Les BRICs s`effritent-ils - Credit Agricole, Etudes Economiques

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Apériodique - n°23 - novembre 2012
Les BRICs s'effritent-ils ?
 Comme les pays développés, et comme la plupart des pays émergents, les BRICs sont dans une
phase de ralentissement.
 Ce ralentissement est bien sûr dû à une conjoncture mondiale moins porteuse, mais aussi à des
difficultés spécifiques : essoufflement d'une croissance jusqu'ici en partie extensive, contraintes de
finances publiques (là aussi !), problèmes sociaux non traités et faiblesses institutionnelles, et dans
certains cas insuffisance de l'épargne et de l'investissement (Brésil, Russie), retournements
démographiques (Russie, Chine), ou contraintes environnementales (Chine, Inde).
 A moyen terme, la croissance des BRICs va donc se modérer en Chine et, plus tard, en Inde ; le Brésil
et la Russie pourraient à l'inverse enregistrer un rebond de croissance, pour autant que leurs politiques
économiques soient adaptées. Et au total, ces quatre pays bénéficient de tels atouts que le scénario le
plus probable reste celui d'un développement accéléré et d'un rattrapage progressif des économies
avancées (rattrapage que l'on observera, au-delà des BRICs, dans nombre de pays émergents).
Un léger accès de faiblesse
"Dreaming with BRICs", était intitulé un papier publié
1
en 2003 , attirant l'attention sur l'inexorable montée en
puissance des quatre grandes puissances émergentes, le
Brésil, la Russie, l'Inde, et la Chine. Depuis, ces pays
n'ont pas déçu : entre 2004 et 2011, la croissance
moyenne de la Chine a été de 10,8%, celle de l'Inde de
8,3%, et si celle du Brésil et de la Russie a été moindre
(4,2% et 4,4%, contre 5,4% pour l'ensemble des pays
émergents BRICs exclus), elle était en forte progression
par rapport à la décennie précédente (2,5% et 0,7% sur
la période 1994-2003).
Graphique 1 – Croissance moyenne du PIB, en volume
12
%
10
8
6
4
2
0
Brésil
Source : FMI
1
Russie
Inde
1994-2003
Chine
Mais le ralentissement est aujourd'hui net pour ces
quatre économies. La production industrielle brésilienne
est en recul depuis août 2011, celle de l'Inde est à peine
stagnante, en Russie sa croissance est tombée à 2,5% a/a
alors qu'elle dépassait 10% au début de 2010, et même en
Chine, on est revenu d'une croissance de l'ordre de 15% à
2
moins de 10% .
Les interrogations sur les perspectives à court terme
des BRICs dépassent les chiffres, médiocres, de
production industrielle. En Inde, la coupure d'électricité
du 31 juillet, qui a affecté 600 millions de personnes, a
renforcé les doutes quant aux capacités des infrastructures
indiennes à supporter une croissance de 7 à 8%. Au-delà,
l'incident met en évidence une des faiblesses de la
gouvernance indienne, avec de lourds obstacles politiques
à la mise en œuvre de décisions dans une économie
encore très administrée. Au Brésil, la stagnation puis le
repli de l'industrie étaient expliqués par l'appréciation
rapide et excessive du real, mais la nette correction du taux
de change depuis août 2011 n'a aucunement enrayé ce
déclin : le problème est donc ailleurs. En Russie, la
principale préoccupation porte sur le prix du pétrole, dont
3
l'économie est de plus en plus dépendante : le pétrole et le
gaz représentent maintenant 65% des exportations russes
(contre environ 40% pendant les années 90) et ils
fournissent un peu plus de la moitié des revenus du
émergents développés
excl. BRICs
2004-2011
"Dreaming with BRICs: The Path to 2050", Dominic Wilson,
Roopa Purushothaman; Goldman Sachs Global Economic Paper
er
nº99, 1 octobre 2003.
2
+9,2% a/a en juillet. Les chiffres chinois des derniers mois sur la
production industrielle sont en outre contestés, en raison d'une
déconnexion croissante avec la consommation d'électricité.
3
Selon l'"Article IV Report" du FMI daté du 3 août 2012, "given
Russia's high dependence on oil, [in case of "sharp oil price decline"]
the economy could enter into another recession, with high fiscal
deficits, intensified capital outflows, and pressures on the ruble."
Jean-Louis MARTIN
[email protected]
gouvernement fédéral. En Chine enfin, la régulation
s'avère de plus en plus délicate : si les autorités ont
maîtrisé en 2011 le gonflement d'une bulle dans le
secteur immobilier, elles sont aujourd'hui confrontées au
problème inverse d'une activité en ralentissement, dans
un environnement extérieur défavorable.
Graphique 2 – BRICs : croissance de la production industrielle
20
mm3m, a/a, %
15
10
5
0
-5
-10
janv.-10
juil.-10
janv.-11
Brésil
juil.-11
Russie
janv.-12
juil.-12
Inde
Chine
Source : sources locales
Les analystes sont donc devenus plus prudents. Par
exemple, alors qu'au début de 2011 ils4 anticipaient pour
le Brésil une croissance de 4,5% en 2011 et 4,8% en
2012 (il y avait eu +7,5% en 2010), la prévision pour
2012 n'est plus aujourd'hui que de 1,6% (à notre avis
encore optimiste : il faudrait un rebond vigoureux au
quatrième trimestre pour atteindre 1,5%). De même, en
Inde, les attentes pour 2012 ont reculé de 2,7 points
depuis 18 mois, pour revenir à 5,8%. Pour la Chine, le
repli est moindre, mais les analystes sont revenus en
dessous du "plancher" de 8%, en-deçà duquel il est
généralement estimé que les autorités chinoises
mettraient en œuvre d'énergiques mesures de relance. La
Russie fait exception : la majorité absolue obtenue aux
élections du 4 décembre 2011 par le parti du pouvoir
semble avoir redonné un peu d'optimisme aux
observateurs.
Au-delà de ce léger accès de faiblesse, que peut-on
attendre des économies des BRICs à moyen terme ? Le
moteur qui a permis une croissance accélérée (Chine
et Inde) ou du moins un nouveau décollage (Brésil et
Russie) risque-t-il de s'enrayer ?
Un groupe hétérogène
Avant de tenter de répondre à ces questions, un premier
caveat s'impose : les quatre pays forment un groupe
très hétérogène. Ils n'ont en réalité pour seul point
commun que d'être gros. Et encore : la taille de
l'économie chinoise est (en 2012) supérieure de 28% à
celles des trois autres pays réunies. L'écart s'accroît : le
PIB de la Chine était encore très légèrement inférieur à la
somme de ceux des trois autres en 2008. Les niveaux de
PIB par habitant sont eux aussi très différents : la Russie
et le Brésil sont des pays à revenu moyen (respectivement
13 000 et 12 800 USD/habitant en 2011), la Chine et
surtout l'Inde restent beaucoup plus pauvres (5 400 et
1 400 USD/hab)5. Enfin, bien sûr, les tailles de population
sont encore plus diverses : 1 350 et 1 260 millions en
Chine et en Inde (avec en Inde une croissance qui reste
élevée, à 1,6% par an), 198 et 143 millions au Brésil et en
Russie (avec dans ce dernier cas une population
vieillissante et en baisse).
Graphique 4 – PIB 2012 : le vrai G20
source
16000
14000
12000
10000
8000
6000
4000
2000
0
Graphique 3 – BRICS : croissance du PIB en 2012, évolution du
consensus
10
%
8
7
6
5
4
3
2
1
juil.-11
Brésil
janv.-12
Russie
juil.-12
Inde
Source : FMI
Les modèles politico-économiques sont eux aussi très
différents. On peut bien sûr opposer les deux
"démocraties" brésilienne et indienne aux deux "régimes
autoritaires" chinois et russe. Mais même cette
classification est simpliste : le pays qui se rapproche le
plus d'une démocratie moderne (le Brésil) est aussi le plus
inégalitaire, et l'Inde laisse une part importante de sa
6
population dans une pauvreté extrême . Les autoritarismes
chinois et russe ne sont pas les mêmes, à la fois dans le
degré autorisé de liberté individuelle et dans le traitement
des déviances. Quant aux stratégies de développement,
nous avons une Chine qui met énergiquement en œuvre un
modèle basé sur les exportations industrielles (avec ses
9
0
janv.-11
USD
:mds
sources
locales
Chine
Source : Consensus Economics
5
4
Nous nous référons ici au "consensus" publié chaque mois par
Consensus Economics Inc., sur la base d'enquêtes auprès
d'économistes de banque ou indépendants.
N° 23 – novembre 2012
Les PIB "à parité de pouvoir d'achat" corrigent en partie l'écart entre
le Brésil et la Chine, avec respectivement 11 800 et 8 400 USD/hab.
6
Selon le Rapport sur le Développement Humain 2011 des NationsUnies, la "pauvreté multidimensionnelle" (calculée sur la base de
données sur le rationnement des ménages en matière d’éducation, de
santé et de niveaux de vie) affecte 53,7% de la population en Inde,
source
: Consensus
Economics
12,5%
en Chine, 2,7%
au Brésil, et 1,3% en Russie.
2
Jean-Louis MARTIN
[email protected]
exigences en matière de répression salariale et de
politique de change) et les progrès de productivité (avec
les investissements en infrastructures et l'effort
d'éducation nécessaires), une Inde qui semble rêver du
même modèle bien qu'il soit sans doute incompatible
avec son système politique, et deux pays exportateurs de
matières premières dont l'un (la Russie) paraît se
satisfaire du statut de rentier, alors que l'autre (le Brésil)
cherche au contraire par tous les moyens à éviter ce qu'il
considère comme un risque.
Au-delà du ralentissement conjoncturel,
de vraies difficultés
De plus, le creux conjoncturel en Europe et aux EtatsUnis entraîne aussi un tassement des flux
d'investissement.
Ainsi
au
Brésil 9,
si
les
investissements étrangers directs résistent bien (encore
64 mds USD sur les 12 derniers mois en septembre
2012), les investissements de portefeuille chutent
fortement, à 14,8 mds sur les 12 derniers mois, alors
qu'ils dépassaient 60 mds jusqu'à la mi-2011.
Graphique 6 – Brésil : le recul des flux d'investissements
étrangers (nets) de portefeuille
80
Si les quatre pays sont divers, ils sont bien
aujourd'hui confrontés à des difficultés, dont
certaines sont communes.
1 La première est liée à la conjoncture, et au fait que
malgré l'émergence de dynamismes autonomes dans
les BRICs, il n'y a pas encore de réel découplage
avec les pays plus développés7. Le ralentissement
de la demande en produits importés aux Etats-Unis et
dans l'Union européenne se traduit mécaniquement,
comme en 2009, par une croissance moindre, voire
un recul, des exportations des quatre grands
émergents. Cet environnement moins favorable a un
impact immédiat sur l'activité. Au-delà du court terme,
il convient de rappeler que l'insertion dans l'économie
globale a été, en Chine et en Inde au moins, un
puissant stimulant de la modernisation des appareils
de production et de la croissance8. Si la stagnation
des économies avancées venait à se prolonger,
l'impact sur les émergents et les BRICs en particulier
dépasserait une simple contraction de la demande qui
leur est adressée.
Graphique 5 – Importations (UE et Etats-Unis) et exportations
(BRICs)
mm3m, a/a, %
70
60
50
40
30
20
10
0
-10
-20
-30
-40
-50
2007
2008
cum.12m, mds USD
100
60
40
20
0
-20
2006
2007
2008
2009
inv. étr. directs
2010
2011
2012
inv. étr. portefeuille
Source : BCdoBrasil
2 La forte croissance des BRICs a en partie été de
nature "extensive". Il ne s'agit pas de tenter une
décomposition (très hasardeuse) de la croissance du
PIB entre croissance du stock de capital physique (avec
ou sans "éléphants blancs" ?), du capital humain, et de
la "productivité totale des facteurs" (le reste, qu'on
estime ne pas savoir mesurer !10). Oui, l'effort
d'investissement chinois, qui est devenu le principal
moteur de la croissance du PIB, est sans précédent
historique et ne saurait être soutenu indéfiniment11.
Mais l'essentiel n'est pas là.

En Chine, il est beaucoup plus dans le transfert de
dizaines de millions de travailleurs agricoles peu
qualifiés et peu productifs vers une industrie qui
jusqu'ici (cela change) les rendait immédiatement
plus productifs par le simple fait de commercialiser
le produit de leur travail sur le marché mondial. Ce
gisement de croissance n'est pas encore tari (il y a
encore des dizaines de millions de jeunes ruraux)
9
2009
Chine
Inde
2010
Brésil
Etats-Unis
2011
2012
Russie
UE
Source : Sources locales
7
Ceci n'est pas contradictoire avec le fait que certains BRICs
influencent aujourd'hui significativement la conjoncture dans leur
environnement proche : ainsi la Chine en Asie de l'Est, et de plus en
plus le Brésil en Amérique du Sud.
8
Le bilan est plus ambigu pour les exportateurs de matières
premières que sont le Brésil et la Russie. Dans le second cas en
particulier, on peut même considérer que le confort financier apporté
par les exportations énergétiques a retardé l'évolution de l'économie
russe.
N° 23 – novembre 2012
L'exemple le plus significatif car le plus ouvert des quatre et celui ou
l'apport des investissements étrangers est le plus important
relativement à la taille de l'économie.
10
L'impossibilité de mesure sérieuse des "compétences techniques" à
intégrer dans le stock de capital humain suffit à mettre en cause ce
fantasme de quantification. On peut aussi s'interroger sur le taux de
dépréciation du capital physique : le même pour le stade olympique de
Pékin et pour une ligne de TGV ? L'optimisme "naturel" des Brésiliens,
qui a certainement contribué à l'accélération de la croissance pendant
le boom des matières premières entre 2004 et 2011, relève-t-elle de
l'amélioration de la productivité totale des facteurs ?
11
Le taux d'investissement était en 2011 de 45,6% du PIB, contre
34,1% en 2000. Cette progression est bien en partie due à une
croissance en volume de l'investissement plus rapide que celle du PIB
(+13,5% en moyenne annuelle contre 10,4%, et tout de même 9,7%
pour la consommation des ménages). Mais elle a aussi été bien
soutenue par l'évolution des prix relatifs : l'indice implicite du prix de la
FBCF (en base 100 en 2000) est ainsi en 2011 de 157 contre 128
pour la consommation des ménages.
3
Jean-Louis MARTIN
[email protected]
mais, comme dans beaucoup de mines, les "coûts
de production" augmentent : revendications
salariales, mais aussi exigences croissantes en
qualification.
Graphique 7 – Finances publiques : ratio dette publique/PIB
% du PIB
100
90
80
 La situation de l'Inde est assez comparable, avec
la différence que le pays ayant plus que la Chine
choisi les exportations de services plutôt que
l'industrie, l'apparition de goulots d'étranglement
en matière de formation sera sans doute plus
rapide.
70
 Au Brésil, la nature extensive de la croissance est
certainement présente dans le secteur agroindustriel : la canne à sucre et le soja se sont
développés sur des terres jusqu'alors sousexploitées d'élevage peu intensif, lui-même
repoussé vers de nouvelles marches agricoles. Le
probable développement du secteur pétrolier
brésilien au cours des prochaines années va lui
aussi "mécaniquement" augmenter la productivité
marginale du capital et du travail.
0
60
50
40
30
20
10
2002
2008
Russie
Allemagne
Etats-Unis
2010
2012p
Inde
France

En Chine, la significativité du (bon) ratio de dette
publique
est
affectée
par
l'absence
de
transparence ; ce qui y est inclus reste flou : il s'agit
en théorie (c'est par exemple la définition retenue
par Moody's) de la dette du gouvernement central et
de celle des gouvernements locaux. La loi chinoise
restreint sévèrement la capacité d'endettement de
ces derniers ; ils empruntent donc via des véhicules
ad hoc, dont on ne sait pas si tous sont identifiés et
pris en compte dans le ratio affiché12. Ce qui semble
à l'inverse certain, c'est que les crédits non
performants
des
quatre
grandes
banques
commerciales et des "policy banks", et les besoins
de recapitalisation qu'ils finiront par impliquer et qui
seront en grande partie à la charge du budget, ne
sont pas inclus dans la dette publique13. Cette
opacité a conduit certains analystes à réévaluer
massivement le ratio chinois de dette publique :
N. Roubini l'estimait ainsi à 75% du PIB en 201114.
Même à ce niveau, la dette est loin d'être
insupportable, dans le contexte de croissance
accélérée de l'économie, mais le confort est à
l'évidence moindre. Les perspectives à moyen terme
des finances publiques chinoises sont enfin difficiles
à apprécier : les besoins en investissements en
infrastructures vont progressivement se modérer,
mais le vieillissement de la population impliquera
des dépenses de santé et des transferts sociaux
croissants.

En Inde, le déficit public reste très élevé (8,4% du
PIB en 2011-2012), et le ratio d'endettement ne
baisse qu'en raison de la croissance soutenue du
PIB, et du taux d'intérêt très faible payé par le
gouvernement
(en
août,
8,2%,
presque
Dans de grands pays très peuplés, il n'est ni anormal ni
préoccupant que la croissance soit en partie nourrie par
l'incorporation de nouveaux espaces ou d'hommes
supplémentaires à l'activité économique, mais la
"conquête de l'Ouest" n'est pas éternelle, et il vient
toujours un moment où le relais doit être pris par
l'éducation et le progrès technologique. La Chine est
peut-être en train de le réussir dans certains secteurs
(équipements
de
télécommunications,
énergies
renouvelables…). De même, le Brésil dans l'agroindustrie.
N° 23 – novembre 2012
2006
Source : Moody's
 En Russie enfin, le prélèvement sur des
ressources non renouvelables (pétrole, gaz,
minerais) est à l'évidence le principal moteur de la
croissance, directement ou après redistribution
d'une partie de la rente par l'Etat; pour le reste,
l'effort d'éducation a plutôt régressé, et l'industrie
fonctionne
encore
largement
sur
des
infrastructures et des équipements soviétiques
vieillissants.
3 La situation et les perspectives des finances
publiques des BRICs sont moins confortables
qu'on ne l'imagine souvent, même si elles sont
meilleures que celles de la plupart des pays
développés. Le ratio dette publique/PIB est (en 2012)
de 71% en Inde, 53% au Brésil, 29% en Chine, et
10% en Russie, et il est stable ou décroissant dans
les quatre pays. Les principaux pays développés
(Etats-Unis, Japon, grands pays européens) sont tous
au-delà de 80%, et le même ratio a fortement
augmenté depuis 2008. Ces performances des BRICs
sont dues à la forte croissance du PIB, en volume
(Chine, Inde) et en valeur (l'appréciation du real au
Brésil), à un effort budgétaire (réel au Brésil, plus
facile en Russie grâce aux revenus du pétrole), et à
une bonne gestion de la dette publique (Brésil
notamment). Mais dans les quatre pays, les bons
chiffres cachent des difficultés.
2004
Brésil
Chine
Royaume-Uni
12
Ce flou apparaît aussi dans les divergences entre les sources. En
2012, le ratio dette publique/PIB est ainsi de 22,0% pour le FMI,
28,7% pour Moody's, 20,5% pour Fitch, et 12,5% Standard & Poor's
(pour tous sous la définition "General government"). Pour le seul FMI
(source : "Report for the 2012 Article IV Consultation" du 6 juillet
2012), ce même ratio passe de 17,7% en 2009 à 33,5% en 2010, et
revient à 25,8% en 2011.
13
Il est en outre peu vraisemblable que le ratio de crédits non
performants des banques commerciales soit passé de 2,4% en 2008 à
1,0% en 2011 (source : FMI, op. cit., citant la China Banking
Regulatory Commission), pendant une période où ces banques
distribuaient massivement des crédits.
14
Roubini China Monthly, mai 2012.
4
Jean-Louis MARTIN
[email protected]
indépendamment de la durée, quand l'inflation est
à 7,6%). A court terme, une telle situation a un
impact négatif sur l'investissement privé et la
croissance (par "crowding out" des emprunteurs
privés). A moyen terme, elle n'est simplement pas
15
soutenable : d'une part, un affaiblissement de la
croissance se traduirait par une remontée du taux
d'endettement, et d'autre part, le système bancaire
ne peut accumuler éternellement des créances
mal rémunérées sur l'Etat, même si leur risque
apparaît mesuré. La "consolidation fiscale" est
d'ailleurs la principale recommandation du FMI
aux autorités indiennes, même si le Fonds semble
conscient des contraintes politiques qui rendent
les réformes plus difficiles en Inde qu'ailleurs 16.

Le Brésil est, des quatre BRICs, celui qui a fait les
efforts d'ajustement des finances publiques les
plus soutenus, avec un excédent primaire moyen
17
de 3,6% du PIB sur la décennie 2002-2011 . La
gestion de la dette a aussi été remarquable, avec
un basculement du dollar au real et un
allongement de la durée moyenne. Mais la
ponction fiscale est devenue un frein à la
compétitivité et à la croissance (les recettes
publiques représentent 36 à 37% du PIB, un
niveau de pays "développé", sans les services
publics correspondants), et les retraites et les
salaires absorbent 65% du budget fédéral,
réduisant la capacité d'investissement de l'Etat à
presque rien. Le Brésil a donc besoin à la fois de
baisses d'impôts (le gouvernement en est
conscient, qui vient de réduire les taxes sur
l'énergie) et d'un redéploiement des dépenses
publiques, incluant une réforme drastique des
retraites des fonctionnaires (dont le poids va,
sinon, encore augmenter). On imagine la difficulté
politique d'une telle réforme.

En Russie enfin, le retour à l'équilibre des
finances publiques (solde global : +1,6% du PIB
en 2011) après deux ans de déficit en 2009 et
2010 est dû pour moitié à un effort budgétaire, et
pour l'autre moitié à l'augmentation des recettes
pétrolières (+1,9% du PIB en 2011). Le déficit hors
pétrole reste très élevé, à 9,8% du PIB en 2011.
Et si les perspectives de prix à moyen terme
restent plutôt favorables pour le pétrole, celles du
gaz sont beaucoup plus incertaines. Malgré cette
dépendance, la Russie est cependant celui des
BRICs dont les finances publiques sont les plus
confortables.
4 Les modèles politiques et sociaux des BRICs vont
devoir évoluer, sous peine d'exacerbation des
tensions internes; ils évoluent déjà, mais pas
toujours dans la bonne direction : les inégalités s'y
15
Les agences de rating finissent d'ailleurs par s'en inquiéter :
Standars & Poor's a en avril 2012 affecté la note souveraine
indienne (BBB-, à la limite de l'investment-grade) d'une perspective
négative.
16
"Fiscal policy should stay the course of medium-term
consolidation, resisting pressures to introduce a demand stimulus"
("Report for the 2012 Article IV Consultation" du 22 février 2012).
17
Parmi les pays investment-grade et pays pétroliers exclus, seule
la Corée a fait mieux.
N° 23 – novembre 2012
creusent, et bien que les autorités soient conscientes
des risques impliqués, elles sont peu actives dans la
défense de la cohésion sociale. Concernant les
systèmes politiques, il ne semble pas raisonnable
d'imaginer que les deux régimes autoritaires, en Chine
et en Russie, puissent perdurer à moyen terme sans
changements profonds ; les deux démocraties,
brésilienne et indienne, sont quant à elles souvent
paralysées par le morcellement partisan.

Les inégalités sociales, telles que mesurées (très
imparfaitement) par le coefficient de Gini 18, sont
plus élevées dans les BRICs que dans la moyenne
des pays émergents (Amérique latine exclue).
Surtout, elles sont, sauf au Brésil, orientées à la
hausse. Massivement en Russie, fortement en
Chine (où on se rapproche des niveaux latinoaméricains), plus modérément en Inde. Dans les
trois cas, l'explication est la même : le
démantèlement pendant ces 20 ans d'une économie
administrée, impliquant non seulement l'émergence
d'une nouvelle classe moyenne, mais aussi d'une
nouvelle oligarchie, alors qu'une partie de la
population (en simplifiant : en Chine, les ruraux ; en
Inde, les basses castes et les analphabètes ; en
Russie : les retraités, une partie des fonctionnaires)
restait à l'écart du processus d'enrichissement. Le
Brésil partait d'un niveau d'inégalités beaucoup plus
élevé que les trois autres BRICs, avec une masse
importante d'"exclus" et une oligarchie ancienne et
établie. La politique de redistribution initiée par F.H.
Cardoso et poursuivie par Lula et Dilma Rousseff
n'a absolument pas changé les structures sociales
brésiliennes, mais elle a sorti de l'extrême pauvreté
des millions de Brésiliens, et avec la forte
croissance du boom minier 2004-2008 qui a enrichi
la classe moyenne, elle a permis une certaine
réduction des inégalités de revenus19. Les autorités
des trois autres BRICs ne sont pas restées
indifférentes à cette montée des inégalités (on peut
citer, par exemple, l'extension de la couverture santé
des ruraux en Chine, ou les hausses des retraites en
Russie). Mais il est clair que ce souci était
secondaire par rapport à la priorité à la croissance
(Chine, Inde) ou à la volonté de faire émerger des
"champions nationaux" dans quelques secteurs clés
(Russie). Si la pauvreté absolue a partout reculé, la
pauvreté relative a donc souvent augmenté, et plus
20
encore sa perception , génératrice de frustrations
ou d'"indignation", et de risque d'agitation, surtout
18
Le coefficient de Gini est un indicateur de distribution des revenus,
compris entre 0 et 1. Dans une situation de distribution parfaitement
égalitaire, il serait égal à 0. A l'inverse, si tous les revenus étaient
perçus par un seul individu, il serait de 1. Une des faiblesses du
coefficient de Gini est la qualité souvent très médiocre des données de
base, fiscales ou provenant d'enquêtes sur les budgets, en particulier
dans les pays émergents. Une autre est qu'il ne s'intéresse qu'aux flux
(les revenus), et pas du tout aux stocks (la richesse).
19
La baisse du coefficient de Gini au Brésil en 20 ans a été la plus
forte de tous les émergents grands et moyens, à l'exception du
Venezuela.
20
Selon des sondages récents, 40% des Russes se considèrent
comme pauvres, à peu près le même niveau qu'en 1990, ce qui ne
correspond pas à la réalité (cité par T. Sollogoub, "Le bel avenir du
risque politique", Eclairages Emergents nº19, Crédit Agricole S.A, juin
2012).
5
Jean-Louis MARTIN
[email protected]
œuvre de réformes même mineures. In fine, cellesci ne se font que quand la contrainte financière
devient forte, ce qui est peu rassurant. Au Brésil
enfin, il existe un assez large consensus sur la
politique
économique.
Malheureusement,
ce
consensus est assez peu ambitieux : il ne va pas
beaucoup au-delà d'un effort de transferts sociaux
dans un contexte d'orthodoxie budgétaire. Mais
plutôt que de risque, il s'agit ici d'opportunités
23
perdues .
dans les pays où le système politique ne permet
pas l'expression de ces frustrations.
Graphique 8 – Coefficient de Gini : évolution entre 1990 et 2010
0.65
AFS
0.60
COL
0.55
Gini, 2007-2011
BRE
0.50
MEX
0.45
RUS
0.40
INO
0.35
POL
0.25
IND USA
JAP
ALL
0.30

ARG
CHN
TUR
THA
VEN
COR
EGY
UKR
0.20
0.20
0.25
FRA
0.30
0.35
0.40
0.45
0.50
0.55
0.60
0.65
Gini, 1987-1991
Source : Banque mondiale, OCDE, CIA

Le risque politique est donc bien présent dans
les quatre BRICs, sous des formes différentes.
Malgré leur forte stabilité à court terme, la Chine
et la Russie nous semblent à cet égard les plus
susceptibles d'évoluer substantiellement à moyen
terme. En Russie, le régime est beaucoup trop
personnalisé pour persister durablement ; le
risque "politique" est donc double : incertitude sur
la forme de la transition, qui pourrait être
désordonnée, et incertitude encore plus grande
sur la stratégie économique du pouvoir qui
émergera après une évolution politique21. En
Chine, l'absence de personnalisation du pouvoir
est à l'inverse un facteur fort de continuité et de
stabilité de la politique économique. Le régime a
en outre su se montrer flexible sur certaines
libertés individuelles, pour autant qu'elles
n'affectent pas l'ordre politique. Mais sa légitimité
n'est qu'économique, et pourrait être vite mise en
cause en cas de ralentissement durable. Il est
aussi de plus en plus confronté à ses propres
contradictions : discours sur la "société
harmonieuse" dans un contexte de montée des
inégalités et de la corruption, monopole du Parti et
multiplication des abus des potentats locaux,
contrôle de l'information et généralisation de
l'accès à internet… Le cas de l'Inde est très
différent : la nature du régime politique est très
prévisible (personne n'imagine la fin de la
démocratie indienne), mais c'est probablement
celui des quatre BRICs où les divergences sur la
22
stratégie économique sont les plus évidentes , à
l'intérieur même des partis et des coalitions, avec
pour résultat une grande difficulté de mise en
21
Par exemple : quel sort pour les oligarques, très liés pour la
plupart au régime actuel, et pour leurs entreprises ? Une seconde
"révolution d'octobre" est-elle envisageable ?
22
Du moins entre politiciens. L'opinion de l'Indien moyen est plus
difficile à cerner. On doute cependant qu'il détermine son vote sur la
base des programmes économiques des différents partis.
N° 23 – novembre 2012
L'état de droit, enfin, est médiocre et se dégrade
dans les BRICs, exception faite du Brésil. Les
deux indicateurs de gouvernance "Respect de la Loi"
et "Maîtrise de la Corruption" de la Banque mondiale
indiquent une nette détérioration en Russie, à un
niveau très bas (surtout pour le second, pour lequel
la Russie est à peine au-dessus du dernier décile de
pays). La situation est à peine meilleure en Chine,
avec pour la corruption une aggravation presque
continue depuis la création de l'indicateur en 199624,
et une fluctuation à un niveau très médiocre pour
l'indicateur de respect de la loi. En Inde, cet
indicateur est nettement meilleur, mais se dégrade
depuis la fin des années 90 ; et celui sur la
corruption montre une nette montée de celle-ci, en
particulier depuis 2006. Il n'y a qu'au Brésil où après
un recul des deux indicateurs entre 2005 et 2008, on
observe une nette amélioration depuis 2010, tout en
restant à un niveau encore modeste (celui de la
Turquie) mais largement meilleur (surtout sur la
maîtrise de la corruption) que les trois autres pays :
les efforts de Dilma Rousseff, qui a renvoyé en 2011
plusieurs ministres pour corruption, portent
quelques fruits.
Enfin, certains BRICs connaissent des difficultés
spécifiques, qui pèsent aujourd'hui ou pèseront à
terme sur leur potentiel de croissance.
1 Au Brésil et en Russie, des investissements
insuffisants : 20,6% du PIB au Brésil, 23,2% en
Russie. Malgré l'apport des investissements étrangers
directs, le taux d'investissement est au Brésil à peine
supérieur à celui des pays développés, en raison d'un
taux d'épargne très faible (19% du PIB). Pour que le
Brésil ait avec ce taux d'investissement une croissance
entre 6 et 6,5% (moyenne des "belles années" 2007,
2008 et 2010), il faudrait un ICOR (Incremental Capital25
Output Ratio ) de 3,0, ce qui supposerait une
productivité de l'investissement nettement supérieure à
celle observée en Chine ou en Inde, et dans la quasitotalité des pays émergents. La modestie du taux
d'investissement actuel limite donc le potentiel de
croissance du Brésil à 4%, 4,5% au mieux. Le taux
23
Il serait pourtant possible de démentir Georges Clémenceau : "Le
Brésil est un pays d'avenir, et il le restera" (souvent attribué, à tort, au
général de Gaulle).
24
La situation inquiète les dirigeants chinois. Début novembre, dans
e
son discours d'ouverture du XVIII congrès du Parti Communiste
Chinois, le président sortant Hu Jintao affirmait : « Faute de régler le
problème de la corruption, le Parti pourrait recevoir un coup fatal, et
même s’effondrer en entraînant l’Etat ».
25
Nombre d'unités d'investissement supplémentaires nécessaires
pour une unité de PIB supplémentaire ; ou : taux d'investissement/taux
de croissance du PIB.
6
Jean-Louis MARTIN
[email protected]
d'investissement russe est un peu plus élevé, mais on
peut craindre en raison des structures économiques
du pays que sa productivité soit médiocre. La Russie
comme le Brésil ont un besoin criant d'infrastructures,
26
en particulier de transport . Leur secteur industriel
investit peu en augmentation ou en modernisation des
capacités
de
production,
en
raison
d'un
environnement des affaires défavorable et/ou d'une
pression fiscale trop forte. La faiblesse de l'épargne
et de l'investissement n'a rien d'irrémédiable : en
Inde, le taux d'épargne était inférieur à 18% jusqu'en
1985, il est de l'ordre de 30% depuis 2005, et le taux
d'investissement a progressé en parallèle, permettant
une accélération de la croissance. Mais il a fallu pour
cela que le gouvernement indien mène les réformes
nécessaires (en Inde, il s'agissait d'un desserrement
de l'appareil de contrôle étatique).
Graphique 10 – Ratio de dépendance
(population de moins de 15 ans ou de plus de 65 ans /
population entre 15 et 64 ans)
80
%
75
70
65
60
55
50
45
40
35
30
1990
1995
2000
Brésil
Graphique 9 – Taux d'investissement
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Brésil
Russie
Inde
2010
Chine
2015
Inde
2020
2025
2030
Russie
Source : US Census Bureau
% du PIB
Chine
2005
pays
pays
"dragons"
développés émergents asiatiques
Source : FMI
2 En Chine et en Russie, le vieillissement de la
population. Ces deux pays bénéficiaient jusqu'à
aujourd'hui d'une structure démographique favorable,
avec des taux de dépendance (le ratio des moins de
15 ans ou plus de 65 ans à la population d'âge actif,
de 15 à 64 ans) favorables. La situation va changer
rapidement, en raison de la faiblesse de la natalité
dans les deux pays. En Russie, elle se dégrade déjà,
et dès 2021, le pays aura le taux de dépendance le
plus élevé des BRICs. La Chine part d'une situation
initiale plus favorable, avec aujourd'hui un taux de
dépendance de 36%. Mais, conséquence de la
politique de l'enfant unique (aujourd'hui en train d'être
assouplie), il aura en 2025 dépassé celui du Brésil, et
celui de l'Inde en 2030. Or un taux de dépendance
élevé a un coût social : en éducation s'il est dû à
l'abondance de jeunes, en retraites et en santé quand
27
la proportion de personnes âgées est élevée .
3 En Chine et en Inde, une contrainte environnementale qui se resserre. Selon une étude de BP de
2011, la Chine a été le premier émetteur mondial de
CO2 en 2010 (25,1% des émissions totales), devant les
États-Unis (18,5%), l’UE (12,5%), l’Inde (5,1%) et la
Russie (5,1%). Et selon un officiel chinois attaché aux
questions environnementales, 16,4% des principaux
fleuves et rivières de Chine seraient sévèrement pollués
(notamment par des métaux lourds) et ne répondraient
même pas aux normes minimums requises pour
l’irrigation des terres agricoles. Sur 471 villes suivies,
seules dix-sept auraient une qualité d’air très
satisfaisante. Plus de la moitié des villes chinoises
seraient affectées par des pluies acides. Et sur les vingt
villes les plus polluées de la planète, plus des trois
quarts
sont
chinoises28.
Les
problèmes
environnementaux ne sont pas en Chine une
préoccupation de moyen terme, mais un risque
immédiat pour la santé publique. Il y aura au cours
de la prochaine décennie un accident sanitaire majeur
en Chine. Les autorités chinoises devront alors réagir
beaucoup plus énergiquement qu'elles ne l'ont fait
jusqu'ici, et cela aura un coût en termes de croissance
de l'activité industrielle et du PIB. Le contenu en
industrie polluante de la croissance indienne est
moindre qu'en Chine, mais la densité de population très
élevée y exigera aussi le respect de normes
environnementales minimales.
Le potentiel reste élevé
Le constat que les BRICs vont être confrontés à des difficultés
nouvelles sur leur chemin de croissance ne nous conduit pas à
remettre en cause leurs perspectives très favorables. Selon
29
nos prévisions , la progression des quatre grands
émergents va rester particulièrement remarquable
pendant le reste de la décennie. Leur poids dans le PIB
mondial passerait de 19% en 2011 à 28% en 2020. Et leur part
dans le total des émergents de 49% à 54%.
26
La Russie est peut-être un peu mieux équipée que le Brésil, mais
beaucoup d'infrastructures et d'équipements datent de la période
soviétique et sont en fin de vie.
27
Malgré une structure de population favorable, le Brésil a un très
sérieux problème de financement des retraites, trop généreuses
pour la minorité qui en bénéficie.
N° 23 – novembre 2012
28
Cité par S. Laclias, "Chine : vers une croissance sous plus fortes
contraintes", Eclairages Emergents nº22, Crédit Agricole SA,
novembre 2012.
29
"Les émergents en 2020 : un nouveau monde ?", Eclairages
Emergents nº18, Crédit Agricole SA, mai 2012.
7
Jean-Louis MARTIN
[email protected]
Nous estimons en effet que les BRICs devraient sur la
période 2011-2020, à l'exception probable de la Russie,
croître plus rapidement que l'ensemble des émergents :
+7,0% l'an pour l'Inde, +6,7% pour la Chine (malgré un
ralentissement à partir de 2015), +4,8% pour le Brésil, contre
+4,6% pour les émergents hors BRICs. Plusieurs éléments
nous semblent en effet militer en leur faveur :


la démographie : sa structure en Chine (même si elle
va devenir moins favorable), et son évolution en Inde
et au Brésil ;
Graphique 11 – PIB par habitant à parité de pouvoir d'achat
000 USD, prix de 2011
60
50
40
30
20
l'effort d'épargne et d'investissement plus élevé en
Chine et en Inde qu'ailleurs ; au Brésil et en Russie, il
y a maintenant une claire prise de conscience par les
autorités (Dilma Rousseff et Vladimir Poutine) qu'un
effort d'investissement est maintenant une condition
préalable à l'accélération de la croissance ;

le niveau d'éducation, plus élevé dans les BRICs que
dans la moyenne des émergents ;

la taille des marchés domestiques, qui contribue à
l'émergence d'acteurs industriels ou des services de
taille mondiale, et est (en général) favorable à la
concurrence et à la productivité sur le marché local.
Cette croissance n'est pas acquise. Les prévisions du
paragraphe précédent supposent en effet un support de
l'environnement
institutionnel
et
des
politiques
économiques. Or on a vu plus haut que les institutions
des BRICs ne sont pas toujours favorables à la
croissance (cf. la médiocrité générale de la
gouvernance), ou qu'elles devront évoluer en raison
même de la croissance et de ses conséquences sur les
attentes des populations (ainsi en Chine). On a vu aussi
que certains aspects des politiques économiques freinent
parfois cette croissance (par exemple le capitalisme
d'État qui reste dominant en Russie, ou la fiscalité
brésilienne). Mais l'histoire des vingt dernières années
(un peu plus en Chine ou en Inde, un peu moins au Brésil
et en Russie) a montré la capacité de ces grands
émergents à s'adapter, et à valoriser leurs atouts.
10
0
2011
2020p
Source : Crédit Agricole SA
Il faut enfin rappeler que le monde émergent ne se
limite pas aux BRICs. D'autres pays vont aussi bénéficier
des mêmes facteurs favorables : une démographie
favorable (notamment en Amérique latine, en Asie du SudEst et en Turquie), des politiques économiques stabilisées
et encourageant l'épargne et l'investissement, des niveaux
moyens d'éducation en progrès… D'autres pays vont
donc émerger, et converger vers le niveau de
développement des pays "avancés" : le Mexique, la
Turquie, la Pologne, l'Indonésie, le Vietnam, les pays
andins… 
Directeur de la publication : Jean-Paul Betbèze
Rédaction en chef : Jean-Louis Martin
Réalisation et secrétariat de rédaction : Véronique Champion-Faure
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Achevé de rédiger le 20 novembre 2012
N° 23 – novembre 2012
8
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