Document 1 Document 3 Déclarations de Bismarck à l’ambassadeur de France (5 janvier 1879) Alliance austro-allemande (7 octobre 1879) […] Je ne veux plus d’annexions, je vous l’ai déjà dit : nous n’en avons fait que trop, à mon sens ; je repousse donc les aventures et je tiens au calme et à la sécurité garantis par des rapports amicaux avec nos voisins, spécialement avec vous. On a beaucoup dit que j’étais favorable à la République en France parce que j’y voyais une cause de faiblesse pour votre pays […]. La vérité, c’est que la République, sage et modérée comme vous l’avez en ce moment, est, à mes yeux, une garantie de paix […]. Mais, je le répète, je crois qu’il faut au peuple français (bien qu’il fasse preuve maintenant d’une grande sagesse) des satisfactions d’amour-propre, et je désire sincèrement lui voir obtenir celles qu’il peut rechercher dans le bassin de la Méditerranée, sa sphère d’expansion naturelle ; plus il aura de succès de ce côté, moins il sera porté à faire valoir contre nous des griefs et des douleurs dont je ne discute pas la légitimité, mais qu’il n’est pas en notre pouvoir d’apaiser […] […] Leurs Majestés l’Empereur d’Autriche, Roi de Hongrie, et l’Empereur d’Allemagne, […] ont décidé de conclure une alliance de paix et de défense réciproque. Art. 1. Si […] l’un des deux Empires était attaqué par la Russie, les deux Hautes Parties contractantes s’engagent à s’assister avec toutes les forces militaires de leurs Empires et à ne conclure la paix qu’en commun et d’accord. Art. 2. Si l’une des Hautes Parties contractantes était attaquée par une autre puissance, l’autre Haute Partie contractante s’engage non seulement à ne pas assister l’agresseur contre son allié, mais à observer tout au moins une attitude de neutralité bienveillante à l’égard de son co-contractant. Si toutefois, en pareil cas, la puissance agressive était soutenue par la Russie, soit sous la forme d’une coopération active, soit par des mesures militaires menaçant la puissance attaquée, l’obligation d’assistance réciproque avec toutes les forces armées stipulée par l’article premier du présent traité entrera également, dans ce cas, immédiatement en vigueur, et la conduite de la guerre par les deux Hautes Parties contractantes aura lieu en commun jusqu’à la conclusion de la paix en commun. Document 2 Édouard Simon, L’empereur Guillaume II et la première année de son règne, 1889 Discours de Jules Ferry La première forme de colonisation, c’est celle qui offre un asile et du travail au surcroît de population des pays pauvres ou de ceux qui renferment une population exubérante. Mais il y a une autre forme de colonisation, c’est celle qui s’adapte aux peuples qui ont, ou bien un excédent de capitaux, ou bien un excédent de produits. Et c’est là la forme moderne […] Les colonies sont pour les pays riches un placement de capitaux des plus avantageux […]. Mais, Messieurs, il y a un autre côté plus important de cette question, et qui domine de beaucoup celui auquel je viens de toucher. La question coloniale, c’est pour les pays voués par la nature même de leur industrie à une grande exportation, la question même des débouchés. Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique d’expansion coloniale — celle qui nous a fait aller, sous l’Empire, à Saïgon, en Cochinchine, celle qui nous conduit en Tunisie, celle qui nous a amenés à Madagascar — je dis que cette politique d’expansion coloniale s’est inspirée d’une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant votre attention, à savoir qu’une marine comme la nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement […]. Les nations, au temps où nous sommes, ne sont grandes que par l’activité qu’elles développent ; ce n’est pas par le rayonnement pacifique des institutions. […] Il faut que notre pays se mette à même de faire ce que font tous les autres et, puisque la politique d’expansion coloniale est le mobile général qui emporte à l’heure qu’il est toutes les puissances européennes, il faut en prendre son parti. (Journal officiel, séance du 28 juillet 1885) Document 4 Alliance franco-russe (1892) La France et la Russie étant animées d’un égal désir de conserver la paix, et n’ayant d’autre but que de parer aux nécessités d’une guerre défensive, provoquée par une attaque des forces de la Triple-Alliance contre l’une ou l’autre d’entre elles, sont convenues des dispositions suivantes : 1. Si la France est attaquée par l’Allemagne, ou par l’Italie soutenue par l’Allemagne, la Russie emploiera toutes ses forces disponibles pour attaquer l’Allemagne. Si la Russie est attaquée par l’Allemagne, ou par l’Autriche soutenue par l’Allemagne, la France emploiera toutes ses forces disponibles pour combattre l’Allemagne. 2. Dans le cas où les forces de la Triple-Alliance, ou une des puissances qui en font partie, viendraient à se mobiliser, la France et la Russie, à la première annonce de l’événement et sans qu’il soit besoin d’un concert préalable, mobiliseront immédiatement et simultanément la totalité de leurs forces, et les porteront le plus près possible de leurs frontières. Document 5 Document 7 La France n’est pas encore prête pour le combat. L’Angleterre est aux prises avec des difficultés intérieures et coloniales. La Russie redoute la guerre, parce qu’elle craint la révolution intérieure. Allons-nous attendre que nos adversaires soient prêts ou devons-nous profiter du moment favorable pour provoquer la décision ? Voilà la question lourde de sens qu’il s’agit de trancher. L’armée autrichienne est encore fidèle et utile, L’Italie est encore fermement attachée à la Triple Alliance et même si elle préfère encore […] le maintien de la paix, pour panser les plaies de la dernière guerre, elle sait […] que, si l’Allemagne est battue, elle sera livrée sans remède à la violence de la France et de l’Angleterre et elle perdra sa position indépendante en Méditerranée […]. Nous pouvons également compter le cas échéant sur la Turquie et la Roumanie. Nous avons ainsi encore des atouts en main, nous pourrions tenir les commandes de la politique européenne, par une offensive résolue, et nous pourrions assurer notre avenir. Cela ne veut pas dire que nous devons provoquer la guerre ; mais là où se manifeste un conflit d’intérêts […] nous ne devrions pas reculer, mais le faire dépendre de la guerre et la commencer par une offensive résolue ; peu importe le prétexte, car il ne s’agit pas de cela, mais de tout notre avenir, qui est en jeu. Lettre du secrétaire d’État aux Affaires étrangères de l’Empire allemand (18 juillet 1914) Nous avons actuellement une alliance avec l’Autriche […]. Notre alliance avec cet État du Danube qui apparaît de plus en plus en décomposition est-elle réellement à notre avantage ? […] Or nous ne sommes malheureusement pas encore parvenus à rétablir avec l’Angleterre des relations cordiales […]. L’Autriche […] a vu se compromettre de plus en plus son prestige […]. La crise balkanique a encore affaibli sa position […]. L’Autriche veut maintenant régler ses comptes avec la Serbie et elle nous fait part de ses intentions. […] Ce n’est pas nous qui l’avons poussée à sa résolution actuelle. Mais nous ne devons et ne pouvons arrêter son bras. […] Vous conviendrez avec moi que l’affermissement absolu de l’hégémonie russe dans les Balkans n’est pas admissible pour nous. D’après tous les observateurs compétents, la Russie, dans quelques années, sera prête à faire la guerre. […] Notre groupe, en attendant, devient de plus en plus faible. Die Post, 24 février 1914 Document 8 Document 6 Les dernières lois militaires de l’Allemagne ont été la conséquence de deux faits que l’opinion en France n’a pas jugés comme on les jugeait ici. En premier lieu, l’Allemagne, qui aspirait à obtenir une part du Maroc et un port sur l’Atlantique, n’a rien obtenu sur l’Océan et elle a considéré comme un échec grave l’issue des négociations de 1911 […]. En second lieu, la guerre des Balkans lui a ouvert les yeux sur la faiblesse de l’Autriche dont elle est arrivée à escompter la disparition comme le vrai moyen de se raccommoder avec la Russie. Elle ne s’est plus sentie assez forte ; elle a donc voulu reconquérir la situation militaire éminente qu’elle considère comme obligée d’avoir pour se maintenir et pour s’imposer. Voilà pourquoi elle a augmenté son armée […] sans qu’elle ait le dessein prémédité d’agression que notre opinion lui prête. […] Dépêche de Jules CAMBON, ambassadeur de France à Berlin, le 3 mai 1914 Le développement des forces productives du capitalisme mondial a fait, au cours des dernières décennies, un bond gigantesque. Partout, dans le processus de lutte pour la concurrence, la grande production est sortie victorieuse, en groupant les magnats du capital en une organisation de fer qui a étendu son empire sur la totalité de la vie économique. Une oligarchie financière s’est installée au pouvoir et dirige la production liée par les banques en un seul faisceau. Ce processus d’organisation de la production est parti d’en bas pour se consolider dans les cadres des États modernes devenus les interprètes fidèles des intérêts du capital financier. […] La surproduction de marchandises inhérente au développement des grandes entreprises, la politique d’exportation des cartels et le rétrécissement des débouchées par suite de la politique coloniale et douanière des puissances capitalistes […] l’immense extension de l’exportation du capital et l’assujettissement économique de pays entiers à des consortiums bancaires nationaux portent au paroxysme l’antagonisme entre les intérêts des groupes nationaux du capital. Ces groupes puisent leur dernier argument dans la force et dans la puissance de l’organisation d’État et, en premier lieu, de leur flotte et de leurs armées. Un puissant État militaire est le dernier atout dans la lutte des puissances. BOUKHARINE, L'économie mondiale et l'impérialisme, 1917