte
social deviendrait tyrannique. L’Etat au service de tous n’est légitime qu’à ce titre et perd tout droit s’il viole lui-même
les clauses du contrat.
 mais à propos de la notion de tolérance, Locke innove également de façon radicale, notamment par rapport à Hobbes :
dans ses Letters on toleration , il part de l’idée suivant laquelle la multiplicité des approches de la Bible, mais
également les approches juive et païenne, devraient être permises.
 il souligne que la contrainte (le fait d’imposer une conception de la vie bonne) agit sur la volonté, non sur la croyance
ou la conviction. On ne peut, par l’usage de la force, imposer une croyance. Le salut est une question individuelle, de
conscience et d’intime conviction …
 pour Locke, c’est la loi divine qui unit les hommes et fournit la base de leur engagement. Les associations religieuses
doivent être protégées dans leur liberté d’action pour autant qu’elles restent privées et se cantonnent au domaine spirituel.
 Locke refuse la liberté aux athées : non parce qu’ils formeraient, comme les catholiques, une instance politique
affaiblissant la loyauté due à l’Etat, mais dans la mesure où, ne croyant pas en Dieu, ils sont selon lui incapables
d’engagement.
 la philosophie politique de Locke apparaît dès lors comme bien plus « citoyenne » que celle de Hobbes : la
séparation de l’Etat et des Eglises y fonctionne de façon beaucoup plus libre et active, mais à la fois moins radicalement
et ceci pour deux raisons :
1° chez HOBBES , tout le laos se trouve exclu de la possibilité de discuter librement et publiquement des
orientations de la vie bonne : l’Etat impose une religion officielle.
2° chez LOCKE les catholiques et les athées sont incontestablement discriminés par rapport aux associations
protestantes privées…de plus il est nécessaire pour accéder à la pleine citoyenneté de croire en Dieu. Locke
marque de la façon la plus nette son opposition à l’idéologie du compelle intrare…
 Pour Hobbes, c’est par intérêt bien compris que je respecte les droits d’autrui et non par conviction profonde, par
engagement intime.
 la liberté constitue pas le moyen d’autre chose, fût-ce le bonheur de tous le laos, mais une fin en soi.
 ce n’est qu’en définissant la liberté comme valeur première, la valeur de toutes les valeurs, qu’on donnerait à
une laïcité pensée jusqu’au bout de ses implications un fondement philosophique solide. Ce point de vue consiste à
dire qu’une orientation de vie imposée par la violence ou la persuasion clandestine n’est pas véritablement prise en
charge par l’individu.
 la philosophie du Dieu caché, que l’on trouve dans le protestantisme peut mener à une tolérance plus radicale : le
Vrai existe, mais n’est à la disposition de personne. La communauté des croyants a besoin de la multiplicité des
perspectives pour assembler les pièces d’un puzzle à jamais inachevé.
 avec KANT la tolérance se mue en liberté effective de conscience : c’est la dignité de la personne elle-même qui
constitue une fin en soi (jamais le moyen d’autre chose) à partir de laquelle la contrainte en matière morale se
trouve radicalement exclue.
La séparation du juste et du bien selon RAWLS
 Rawls défend une conception de la laïcité et de la tolérance qui peut à certains égard se rapprocher de celle de
Hobbes : chacun, au moment de conclure le contrat social, ne se soucie que de son propre intérêt, l’association ne
constituant qu’une mise en commun des ressources pour éviter la violence et atteindre la prospérité. Le politique, en ce
sens, constitue seulement l’instrument des fins individuelles.
 dans quelles conditions suis-je à même de prendre une décision conforme à des principes (en l’occurrence de justice) ,
et non à mon intérêt personnel (ou liée à mes passions irrationnelles) ?
 Rawls pense que dans des conditions d’ignorance par rapport à mes intérêt, je ne serai pas à même de les faire jouer
pour qu’ils influencent ma décision finale. En d’autres termes, c’est le non-savoir qui doit rendre possible une
attitude morale.
 Rawls présuppose des individus ouverts, éclairés, capables justement de prendre une distance par rapport à
leurs intérêts…
 il suffit de soutenir qu’étant donné nos incertitudes concernant le statut de la raison et la nature des questions morales,
il est toujours possible (et même probable) qu’après libre discussion, des divergences subsisteront quant à l’orientation
existentielle souhaitable. Il nous faut faire ici la distinction entre deux sortes de pluralisme :
La première notion : la pluralité des opinions : respecter un tel « pluralisme » constituerait une attitude
profondément conservatrice et antagoniste avec le principe de laïcité bien compris : respecter toutes les
« expressions », c’est tout simplement faire une croix sur les vertus de la libre discussion critique, de la mise à
l’épreuve des discours et des préjugés.
La seconde notion de pluralisme :
Elle consiste en ceci qu’après discussion , il est possible (et peut-être souhaitable) que les (certaines)
conceptions du Bien restent controversées. …les débats sur la vie bonne et sur la justice se situent dans le
monde de la vie, qu’ils doivent déboucher sur des décisions importantes et que par conséquent, il est
nécessaire de trancher à un moment donné sans disposer de suffisamment de temps pour vider les
problèmes.
Idem si on se réfère au point de vue théologique, la Vérité ne peut être totalement appropriée par l’homme,
par conséquent la multiplicité des perspectives, loin de relever du relativisme et du scepticisme quant
au Vrai moral, constituerait la marque de la condition humaine.
Ce pluralisme post-discussion considèrent que les conceptions de la vie bonne peuvent être controversées, que
l’unanimité n’est en tout cas sûrement pas logiquement nécessaire, et que par conséquent il est impossible de
fonder l’idée de la justice – qui doit être valable pour tout le laos- sur une conception partagée de la vie
bonne.
 c’est donc une sorte de déduction du principe de laïcité à laquelle se livre Rawls : le juste (= l’organisation politique
de la société et les engagements qu’elle implique) doit être pensé indépendamment des biens… mais il y a plus : non
seulement le juste et le bien sont séparés , mais le juste prévaut incontestablement sur le bien.
 il y aura donc unanimité à propos de la justice politique et (le plus probablement) désaccord à propos du sens de
l’existence (c’est-à-dire des conceptions du Bien)
 il ne s’agit plus, cette fois, de limiter les conceptions protégées dans leur pluralité aux confessions chrétiennes non
« politiques » (particulièrement non catholiques) tout en excluant les athées.
Cette fois ce sont toutes les conceptions de la vie bonne qui sont protégées, pour peu, qu’elles n’impliquent pas la
violence à l’égard d’autrui, c’est-à-dire le refus de la même autonomie dans le chef des autres.
 de Hobbes à Kant, le principe de tolérance s’était affiné en se transformant en principe de liberté de conscience.
 c’est une telle purification de la question de la justice politique qui fournit à l’heure actuelle la meilleure justification
du principe laïque de séparation et/ou neutralité.
Les grandes positions laïques contemporaines : assimilation, coexistence, intégration
Trois types de laïcisation :
La laïcisation de la science :
cette dernière n’est plus conçue comme la Vérité objective … cela veut dire arracher la science à la sphère
publique, refuser qu’elle constitue une référence morale …
La laïcisation de la politique :
on ne croit plus au rôle salvateur de l’Etat… c’est la prise de conscience de ce que ce dernier est
potentiellement liberticide et qu’il faut séparer le politique de l’instance qui incarne la justice de tout le laos.
 c’est l’Etat laïcisé
C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la « montée » progressive des droits de l’homme, les progrès du
contrôle de constitutionnalité, l’efficacité de la Cour Européenne des droits de l’homme , bref la soumission du
politique au droit, de l’Etat à la Justice.
La laïcisation de la laïcité :
Au lieu de penser que la laïcité signifie la neutralité d’un état par rapport à la société civile, seul lieu
d’engendrement du sens, bref l’accueil par la sphère politique des « différences » et du pluralisme, il faudrait au
contraire isoler l’Etat et l’école de la société.
La laïcité-assimilation cette première voit dans les différences qui émergent continuellement de la société
civile un danger : elles doivent, comme le foulard, rester au vestiaire de l’espace public.
La laïcité-coexistence voit sans trop s’en formaliser le pluralisme de la société investir la sphère de tous le
laos.
Rappel : ce qui faisait problème dans l’affaire du foulard ce n’était pas l’introduction d’un background arabomusulman, mais le fait pour les jeunes filles de porter le foulard comme une sorte d’ « étiquette » : cette attitude
signifiait qu’il fallait les prendre comme elles étaient, les respecter en tant que musulmanes. …les parents
auraient bien voulu que leurs filles sortent de l’école inentamées dans leurs convictions.
 c’est cette emprise de la société qui apparaît comme particulièrement inacceptable à l’école publique…
 la laïcité a tout à craindre d’un pluralisme de coexistence (comme le défendent, sur les campus
américains, au détriment de la liberté critique, les tenants de la political correctness) c’est-à-dire d’un
pluralisme sans débat.
Mais elle a tout à gagner à un pluralisme d’intégration , c’est-à-dire à l’accueil des problèmes religieux ou
culturels… tout est soumis au processus de discussion sans a priori autre que les conditions mêmes de ce
dernier (le respect d’autrui par-delà les différences d’opinions)
 le fait social (ou l’histoire des religions, objet de tant de débats dans les milieux laïques) peut et doit
sans doute avoir « droit de cité » à l’école.
Mais pas à titre de tabou, de préjugé, d’ « identité » à respecter, sans quoi on en viendrait vite à justifier la
censure du Concile d’amour ou les autodafés des livres de Salman Rushdie…
C’est à titre de question posée qu’il faut accueillir le fait social, de façon à ce que les valeurs soient soumises au
feu de la critique, ce qui devrait permettre la création d’une communauté de citoyens non ethnique basée sur
l’éthique du débat se nourrissant des différences en les brassant, les métissant, les universalisant, sans surtout
se laisser « coloniser » par elles (sans retomber dans un pluralisme communautarien de coexistence)
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