Conclusion Un système international instable et complexe I - Les transformations du système international A) Où en sont les ex deux grands ? 1. Les Etats-Unis Le système bipolaire était marqué par une logique de fonctionnement hiérarchique. Il y avait un nombre d’états souverains qui agissaient sur la scène internationale, avec un système équilibré grâce aux deux grandes puissances (coleadership). En 2007-2008, on assiste à la fin de l’hyperpuissance américaine. Ce concept est né dans la bouche d’Hubert Védrine après la chute de l’URSS, et au moment où les Etats-Unis se perçoivent comme la seule puissance internationale : sentiment de toute puissance (illusion partagée par un très grand nombre d’états). L’hyperpuissance est marquée par l’unilatéralisme et la défense des intérêts nationaux américains : c’est le multilatéralisme à la carte. Cette politique a caractérisée également le début des années 2000 (interventions en Afghanistan et en Irak). Aujourd’hui, la caractéristique principale est la fin du phénomène d’hyperpuissance. Cette illusion est totalement dissipée. Pierre Rassner écrit que « les Etats-Unis sont revenus sur Terre ». Une illustration de ce changement est sans doute le dernier discours sur l’Etat de l’Union de Georges W. Bush en 2008 : il commence par constater que « 7 années ont passé depuis la première fois où j’ai parlé devant vous à cette tribune et dans ce lapse de temps notre pays a été mis à l’épreuve d’une manière qu’aucun de nous n’aurait pu imaginé. Nous avons été confronté à de graves décisions concernant la paix et la guerre, la montée de la concurrence dans l’économie mondiale. » Cette déclaration n’est que le reflet de l’échec de la politique intérieure de Georges Bush. Après le 11 septembre, la cote de popularité est de 90¨% ; aujourd’hui à 30%. Deux grandes explications de ce déclin : - la guerre en Irak avec un sentiment d’enlisement dans l’opinion publique américaine. Cette guerre serait une erreur et couterait trop chère (600 milliards de dollars : coût des 5 premières années de la guerre en Irak) mess - L’économie subit deux chocs : la hausse du pétrole et la crise de l’immobilier. L’économie américaine vit au dessus de ses moyens et est profondément endetté, ce qui la plonge dans une crise majeure, 1 notamment dans le domaine bancaire. La politique de déréglementation a mis sur le marché des produits financiers instables, qui aujourd’hui aggrave la crise sociale. Cela nous ramène à Paul Kennedy. Sa thèse s’en trouve confortée. Paul Kennedy écrivait que la puissance à l’échelle internationale n’était jamais constante, qu’elle variait en fonction à la fois du taux de croissance économique et des avantages technologiques notamment dans le domaine militaire. Mais selon Kennedy, économie et puissance militaire ne pouvaient à terme pas évoluer parallèlement : les Etats se trouvaient dans un dilemme : en consacrant trop d’importances aux dépenses militaires, les états risquaient d’affaiblir leurs dépenses économiques. Avec la nouvelle présidence à partir de janvier 2009, peut-on s’attendre à une nouvelle donne ? Quelle perspective de changement ? Les principaux risques sont surtout des changements à la marge : pas de changements d’orientation majeurs. Il y aura surtout des changements de style. En politique étrangère, le discours d’Obama n’offre pas une vision cohérente face aux néoconservateurs. Sur un certain nombre de dossiers concernant les relations entre les pays du Nord et les pays du Sud, il n’y a pas de changement majeur à noter (l’aide financière apportée par les Etats-Unis stagne). Il n’y a pas de reconnaissance de l’Etat Palestinien à l’ordre du jour. 2. La Russie Changement majeur avec Vladimir Poutine. Avant lui, la présidence de Boris Eltsine est perçue comme une période de transition, mais aussi une période où la Russie aurait été reléguée à un statut de puissance moyenne. Poutine cherche donc à récupérer la place perdue par la Russie, sortir l’URSS de sa « chute catastrophique ». Il saisit le contexte du 11 septembre et s’allie dans un premier temps à la lutte antiterroriste. Il envahit la Tchétchénie. De plus en plus, la politique étrangère s’affirme, se renforce, avec l’idée que la Russie a son mot à dire sur la scène internationale. La Russie est devenue une grande puissance. Sur le terrain diplomatique, cela se traduit par des affrontements de plus en plus prononcés avec les Occidentaux : rapprochement avec le Venezuela, reconnaissance du Kosovo, épisode de la Géorgie. On passe un cap en modifiant délibérément les frontières sous les yeux de l’UE. La Russie renoue avec sa politique de puissance, et regagner la sphère mondiale des grandes puissances. Anne de Tenguy écrit à propos du l’affaire géorgienne que « la Russie semble estimer que son isolement n’est pas possible ». 2 B) Les pays émergents qui s’imposent sur la scène internationale C’est un phénomène nouveau depuis la fin des années 90. Ces pays sont principalement la Chine, l’Inde et le Brésil. La Chine se situe avant tout sur le plan économique (3° puissance économique mondiale après Etats-Unis et Japon). C’est le premier détenteur mondial de devises, le premier exportateur net de capitaux, le deuxième exportateur mondial de marchandises. La Chine a énormément investi en Afrique, avec un politique qui consiste à faciliter le crédit aux pays africains, alors que les pays occidentaux ont eux une tendance à être de plus en plus restrictif. L’Inde, encore considéré comme un pays du Tiers-Monde jusqu’à la fin des années 80, a connu une croissance très rapide grâce à des réformes libérales. L’Inde est aujourd’hui la douzième puissance économique mondiale, mais le premier exportateur mondial de services informatiques. Ses entreprises sont de plus en plus compétitives (ex. : le secteur de l’automobile, avec le rachat par Tata de Jaguar et Land Rover). Ces deux pays sont aussi des puissances émergentes grâce à leur taille : ils représentent un tiers de la population mondiale. Le Brésil se distingue notamment dans le domaine agricole (4° exportateur mondiale). Il joue un rôle majeur en Amérique Latine, notamment au sein du Mercosur. Il cherche à mettre en place une nouvelle banque du Sud regroupant 7 pays d’Amérique Latine. Le Brésil multiplie les accords avec l’Afrique, l’Inde et même aujourd’hui la Chine. Le Brésil met en avant l’argument humanitaire pour justifier certains de ses investissements, mais ce serait probablement davantage les débouchés qui influenceraient son action ; De plus en plus, ces pays cherchent à traduire leur puissance sur le plan politique, en modifiant les règles du jeu dans les organisations internationales : le Brésil réclame ainsi un siège au Conseil de Sécurité. Les pays ont également demandé une révision des mécanismes de droit de vote au FMI, qu’ils ont obtenue. Ils sont opposés au cycle de Doha. Il y a donc des revendications communes, mais également des divergences qui apparaissent, notamment au sein du G20 : le Brésil et l’Inde sont opposés sur la question agricole, et sur celle des services informatiques. Il n’y a pas forcément un rééquilibrage des rapports Nord-Sud, mais des intérêts divergents qui s’affirment. C) La configuration du nouveau système international L’immédiat après-Guerre Froide est caractérisé par une structure unipolaire, avec toute une littérature sur l’unipolarité et ses avantages pour la stabilité. Qu’est-ce qui caractérise le système international actuel ? Quatre hypothèses : Un constat d’impossibilité de l’unipolarité : les Etats-Unis restent une superpuissance mais étant donné la complexité du monde, des conflits, des phénomènes de violence, aucun pays ne peut prétendre réguler le système 3 international à lui seul. Ces analyses sont fondées sur des études sur l’unipolarité, à l’origine de trop de résistances, de blocage, sans doute responsable de nouvelles violences et de réactions identitaires. Si l’unipolarité est impossible, on peut parler alors d’un monde multipolaire, thèse soutenue par Thierry de Monbrial, réaliste, qui parle de monde multipolaire, hétérogène et global qui identifie comme principaux pôles de puissance : la Chine, l’Inde, la Russie, l’UE et les Etats-Unis. On a également la théorie des trois pôles, basée sur le déclin des Etats-Unis, concurrencés par la Chine et l’UE. On a enfin la thèse de l’apolarité : le monde n’est ni multipolaire ni unipolaire mais apolaire : personne n’est véritablement en charge du cours des choses. Le pouvoir n’est plus concentré entre quelques grandes puissances mais a tendance de plus en plus à se diffuser. Cette thèse insiste notamment sur le rôle croissant des FMN et des acteurs non étatiques : de ce monde de pouvoir diffus qui concurrence de plus en plus le pouvoir des état. Cette thèse est notamment développée par Bertrand Badie (Le Diplomate et l’Intrus, l’entrée des sociétés dans l’arène internationale). L’explication centrale de l’apolarité est le fait que les systèmes multipolaire ou unipolaire restent inscrits dans des catégories réalistes, dans un monde interétatique. Le monde d’aujourd’hui s’inscrit lui davantage dans un phénomène de transformation de la puissance. La puissance étatique évolue parce que, sur la scène internationale, les phénomènes sont de plus en plus interdépendants : une prolifération d’acteurs vient perturber le jeu interétatique, on assiste à un processus de dérégulation de la puissance. La puissance est donc contestée par de nouveaux acteurs. Le principal phénomène sur lequel il insiste est l’irruption des sociétés, à travers diverses problématiques, qui contestent la diplomatie traditionnelle des états et transforment le concept de puissance. Le résultat de ce mouvement d’apolarité est l’idée d’une instabilité croissante sur la scène internationale, à cause de notamment 3 facteurs : o Le changement de régime par la guerre est contesté par les sociétés. o Les puissances moyennes cherchent à se distinguer de ceux qui étaient considérés traditionnellement comme des grandes puissances. o On de plus en plus affaire à des gouvernements néopopulistes. Au final, on vivrait dans un monde complètement figé dans une attitude de crispation qui ne s’est pas encore complètement adapté au changement. D) Recherche de gouvernance mondiale Au niveau des institutions internationales, il faut donc trouver de nouvelles règles du jeu. Une des caractéristiques centrales, c’est la difficulté d’élaborer de nouveaux systèmes de régulation qui répondraient au défi des inégalités. Plus que jamais, il faut trouver des systèmes de régulation globale pour compenser ces inégalités. 4 Toutes ces expériences montrent que l’on peine à établir ce système de régulation. Dans la dernière réunion du G8, il a été reconnu la nécessité de réduire les émissions de carbone d’au moins 50% d’ici 2050, mais les pays émergents ne souhaitent pas se soumettre aux mêmes règles. On rencontre également deux grandes difficultés : l’OTAN ne parvient pas à stabiliser la situation en Afghanistan alors qu’il a doublé ses effectifs, et…? II - Les grandes théories et leur validité Y a-t-il une théorie qui permet de lire la réalité mieux qu’une autre ? Toutes ces théories ont le même travers : l’idée qu’elles prétendent représenter des cadres à travers lesquels tous les phénomènes internationaux peuvent être lus et explicités. Ces théories sont très systématiques et font finalement rentrer la réalité dans leur cadre. C’est particulièrement le fait des relations internationales telles qu’elles sont appliquées aux Etats-Unis. Le deuxième gros souci, c’est leur capacité à anticiper les évènements : elles ont toutes été dépassées par certains évènements (notamment le 11 septembre 2001), qui deviennent alors la preuve de l’incapacité de ces théories des relations internationales à prévoir les évènements majeurs capables de bouleverser la situation internationale. Ces théories ne servent pas à prévoir. A) La théorie réaliste Le réalisme est une théorie largement dépassée par les évènements : cette théorie bute sur un fait central : elle ne fait pas suffisamment attention aux nouveaux acteurs sur la scène internationale. Cette théorie a une autre limite : la rationalité de l’Etat. Cette théorie a une conception figée de la puissance et des rapports de puissance alors que ces rapports de puissance évoluent. La puissance est concurrencée par bien d’autres phénomènes de puissance. Les réalistes ont des difficultés pour expliquer les phénomènes de violence comme le terrorisme, ou la problématique des réseaux qui se développent à travers la mondialisation. Cette théorie ne permet pas de saisir les problématiques des nouveaux conflits contemporains, ne considérant les conflits que come des affrontements entre états. Cette théorie semble largement dépassée. 5 Elle s’avère cependant utile quand il s’agit de s’intéresser au comportement des états. Quand on s’intéresse au comportement de la Russie, l’analyse réaliste est particulièrement intéressante. Néanmoins, pour cette analyse, la politique étrangère n’est que le simple fait des états, alors que dans les faits, on voit qu’elle est influencée par des acteurs non étatiques (processus de décision influencée). B) La théorie transnationaliste Cette théorie s’adapte très bien au phénomène de transformation de la puissance, avec l’arrivée des nouveaux détenteurs de la puissance sur la scène internationale, le rôle que prennent les acteurs non étatiques qui se constituent en réseaux. Cette théorie est néanmoins critiquable car elle a tendance à dire que l’Etat sera de plus en plus malmené sur la scène internationale, et que tous les acteurs transnationaux vont de plus en plus concurrencer l’Etat. Il y a un phénomène de résistance des états, un retour des états face à la crise économique et à un certain nombre de difficultés de la régulation globale. Les états sont dans une situation d’interdépendance avec ses nouveaux acteurs, mais ne sont pas dans une logique de compétition avec ces nouveaux acteurs. On observe une nouvelle demande d’états de la part d’un grand nombre d’acteurs non étatiques (ex. : ONG qui demandent l’intervention de l’Etat : rédaction de nouvelles lois, interventions dans le domaine économique et social). L’idée d’évolution sur la scène internationale à travers les acteurs non étatiques ne prend pas en compte les renforcements sécuritaires, le retour de l’appel à l’Etat pour lutter contre la violence. A la décharge des transnationalistes, ils ont prévu l’importance grandissante des terroristes sur la scène internationale. C) Le constructivisme Cette théorie permet d’appréhender de nouveaux phénomènes, comme les génocides, les massacres, ou le terrorisme. A travers la grille de l’identité de l’acteur, cette théorie paraît intéressante. Mais s’il y a des phénomènes sociaux construits par les acteurs, il y a des phénomènes matériels, rationnels, peu susceptibles d’évoluer. Les constructivistes ont tendance à dire que tout est transformable, tout repose sur l’action 6 Cf. Dario Battistela, Le Réalisme réfuté (Etudes internationales, volume 35 numéro 4 décembre 2004) : montre comment les transnationalistes s’en sortent le mieux. Sans doute faut-il sortir de toutes ces théories ? De plus en plus on va vers une méthode sans étiquette. Il est sans doute assez simple de rester ouvert aux apports de différentes théories. Chaque théorie peut donner un éclairage sur chaque phénomène. Ces théories deviennent ainsi davantage complémentaires. 7