Comportement du consommateur et marketing viral : une modélisation à l’aide de réseaux et d’automates probabilistes? Jean-François Rouhaud. IUT GEA Université de Poitiers 93 détaillée dans l’état actuel des connaissances est ainsi recherché. Des éléments pour la construction d’un modèle de simulation du marketing viral sont proposés et le modèle qui en résulte est testé. INTRODUCTION Le marketing viral est à la mode. Ce nouveau concept de bouche-à-oreille électronique à des fins commerciales est apparu avec le développement de l’Internet. Il est fondé sur un processus de communication écrite au moyen d’échanges d’e-mails, de forums et de sites web. Bien utilisé, ce phénomène peut se révéler pour l’entreprise un outil de communication extrêmement efficace mais de maîtrise délicate. Le lancement du film ‘Blair Witch’ à l’aide de la création de sites web ‘pro’ et ‘anti’ a montré la puissance d’informations soi-disant confidentielles transmises par le bouche-à-oreille et constitue un véritable cas d’école. LE MARKETING VIRAL ET LE BOUCHE-A-OREILLE TRADITIONNEL 1. Ce qu’est le marketing viral Le marketing viral peut être défini comme une forme de communication commerciale qui se propage d’individu à individu sur un réseau électronique (habituellement l’Internet) à la manière d’un virus, par contamination progressive. Technologiquement, il ne s’agit pas d’un virus informatique mais d’un processus de bouche-à-oreille dont la progression peut être extrêmement rapide et bon marché pour l’entreprise qui en est à l’origine. Mais ‘la seule différence entre la propagation d’un virus et une action de marketing viral qui y puise son inspiration réside, sauf cas de triche, dans la nécessaire coopération du destinataire. Une information virale devra donc être renvoyée par chacun des internautes impliqués dans la chaîne (Chatelain et Roche, 2001). Phénomène récent, le marketing viral n’a encore donné lieu à aucune véritable théorie de sa propagation et des conditions de son efficacité. Les approches les plus courantes font appel aux concepts de réaction en chaîne nucléaire et de développement exponentiel (Richard, 2001). Elles insistent sur la rapidité de transmission des rumeurs volontaires générées par une action de marketing viral (Kapferer, 2001), sur son faible coût et sur son impact commercial. Le marketing viral est une variante du bouche-à-oreille traditionnel. Cependant, le support utilisé – le réseau électronique Internet – modifie considérablement les conditions de fonctionnement de ce mécanisme classique qui a donné lieu à de nombreuses études. Cette communication propose une approche fondée sur l’analyse des réseaux sociaux (l’outil privilégié de la sociométrie) et sur une formalisation des comportements de consommation individuels par le moyen d’automates probabilistes. Un compromis entre une approche globale trop réductrice et une approche microanalytique trop Concrètement, les formes de marketing viral sont multiples et peuvent notamment s’exprimer à l’aide de courriers électroniques, de forums, de listes de discussion et de sites web pouvant constituer le point de départ de rumeurs soigneusement étudiées. Le marketing viral ne doit pas être confondu avec le ‘spamming’, c’est-à-dire l’envoi en masse d’e-mails non désirés. 94 2. Les relais du marketing viral avec d’autres communautés virtuelles (Brodin, 2000). Par analogie avec le bouche-à-oreille traditionnel (Katz and Lazarsfeld, 1955), les prescripteurs et leaders d’opinion paraissent susceptibles de jouer un rôle important dans toute stratégie de marketing viral. Les leaders d’opinion (‘einfluents’) déploient habituellement une activité importante sur l’Internet et peuvent disposer d’un site web constituant éventuellement un organe de presse électronique. Un relais par des médias traditionnels hors réseau est également courant (par ex. un organe de la presse écrite pratiquant une veille informationnelle sur l’Internet). Une information introduite dans une communauté virtuelle est très vite diffusée dans l’ensemble de la communauté en raison des liens directs existant entre ses membres. Plus généralement, la structure du réseau social des relations entre individus apparaît déterminante dans le processus de bouche-à-oreille électronique. L’intensité de ces relations semble a priori constituer un facteur important de la transmission d’informations sur l’Internet. Le marketing viral apparaît ainsi comme un bouche-à-oreille considérablement amplifié. L’existence de communautés virtuelles semble d’un intérêt vital pour toute action de marketing viral. LA MODELISATION MARKETING VIRAL Une communauté virtuelle est ‘un agrégat social qui émerge du Net lorqu’un nombre suffisants de personnes mènent des discussions publiques assez durables pour former des réseaux de relations interpersonnelles dans le cyberespace’ (Rheingold, 1993). DU Une modélisation du marketing viral a pour objectif de fournir une représentation cohérente d’un ensemble de comportements individuels à partir d’un certain nombre d’hypothèses simplificatrices de la réalité. Actuellement, le besoin de modèles explicatifs des processus observés sur l’Internet apparaît pressant (Lilien and Rangaswamy, 2000 ; Mahajan and Venkatesh, 2000). Les participants à une communauté virtuelle doivent posséder des centres d’intérêt partagés (métier, hobby, etc…), une culture, une identité et un langage communs. Les communautés virtuelles peuvent être : spontanées (par ex. fondées à l’initiative d’internautes passionnés par un thème) ou artificielles (par ex. fondées par une entreprise ayant un objectif commercial) ; centralisées (des relations privilégiées sont établies avec un individu central d’où provient l’information initiale) ou décentralisées (tous les membres sont sur un pied d’égalité) ; ouvertes ou fermées, ces dernières étant caractérisées par la faiblesse des liens Différents principes alternatifs peuvent être proposés pour la construction d’un modèle. 1. Les formalisations envisageables d’un modèle de marketing viral La représentation des relations interindividuelles peut être envisagée à partir d’un réseau d’automates cellulaires. Les automates cellulaires ont donné lieu à 95 diverses applications relatives à des phénomènes similaires de diffusion (Bhargava and al., 1993 ; Rouhaud, 2000). Chaque individu pourrait ainsi être représenté par un automate cellulaire au comportement assez simple et serait mécaniquement, et éventuellement de façon probabiliste, influencé par ses voisins sur le plan relationnel. d’analyse des relations individuelles qu’une description en termes d’automates cellulaires. L’application des principes des modèles microanalytiques du comportement du consommateur au bouche-à-oreille électronique pourrait constituer une autre approche. Néanmoins, la complexité de ce type de modèle et les difficultés pratiques d’estimation des paramètres peuvent être dissuasives. 2.1 Les individus (consommateurs internautes) 2. La modélisation comportement des acteurs marketing viral du du Il existe un nombre n d’individus i constituant autant d’automates. A une période t (égale par ex. à une journée), chaque internaute i est caractérisé par 2 états possibles: Ei,t =1 (attitude positive envers le message reçu d’autres internautes), Ei,t =0 (attitude neutre). Une autre méthode pourrait s’appuyer sur les modèles de diffusion des innovations (Rogers, 1983), la propagation de l’usage d’un produit nouveau semblant assez proche de celle des informations et des attitudes sur un réseau électronique. Cet internaute-automate possède une fonction de transition composée de 3 probabilités : La modélisation retenue dans cette communication s’appuie sur un principe double, assez voisin mais différent : une probabilité PCRi de connexion au réseau au cours d’une période t. Une probabilité PCRi égale à 0,2 signifie que i se connecte en moyenne une fois tous les 5 jours, une probabilité PCRi égale à 1 révèle une connexion quasipermanente. un comportement individuel fondé sur quelques hypothèses simples et réalistes permettant de constituer un automate virtuel ; un réseau reproduisant l’ensemble des relations interindividuelles au sein de l’échantillon d’internautes étudiés et dont les matériaux de base sont fournis par la théorie sociométrique des réseaux sociaux. une probabilité PAPi d’attitude positive envers le message reçu d’autres individus (message stocké auparavant dans sa boîte à lettres électronique pendant une ou plusieurs périodes), cette attitude positive se manifestant par un intérêt pour le message et, le cas échéant, par un achat. L’utilisation d’automates virtuels, dont le comportement est probabiliste, possède l’avantage d’une relative simplicité autorisant cependant une description des mécanismes fondamentaux du marketing viral et une possibilité facile d’évolution ultérieure. une probabilité PTRi,k de transmission du message reçu à un autre internaute k Sur le réseau, chaque individu est en relation habituelle avec un nombre limité d’autres individus. Ce nombre est variable Enfin, après divers essais, il a paru que l’application de la théorie des réseaux sociaux permet une plus grande souplesse 96 d’un individu à un autre et peut être élevé pour un leader d’opinion. La représentation algébrique s’exprime par la valeur de la variable Rij traduisant la relation entre i et j. Dans le cas 1, Rij = 1 et Rji = 0. 2.2. Les sites Cas 2 : j envoie un message à i. Un site web, dont une entreprise peut être à l’origine, est considéré comme un individu, mais possède quelques particularités concernant sa fonction de transition : C’est le cas inverse du précédent, ce qui donne Rij = 0 et Rji = 1. Cas 3: i et j s‘envoient mutuellement des messages. la probabilité PCRs de connexion du site s au réseau est égale à 1, le site étant connecté en permanence ; La représentation graphique peut s’exprimer : soit par i j (graphe orienté); soit par i j (graphe orienté); soit par i – j (graphe non orienté). la probabilité d’attitude positive PAPs d’un site visant à diffuser un message favorable est égale à 1 ; elle pourrait être inférieure à 1 pour un site intervenant comme relais sans part-pris (par ex. cas d’un site représentant la presse en ligne ou traditionnelle) ; Cas 4 : absence de relations habituelles Internet entre i et j Rij = Rji = 0 A priori, le caractère interactif du Web semble correspondre plutôt aux cas 3 (dialogue) ou au cas 4 (absence de relations). le nombre de relations avec les autres individus est plus élevé que pour un individu i quelconque. 3. La structure interindividuelles des 3.2. Les relations entre n individus relations Les conventions précédentes appliquées à n internautes définissent un graphe à n sommets. Ce graphe R peut être représenté par une matrice RR du réseau des relations interindividuelles. Elle repose sur les principes de la théorie sociométrique des réseaux sociaux et de la théorie mathématique des graphes. C’est ainsi que l’ensemble des relations entre n individus peut être décrit par un graphe dont chaque individu occupe un sommet. Les propriétés essentielles du graphe R sont : le nombre maximal de relations possibles est égal à n(n-1) ; la densité des relations sur ce réseau est définie par D = RO / n(n-1) où RO est le nombre de relations observées ; le graphe R est orienté (relations d’informations non symétriques entre les individus) ou non orienté (relations symétriques). 3.1. Les relations entre 2 individus i et j Elles forment une dyade correspondant à 4 cas différents : Cas 1 : i envoie un message à j La représentation graphique se traduit par un arc (ou flèche) allant de i à j. ij 97 3.3. Les leaders d’opinion individu ayant plus de relations, mais toutes situées dans un même sous-graphe de R. CIi = ( j gjk(i)) / gjk pour j et k R CIi est la proportion des géodésiques (plus court chemins entre 2 individus) entre j et k passant par i. avec gjk(i): chemin entre j et k passant par i et gjk = i gjk(i) Dans un réseau de type Internet, les leaders d’opinion exercent un rôle important de diffusion d’une information et disposent généralement d’une crédibilité importante vis-à-vis de beaucoup d’autres membres du réseau (Granitz and Ward, 1996). Le repérage de ces leaders peut être effectué à l’aide d’un score de centralité révélateur de l’influence de l’individu concerné sur le réseau. Trois types de scores de centralité sont calculés dans ce modèle. Ce score, très long, voire impossible à calculer pour un graphe comportant une centaine de sommets, a été simplifié en un score de centralité d’intermédiarité approché dénommé CIAi. CIAi = j gjk(i) / gjk avec Gjk(i) <= 2 Type 1 : Score de centralité de degré Ce score CDi détermine pour un individu i le rapport du nombre de relations de cet individu avec les autres membres du réseau au nombre de relations possibles, soit : Type 3: Score de centralité de proximité Ce score CPi mesure la distance (en nombre d’arcs sur le graphe R) d’un individu i vis-à-vis des autres individus. Il constitue un bon indicateur de la rapidité de la transmission d’informations à partir de i. CDi = j Rij / (n-1) avec ji (formulation proposée par S. Wasserman et K. Faust, 1994) Il est évalué par (Sabidussi, 1966) CPi = 1 / j dij avec dij : distance géodésique entre i et j. Dans ce modèle, 2 types de scores de centralité sont appliqués pour chaque individu i : un score de centralité de degré simple CDSi qui reprend la formulation précédente ; Pour des raisons similaires à celles évoquées dans le calcul du score de centralité d’intermédiarité, un score approché CPAi a été calculé : CPAi = 1 / j dij avec dij = 3 si dij > 2 un score de centralité de degré complexe CDCi , plus adapté aux caractéristiques de l’Internet, et qui prend en compte les comportements individuels vis-à-vis du Net. avec : CDCi = j Rij x PCRi x PAPi x PTRik. Type 2: Score d’intermédiarité de Le calcul de ces scores de centralité permet ainsi des tests comparatifs d’actions de marketing viral s’exerçant à partir de divers types de leaders d’opinion. centralité 4. Les communautés virtuelles Ce score CIi est fondé sur la notion de contrôle exercé par un individu sur les relations entre 2 ou plusieurs individus. Un internaute (ou un site) i qui constitue un passage obligé entre d’autres internautes peut posséder un pouvoir d’information plus important qu’un autre Une communauté virtuelle d’internautes constitue un sous-graphe de R. Ces communautés peuvent être décentralisées ou centralisées. 98 catégorie d’individus concernés dépend de la structure du réseau relationnel (graphe R) et de la cible visée. Des actions prioritaires sur des leaders d’opinion et/ou des membres de communautés virtuelles peuvent logiquement être envisagées. Cas 1 : Les communautés virtuelles décentralisées Une communauté virtuelle CV décentralisée est un ensemble d’internautes tous reliés directement entre eux (par ex. un forum). Elle peut donc être représentée par un graphe non orienté complet (c’est-à-dire un graphe dans lequel les sommets sont tous adjacents 2 à 2. Une action de marketing viral peut néanmoins être freinée en raison de 2 phénomènes relationnels structurels pouvant éventuellement être observés : On a ainsi Rij = Rji = 1 pour i,j CV R. Au sens de l’analyse des réseaux sociaux, une communauté virtuelle de ce type constitue une clique. - le caractère non fortement connexe du graphe R, un graphe étant fortement connexe si, à partir d’un sommet quelconque (un internaute), on peut atteindre tout autre sommet (n’importe quel autre internaute) en suivant un chemin du graphe ; - l’existence éventuelle de circuits absorbants dans le graphe R (par ex. des sous-graphes constituant des boucles entraînant une non-diffusion de l’information) ou d’individus ne transmettant pas (ou très peu) l’information (représentés sur R par des sommets de degré 1 ou par des sommets ne comportant que des degrés rentrants) et constituant ainsi des culs-de-sac. Cas 2 : Les communautés virtuelles centralisées Une communauté virtuelle centralisée est composée d’un ensemble d’internautes regroupés autour d’un individu jouant un rôle central dans la diffusion de l’information (ex. : site d’entreprise). Les relations directes entre individus de la communauté peuvent être fréquentes mais non systématiques. Elles constituent des n-cliques (n indiquant le nombre d’arcs reliant 2 individus quelconques de la communauté virtuelle CV) avec n égal à 2 en général. On a ainsi : Rik = Rjk = 1 avec k : individu central de la communauté virtuelle Rij = 0 ou 1 avec i,j CV La propagation d’une action de marketing viral à partir d’un individu i dans l’ensemble d’un réseau de type R demande une durée minimale. Cette durée est définie par le plus long des plus courts chemins (en nombre d’arcs) reliant l’individu i à chacun des autres individus. La durée réellement observée est susceptible d’être considérablement plus élevée en raison des valeurs des paramètres de la fonction de transition des consommateurs-automates. Un individu i peut appartenir simultanément à plusieurs communautés virtuelles, ce qui peut lui conférer un score de centralité d’intermédiarité élevé. 5. Les conditions de l’application du marketing viral 6. La structure du modèle Toute action de marketing viral passe par une opération de ‘persuasion’ d’un ou de plusieurs internautes. Le choix de la Ce modèle permet le test de différents scénarios sur un ensemble d’internautes virtuels ou réels dont on connaît les comportements. 99 La structure générale de l’algorithme mis en œuvre peut être décrite ainsi :. Différents scénarios ont fait l’objet de simulations : Etape 1 : Initialisation : Test sur nt périodes et ni individus avec RR, PCRi, PAPi, PTRi i propagation d’une action de marketing viral au sein d’une population d’internautes non structurée ; Etape 2 : Choix du scénario testé et des individus à l’origine de l’action de marketing viral Période t = 1 Individu i = 1 influence de la densité des interrelations et des variables de la fonction de transition ; influence des structures relationnelles : leaders d’opinion, communautés virtuelles, sites web. Etape 3 : Connexion de i au réseau selon PCRi Si non-connexion Alors étape 7 Etape 4 : Lecture des messages en attente dans la boîte à lettres Si message reçu par i de la part de j < > i Alors étape 5 Sinon étape 7 2. Les caractéristiques des tests effectués Etape 5 : Attitude positive de i selon PAPi Si attitude positive de i et si Ei,t-1 = 0 Alors Ei,t =1 Si attitude non positive de i et si Ei,t-1 = 0 Alors Ei,t =0 et étape 7 Si Ei,t-1 = 1 Alors Ei,t = 1 Sauf indication contraire, les caractéristiques communes de ces tests sont les suivantes : nombre d’individus : 100 nombre de périodes par simulation : 300 nombre de relations par individu : compris entre 1 et 10 graphe R non orienté probabilité PCRi de connexion par période de l’individu i au réseau : comprise entre 0 et 0,5 probabilité PAPi d’attitude positive envers les messages : comprise entre 0 et 0,5 probabilité PTRi,k de transmission du message : comprise entre 0 et 0,5 initialisation aléatoire par une loi de probabilité uniforme du nombre de relations pour chaque individu i et des probabilités PCRi, PAPi et PTRi,k un individu unique est à l’origine de l’action de marketing viral nombre de simulations effectuées par variante : 30 Etape 6 :Transmission du message à d’autres individus j < > i selon PTRi Etape 7 :Si i < ni Alors i = i+1 et Retour à l’étape 3 Etape 8 : Si t < nt Alors t = t + 1 et Retour à l’étape 3 Etape 9 : Fin : mesures statistiques des résultats obtenus LES TESTS DU MODELE 1. Les objectifs des tests Dans son état actuel, ce modèle ne vise pas d’applications opérationnelles. Plus simplement, il s’agit, par le développement d’outils théoriques, de vérifier la faisabilité de modèles plus ambitieux et d’en déduire les caractéristiques fondamentales du fonctionnement du marketing viral. 100 3. La propagation d’une action de marketing viral dans une population d’internautes non structurée 4. L’influence de la densité des interrelations et des variables de la fonction de transition La densité des interrelations individuelles et le comportement des individus à l’égard du réseau semblent constituer des éléments essentiels. Le test de leur influence a été effectué en considérant : 3 niveaux de relations interindividuelles : faible (de 1 à 5 par individu), moyen (de 1 à 10), élevé (de 1 à 20) ; 3 niveaux de ‘réceptivité individuelle au marketing viral’ : faible (PCRi, PAPi et PTRi comprises entre 0 et 0,25), moyen (PCRi, PAPi et PTRi entre 0 et 0,5), élevé (PCRi, PAPi et PTRi entre 0 et 1). Les tests effectués montrent une diffusion assez rapide d’une attitude positive au sein de la population. La courbe représentant le pourcentage d’individus atteints et ‘convaincus’ par l’action de marketing viral croît en général assez rapidement et connaît habituellement un plafond compris, pour les valeurs des paramètres indiquées précédemment, entre 80 % et 90 % des individus. Après 300 périodes, le pourcentage d’internautes ayant une attitude positive s’établit, pour 30 simulations, à 85,9, l’écart-type étant égal à 2,63. Le tableau 1 indique les résultats obtenus (pourcentage d’internautes ayant une attitude positive après 300 périodes) ainsi que le caractère significatif (S) ou non significatif (NS) des différences de moyennes constatées, au seuil de confiance 95 %. Une étude plus précise révèle que les internautes échappant à l’action de marketing viral sont , fort logiquement, caractérisés par un ou plusieurs des éléments suivants : peu de relations interindividuelles et/ou de faibles probabilités de connexion au réseau, d’attitude positive et de transmission des messages. Tableau 1 : Résultats obtenus Faible Réceptivité Densité Faible Diff.des moyennes Moyenne Diff.des moyennes Elevée Différence des moyennes Moyenne Différence des moyennes Elevée m = 25,1 = 17,77 N.S. S. m = 54,2 = 13,39 S. S. m = 93,4 = 4,27 N.S. m = 25,0 = 20,3 N.S. S. m = 85,9 = 2,63 N.S. S. m = 96,6 = 2,32 S. m = 31,1 = 39,76 S. m = 87,6 = 17,33 S. m = 98,0 = 1,88 Ces résultats montrent que, contrairement à l’intuition, la densité des relations interindividuelles ne joue pas un rôle important. En revanche, les 101 différences individuelles de comportement à l’égard du Net semblent déterminantes. (S) ou non significatif (NS) des différences de moyennes observées. Il apparaît qu’une action ciblée sur un leader d’opinion est plus efficace à terme qu’une action purement aléatoire, un pourcentage significativement plus élevé d’individus étant atteint. De plus, l’observation montre, qu’à pourcentage d’individus égal, une action sur un leader d’opinion permet une diffusion plus rapide. 5. L’influence des leaders d’opinion L’influence des leaders d’opinion dans le processus de marketing viral a été testée en considérant une initialisation à partir de 4 types de leaders d’opinion selon le score de centralité calculé. Dans chaque variante, le leader d’opinion ainsi identifié a été à l’origine de l’action de marketing viral et, comme précédemment, 30 simulations ont été réalisées. Par contre, aucune différence significative n’a été notée entre les différents modes de désignation du leader : ce fait pourrait être explicable par les simplifications adoptées dans le mode de calcul de certains de ces scores (cf. supra). Le tableau 2 indique les résultats obtenus selon le type de leader d’opinion initialisé ainsi que le caractère significatif Tableau 2 : Résultats obtenus Score Résultats Centralité de degré simple Centralité de degré complexe Centralité d’intermédiarité Centralité de proximité Sans leader d’opinion m = 87,23 = 1,26 m = 88,11 = 2,36 m = 88,05 = 2,42 m = 88,36 =2,81 m = 85,9 = 2,63 6. Le rôle virtuelles des Centralité Centralité Centralité Centralité de degré de degré d’intermédiarité de proximité simple complexe X N.S N.S. N.S. N.S. X N.S. N.S. N.S. N.S. X N.S. N.S. N.S. N.S. X S. S. S. S. communautés les communautés virtuelles centralisées : une communauté virtuelle de 50 internautes regroupés autour d’un individu. Le rôle des communautés virtuelles a été évalué en considérant 2 catégories : les communautés virtuelles décentralisées : en l’occurrence, une communauté virtuelle de 50 internautes coexistant avec 50 individus à relations interindividuelles déterminées aléatoirement ; Le tableau 3 indique les résultats obtenus ainsi que la significativité (S.) ou la non-significativité (N.S.) des différences de moyennes observées. 102 Tableau 3 : Résultats obtenus Structure C.V. décentralisée C.V. centralisée Sans C.V. Résultats m = 93,45 = 1,89 m = 88,22 = 5,78 m = 85,9 = 2,63 Ces simulations montrent ainsi l’intérêt théorique de l’utilisation des communautés virtuelles pour toute action de marketing viral. De plus, probablement en raison de la plus grande densité des relations interindividuelles y prévalant, les communautés virtuelles décentralisées paraissent plus efficaces que les communautés virtuelles centralisées. C.V. décentralisée X C.V. centralisée S. S. X S. S. La structure méthodologique proposée peut permettre de rendre compte des particularités liées au marketing viral : comportements individuels de bouche-àoreille électronique, existence de leaders d’opinion et de communautés virtuelles… Différents points ont été mis en évidence par les tests effectués : les caractéristiques de la progression des effets d’une action de marketing viral, le rôle de la structure des réseaux sociaux reliant les internautes, etc… Néanmoins, il est évident que les conclusions de ces tests ne peuvent être généralisées : d’autres hypothèses de comportement pourraient être introduites et, ce qui reste le plus difficile, il faudrait confronter ce type de modèle au monde fluide et évolutif de l’Internet. 7. L’efficacité des sites L’efficacité de l’utilisation d’un site a été mesurée en considérant un site relié directement à 10 % des individus, l’ensemble des relations entre les internautes étant comme précédemment générée aléatoirement. A l’issue des 30 simulations effectuées, le pourcentage d’internautes atteints positivement s’est établi à 87,82 avec un écart-type égal à 2,15. Au seuil de confiance 95 %, la différence des moyennes entre ces simulations et celles du modèle standard est significative, ce qui suggère le caractère efficace de la création et de l’utilisation d’un site. Face à un phénomène nouveau tel que le marketing viral, le chemin à parcourir reste très long. Les recherches ultérieures devraient s’intéresser notamment à une mesure concrète des paramètres de comportement, à une description plus fine des processus mis en œuvre, au problème du ciblage des actions ainsi qu’à la complémentarité entre le marketing viral, la publicité sur l’Internet et les médias ‘offline’ plus traditionnels. CONCLUSION Le modèle présenté dans cette communication s’insère dans une démarche plus générale de l’élaboration nécessaire jugée nécessaire (Conte, 2000) de modèles de marketing appliqués à l’Internet. 103 Lilien G.L. and A. Rangaswamy (2000), Modeled to Bits : Decision Models for the Digital, Networked Economy, International Journal of Research in Marketing, Vol. 17, pp. 227-235 BIBLIOGRAPHIE Bhargava S.C., A. Kumar and A. Mukherjee (1993), A Stochastic Cellular Automata Model of Innovation Diffusion, Review Technological Forecasting and Social Change, 44 Lutz R.J. (1975), Changing Brand Attitudes through Modification of Cognitive Structure, Journal of Consumer Research, 1, Mars 1975, pp. 49-59 Brodin O. (2000), Les communautés virtuelles : un potentiel marketing encore peu exploré, Decisions Marketing, no 21, pp. 47-56 Mahajan V. and R. Venkatesh (2000), Marketing Modeling for E-business, International Journal of Research in Marketing, Vol. 17, pp. 215-225 Chatelain Y. et L. 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