Valeurs et système de valeurs

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Valeurs et système de valeurs
Valeur, notion à usages multiples
La notion de valeur a, traditionnellement, suscité des controverses et des interprétations
multiples et différentes. D’une part, parce que son champ d’application est vaste, La valeur est
un concept qui appartient, à la fois, à la philosophie, à l’économie, à la sociologie, à la
religion, à l’anthropologie, à la psychologie, à la psychosociologie… etc. Ces usages
multiples de la notion de valeur en ont fait un terme galvaudé. D’autre part le concept de
valeur porte en lui une signification subjective et il n’a jamais pu atteindre totalement la
qualité la rigueur d’un concept objectif et scientifique. Son emploi est resté, à la fois, objet de
la culture populaire et de la culture savante : « Au sens traditionnel du mot, la «valeur» d’une
chose désigne tout simplement son prix ; et la théorie de la valeur était justement la théorie de
ce qu’on appelait l’«économie politique». Cet emploi du terme continue, certes, d’avoir cours
dans le langage habituel et dans celui des économistes».1
Malgré la multiplicité des définitions, nous pouvons appuyer l’acception générale citée par les
auteurs de l’article de l’Encyclopédie Universalis selon lequel, la théorie générale de la valeur
«doit se préoccuper de tout ce qui peut revêtir une importance quelconque pour n’importe qui,
de quelque point de vue qu’il se place et dans quelque contexte qu’il soit situé. Aujourd’hui,
en effet, on se réfère aux «valeurs», entendues selon cette conception très générale, dans
presque tous les domaines, dans les sciences sociales, dans le langage de la critique littéraire
et esthétique, dans le discours ordinaire».2
Mais cette conception générale de la notion de valeur n’esquive pas les différences des
définitions consacrées à cette notion par les différentes disciplines. Dans ce sens, Jean Dewy,
avance que les opinions sur le thème des valeurs, oscillent entre deux grandes tendances. La
première, tend à voir dans les valeurs un ensemble de signes et des expressions phonétiques.
Par contre, la deuxième, insiste sur le fait que les critères et les normes a-priori ou rationnels
sont nécessaires et c’est sur la base de ces derniers que se cristallisent l’art, la science et la
morale.3
Guy Avanzini, en essayant d’éclaircir une question essentielle de la problématique de valeurs
et qui celle de la relativité ou de l’universalité de ces dernières, constate une certaine diversité,
des variations, voir même des divergences et des désaccords radicaux entre les différentes
interprétations et usages de la notion. Selon cet auteur, dès que l’on pose le problème de
l’origine des valeurs trois conceptions surgissent :

1
Des valeurs d’ordre moral, ayant une existence en dehors de l’espace et du temps.
Leur universalité découle de leur caractère ontologique. Cette conception
transcendantale tend à présenter les valeurs en tant qu’attributs de Dieu ou en tant
qu’idées ou principes qui préexistent à notre monde concret et réel. Leur
application n’affecte en rien leur universalité. Elles doivent être honorées et
respectées en tant que références se situant au-delà de tout contexte social, culturel,
politique ou civisationnel.
«Valeurs (philosophie)», Encyclopaedia Universalis, France, 1997. P.2
Ibid., p. 2
3
Ismaïl, M., Ibrahim, N.I., Mansour, R., Comment éduquer nos enfants : la socialisation de l’enfant dans la
famille arabe, (en arabe), Dar Annahda Al Myssria, Le Caire, 1974, p.223.
2
2

Deuxième conception d’ordre sociologique qui prône la relativité des valeurs ;
celle-ci ne sont que des productions sociales, élaborées par les individus au sein
des institutions. Ainsi, «le normal,(...), c’est ce qui est le plus courant, le plus
fréquent, majoritaire, et la morale est assimilable aux mœurs en vigueur». 4

Troisième conception d'ordre individualiste, La logique de l’acteur produisant ses
propres valeurs est mise en exergue. Ce n’est pas la valeur en soi qui importe, mais
c’est la qualité d’adéquation de la valeur avec la conduite du sujet compte. Il n’y a
plus de morale universelle mais chacun a sa propre éthique. Ce qu’il est nécessaire
de défendre par rapport à cette conception c’est la liberté du choix, c’est le fait de
refuser tout dogmatisme et tout statut de valeurs ayant son origine à l’extérieur de
la personne.5
Ces désaccords et divergences proviennent du fait que le thème des valeurs a fait l’objet des
études appartenant à plusieurs disciplines.
En économie, la valeur possède deux sens : d’abord, c’est toute chose qui satisfait un besoin,
c’est la valeur de l’intérêt. Autrement dit, c’est l’évaluation par l’individu de ce bien. Ensuite,
la valeur c’est tout ce qui vaut à un bien que l’on échange par un autre dans le marché. C’est
la valeur échangeable, c’est aussi, l’évaluation que donne une communauté à un bien. «En
théorie économique, la valeur apparaît comme un concept central».6
En philosophie, la notion de valeur a fait couler beaucoup d’encre sans toutes fois, se mettre
d’accord sur une définition ou une seule acception de cette notion. Les divergences autour du
concept découlent des principes et des idées maîtresses de chaque tendance philosophique. En
général, deux grandes tendances s’opposent quant à l’interprétation de la notion de valeur :
Une première tendance qui regroupe les philosophies idéalistes et rationnelles et là, on peut
citer comme exemple, Platon qui pense que les personnes, quoi qui l’en soit et souvent
inconsciemment, perçoivent des idéaux transcendantaux, parlent de la justice, de la beauté, et
cela ne peut se faire qu’en supposant qu’il existe des sources qui alimentent ce genre de
croyances, de pensée et de comportement. Platon ne peut accepter le fait que la vie
sensorielle, soit la seule qui sous-tend ces croyances et ces idées transcendantales. Selon lui, il
existe un autre monde où les idées du bien, de la justice, de l’engagement moral, de la
beauté… etc., ont une existence en soi. Ce monde est extérieur à nous, il a une existence
objective et notre monde n’est que son reflet. Kant, le philosophe de la raison par excellence,
ramène la source de nos valeurs à la raison humaine. Celle-ci est la base de toute science, de
toute beauté et de toute la morale. Ce philosophe insiste sur le fait que la raison est avant les
sens et que ceux-ci découlent de la première et non l’inverse. C’est la raison qui donne la
forme à nos expériences sensorielles. Enfin, et d’une façon générale, les philosophies
idéalistes croient à une existence autonome et indépendante des valeurs, par rapport à
l’expérience humaine.
La deuxième tendance quant à elle, regroupe les philosophies dites naturelles. Celles-ci,
amènent les valeurs à la réalité objective de la vie, à l’expérience humaine. Les valeurs ne
peuvent être à la transcendance, elles sont le résultat de notre rapport avec elles, de la
dynamique que nous entretenons avec elles, de nos besoins et de nos orientations. Les choses
ne peuvent être bonnes en soi, ni vrais en soi, ni belles en soi. La beauté, le bon et la vérité
4
Xypas, C., (sous la direction de), Education et valeurs, (postface de Guy Avanzini), Paris, Anthropos, 1996,
187.
5
Cf. ibid. p. 188.
6
«Valeurs (économie)», Encyclopaedia Universalis, France, 1997.
3
sont la résultante de l’expérience humaine. C’est l’être humain ou la communauté humaine
qui valorise ou dévalorise une chose.
En philosophie, le problème de l’origine des valeurs comme celui de la relation des jugements
de valeurs avec les constatations de fait, est posé avec acuité. Est-ce que l’homme choisit ses
valeurs ou bien, ce dernier ne les choisit pas mais seulement il les reconnaît ? A. C. Maclntyre
essaie de répondre avec finesse comme suit : «D’un côté, écrit-il, on maintient que des
jugements de valeur ne peuvent jamais être déduits à partir de constatations de fait, que
l’enquête philosophique est neutre par rapport à tout jugement de valeur et que la seule
autorité que possèdent les opinions morales est celle que nous leur prêtons en tant
qu’individus agissants. Ceci constitue la conceptualisation ultime de l’individualisme (…) ;
l’individu devient sa propre autorité ultime dans le sens le plus extrême. Selon l’autre point de
vue, comprendre nos concepts centraux de la valeur et de la morale, c’est accepter qu’il existe
certains critères que nous sommes obligés de reconnaître. Nous sommes obligés de
reconnaître l’autorité de ces principes, dont nous ne sommes, cependant, aucunement les
créateurs. L’enquête philosophique qui révèle cet état de choses n’est dons pas moralement
neutre. Nous devons également admettre que certains jugements peuvent être déduits à partir
de constatations de fait…».7
En sociologie, l’évaluation se cristallise à partir de critères répondant aux intérêts de
l’individu et aux moyens et disponibilités que permet la société en vue de la réalisation de ces
intérêts. Dans le domaine des valeurs, le choix ou la sélection est conditionné par les
circonstances sociales possibles. Les valeurs sont donc «un niveau ou un critère qui permet de
choisir entre des alternatives ou entre des possibilités sociales offertes à la personne sociale
dans une situation sociale».8Les critères sur lesquelles se base l’individu pour choisir entre
plusieurs alternatives découlent du rôle et du statut de ce dernier dans la structure sociale.
L’individu, consciemment ou inconsciemment, opère une sélection entre plusieurs choix en
vue de réaliser ses intérêts qui à leur tour sont conditionnés par sa position sociale, son
appartenance de classe ou catégorielle.
Pour Emile Durkheim, les «valeurs sont extérieures à l’individu, ce dernier les avalise et les
approprie comme si elles étaient innées». 9Le sociologue de la raison et de la science, propose
une science de la morale. De même, c’est l’Etat, par le biais de l’école laïque, doit «maintenir
des croyances collectives». 10Les crises de valeurs peuvent être surmonter, à condition que les
familles, l’école et l’Etat prennent en charge l’éducation de la jeunesse, une éducation laïque
qui vise à la fois la solidarité du groupe et l’autonomie de la personne : «L’éducation favorise
l’épanouissement de l’individu tout en cana lisant l’égoïsme de celui-ci et ses désirs
infinis.11La socialisation ou l’éducation morale doit se faire d’une manière scientifique et à
l’intérieur des institutions. Ce que réfute Durkheim, en particulier, c’est l’égoïsme et non
l’individualisme. Les sous-systèmes sociaux, doivent favoriser la conscience, à la fois,
individuelle et sociale ; une telle conscience engendrera une solidarité sociale. «Certes ce
concept d’individualisme ne se confond pas avec l’égoïsme, source d’anomie et de
désagrégation d’une société, il fait au contraire appel à la raison et à la conscience collective,
basé sur un intérêt objectivé, qui dépasse l’homme».12
7
Ibid., p. 6.
Abdelmooti, A., M., «quelques aspects de conflit de valeurs chez une famille rurale égyptienne», (En arabe) Le
Caire Al Majalat Al Ijtimaïa Al Kaoumïa, Le Caire, n°1, 1971, pp. 81-86.
9
Xypas, C., (sous la direction de), Education et valeurs, Approches plurielles, Paris, Anthropos, 1996, p.93.
10
Ibid., p. 97.
11
Ibid. p. 99.
12
Ibid. p. 103.
8
4
Quant à Max Weber, la notion de valeur est au centre de sa pensée sociologique : «La vie
humaine est faite d’une série de choix par lesquels les hommes édifient un système de valeurs.
La sociologie de Max Weber concourt à la compréhension et à la reconstruction de ces choix.
Pour lui, l’existence historique est par essence création et affirmation de valeurs». 13Weber
souligne le caractère polythéiste des valeurs, d’où la nécessité du sociologue d’entreprendre
trois opérations essentielles pour l’analyse des valeurs : Comprendre pour saisir et dégager les
significations, interpréter en vue d’organiser en concepts les sens subjectifs et expliquer en
mettant au jour les régularités des conduites. De même, pour le philosophe d’outre-Rhin, les
valeurs sont extérieures à la personne du sociologue. Celui-ci ne doit ni juger, ni hiérarchiser
en une échelle scientifique et rationnelle. Weber, dans sa conception des valeurs comme de la
science, est un philosophe de la négation, plutôt d’une double négation. D’abord, la science ne
peut pas suggérer aux hommes, comment ils doivent vivre et aux éducateurs comment ils
doivent éduquer. Ensuite, la science ne peut présager l’avenir de l’humanité. Une autre
logique surgit, c’est celle de l’acteur. Ce dernier est défini par son engagement car il «doué de
volonté : c’est lui seul qui délibère et qui choisit entre les valeurs en cause, en conscience et
selon sa propre conception du monde».14Il est porteur de sens et il a une conscience qui lui
permet de choisir parmi des éventualités multiples. Ce qui compte dans son choix, c’est
l’efficacité mes moyens mis en œuvre. C’est l’éthique de responsabilité ; elle ordonne,
anticipe et oriente l’acteur vers les décisions possibles. Elle est liée au concret.
Weber, Prône l’engagement. Que vous écoutez Dieu ou diable, l’essentiel c’est de s’impliquer
en faisant abstraction de toute influence extérieure. C’est l’éthique de conviction. Elle découle
de notre intérieure. Ce n’est pas la valeur en soi qui compte mais l’adéquation de celle-ci avec
le comportement ou les conduites. La sociologie doit mettre à jour l’antagonisme des valeurs.
Cité par Bertrand Bergier,15Weber se prononce clairement sur cette contradiction : «Il s’agit
en fin de compte, partout et toujours, à propos de l’opposition entre valeurs, non seulement
d’alternatives, mais encore d’une lutte mortelle et insurmontable, comparable à celle qui
oppose «Dieu et le diable». Ces deux extrêmes refusent tout relativisme et tout compromis».
Contrairement à DurKheim, Weber fait la distinction entre l’ordre de la science et celui des
valeurs. Ce dernier ne se soumet pas aux faits. Il se caractérise par le libre choix et la libre
affirmation. Mais cela dit, Weber note que l’éthique de la responsabilité rend cet ordre plus
rationnel, moins spontané. L’ordre de la science quant à lui, est lié aux faits.
Enfin, la sociologie positionne, en général, la problématique des valeurs dans le cadre d’une
conscience collective où l’individu, son épanouissement n’est pas exclu. L’intériorité que
propose Weber ou l’individualisme au service de la communauté selon Durkheim, attestent
que les valeurs sont, à la fois, une création collective et individuelle. Leur source découle de
la personne sociale et des institutions.
En psychologie, la notion de valeur n’a pris son importance que tardivement. Car, l’univers
des valeurs a fait prioritérement l’objet des contemplations philosophiques. C’était l’objet par
excellence de l’éthique. La religion, la sociologie l’économie, et l’anthropologie en ont fait un
objet de taille. Mais les psychologues pensaient que cette notion ne pouvait faire l’objet des
études empiriques. Et qu’il était impensable de la mesurer et de définir ses différentes
dimensions, ni de l’étudier en rapport avec d’autres variables.
Ce n’est que vers les années trente et quarante du siècle dernier que les psychologues vont
commencer par s’y intéresser. Le mérite, sans aucun doute, revient à Spranger et Thurstone.
Le premier en publiant son étude sur la personnalité, est arrivé au fait qu’il existe six types de
13
Ibid. p. 109.
Ibid. p. 113.
15
Ibid. p. 116.
14
5
personnalité. Chaque type est défini par la dominance d’une des valeurs suivantes : la valeur
théorique, la valeur politique, la valeur sociale, la valeur économique, la valeur esthétique, et
la valeur religieuse.16De telles valeurs feront l’objet d’une échelle élaborée opérationellement
par Allport et Vernon. Ainsi, les études sur les valeurs vont devenir de plus en plus
nombreuse, surtout en psychologie sociale et cela pour répondre à de nouvelles questions
telles que : Quelles sont les valeurs qui signifient le plus les conduites humaines et par
conséquent, elles méritent d’être étudier ? Est- ce que les valeurs nous permettent de définir la
philosophie ou l’idéologie qui structure une société ? Les valeurs ne seraient-elles pas la
meilleure méthode pour comprendre comment pensent les personnes en un contexte spaciotemporel et culturel défini ? De même les valeurs ne seraient-elles pas la source des conduites
humaines, des jugements et des attitudes quant à ce qui désirable dans un groupe donné ?
En France, ce n’est qu’au début des années quatre- vingt - dix, que «l’éducation morale
suscite,(...) un regain d’intérêt comme en témoignent les livres de Jean Houssaye, de Louis
Legrand, de Paul Moreau, d’Olivier Reboul et de Philippe Meirieu, ainsi que les numéros que
la Revue Française de Pédagogie et le Bulletin de l’association Binet et Simon lui ont
consacrés».17 Constantin Xypas, trouve qu’il est malheureux que les chercheurs
Francophones, aient laissés tomber les cours de Durkheim à la Sorbonne sur l’éducation
morale qui datent des années 1902 – 1903. L’auteur ajoute que «c’est surtout dans l’entredeux-guerres que l’autonomie, tant intellectuelle que morale, devint un objectif prioritaire de
l’Education nouvelle, sous l’impulsion de laquelle les Bovet, Ferrière, Claparède et autres
protagonistes de ce mouvement publièrent de nombreuses études. Et si les écrits de Ferrière
revêtent un aspect militant, Bovet et plus encore Piaget mènent des recherches originales
visant la compréhension du mécanisme par lequel l’éducation est à l’origine de la moralité du
sujet».18
Au niveau des études sur les valeurs dans le monde arabe, la situation est beaucoup moins
optimiste. Selon, Abdellatif mohamed Khalifa, il n’existe aucun travail sur l’évolution des
valeurs à travers les trois étapes de la vie. Et le peu de recherches effectuées sur les valeurs est
resté centré sur l’étude de ces derniers en rapport avec un ensemble de variables telles que,
l’étude de la relation entre les valeurs et le niveau d’aspiration,19l’étude de la relation entre les
styles de socialisation et les systèmes de valeurs,20 La relation entre les valeurs morales et la
névrose, ou relation entre valeurs et adaptation psychologique.21Nous n’avons pas évoqué
parmi ces recherches, les ouvrages qui portent sur les valeurs islamiques ou la culture et
l’Islam. Leur nombre est assez important mais ils ne relèvent pas d’un registre empirique et
scientifique.
Au Maroc, les travaux sur la jeunesse sont nombreux. Mais, ils abordent le problème des
valeurs d’une façon très timide. Cela dit, nous ne pouvons omettre les enquêtes réalisées par,
André Adam, Paul Pascon et Bentahar, Mohamed Tozy, Mohamed Aït Mouha et Abdellatif
16
Houssein, M., E., Les valeurs spécifiques aux créateurs, (en arabe) Le Caire, Dar Al Maârif, 1981, p. 3.
Moreau, P., L’éducation morale chez Kant, Paris, Editions du Cerf, 1988 ; J., Houssaye, Les valeurs à l’école :
L’éducation au temps de la sécularisation, Paris, PUF, 1992 ; L. Legrand, Enseigner la morale aujourd’hui ?
Paris, PUF, 1991 ; P., Meirieu, Le choix d’éduquer. Ethique et pédagogie, Paris, Editions sociales Françaises,
1991 ; O., Reboul, Les valeurs de l’éducation, Paris, PUF, 1992 ; Revue Française de Pédagogie, n° 97 / 1991 et
n° 102 / 1993 ; Bulletin de l’association Binet et Simon n° 636 / 637 de 1993.
18
Xypas, C., (sous la direction de), Education et valeurs Approches plurielles, Paris, Anthropos, 1996, p. 5.
19
Abdelmouti, A., M., la dynamique de la relation entre les valeurs et le niveau d’aspiration, Thèse de Doctorat,
Faculté de lettres, Université Aïn chams, Le Caire, 1976.
20
Abdelmajid, F., Y., socialisation des enfants et sa relation avec quelques traits personnels et leurs systèmes de
valeurs, Thèse de Doctorat, faculté de lettres, Université Aïn Chams, Le Caire, 1980.
21
Sultan, I., Ad., «conflit de valeurs entre parents et enfants et sa relation avec l’adaptation psychologique des
enfants», Le centre National des Etudes Sociales et Criminologistes, Le Caire, Tome I, 1977, pp. 109 – 122.
17
6
Al Farabi, Ahmed Aouzi, Mounia Bennani-Chraïbi et le Groupe des sociologues de la faculté
de lettres et des sciences humaines de Rabat.22 A signaler, ici, que la majorité de ces
chercheurs ont une formation sociologique ou psychosociologique. Au Maroc, les études
psychologiques sur les valeurs, empruntant des méthodes empiriques et expérimentales sont
inexistantes. Les études faites, surtout par les Anglo-saxonnes, sur les valeurs restent jusqu’à
nos jours presque inconnues. En quoi consiste donc ces études ?
Sommairement, nous pouvons dire qu’il y a trois blocs d’études :

Le premier bloc d’études s’est intéressé aux différences individuelles au niveau des
valeurs. Cela, en étudiant ces différences en rapport avec un ensemble de variables
telles que le sexe, les traits de personnalité, la religiosité, les intérêts scientifiques
et professionnels, l’adaptation psychologique… etc.

Le deuxième bloc d’études s’est occupé des valeurs en relation avec les
compétences intellectuelles en partant de la considération suivante : Du moment
que la valeur est un choix, et que la personne opère en percevant ce qui est
désirable et ce qui ne l’est pas, le processus de valorisation est naturellement
intellectuel. Il est en rapport avec la perception.

Le troisième bloc d’études a attrait à l’acquisition des valeurs, à leur évolution à
travers les âges en prenant compte les facteurs qui influencent et qui sont en
rapport avec cette évolution. De même ce genre d’études a permis de cerner le
cadre général dans lequel se cristallisent les dimensions, les constituants et les
formes de changement des valeurs à travers les âges.23
Aussi, il faudrait noter que malgré la multiplicité des recherches, leurs conclusions restent très
divergentes. Cela vient du fait que les chercheurs ne s’accordent pas sur les critères ou les
indicateurs qui permettent d’étudier les valeurs. Les indicateurs opérationnels se différencient
d’un chercheur à un autre ; certaines études se basent sur les attitudes, d’autres sur les
conduites, ou parfois sur les déclarations directes des sujets. Cela prouve que la notion de
valeur continue à souffrir d’une confusion énorme au niveau de sa délimitation, à la fois,
conceptuelle et opérationnelle.
Valeur, délimitation conceptuelle et opérationnelle
La valeur est «un terme utilisé dans plusieurs acceptions. Nous y faisons référence pour parler
de la tendance de tout être vivant à manifester sa préférence, dans son action, pour certain
type d’objet ou d’objectif plutôt que pour tel autre». 24 Pierre Bréchon, voit dans les valeurs
des "idéaux, des préférences qui prédisposent les individus à agir dans un sens déterminé.
Elles appartiennent aux orientations profondes qui structurent les représentations et les actions
d'un individu. Elles s'apparentent aux attitudes. Elles ne sont pas directement observables, à la
différences des opinions et des comportements".25 Forquin, avance que la valeur c’est «le
22
Adam, A., «Une enquête auprès de la jeunesse musulmane du Maroc», La pensée universitaire, Aix-en
Province, 1963. Pascon, P., et Bentahar, «Ce que disent 296 jeunes ruraux», Bulletin Economique et Social du
Maroc, n°112 – 113, 1969. Tozy, M., «Champ et contre champ politico-religieux au Maroc», Thèse de Doctorat
d’Etat, Aix-en Province, 1984. Aït Mouha, M., et Al Farabi, A., Valeurs et attitudes, Rabat, Série sciences de
l’éducation, n° 8, 1992. Aouzi, A., L’adolescent et les relations scolaires, publication de la revue sciences de
l’éducation, n°2, Rabat, 1993. Bennani-Chraïbi, M., Soumis et rebelles, les jeunes au Maroc, Paris, CNRS, Ed.
1994. Bourqia, R., El Ayadi, m., El Harras, M., Rachik, H., Les jeunes et les valeurs religieuses, Editions
ADDIF, Casablanca, 2000.
23
Cf. Khalifa Mohamed, Abdellatif, (en arabe), L’évolution des valeurs, Alam Al Maärif, n°120, Koweït, 1992.
24
Rogers, C., Liberté pour apprendre? Paris, Bordas, 1976, p. 239.
25
Bréchon, P., (sous la direction de), Les valeurs des français, Paris, Armand Colin, 2000, p. 2.
7
sentiment que certaines choses valent la peine, que certaines fins méritent en elles-mêmes
d’être poursuivies, que certains sphères d’activités, certaines «formes de vie» sont
intrinsèquement désirables et capables de donner à la vie un prix ou un sens». 26 Quant à
Olivier Reboul, en lisant l’ouvrage enseigner la morale aujourd’hui de Lois Legrand, constata
que celui-ci «trouve les vraies valeurs dans l’Education nouvelle, notamment chez Célestin
Freinet [...].Le projet librement consenti crée l’esprit de coopération, éveille le sens
démocratique, l’enthousiasme mais aussi l’esprit critique, le respect des autres, la sociabilité,
la générosité, sans parler de l’esprit écologique et de la coopération internationale». 27L’auteur,
de l’ouvrage La philosophie de l’éducation, répond à la question que faut-il entendre par
Valeur de la manière suivante : «Est Valeur ce qui vaut la peine, c’est-à-dire ce qui mérite
qu’on lui sacrifie quelque chose. Pour qu’il y ait sacrifice, il faut que la chose sacrifiée ait
elle-même une valeur.28
Selon Mohamed Khalifa la valeur est «le jugement de préférence ou de la non-préférence que
porte l’individu sur des objets ou des choses. Cela, à la lumière de ses appréciations ou de ses
évaluations de ces objets ou de ces choses. Ce processus s’actualise à travers les relations
dynamiques entre l’individu avec ses connaissances et ses expériences et les représentants du
cadre civisationnel dans lequel il vit et à travers lequel il acquiert ces expériences et ces
connaissances».29 Cet auteur signale lui aussi que la notion de valeur est très confuse. Parfois,
on la confond avec d’autres notions voisines.
La valeur est plus abstraite et plus générale ; elle encadre les orientations, les intérêts et les
comportements des individus. De même qu’elle se caractérise par l’obligation et
l’engagement (Max Weber)
Opérationnellement, la valeur constitue :

Un critère à travers lequel, nous jugeons et nous délimitons ce qui est désirable et
préféré dans une situation où existent plusieurs alternatives.

A partir des valeurs se définissent des objectifs, des finalités et des moyens pour la
réalisation de ces objectifs et de ces finalités.

Le jugement positif ou négatif s’actualise à la lumière d’un processus essentiel qui
est celui de l’évaluation.

La valeur est un choix parmi des alternatives multiples, cela met en valeur une
caractéristique essentielle que comporte toute valeur : Son aspect sélectif.

Le choix engendre une obligation et un engagement.

Le poids d’une valeur se différencie d’un individu à un autre. Cela dépend du
statut et de la place de cette valeur dans le système de valeurs de la personne.

La valeur qui a plus d’importance pour un individu aura sans doute un poids
relativement plus grand dans son système de valeurs.30
Délimiter la notion de valeur ne va pas sans définir ce que c’est un système de valeurs. Cela
découle du fait que l’on ne peut pas définir une valeur indépendamment des autres valeurs ou
d’un système global où se hiérarchisent et où s’organisent ces dernières. A ce niveau, les
Forquin, J., C., «justification de l’enseignement et relativisme culturel», Revue Française de Pédagogie, n° 97,
octobre – novembre – décembre, 1991, p. 14.
27
Reboul, O., «L. Legrand – Enseigner la morale aujourd’hui ? Revue Française de pédagogie, n° 99, avril –
mai – juin, 1992, p. 126.
28
Reboul, O., La philosophie de l’éducation, Paris, PUF, coll. Que sais-je ? n°2441, 1989, p. 105.
29
Mohamed Khalifa, op.cit., p.59.
30
Hossein, M., E., Ibid., p. 195.
26
8
chercheurs pensent qu’il n’existe pas des valeurs isolées les unes des autres. Toute valeur
s’inscrit dans une structure ou un système hiérarchisé où sont organisées les valeurs selon leur
importance par rapport à l’individu et au groupe auquel il appartient. Olivier Reboul fait
remarquer que : «Toute valeur se situe donc dans une hiérarchie de valeurs». 31
Le système de valeurs est «l’ensemble des valeurs d’un individu ou d’une société, classées
selon leur priorité. C’est un cadre sous forme d’échelle où ses constituants sont hiérarchisés
selon leur importance».32
Selon Mohamed Khalifa, la plupart des définitions du système de valeurs présentent des
acceptions qui manquent de dynamisme et de rigueur scientifique. Cela, quand elles
présentent ce système seulement en tant qu’une classification des valeurs opérée par
l’individu sous une forme déterminée. Classification qui détermine le degré d’obligation
d’une valeur par rapport à d’autres. l’auteur pense que le fait de voir dans un système
seulement son aspect hiérarchique, met en abstraction les caractéristiques de la situation dans
laquelle se trouve un individu. Ce dernier, justement, n’opère pas à partir du néant mais il
procède en influençant et en étant influencé par le contexte.
L’auteur ajoute que définir un système de valeurs de la sorte découle du fait que ces
chercheurs confondent la classification des valeurs avec le système de valeurs. Si le premier
n’est qu’une manière de classer les valeurs selon leur importance, le deuxième est plus que
cette opération, il est l’organisation générale des valeurs et à travers laquelle, ces dernières
prennent sens et importance et rentrent en relations dynamiques, soit d’opposition, ou de
contradiction, ou d’harmonie… etc. Le système de valeurs est donc «une construction ou une
organisation globale des valeurs d’un individu et que chaque valeur constitue un élément
parmi d’autres qui interagissent entre eux en vue de réaliser une fonction déterminée par
rapport à l’individu».33
Valeur et notions voisines
La notion de valeur est utilisée parfois dans des acceptions qui lui sont voisines telles que, le
besoin, l’intérêt, la croyance, le comportement, la motivation, le trait ou l’orientation. Dans le
souci de mieux cerner la notion de valeur, Mohamed Khalifa essaie de distinguer ces
différentes notions et observer comment celles-ci se recoupent avec la notion de valeur sans
toute fois, être des synonymes.
Le besoin c’est le sensation d’avoir perdu quelque chose. C’est «une force interne à la
personne qui, partant de l’édification d’une carence, suscite la motivation et incite à l’atteinte
d’objectifs ou de conditions».34 C’est l’écart entre la situation réelle et la situation désirée. Le
besoin peut être interne ou externe.
Certains chercheurs pensent que les valeurs sont des besoins. (A. H. Maslow) Pour eux, les
valeurs ont une base biologique, elles se cristallisent à partir des besoins essentiels et que la
valeur n’apparaît chez l’individu que s’il ressent un besoin à satisfaire et à réaliser. C’est à
partir donc de ces besoins fondamentaux que se constitue l’être biologique. Ceux-ci lui
définissent son système de préférences, ce sont des valeurs biologiques primaires, qui
31
Reboul, O., Ibid., p. 105.
Kadem, M., I., «Etude des valeurs dominantes chez les jeunes instituteurs de la république de l’Egypte
Arabe», (en arabe) Le Caire, Rapport publié par le ministère de la jeunesse, la direction générale des études,
1970.
33
Mohamed Khalifa, Ibid., p.62.
34
Legendre, R., dictionnaire actuel de l’éducation, Paris – Montréal, Larousse, 1988.
32
9
changent avec le développement en valeurs sociales. Ces dernières qui ont attrait à la morale
et au social sont appelées valeurs secondaires.
D’autres chercheurs différencient entre valeur et besoin. (Rokeech) Les valeurs sont des
représentations intellectuelles aux besoins de l’individu ou de la société. Dans ce sens
l’homme est le seul être capable de ce genre de représentations. Et si les besoins sont des
sensations que l’on trouve chez tous les êtres, les valeurs ne concernent que les êtres humains.
On confond aussi les valeurs avec la notion de motif ou motivation. Ainsi, on considère la
valeur comme un aspect d’un concept plus large et qui est celui de motivation. Cette
confusion découle du fait que les notions valeur et motif, orientent et poussent à l’action. Il
s’agit pour les deux, de faire un choix parmi plusieurs alternatives. Mais cette équivalence
consentie par certains chercheurs reste inexacte car la valeur relève du désirable, elle contient
deux aspects ce qui est positif et ce qui est négatif. De même, la nature du but quand on
adopte une valeur est absolue et se caractérise essentiellement par une obligation. Ajoutons à
cela, le fait que la valeur exerce une certaine pression sur l’individu, comme c’est le cas pour
le motif, mais en plus de cela la valeur est un système de pensées et de conceptions qui
permettent à l’individu d’interpréter les conduites et les comportements en leur assignant un
sens et une justification déterminée. Et si la motivation est un état de tension ou de
disponibilité intérieure, la valeur est la conception qui sous-tend le motif.
Autre confusion est faite entre la valeur et l’intérêt. Celle-ci est basée sur le fait que du
moment que la valeur prend sa forme à partir de l’expérience personnelle, elle est très liée à
l’intérêt. Cette acception de la notion de valeur fait abstraction des conceptions objectivistes
qui pensent que la valeur est intrinsèque à l’objet et non seulement à l’expérience personnelle.
La confusion est poussée à son extrême lorsque certains chercheurs observent que la valeur
d’un objet c’est l’intérêt qu’on lui porte. On a même pris, dans certains études, les intérêts
comme indicateurs ou critères pour étudier les valeurs.
Cette condition sera levée par d’autres chercheurs (H. Hysenck) en distinguant les valeurs des
intérêts. Ces derniers sont définis en tant que tendance par rapport à une chose exerçant sur
l’individu une attraction spécifique. Alors que les valeurs sont des idées et des préférences
ayant une relation avec des objets sociaux. D’autres pensent que les intérêts sont liés à des
préférences professionnelles alors que les valeurs sont essentiellement en rapport avec des
objets d’ordre social, politique, religieux et moral. Autre distinction, c’est le fait de considérer
les intérêts comme un des aspects des valeurs qui orientent l’action et la réalisation de soi et
que la notion d’intérêt est plus restreinte. Elle ne véhicule pas l’idée d’un comportement idéal,
et ne peut être considérer en tant que critère comportant la caractéristique d’obligation. On
peut avoir un intérêt pour une chose, sans éprouver l’obligation de la faire. Par contre, les
valeurs visent des buts lointains et généraux. De même, elles constituent un système
hiérarchisé. Les unes dominent ou se soumettent aux autres. L’individu, n’arrivant pas à
réaliser toutes ses valeurs, opère par la sélection des plus importantes et les plus significatives
pour lui. En outre, les valeurs ne changent pas fréquemment, comme c’est le cas pour d’autres
processus tels que les besoins et les orientations. Les valeurs ne sont donc pas un simple reflet
des besoins et des intérêts spécifiques, elles expriment aussi la manière qu’adopte la société
pour récompenser ou sanctionner.35
A différencier aussi entre la valeur et le trait de la personnalité, ce dernier a été très utilisé
dans les études faites sur la personnalité. C’est une caractéristique du comportement que l’on
peut observer, mesurer telles l’agressivité ou la peur ou le courage… etc. Le trait de
personnalité est caractérisé par une certaine continuité. Par rapport à cette notion Guilford
Hanna, A., M., L’orientation éducative et professionnelle, (en arabe) Le Caire, Maktabat Annahda Al
Missriya, 1959, p. 185.
35
10
présente une classification des traits de la personnalité comme suit : les orientations, les
tendances, l’humeur, les besoins, les disponibilités, la construction et les fonctions du
corps.36Ces traits constituent un bloc de la personnalité moins changeant et qui est moins
influencé par les facteurs extérieurs. Ce n’est pas le cas des valeurs.
Autre distinction est faite entre les valeurs et les croyances. Celles-ci sont de trois types ;
descriptives oscillant entre le vrai et le faux, évaluatives qui permettent de décrire si l’objet de
la croyance est bon ou mauvais et enfin, impératives facilitant à l’individu de juger si certains
fins et moyens méritent d’être désirables ou non. Dans ce sens, Rokech pense que les valeurs
peuvent être considérer en tant que croyances du troisième type. Ainsi, il définit les valeurs
comme des «croyances relativement stables» qui véhiculent des préférences personnelles ou
sociales pour une finalité de l’existence ou pour une forme aboutissant à cette finalité. En
plus, pour cet auteur, les valeurs ont trois aspects ; un premier aspect intellectuel d’où la
conscience qu’a l’individu de ce qui est désirable, un deuxième aspect affectif d’où le
sentiment que ressent l’individu par rapport au fait qu’une valeur est positive ou négative et
enfin un troisième aspect comportemental d’où la valeur devient une variable intermédiaire ou
un critère qui oriente le comportement ou l’action. Cette acception se rapproche de celle qui
présente les valeurs en tant que concept ou conception, déclarée ou illicite, de ce qui est
désirable : ce sont les valeurs conceptualisées, elles ne sont pas seulement de simples
préférences mais des préférences justifiées moralement et intellectuellement. Cela dit,
d’autres chercheurs différencient les valeurs des croyances en partant du fait que les premières
sont liées au couple bon / mauvais alors les seconds s’intéressent à la vérité.
Les valeurs se confondent aussi avec la notion d’orientation. Mais, selon certains, il existe une
différence entre les deux notions ; les valeurs sont plus générales, elles déterminent, par leur
aspect abstrait, les orientations, ce sont des opérations qui encadrent tous les domaines de la
vie qui incluent les orientations essentielles des individus de même que ses tendances
profondes et les choses qui bénéficient d’un certain respect et d’une certaine sacralisation.
Ainsi, la valeur est plus générale et globale que les orientations. Elle est un ensemble
d’orientations liées entre elles d’une manière organisée et hiérarchisée mais sans être toujours
harmonieuse. Car une valeur déterminée peut contenir des orientations opposées.
Enfin, on peut se poser la question sur la relation qui existe entre la valeur et le
comportement. Les frontières entre ces deux notions sont très floues. Souvent le
comportement est pris par les chercheurs comme indicateur d’une valeur du moment que cette
dernière détermine le comportement et l’action de l’individu. C’est ainsi, que Moris définit la
valeur ; «elle est l’orientation ou le comportement préféré et désirable parmi tant d’autres
disponibles».37 Selon le même auteur, il existe trois catégories de valeurs : Les valeurs
opérationnelles qui pourraient être découvertes à travers le comportement préféré. Les valeurs
conceptualisées pourraient être étudier à travers les symboles et les conceptions idéales. Et
enfin, les valeurs objectives. Il reste à noter que le comportement ne peut pas être déterminé
seulement par les valeurs car en plus des valeurs, il est la résultante de plusieurs facteurs tels
que la conjoncture, les circonstances, la situation, les besoins, les contraintes… etc.
Niveaux de valeurs
Là aussi, les chercheurs ne sont pas d’accord. Et cela pour plusieurs raisons, essentiellement
quand on pose la problématique de l’origine des valeurs ou leurs sources. Cette question de
36
Faraj, M., F., et autres, Le comportement humain, vision scientifique, (en arabe) Le Caire, Dar Al Kutub Al
Jaâmi’ya, 1973.
37
Mohamed Khalifa, Ibid., p. 53.
11
nature ontologique nous réfère à une autre qui n’est pas moins importante que la première, il
s’agit de se demander si les valeurs sont universelles ou relatives. Autrement dit, il s’agit de
savoir si les valeurs découlent d’une transcendance, d’un sacré de l’absolu et par conséquent,
elles ont une existence objective qui dépasse le contexte spacio-temporel ou bien elles ne
constituent que des habitudes et ne résultent que d’un consensus social entre individus d’une
société donnée ou tout simplement, elles ne sont que des normes qui régissent la vie d’une
catégorie sociale ou d’un groupe culturel au sein de la société globale.
Mais avant, nous voulons signaler qu’il existe des théories qui n’acceptent même pas le fait
que les valeurs structurent les relations entre les individus et déterminent leurs
représentations, leurs intérêts, leurs besoins, leurs comportements et leurs actions. Pire encore,
selon ces théories les valeurs ne participent pas dans la construction de l’identité de
l’individu : «les valeurs n’ont au contraire aucune efficacité individuelle ou sociale. Elles ne
sont considérées que comme des rationalisations idéologiques et des auto-justifications liées
aux intérêts des individus et de leurs groupes sociaux».38
Pour ce qui est de niveaux de valeur ou de sa nature, nous commençons par la distinction
élaborée par Carl Rogers entre trois nivaux ; il y a ce que l’on appelle les «valeurs opératives»
qui ne font pas l’objet de la réflexion ou de l’activité intellectuelle. Ce sont des manifestations
par l’action d’une préférence par rapport à un sujet déterminé, elles sont fonctions de
l’organisme. Ensuite, il existe des valeurs conceptualisées, «Il s’agit de la préférence marquée
par un individu pour un objet symbolisé». 39 Le choix de ces valeurs s’appuie sur un registre
intellectuel. La raison est essentielle à ce niveau. Enfin, il y a ce que l’on appelle «valeurs
objectives», celles-ci sont objectivement préférables. Leurs choix ne dépend pas de leur
désirabilité. Dans son analyse, l’auteur de Liberté pour apprendre, ne s’occupe pas de la
troisième catégorie de valeurs.
Au départ, ce qui désirable ou ne l’est pas dépend de l’expérience personnelle, de son apport à
l’organisme. Toute expérience qui renforce, soutient et développe l’organisme devient source
de valeurs. A ce niveau l’approche de valeurs est claire. Elles sont souples et changeantes. Les
valeurs authentiques découlent d’un processus organismique qui relève de la réalité psychophysique tout entière de l’individu en interaction avec son environnement. A la base de tout
choix ou de toute préférence, il y a ce processus organismique, ce retour à l’organisme. C’est
un processus qui malgré sa complexité ne relève ni de la conscience ni d’une fonction
symbolique. Dans ce processus «chaque élément, chaque moment de l’expérience est en
quelque sorte pesé, choisi ou rejeté, selon qu’à ce moment il tend ou non à actualiser
l’organisme. Cette évaluation complexe de l’expérience est manifestement l’objet d’une
fonction organismique et non d’une fonction consciente et symbolique. Il ne s’agit pas là de
valeurs conceptualisées, mais bien de valeurs opèratives». 40Le choix de ces derniers se base
essentiellement sur la sagesse physiologique du corps. Ainsi les valeurs opératives sont liées
au corps, à l’organisme, à ce qui le soutient et l’émancipe. Selon Rogers, ce choix est
«objectivement sain». Celui-ci découle d’une autre source, aussi importante que la première ;
elle se situe dans l’individu, en lui. «La source ou le lieu de son (l’enfant) évaluation se trouve
clairement en lui-même… et l’origine de ces choix se situe exactement en lui» (Ibid., p. 241).
Cette éthique personnelle développée par Rogers, nous amène à poser avec Guy Avanzini la
question suivante : «Ces éthiques particulières impliquent-elles que les valeurs sont propres à
chacun et n’ont d’autre consistance que celle qu’il leur attribue?».41
38
Bréchon, Pierre, Les valeurs des français, (sous la direction de) Paris, Armand Colin, 2000, p.9
Rogers, C., Ibid., p. 239.
40
Rogers, C., Ibid., p. 240.
41
Xypas, C., Ibid., p. 196.
39
12
Mais par peur de perdre l’affection, l’estime d’autrui, l’enfant changera d’attitudes. Il va
procéder par l’introjection des valeurs de son entourage. IL cessera d’agir en fonction de luimême, il prendra distance par rapport à son propre processus organismique. L’autre deviendra
sa source et l’origine de ces choix. Il fera siennes les valeurs des parents, de l’église, des
enseignants. Cette transformation crée en lui une distance entre ses propres expériences et les
valeurs établies. «Il apprend d’autrui un grand nombre de valeurs conceptualisées et les
adopte pour lui-même, fussent-elles en profond désaccord avec sa propre expérience» (Ibid.,
p. 243). Ainsi ses choix qui étaient au départ fluides et changeants deviendront fixes et
rigides. Les valeurs conceptualisées sont donc ces valeurs introjectées qui, en plus de leur
rigidité, sont contradictoires dans leurs significations. Et si nos sociétés vivent une crise de
valeurs ou des conflits de valeurs, cela est dû, justement, à ce passage d’une approche
authentique, clair, humaine, ouverte, changeante et fluide à une autre approche extérieure, ne
répondant pas aux exigences de l’organisme, rigide, aliénante et fixes. L’auteur de la nondirectivité présente, en suite, les caractéristiques des valeurs conceptualisées comme suit :

«La majorité des valeurs de l’adulte sont introjectées en lui à partir d’autres
personnes ou groupes qu’il considère comme importants pour lui, mais ces valeurs
il les considère comme si elles étaient les siennes.

Le lieu d’évaluation qu’il fait de la plupart des objets se trouve en dehors de luimême.

Le critère par lequel il détermine ses valeurs est le degré d’amour ou d’acceptation
qu’elles lui assurent.

Ces préférences conceptualisées ne sont pas mises en relation - sinon peu
clairement – avec sa propre expérience.

On trouve souvent un grand décalage, et inconscient, entre l’évidence fournie par
sa propre expérience et ces valeurs conceptualisées.

Du fait que ces conceptions ne sont pas ouvertes à l’épreuve de son expérience
personnelle, il doit les maintenir rigides et immuables. Sinon ce serait
l’écroulement de ses valeurs. Aussi celles-ci sont-elles «bonnes» un peu comme
dans la loi des Mèdes et des Perses, qui était une «loi pour toujours».

Du fait que ces valeurs ne sont pas soumises à l’épreuve de l’expérience
personnelle, rien n’est prévu pour résoudre les contradictions… . C’est ainsi
qu’une des caractéristiques de la vie moderne est de vivre avec en soi des valeurs
absolument contradictoires.

Du fait que l’individu adulte a laissé à d’autres le soin d’évaluer pour lui et qu’il a
perdu le contact avec son propre processus d’évaluation, il se sent profondément
en insécurité et facilement menacé dans ses valeurs. Si certaines de ces idées
venaient à être détruites, qu’est ce qui prendraient leur place ? Cette possibilité
menaçante fait qu’il tient à ses valeurs avec encore plus de rigidité ou moins de
clarté, ou bien les deux». (Ibid. pp.244 – 245.)
Ces caractéristiques communes aux adultes quand ils adoptent un système de valeurs non
consenti par eux et extérieur à leurs propres expériences, déclenchent un «désaccord
fondamental» responsable de l’aliénation de l’homme moderne. La thérapie a fait découvrir
cela à notre auteur. Et c’est justement la restauration du contact avec l’expérience personnelle
qui peut faire de l’individu un adulte mûr. Celui-ci vivra librement ses sentiments. En effet, ce
dernier ressemblera au petit enfant dans sa détermination de valeurs mais en même temps il
lui sera très différent.
13
Ce processus de détermination des préférences sera plus fluide, plus souple et plus fondé
comme c’est le cas chez celui de l’enfant mais il aura un haut degré de différenciation : «les
réactions de la personne mûre sont plus différenciées que les valeurs introjectées, lesquelles
sont plutôt du type résistant, monolithique». (Ibid., p. 248.)
En outre, et du fait que chez l’adulte le champ d’action est beaucoup plus large et les
apprentissages du passé sont plus nombreux, son processus de détermination des valeurs sera
plus complexe, s’actualisera en connaissance de cause et ne relèvera pas seulement du seul
registre sensoriel comme c’est le cas chez l’enfant. «Ce moment ne contient pas seulement
son impact sensoriel immédiat, mais aussi toute la signification qui s’est accumulée à partir
d’expériences semblables dans le passé». (Ibid., p. 249.)
Pour dépasser les remarques que peut susciter sa théorie de valeur, surtout par rapport à sa
coloration individualiste et par conséquent relativiste, Carl Rogers proposera un ensemble de
point comme suit :

Il existe dans l’être humain un fondement organismique qui rend possible la
détermination des valeurs.

Ce processus de détermination des valeurs contribue réellement à
l’épanouissement personnel dans la mesure où l’être humain est ouvert à
l’expérience qui se déroule en lui.

Il y a chez les personnes qui deviennent plus ouvertes à leur expérience
personnelle un commun dénominateur organismique dans le choix des valeurs.

Cette orientation commune dans le choix des valeurs est telle qu’elle contribue au
développement de la personne elle-même, au développement des autres au sein de
la communauté et à la survie ainsi qu’à l’évolution de l’espèce.
Il suffit donc que l’individu soit libre pour qu’il choisisse des orientations préférencielles
profondes qui assureraient non seulement sa survie mais aussi celle d’autrui. Cela, nous
pousse à dire, avec Rogers, que l’être humain quand il est libre, il est profondément social.
Dans ce sens, l’auteur formule l’hypothèse suivante : «c’est une caractéristique de l’être
humain d’ainsi préférer des objectifs actualisants et sociaux lorsqu’il est lui-même exposé à
un climat qui favorise son épanouissement» (Ibid., p. 254).
Les valeurs rogériennes ne paraissent pas individualistes ; la sociabilité est présente dans sa
théorie sauf qu’elle émerge de l’intérieur et qu’elle est conditionnée par la liberté du choix et
l’expérience personnelle.
De même, l’approche humaniste de cet auteur ne soustrait pas le caractère universel de sa
théorie. Il suffit, là aussi, de créer un climat de respect et de liberté pour que les individus
choisissent et préfèrent les mêmes valeurs quelques soient leurs cultures et les époques : «Au
lieu de valeurs universelles qui seraient «là dehors», ou d’un système universel de valeurs
imposé par un groupe quelconque – philosophes, gouvernants, ou prêtres – nous avons trouvé
la possibilité de faire émerger des valeurs humaines universelles à partir de l’expérience
personnelle de l’organisme humain» (Ibid., p. 254).
En guise de synthèse, nous pouvons dire que C. Rogers part du fait qu’il existe trois types de
valeurs. Les valeurs authentiques de l’adulte mûr, confiant, libre, social, sage et
psychologiquement émancipé, sont celles qui résultent de l’évaluation de l’expérience
personnelle à partir du processus organismique.
En même temps, l’auteur participe au débat sur l’universalité ou la relativité des valeurs en
observant qu’il n’existe pas de contradiction entre l’expérience personnelle et la liberté de
14
choix d’un coté et l’universalité de l’autre coté. Toute personne libre et respectée a une
potentialité de créer des valeurs universelles. L’essentiel, c’est que l’homme moderne ait
confiance en sa propre expérience. Cet homme moderne, source des valeurs «ne se fie plus à
la religion ou à la science, ni à la philosophie, ni a aucun système de croyances pour recevoir
ses valeurs» (Ibid., p. 255).
Les valeurs opératives, étant au cœur de la théorie de Carl Rogers, malgré leur source
personnelle et individuelle n’esquivent pas la dimension sociale des choix et des préférences
des êtres humains. Là aussi, la liberté et le respect assurent la sociabilité des valeurs.
Enfin, la remarque que nous adressons à Carl Rogers est la suivante : La liberté du choix et
l’expérience personnelle ne sauraient-elles pas, elles aussi, des valeurs ? Et si c’est le cas
quelle serait leur source et leur origine ? Ne serait-il pas plus logique dans ce cas de se référer
à autre chose, à un autre postulat qui serait en dehors de la personne ? Le sacré, l’Absolu, la
transcendance, L’Eternel,… etc, ne seraient-ils pas des clés qui nous éclaircirons le chemin de
la première origine ?
A travers notre lecture de l’ouvrage d’Olivier Reboul, La philosophie de l’éducation, nous
avons pu déceler trois conceptions de la notion de valeur, autrement dit trois niveaux de
valeurs.
Il existe, tout d’abord, un niveau qui relève d’une tendance positiviste. Les valeurs ont donc
une existence objective. D’où la possibilité qu’une valeur ferait l’objet d’études scientifiques
en la décrivant sans, toutes fois, porter un jugement de valeur ou une appréciation subjective
sur elle. Ce type de valeurs est considéré comme un fait social que l’on peut constater,
observer mais sans plus.
Etant dans la même tendance, il existe aussi des valeurs que l’on peut qualifier de
fonctionnelles ou d’instrumentales, telles que l’efficacité, la productivité, la concurrence…
etc. elles sont qualifiées aussi de valeurs profanes, techniques, économiques. Mais ce type de
valeurs, comme le mentionne Reboul lui-même, ne répond pas à une question essentielle qui
est la suivante : «Pour qui ces valeurs sont-elles efficaces?». L’auteur ajoute : «… un destin
nous pousse à être toujours plus «performants», plus «compétitifs», plus «productifs», sans
savoir pour quoi et pour qui».42 Mais quelle que soit la nature de ces valeurs positives, elles ne
peuvent échapper à une certaine subjectivité qui découle du fait que la science, elle-même,
croit à la cohérence en tant que valeur absolue. Et «prôner la cohérence c’est aussi refuser
l’incohérence comme si celle-ci n’était pas aussi un facteur de changement, d’ouverture, de
génie?».43 Autrement dit, choisir la cohérence et non l’incohérence en tant que valeur, c’est se
positionner, cela n’a rien d’objectif.
Ensuite, l’auteur parle des valeurs relativistes, dépendant des lieux et des époques et
s’inscrivant dans des contextes socioculturels. Là, il ne faut pas confondre la relativité avec le
relativisme. Le culturalisme d’une part et le marxisme gauchiste d’autre part, sont deux
«formes virulentes du relativisme». La première forme peut engendrer une certaine «sclérose
culturelle», nocive et dangereuse pour tout développement social et culturel. Cette sclérose est
décrite par Reboul d’une manière très forte : «Il y a bien des cultures qui ne peuvent s’ouvrir à
d’autres sans se détruire, pour qui toute influence, toute innovation apparaît comme un péril
de mort. Il en est d’autres, comme la gréco-romaine ou l’islamique du Moyen-Age, qui ont su
s’ouvrir et changer sans se détruire. C’est le cas de la nôtre quand elle est vraiment elle-
42
43
Reboul, O., Ibid., p. 113.
Reboul, O., Ibid., p. 96.
15
même, quand elle ne s’enferme pas dans la crainte et dans la haine. Une culture vivante est
celle qui innove à partir d’une tradition ; c’est une tradition qui évolue sans se renier».44
La deuxième forme de ce relativisme lie les valeurs à la culture de la classe dominantes. Pour
elle, les valeurs ne sont pas neutres ni innocentes ; Ainsi chaque classe sociale a ses propres
valeurs par le biais desquelles la classe dominante justifie sa domination. Là, Reboul se
demande si «le concept de bourgeois éclaircit vraiment les choses ?». A notre sens, cela nous
pousse à poser une autre question : le concept de bourgeois est-il universel ? De même, seraitil en dehors des contextes spatio-temporels et par conséquent il est facilement applicable à
tous les temps, à toutes les époques et à toutes les sociétés ? Peut-être que les contenus de
certaines valeurs changent en fonction des sub-cultures ou des classes sociales ou des
catégories, mais nous pensons que les grands principes moraux tels que la justice, la beauté, le
bon, le bien… etc, restent valables pour tous les individus et les sociétés.
Enfin, l’auteur nous présente une troisième catégorie de valeurs qui s’inscrit dans ce qu’il
appelle l’indifférentisme. Cette tendance rejette les valeurs autoritaires, contraignantes, qui
bloquent toute tentative de créativité et d’épanouissement de la personne. Ce sont les valeurs
de la tolérance et de l’authenticité qui sont mis en exergue. «La valeur, ce n’est jamais que ce
que chacun pense et sent de façon authentique ; et personne ne peut l’imposer».45 Carl Rogers,
dont on a parlé plus haut, représente bien cette tendance.
Ce que nous pouvons objecter à Olivier Reboul, c’est le fait de qualifier cette tendance
d’indifférentisme. Et si nous prenons Rogers comme exemple de cette tendance, nous ne
pensons pas que ce psychologue humaniste prône à ce point, c’est à dire au point de tolérer
l’intolérance, l’indifférence. Lui, qui dans sa relation d’aide thérapeutique, insiste sur le rôle
important que joue la considération de l’autre, le fait de l’écouter, de se mettre dans sa peau,
de le comprendre et de faciliter l’expression de ses désirs. Le travail de C. Rogers, n’est il pas
basé sur le processus «d’amener le sujet à évoluer d’un état de non-conscience à un état de
conscience totale […] Passer de la non-congruence à la à la congruence». 46 Un tel processus
ne peut pas être qualifié d’indifférent. Derrière une non-intervention ou une tolérance
apparente, se faufile une influence que je qualifierais d’intelligente.
En somme, quant à notre question sur l’universalité ou la relativité des valeurs, Reboul
propose une solution pour dépasser cette dichotomie. «… nous avons dégager deux grands
types de valeurs : les valeurs d’intégration sociale et les valeurs de libération individuelle. On
peut maintenant surmonter leur antinomie en montrant que les unes et les autres sont humains,
donc également sacrées».47
Cette idée de niveaux de valeurs, on la retrouve aussi chez Max Weber qui différencie les
valeurs selon deux éthiques : l’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction. Ayant
développé cette conception Weberienne plus haut, il nous paraît redondant de le refaire ici.
Là, nous signalons seulement que le sociologue allemand différencie entre des valeurs
pragmatiques qui sont liées au concret, telles que l’efficacité, la pertinence des moyens, leur
puissance et leur caractère opérationnel, et des valeurs basées sur l’engagement avec son
irrationalisme et sa véhémence. Les deux formes de valeurs sont en contradiction, en conflit
permanent et insurmontable et c’est ce qu’il y a de plus naturel. Malgré «le choix strictement
arbitraire et personnel» de l’individu, l’éthique de responsabilité temporise et socialise
l’éthique de conviction.
44
Reboul, O., Ibid., p. 101.
Reboul, O., Ibid., p. 102.
46
Bendaoud, Najib, «L’écoute du désir», in., Dossiers pédagogiques, n° 14, Oct.- Déc. 2002, p. 20
47
Reboul, O., Ibid., p. 117.
45
16
Guy Avanzini explique que la relativité ou l’universalité des valeurs est une question en
rapport avec la problématique de l’origine des valeurs. Ainsi, selon cet auteur, il existe trois
doctrines qui s’opposent quant à leurs explications de l’origine des valeurs ; la conception de
la transcendance, dogmatique. La deuxième c’est la doctrine sociologiste qui prône le
relativisme des valeurs et enfin, une dernière individualiste proposant que la personne est la
seule source de ses valeurs. Il n’y a plus de Morale, à chacun son éthique.
Guy Avanzini n’admet pas ce refus de toute morale ou plutôt le refus de tout absolu dans cette
question sur les valeurs. Ainsi, il cite P. Moreau qu’il «n’est pas possible de résister, il n’est
possible de dire non à l’injustice, au pouvoir sans limite, aux dogmatismes porteurs de
violence qu’à partir d’une représentation de l’absolu ou de la transcendance… .Comment
comprendre autrement cette résistance, qui fait aujourd’hui l’objet d’un consensus universel et
qui s’exerce contre l’oppression, la torture, l’humiliation, au nom des droits de l’homme».48
La question que l’auteur ici, ce n’est pas l’existence ou la non-existence d’un absolu car tout
justifie que l’on ne peut ne pas se référer à quelque chose qui signifie nos actions, qu’on ne
peut s’interdire de tout jugement de valeurs, qu’on ne peut accepter une personne agir d’une
manière subjective et capricieuse. De même, afficher une certaine indifférence aux choses de
la vie n’aboutira qu’à tolérer l’intolérance et l’intolérable. Et comme a dit quelqu’un, la valeur
c’est le contraire de l’indifférence. Il existe donc des principes d’ordre général qui s’originent
dans un absolu, «un principe rationnel et intelligible devient une valeur si et quand la
conscience le reconnaît comme une exigence qui s’impose à priori et va désormais, tant bien
que mal, stimuler et évaluer son action».49
Ce n’est donc pas l’existence de l’absolu qui devrait être objet de discussion et
d’interprétation mais c’est plutôt, de savoir ce qui mérite de l’être et ce qui ne le mérite pas,
c’est à dire ce qui n’est que simple «mégarde, illusion ethnocentrique ou mystification».
Avanzini, défend l’universalité de certaines valeurs, un absolu qui leur donne un sens et une
signification. Cela, en citant P. Moreau : «Ce n’est pas parce que l’on ne peut connaître
l’absolu (sous la forme de l’universel ou de l’éternel) qu’on ne peut, au-delà du relatif, penser
un absolu. Ce n’est pas non plus parce que les valeurs apparaissent marquées par la précarité,
la variété, l’impureté, et parce que toujours, concrètement, s’y mêlent des mobiles sensibles
utilitaires et égoïstes qu’il faut renoncer à la transcendance des valeurs». 50Ce caractère
universel de certaines valeurs ne devrait pas être confondu avec des comportements valorisés
par un sujet ou un groupe. On ne peut admettre qu’une valeur valorisée soit un universel.
L’auteur réfute tout laïcisme réducteur au nom duquel on discrédit les spécificités culturelles
des minorités. «Tel est bien le reproche adressé à un Occidentalo-centrisme qui traiterait sa
lecture comme la seule légitime ou, au minimum, la meilleure».51De même, il récuse tout
relativisme radical au nom duquel on s’interdit la pensée transcendantale.
Voulant dépasser cette contradiction ou ambiguïté entre la valeur et sa réalisation provisoire,
Avanzini propose deux niveaux de valeurs ; un premier niveau où la notion de valeur
«désigne d’abord, de facto, ce qui, à une époque donnée, est estimé par une personne, un
groupe, une société ; ce sont les valeurs valorisées, au terme d’un processus de valorisation (et
un deuxième niveau où la notion de valeurs) désigne aussi ce qui est traité par une personne,
un groupe, une doctrine, comme méritant de jure et en soi d’être estimé par tous, quoi qu’il en
soi de la considération sociale affective qui s’y attache. Ce sont des valeurs valorisantes, en
fonction desquelles on juge les valeurs valorisées ; elles constituent un référentiel de la valeur
48
Xypas, C., Ibid., p. 189.
Xypas, C., Ibid., p. 189.
50
Xypas, C., op. Cit., p. 190.
51
Xypas, C., op. Cit., p. 190.
49
17
de jure des valeurs de facto». 52 Il y aurait donc des valeurs valorisées et des valeurs
valorisantes, les premières découleraient des opinons et engendreraient des jugements de
valeurs. Par contre, la crédibilité et l’authenticité des secondes dépassent la reconnaissance
sociale ; elles relèveraient des principes, de l’absolu. Elles sont universelles et intemporelles.
Les valeurs valorisées relèvent du consensus social. Liées au contexte, à la situation, elles
devraient être changeantes et pas toujours sacrées. Les nouvelles valeurs de la société
technologique et moderne peuvent être des valeurs profanes. Le problème, selon Avanzini,
c’est lorsque l’on offre à ces dernières un caractère absolu et général, c’est lorsqu’on tente de
les généraliser par rapport à tout le monde, à toutes les sociétés, à tous les groupes
minoritaires au nom d’une fausse approche de la laïcité ou d’un nationalisme craintif et
renfermé sur lui-même.
Enfin, la remarque que l’on peut adresser à Guy Avanzini, c’est que la problématique des
valeurs ne surgit que dans la vie concrète, que dans les prises de décisions concrètes.
Autrement dit, les valeurs valorisantes ne seraient-elles pas comme le disait Piaget des valeurs
formulées d’une manière trop générale et par conséquent n’auraient-elles pas ce caractère
trompeur et inopérationnel ?
Une autre distinction est faite par Pierre Bréchon entre valeurs publiques et valeurs privées.
Mais les unes et les autres ne sont pas complètement séparées ; les unes convergent avec les
autres. Cela nous rappelle la théorie rogérienne des valeurs ; lorsque l’individu est la source
de ses valeurs, celles-ci sont à la fois individuelles et sociales : «Il y a souvent des liens entre
ce que chacun trouve bon pour sa vie privée et ce qu’il trouve bon pour l’organisation
collective. Pour un individu, les valeurs tendent à faire plus ou moins système, comme on l’a
déjà souligné».53
En effet, les différentes acceptions de la notion de valeur, son origine et sa source, son rapport
avec la vie concrète, sa relation avec le sacré, le transcendantal, avec l’absolu… tout cela
prouve que cette notion n’est pas tout à fait délimitée, il reste encore du travail à faire, un
travail nécessaire et urgent dans une société humaine qualifiée, de plus en plus, de société
composite, plurielle et vivant une crise de valeurs. Il est vrai que la société marocaine change,
subit des transformations énormes, voire même parfois imprévisibles, ce qui rend d’ailleurs la
tache des chercheurs très délicate et souvent, pas du tout claire.
La problématique du changement social et culturel devient plus compliquée quand nous
voulons approcher le système de valeurs des jeunes. Cela, parce que ceux-ci vivent des
changements continuellement ; c’est l’aspect flagrant de la jeunesse. Mais aussi, parce que les
cadres référentiels sont multiples, voire même contradictoires et opposées. Dans ce sens,
Rémy Leveau observe cette multiréférentialité de la manière suivante : «Le paysage urbain
présente des dissonances à un autre niveau. Dans les souks des grandes métropoles, Oum
Kalsoum, Michael Jackson et les lecteurs de Coran se disputent le champ sonore ; la
littérature islamiste publiée au Caire ou à Casablanca voisine avec Play Boy et femme
actuelle… Pendant le mois de Ramadan, les nuits fiévreuses des loisirs et des rencontres
succèdent aux journées austères de jeûne».54
Valeur et éducation
Aussi libertaire que l’on peut l’être, aucun éducateur ne peut négliger le fait que l’éducation
soit un processus d’influence. Eduquer, c’est amener un être humain vers des fins, que celles52
Xypas, C. op. Cit., p. 190.
Bréchon, P., (sous la direction) Ibid., p. 10.
54
Bennani-Chraïbi, Mounia, Soumis et rebelles les jeunes au Maroc, Paris, CNRS, Edi., 1994, p. 11.
53
18
ci soient implicites ou explicites : «L’éducation et l’enseignement n’ont de sens que par
rapport aux fins qu’on leur assigne relativement à la condition humaine. Ce n’est, en effet,
qu’après avoir dit quel homme il s’agit de former, qu’il devient possible de concevoir les
moyens afin d'y parvenir».55 Eduquer, c’est faire changer, faire passer d’un état à un autre.
Aucune éducation ne peut nier le fait qu’elle vise à quelque chose ; imposer, inculquer,
transmettre, socialiser, diriger, intervenir, orienter, faciliter, épanouir, individualiser… etc. Et
même, lorsque l’éducation est non-directive, libertaire, anti-pédagogique, elle véhicule, quand
même, un modèle, des valeurs de liberté, de respect de l’autre… etc. Ainsi, quand on fait de
l’éducation, on est d’emblée affronter aux problèmes de valeurs. L’éducation est en relation
directe avec la philosophie, l'éthique et l'axiologie. Elle relève de la réflexion philosophique.
D’ailleurs, l’histoire de la philosophie en témoigne : «… toutes les questions d’éducation et
d’enseignement ne s’éclairent d’abord que par la philosophie».56
IL est vrai que de nos jours la philosophie a cédé une part de sa place à la science relativement
aux questions l’éducation. Certes, la philosophie continue, malgré le développement des
sciences, à signifier toute réflexion éducative. Seulement, elle doit être, de plus en plus,
ouverte et permissive. Deldime et Demoulin, insistent sur l’importance à la fois de la
philosophie et de la science, en citant Plancharé qui remarque qu’une «pédagogie intégrale
comporte donc nécessairement deux bases : la science et la philosophie. On ne peut négliger
ni l’une ni l’autre : une pédagogie purement positive se résume en une technique sans
signification humaine, et une pédagogie réduite à des fondements philosophiques n’est qu’une
construction théorique qui néglige les déterminants concrets de l’éducation».57
En effet parler de l’éducation suscite pas mal de confusions et d’interférences. Celles-ci
découlent essentiellement du fait d’abord que l’objet de l’éducation est complexe, il relève de
la nature humaine qui facilite l’implication des chercheurs, des décideurs et des praticiens.
Cette nature humaine est profondément investie par des valeurs, des modèles et des sens.
Cela, non plus, ne facilite pas la tâche de ceux qui se préoccupent de l’éducation.
Autre source de ces confusions est justement le fait que l’éducation entretenait historiquement
des relations étroites avec la philosophie. Chaque définition de l’éducation émanant d’un
système philosophique se présentait en tant que définition a-priori. Les philosophes étaient
plus préoccupés par leurs systèmes théoriques et abstraits que par l’analyse des situations
éducatives réelles et concrètes. Seules de nos jours les sciences de l’éducation se sont
penchées sur l’analyse concrète de la situation éducative telle qu’elle se présente dans la
réalité. L’exemple de Gaston Mialaret est très important au niveau de la clarification de ce
que sont les sciences de l’éducation ou de l’éducation tout simplement.
Malgré cela, l’éducation est restée tiraillée entre deux grandes conceptions. Une première à
tendance sociologique (Durkheim) qui pense que l’éducation est une action d’influence d’une
génération adulte sur nouvelle génération. Action en vue d’affirmer un idéal, une table de
valeurs, de modèles… le but de l’éducation est donc la socialisation, la cohésion sociale et la
solidarité de la communauté. Et une deuxième conception (L’école Nouvelle) visant
l’épanouissement de la personnalité de l’enfant sans toutes fois nier l’influence de la société.
Ainsi, on parle de la personnalisation, de l’individuation, du dynamisme, de l’activité, de la
communication… etc. Dans ce sens, Leif et Rustin remarque que «…toute l’histoire de la
pensée philosophique est partagée entre deux options capitales : l’intégration de l’individu à la
société jusqu’à son extrême effacement ; et la culture individuelle jusqu’à l’extrême anarchie.
Mais ces deux options fondamentales obligent encore la pensée critique à s’exercer sur les
Leif, J., Rustin, G., Philosophie de l’éducation, Tome 1, Paris, Delagrave, 1970, p. 13.
Op., Cit., p. 15.
57
Deldime, R., Demoulin, R.,
55
56
19
diversifications selon les moments, les besoins, les vues singulières ; et sur les valeurs
qu’elles comportent».58
Mais, quelle que soit la teneur de cette opposition, les spécialistes de l’éducation pensent que
l’on ne peut dissocier la personne de la société et inversement. Le rôle de la socialisation dans
la construction de la personnalité est décisif. D’autres éducateurs estiment que malgré ces
différences, il existe quatre caractères communs à toutes les conceptions de l’éducation. (René
Hubert, 1961) :

L’éducation est limitée à l’espèce humaine.

L’éducation est une action exercée par un individu sur un autre / ou par une
génération sur une autre.

L’éducation est orientée vers un but à atteindre.

L’éducation consiste à faire acquérir des comportements qui se superposent aux
dispositions naturelles de l’individu.
La caractéristique commune qui nous importe le plus par rapport à notre travail est le fait que
l’éducation est indissociable des buts, des visées ou des finalités. Toute éducation est donc
porteuse de valeurs, de normes et cela depuis que l’homme a voulu ou a été contraint à vivre
en communauté.
Depuis toujours les éducateurs visaient un modèle d’homme à former ; chez les primitifs,
comme dans les premières civilisations, civilisations grecques, spartiate, ou à Athènes, ou
dans le monde romain, ou au moyen âge, ou musulmane, ou à la renaissance ou à la période
moderne, il existait des principes de base qui façonnaient la vie des enfants en vue d’un idéal
d’homme. Que celui-ci, soit scribe, paysan, artisan, guerrier chevaleresque, ou un homme
préparé pour une autre vie, l’éducateur a toujours guidé un enfant, un disciple, une nouvelle
génération en vue des fins morales et sociales. Intervenir, n’a jamais signifié une atteinte à la
liberté personnelle. Façonner le jeune homme selon la conception éducative de l’époque,
selon les valeurs de la communauté n’a jamais porté préjudice à ceux qui le faisaient.
La question des valeurs, et depuis longtemps, à fait l’objet des réflexions des éducateurs et des
philosophes. C’est ainsi qu’« Aristote, déjà, avait remarqué combien les conceptions de
l’éducation pouvaient être différentes : «Quant à ce que les jeunes gens doivent apprendre
pour atteindre la vertu et pour se conduire au mieux dans la vie, tous ne sont pas d’accord làdessus, pas plus que sur la question de savoir si l’éducation doit se faire en agissant sur
l’intelligence ou sur le cœur… On ne sait pas si on doit enseigner à la jeunesse ce qui lui
servira pratiquement dans la vie , ou bien ce qui la conduira à la vertu, ou bien encore
certaines choses déterminées. Car chacun de ces points de vue a eu ses défenseurs. Même sur
ce qui conduit à la vertu, on ne trouve aucune unité de vues, attendu qu’on n’a pas d’abord
l’accord universel sur ce en quoi consiste la vertu».59
L’éducation aux valeurs, l’universalité des valeurs, la légitimité d’intervenir auprès de
l’enfant… etc, ce ne sont pas de nouveaux thèmes ! L’éducation était depuis toujours ce fait
de conduire et d’élever. Bien sur, qu’il y a parmi les éducateurs, quoi que minoritaires, ceux
qui ne seront pas d’accord sur ce principe quasi universel. Il serait vraiment intéressant de
présenter son antithèse ; Herbart, par exemple, s’oppose farouchement à toute éducation. Elle
est, pour lui, «l’art de troubler la paix d’une âme enfantine, de lui imposer les liens de la
confiance et de l’amour afin de l’exciter et de la contraindre à notre guise et de la plonger
58
59
Leif, J., Rustin, G., Ibid., p. 14.
Leif, j., Rustin, G., Ibid., p. 25.
20
avant l’heure dans les inquiétudes des années futures : cet art serait le plus haïssable de tous
les arts mauvais».60
Nul doute que renoncer à éduquer est une prise de position, un parti pris qui malgré sa
prétention de neutralité, exprime un système de valeurs, un engagement peut-être déplorable.
On se situe toujours quelque que part. Le néant n’existe pas dans une relation humaine. Qu’on
le veille ou non, on a sa philosophie, son propre système de valeurs. Autant donc être claire
avec soi-même et choisir délibérément sa conception éducative : «Après quoi il nous faudra
prendre parti, en pleine conscience, de notre propre table des valeurs et de nos postulats
personnels. Nous devrons choisir une conception de l’éducation, comme nous devons choisir
une philosophie de la vie. Ne pas choisir, négliger d’y penser, c’est encore choisir et prendre
parti, de la façon la plus déplorable».61
Le thème de notre travail se justifie donc par ce fait que toute éducation est traversée par des
valeurs. Les jeunes, aux quels nous avons affaire, sont des adolescents scolarisés. L’éducation
scolaire est, pour nous, l’institution de référence pour une jeunesse que plusieurs cadres de
références se la disputent. La jeunesse marocaine de nos jours vit une conjoncture assez
spécifique. Celle-ci se caractérise par des antagonismes et des conflits de système de valeurs
très flagrants. Tout est à reconstruire. Rien n’est plus donné d’une manière définitive et sans
questionnements. Si, jadis, la société traditionnelle offrait à sa jeunesse un système où les
normes et les valeurs étaient surdéterminées, aujourd’hui, la multiplicité des cadres
socialisateurs, leurs diversifications rendent les processus de socialisation et d’individuation
plus complexes et engendrant des situations pas du tout confortables : «Un certain nombre de
pratiques s’individualisent à l’intérieur comme à l’extérieur du cadre familial. Le signe
fondamental de cette autonomisation se livre sous forme de contradictions apparentes : aimer
à la fois Oum Kalsoum et Michael Jackson, Adil Imam et John Wayne, le jellàba et le bluejean moulant… L’observateur extérieur est dérouté. A chaque étiquette («occidentalisée» ou
traditionnelle) qu’il cherche à coller à partir d’un «Look» ou d’une pratique, un détail surgit
pour lui dévoiler un bricoleur culturel qui s’active à reconstruire son image». 62 L’identité,
quelle soit personnelle ou sociale ou culturelle, n’a jamais connue au Maroc une situation
aussi inédite, un état de bouleversement, de doute, de dysfonctionnement et de désintégration
comme c’est le cas de nos jours. La modernité, l’islamisme, le bérbérisme se disputent
fortement l’espace public. Les livres, les cassettes, les CD, les disquettes se vendent partout,
près des mosquées, chez les libraires, dans les grandes artères des villes comme dans les
quartiers les plus traditionnels. Les thèmes sont divers, de la chanson la plus moderne à la
khotba (discours religieux) la plus violente et provocatrice. La rue se déchaîne, les
associations de bienfaisance ne manquent aucune circonstance pour s’exhiber et la
propagande surgit à chaque moment extraordinaire. Le Maroc a connu ces dernières années
un ensemble de réformes sociales qui ont touché la culture traditionnelle dans son essence
comme par exemple le plan national pour l’intégration de la femme ou le code de la famille
(la Moudawwana). La personne du Roi a été décisive quant à ces mouvements modernistes.
C’est pour la première fois que les Marocains ont eu ce privilège de voir à la télévision
nationale et sur les unes des revues et journaux nationaux et internationaux, la femme du Roi
sans voile ni foulard. Le Maroc a entamé au niveau social, au niveau des valeurs, en quelques
années ce qu’il n’a pas pu faire en des décennies… Cela biensur a suscité des débats, voire
même parfois de la polémique, enfin du pour et du contre. Cette situation dynamique, ces
changements inédits ont, sans doute, des répercussions sur la jeunesse marocaine. Ici, la
question que nous posons est la suivante : Si la rue, les moyens de communication, ces
60
Op., Cit., p. 24.
Leif, J., Rustin, G., Ibid., p. 25.
62
Bennani-Chraïbi, M., Ibid., p. 44.
61
21
dernières années, ont crée une nouvelle dynamique sociale, quelle en a été la participation de
l’école, ses valeurs sont-elles restées intactes ? C’est ce que nous envisageons étudier dans ce
travail.
Avant d’entrer dans le vif de notre sujet, nous présentons dans ce qui va suivre une synthèse
des travaux concernant la relation entre valeurs et éducation scolaire.
Tout d’abord, la majorité des chercheurs en éducation observe qu’il n’y a pas d’éducation
sans valeurs. Celle-ci, a toujours un but, un objectif, une finalité… etc. Des valeurs à
atteindre. Elles n’ont jamais cessé de donner un sens et une signification à l’action éducative.
Et l’histoire de l’éducation en témoigne. Dans ce sens, Xypas pense «que les valeurs et la
morale n’ont jamais «disparu», car l’homme ne peut se passer d’attribuer un sens et
d’accorder une valeur à toute action et dans toute situation de sa vie…». 63 De même, Reboul
avance que «les valeurs n’ont jamais disparu du domaine éducatif pour la raison très simple
qu’il n’y a pas d’éducation sans valeurs».6465
Cependant, et que ça soit dans les pays occidentaux ou les pays arabo-musulmans, la question
de l’éducation aux valeurs a re-surgit de nouveaux. Les raisons de ce nouvel appel sont
multiples, et différent d’une nation à une autre. Si en Europe, «les débats sur la violence à
l’école ou sur le port du Foulart islamique, sur le mal-être des jeunes des banlieues, sur
l’éducation préventive contre la drogue ou contre la prolifération du SIDA, sur l’éventuelle
introduction de l’instruction religieuse comme matière d’enseignement, et de manière plus
fondamentale, sur le besoin de définir une «nouvelle» laïcité à l’école et de promouvoir une
«nouvelle» citoyenneté, autant d’exemples, entre mille, qui posent avec acuité un problème de
valeurs». Et si les philosophes européens pensent que les jeunes ont déserté la morale et les
valeurs et se retrouvent, ainsi dans des situations de manque de références et de repères. Des
situations de crise d’identité et la marginalité.
Dans les pays arabo-musulmans, l’éducation islamique a été toujours l’empanache du
discours scolaire. Mais, malgré, l’apologie des valeurs islamiques, malgré le poids important
de l’enseignement de l’Islam et de ces préceptes, malgré la quantité des horaires de classe des
études islamiques, les jeunes se retrouvent dans de nouvelles situations qui ne reflètent pas cet
enseignement religieux. Celui-ci, reste livresque et à la marge de leurs préoccupations
primordiales. En outre, l’éducation que reçoivent les jeunes d’aujourd’hui n’a pas une seule
source ou un seul support. D’autres institutions interviennent avec plus d’efficacité et de
travail organisé et ciblé, surtout contextualisé. Les associations de coloration islamique ont
des programmes plus sociaux, répondant aux besoins, aux frustrations et aux aspirations d’une
jeunesse non-intégrée. Ce réseau bien structuré infiltre les groupes de jeunes avec des
discours pragmatiques et réels.
Au Maroc, la crise des valeurs est interprétée par les intellectuels, les hommes de la religion,
les différentes tendances politiques et culturelles selon leurs cadres de référence : Mais nous
pouvons synthétiser cette panoplie de points de vue en deux grands blocs, les «modernistes»
et les «traditionalistes».
Il va de soi que la réalité est plus complexe que cela. Entre ces deux pôles, existe une
multitude de points de vue et d’attitudes essayant de composer entre les valeurs de la tradition
et celles de la modernité. L’école, les décideurs de la politique d’enseignement en sont un bon
exemple. Les textes officiels régissant la vie scolaire en général expriment ostensiblement
cette position de composition et de négociation entre la tradition et la modernité. L’institution
63
Xypas, C., Ibid., p. 1.
Reboul, O., Ibid., p. 95.
65
Xypas, C., Ibid., p. 1.
64
22
scolaire essaie avec la dernière réforme de dépasser la dichotomie, les contradictions qui
résultent de cette multiréférentialité. Le fait-elle d’une manière heureuse ou malheureuse ?
Nous pensons qu’il en faut du temps pour évaluer ce travail. A ce niveau, nous avons
consacré un chapitre spécialement à l’analyse axiologique des textes officiels. Ici, nous
voulons sommairement présenter les différentes justifications que les deux tendances donnent
à la crise de valeurs et le rôle que peut jouer l’éducation en général et l’enseignement
religieux plus particulièrement.
Les défenseurs de la tradition, des plus modérés aux plus intégristes, des fondamentalistes qui
ont une lecture de l’Islam rationnelle et ouverte aux fanatiques de la guerre sainte (Le Djhad),
tous s’accordent sur le fait que les musulmans ont laissé tomber les sources, le Coran et la
Sunna, la Tradition, le passé glorieux de l’Islam médiéval, les sciences musulmanes, pour
adopter les modèles et les valeurs de l’occident, des valeurs matérielles et pragmatiques qui
n’ont, d’ailleurs, rien d’humain. Les valeurs de l’«Ennemi» ancestral. La crise d’identité
découle, justement, de l’ouverture, d’une imitation aveugle de tous ce qui relève de
l’Occident ; le système politique (démocratie, suffrage universel, la laïcité, la constitution, le
parlement… ), le système socioculturel (les droits de la femme, les usages et les habitudes
culturelles, le sens de la famille, le droit, l’éducation des enfants, les arts et la littérature, la vie
récréologique,… etc), le système économique (l’Islam a sa propre politique économique, elle
n’est ni capitalisme ni socialisme. C’est un système économique qui dépasse les inconvénients
de l’un et de l’autre). Le retour aux sources, c’est le mot d’ordre de ce bloc. Cela, biensur,
induit une politique d’isolement et de fermeture de frontière. La question qui se pose là est la
suivante : est-il possible dans un monde de plus en plus petit, dans un monde où la
technologie, l’informatique, enfin, la mondialisation maîtrise les relations économiques et
culturelles internationales, est-il donc possible d’échapper à un super-système de plus en plus
déterminant ? L’exemple de l’Iran des Ayatollahs est suffisant pour démonter qu’il est
impossible d’avoir une place dans ce monde sans faire des réformes ayant pour but plus
d’ouverture et plus de relations d’échange internationales. Des relations d’échange sur tous les
niveaux, économique, politique et voire même culturelles. A notre sens les valeurs d’antan ne
peuvent répondre aux nouveaux besoins des jeunes à leurs nouveaux questionnements. Il est
donc temps de rechercher des réponses originales à partir de cette tradition. Car, le
changement ne peut-être que progressif et sur la base d’une mémoire collective et d’un passé
non sacralisé mais rationalisé.
Le deuxième bloc, est représenté surtout par les partis de la gauche, des partis du centre-droite
modernistes, de la société civile et ces dernières années représenté par l’Etat lui-même. La
crise des valeurs chez les représentants de la modernité est liée aux problèmes économiques
surtout à la pauvreté, à l’injustice sociale, à l’exode rural, à l’apparition démesurée des
bidonvilles et des quartiers périphériques et marginalisés. Cette crise est expliquée aussi par
des causes politiques, telles que la démission des partis politiques quant à leur tâche
d’encadrer les jeunes, ou par la non-authenticité des élections et la non-représentativité des
élus locaux et nationaux. La politique politicienne a pris le pas sur une politique nationale
servant les intérêts des masses démunies. Là, les mots d’ordre qui doivent être à la base de
toute réforme de l’éducation sont la citoyenneté, les droits de l’homme, la démocratisation de
toutes les instances de l’enseignement depuis les comités de base (représentants des élèves)
jusqu’aux instances éducatives nationales et relevant du centre (ministère de l’éducation
nationale), la décentration et la décentralisation, le manque des projets de développement à
long terme. Projet social claire et bien ficelé. Les discours sont alors orientés vers l’ouverture,
l’intégration, la réforme, la désacralisation des lois ancestrales et caduques qui freinent tout
esprit d’évolution et de changement. Cela, en tenant compte, des textes religieux tels le Coran
et la Sunna. Leur ré-interprétation à la lumière des nouvelles conditions de vie est devenue le
23
mot d’ordre des défenseurs de ce bloc. D’ailleurs, pour ces derniers, la religion en elle-même
est apte aux changements. Les civilisations d’avant l’Islam ont été pour les savants d’autre
fois des références qui les ont aider à trouver des réponses aux problèmes de leur époque. De
nos jours, nos savants doivent, eux aussi, s’ouvrir sur les sciences, les technologies, les
expériences politico-économiques de l’Occident pour répondre aux questionnements de notre
temps. Cela n’a rien de contradictoires avec les préceptes de l’Islam. Au contraire, ce travail
fera de l’Islam une doctrine moderne et adaptée à notre époque. Notre identité ne peut rester
rigide et fixe. Nos valeurs doivent changer sans perdre ce qu’elles ont de sacré et d’absolu.
Car, sans ce caractère, l’être n’aura plus de sens.
Et justement, ces deux blocs, lors de la conception de la charte nationale de l’éducation et de
la formation, lors des réunions du comité des choix et des orientations éducatives ou d’autres
comités concernant la réforme des méthodes éducatives marocaines, ces deux blocs, parfois se
trouvaient dans des situations d’impasse et de gèles. La charte, comme le livre blanc n’ont pu
voir le jour qu’après des discussions chaudes, voire même parfois des débats très investis
subjectivement. Là aussi, les directives royales ont joué un rôle décisif. Le rôle des valeurs
islamiques était au centre de ces débats. La modernité était l’autre face des désaccords. Certes,
le consensus a eu lieu.
Quoi qu’il en soi, le système de l’enseignement marocain à vécu durant les années 2000 et
2001des moments inédits dans l’histoire de ses réformes. La question des valeurs a resurgit
avec acuité. Ainsi, on peut lire dès la première page du livre blanc que : «Pour activer ces
orientations, l’éducation aux valeurs et le développement des compétences éducatives, de
même que l’éducation des choix, ont été à la base de l’entrée pédagogique dans la révision des
méthodes de l’éducation et de la formation».66 Il n’y a pas d’éducation sans valeurs.
Le paradoxe de l’éducation aux valeurs qui a fait couler beaucoup d’encre en Europe n’a
presque pas existé dans les débats sur la réforme de l’enseignement au Maroc. Tous les
participants s’accordaient sur la nécessité d’une éducation sur les valeurs
La question centrale était de savoir de quelles valeurs s’agit-il ? Et si l’on se réfère aux trois
doctrines relatées par Guy Avanzini dans sa postface de l’ouvrage dirigé par Constintin
Xypas, Education et valeurs, la doctrine de la transcendance, celle qualifiée de sociologiste et
enfin la doctrine individualiste, on a l’impression que la réforme de l’enseignement marocain,
tel qu’elle a été approchée, a tenté faire la synthèse des deux premières tendances en insistant
sur, avec beaucoup de réserve et très timidement, sur quelques valeurs qui vise à
l’émancipation de l’individualité telles que : la formation d’une personnalité autonome et
équilibrée, développer la confiance en soi, la formation d’un être citoyen responsable, la
production et la rentabilité, la prise de l’initiative, la créativité… etc, mais l’insistance sur ces
traits individuels ne devrait pas être comprise comme une adhésion de la réforme de
l’enseignement au Maroc à cette position qui exclue toute intervention de l’éducateur, ou de
l’école dans l’éducation aux valeurs. Au contraire, la réforme donne à l’école un rôle très
important, voire même, décisif à l’institution scolaire quant à l’éducation aux valeurs. Là, au
moins, deux problèmes surgissent :
Le premier est de savoir comment rendre opérationnel cette tâche énorme que l’on assigne à
l’école. Ne serait-il pas illusoire, de confier à cette institution des tâches qui la dépassent ?
Quelle est, en fin de compte, la spécificité des fonctions de l’école ? Les enseignants sont-ils
formés pour exercer une multitude de tâches ? D’ailleurs, ont-ils une enveloppe horaire
suffisante pour le faire ? Et même, peuvent-ils le faire ? Là, nous ne pouvons que nous aligner
sur la remarque de Guy Avanzini notant qu’il «… faut récuser l’attitude qui consiste à confier
Comités de la révision des méthodes éducatives marocaines dans l’enseignement primaire et secondaire
(ministère de l’éducation nationale), La révision des méthodes éducative le Livre Blanc, novembre, 2201.
66
24
à l’école n’importe quelle tâche, en lui reprochant ensuite de les assumer mal». 67 L’école à
elle seule ne peut pas couvrir l’ensemble de l’éducation aux valeurs, d’abord pour les raisons
dont on a parlé plus, ensuite parce que d’autres institutions sont plus disposées pour travailler
sur des registres tels que l’affection, le dévouement, la solidarité sociale, l’engagement
politique ou civil… etc, peut-être, la famille, les associations de jeunes, la société civile en
général, prolongeraient le travail de base de l’école.
Le deuxième problème consiste dans le fait qu’il ne faut pas se contenter d’inventorier une
liste exhaustive de finalités contenant des valeurs d’origine transcendantales, des valeurs
sociales et des valeurs individuelles avec tout ce que peut entraîner ce mélange comme
situation de flou et de confusion. Dire, que tout est entré en ordre et que la réforme de
l’enseignement a été glorieuse, n’est pas suffisant ! L’important, ce n’est pas d’afficher ou
«d’énoncer des appréciations très fines et judicieuses sans aligner sur elles la conduite. Or
l’aveu convaincu de la solidité des raisons d’honorer telle ou telle valeur ne suffit nullement à
entraîner à la respecter, à la mettre en œuvre et, moins encore, à s’y dévouer ; on peut bien, en
toute sincérité, en constater la pertinence mais y demeurer indifférent ou lui préférer
sciemment des intérêts ou des avantages qui comportent de l’écarter ou de la bafouer. Or c’est
la rectitude de l’action qu’il faut viser».68 Ce qui importe donc c’est de rendre ces déclarations
des faits. C’est de passer à l’acte, d’opérationaliser ces finalités en objectifs concrets et ayant
une influence sur les conduites scolaires, sur les relations interpersonnelles au sein de l’école
mais aussi au sein de la société globale.
Passer donc à des objectifs concerts et clairs, les élucider, là est la fonction de l’école. Celle-ci
a comme spécificité : «la formation intellectuelle, la connaissance, la réflexion. S’agissant des
valeurs, sa fonction est de les faire connaître et comprendre, de susciter la discussion à leur
endroit, d’argumenter à leur propos et non d’abord, en dépit de ce que soutenait Jules Ferry,
de les faire aimer».69
Enfin, et pour conclure cette partie sur les valeurs et l’éducation, nous estimons qu’il est
intéressant d’empreindre la délimitation que présente Guy Avanzini70 des trois tâches de
l’école quant l’éducation aux valeurs. Selon ce dernier, il y a trois rôles distincts de l’école :
1. Le premier, nécessaire et inéluctable, s’exerce à travers l’activité d’instruction ellemême, et à son occasion. La composante intellectuelle de l’éducation :
67

L’instruction induit certaines attitudes d’esprits ; en donnant la capacité de lire
et d’écrire, donc de s’informer et de communiquer, elle promeut l’habitude de
raisonner, l’exigence de rigueur, l’autonomie du jugement, au point qu’elle fut
souvent et demeure parfois perçue comme socialement dangereuse…

Le choix des disciplines inscrites au programme, la place et l’importance
attribuées à chacune émanent d’une conception de la hiérarchie des valeurs et
visent donc également à façonner un type d’homme. En ce sens, il n’est ni
quelconque, ni indifférent, ni neutre.

La culture assoit et développe et développe des intérêts spécifiques, des
motivations nouvelles, le désir de voir et de savoir, par les succès scolaires qui
en consacrent l’assimilation, elle nourrit des aspirations socioprofessionnelles
plus vives, voire provoque une certaine ambition ;
Xypas, C., Ibid., p. 199.
Xypas, C., Ibid., p. 197.
69
Op., Cit., p. 199
70
Xypas, C., Ibid., pp. 199- 202.
68
25
Enfin, reçu en classe, l’instruction est occasion nécessaire de vie commune, de socialisation…
la vie scolaire influence profondément et marque vigoureusement la personnalité.
2. Le second rôle est éventuellement possible au sein d’une Ecole laïque qui, parfois,
le revendique : c’est lier à l’instruction civique, la transmission de valeurs… ;
3. Le troisième rôle, enfin, est possible exclusivement dans une Ecole qui, de statut
public ou de droit privé selon la législation du pays considéré, déclare
explicitement un référentiel philosophique ou religieux connu des familles et voulu
ou accepté délibérément par elles. Elle participe alors à la visée éducative plénière
des parents et forme avec eux aux valeurs qui leur sont communes.
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