La notion d’autisme AUTISME ET SCOLARITE par Fabienne Dawir Directrice f.f. au CPMSS CF d’Auderghem Notre centre PMS pour l’enseignement spécialisé d’Auderghem (CF) est confronté à la problématique de l’autisme dans le cadre de la guidance de classes maternelles et primaires TEACCH. D’un point de vue étiologique, les recherches effectuées depuis 1990 vont toutes dans le sens d’une origine organique. L’enfant naîtrait autiste. Ces recherches ont mis en évidence des variations génétiques au niveau des gènes impliqués dans la construction du système nerveux central. On n’a pas toujours affaire à la même variation et il n’y aurait pas un seul gène impliqué; ce serait polygénique. On est donc loin de l’explication psychanalytique de Bettelheim qui mettait en évidence un trouble de la relation précoce mère-enfant. On serait plutôt face à des désorganisations sous diverses formes, de circuits neuronaux. L’autisme est présent dans 1% de la population avec prédominance chez les garçons. Face aux difficultés rencontrées par les équipes éducatives, face aux questionnements des parents, nous avons souhaité mieux comprendre les modes de fonctionnement et les modes d’apprentissage des ces élèves pour les accompagner de manière optimale et adapter notre approche individuelle. Afin de réaliser un état des lieux des préoccupations que suscitent les classes TEACCH dans notre réseau, nous avons diffusé auprès des enseignants titulaires, un bref questionnaire dont vous trouverez un exemplaire en annexe. Nous commencerons par faire le point sur l’état de la question dans la littérature et les recherches récentes. Les classifications s’accordent pour définir l’autisme comme un trouble envahissant du développement (TED) se caractérisant par trois symptômes : - une altération des interactions sociales - une altération de la communication verbale et non verbale - le caractère restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts et des activités. Ces symptômes sont toujours présents mais à des degrés différents et sont évolutifs. A ces symptômes s’ajoutent de manière variable d’autres signes cliniques : - un trouble du traitement des stimuli sensoriels - une déficience mentale (dans 75% des cas). Le développement des capacités sociales, affectives et cognitives est perturbé dès le début de la vie. Approche des manifestations cliniques 1. Trouble de l’interaction sociale : Grâce à l’imagerie cérébrale, les recherches en neuropsychologie ont mis en évidence une hypoactivation du sillon temporal supérieur chez l’enfant autiste. Or, c’est cette zone du cerveau qui est activée quand nous reconnaissons une voix, quand nous percevons les mouvements du visage, quand nous analysons les émotions, le non-verbal. L’enfant autiste présente un trouble de l’accès à la vie mentale d’autrui, à l’empathie, à l’imitation, à la fonction symbolique. Il ne comprend pas les émotions faciales et ne s’appuie donc pas sur ces signaux pour comprendre les évènements. Par exemple, l’enfant autiste ne donne pas de signification au fait qu’on lui sourit. Cette absence de réciprocité émotionnelle est d’ailleurs vécue très difficilement par l’entourage, surtout par les mères. 2. Trouble de la communication : L’enfant autiste n’a pas de langage ou présente un langage littéral, peu flexible, non conversationnel. Ceci n’est pas compensé par des moyens utilisés par les enfants pour communiquer avant que le langage soit établi, comme utiliser des gestes pour se faire comprendre, pointer ce qui l’intéresse. Le trouble atteint l’ensemble des fonctions de communication. 3. Caractère restreint, répétitif, stéréotypé comportements, des intérêts et des activités : des Les enfants autistes semblent traiter et intégrer les informations de manière particulière. Ils utilisent peu le contexte pour comprendre, ils accordent plus d’importance aux détails qu’à l’ensemble. Le déficit dans les interactions sociales, les carences communicationnelles et cognitives entraînent une vision limitée du monde, un champ réduit des intérêts, un goût pour les habitudes invariables. On observe donc des rituels comme s’habiller toujours dans le même ordre, des comportements stéréotypés comme aligner des objets toujours de manière semblable. On observe aussi des conduites répétitives centrées sur l’organisme comme les balancements qui pourraient être un moyen d’évacuer le trop de stimulations sensorielles par décharge motrice. Cette caractéristique aura forcément une implication sur l’adaptabilité à des situations nouvelles. 4. Trouble du sensorielles : - traitement cortical des informations La perception visuelle : Toutes les études semblent s’accorder sur les observations suivantes : L’enfant autiste a un regard périphérique. Il y a évitement aversif du mouvement oculaire d’autrui. Il ne perçoit pas l’entièreté de la forme. Il tente de la reproduire par des éléments locaux sans influence de la cohérence perceptive. L’identification des visages est également basée sur des détails. - L’approche visuelle est cependant le mode principal de traitement de l’information. L’autiste pense en images et donc le visuel le rassure. La perception auditive : L’autiste ne percevrait pas les sons avec la même intensité qu’un autre enfant. On observe qu’il ne supporte pas certains bruits ordinaires et que le bruit important semble provoquer une souffrance due au bombardement de stimuli. Cette observation pourrait expliquer les fréquentes crises d’anxiété décrites par les enseignants au moment des récréations. Il semble aussi sourd à la voix humaine ou ne pas l’identifier comme telle mais plutôt comme un son. L’écholalie pourrait constituer un moyen de compensation pour faciliter sa propre compréhension. - La perception tactile et l’image corporelle : L’enfant autiste percevrait de façon privilégiée les aspects qualitatifs des stimulations (texture, température,…). Il recherche les surfaces les plus sensibles de la main pour explorer son environnement (par exemple, il utilise le dos de la main). Ces sensations alimentent l’image corporelle. Selon la pensée cognitiviste, l’enfant autiste ne prendrait pas en compte l’espace comme support possible des représentations. Il a donc des difficultés à connaître les limites de son corps et les comportements d’automutilation pourraient être un moyen de cartographier son corps. Dans le même sens, les éléments de l’espace seraient des moyens substitutifs permettant la construction de repères corporels. Il aurait besoin des ces repères matériels pour exister dans son milieu, d’où sa grande susceptibilité à une modification de son environnement telle que changer un meuble de place. - La perception sensorimotrice : Les mouvements, les déplacements seraient investis dans leur dimension sensorimotrice au détriment d’une représentation spatiale. Par exemple, la marche sur la pointe des pieds serait une recherche de sensation (tension musculaire forte) et non un instrument locomoteur. Les déficiences autistiques (absence d’imitation, trouble du traitement des informations, manque de perception sociale, difficulté d’accès à la fonction symbolique,…) ont forcément un impact sur le fonctionnement cognitivo-adaptatif. La prise en charge éducative On comprendra que ces spécificités entraînent pour les enfants autistes, de grosses difficultés à traiter plusieurs informations à la fois, ce qui diminue leur sentiment de cohérence du milieu et rend difficile leur accès à une anticipation des situations et à la production de conduites adéquates. Ces particularités dans le traitement des informations et la situation d’incommunicabilité dans laquelle l’enfant se trouve se traduisent régulièrement par des réactions d’anxiété, des troubles du comportement. Tous les enseignants interrogés font part de l’énorme difficulté à gérer ces situations de crise. Le trouble du comportement est le moyen de communication utilisé; le trouble nous dit ce que l’enfant veut avoir ou éviter. Il a donc une fonction. La difficulté est de comprendre cette fonction et d’y faire face. 5. La déficience mentale (75% des cas) On est sous l’influence d’une part, des structures neurologiques de base (anomalies structurelles variables) et d’autre part, de la carence d’outils permettant l’organisation du système cognitif (anomalies fonctionnelles). Au début de l’organisation de l’enseignement spécial (loi du 6 juillet 1970), les enfants présentant des troubles autistiques étaient orientés vers le type 3. Cela a suscité diverses objections en communauté française. C’est ainsi qu’en 1987, furent créées en Belgique, les premières classes expérimentales sous la tutelle de l’université de Mons. La pédagogie utilisée s’inspirait du programme éducatif mis en œuvre par le Professeur Schopler en Caroline du Nord, programme TEACCH (treatment and education of autistic and related communication handicapped children). Depuis le décret du 5 février 2009 portant des dispositions en matière d’enseignement spécialisé, on ne parle plus de classe expérimentale mais de classe à pédagogie adaptée. Dans une classe TEACCH, l’espace est délimité en différentes zones bien distinctes et identifiables par les élèves: zone de travail collectif, zone de travail individuel, zone d’atelier créatif,… Pour chaque jour de la semaine, les activités sont programmées et chaque élève possède un horaire visuel de ces activités, spécifiant aussi l’identité du professionnel qui prend l’enfant en charge. Cette structuration visuelle de l’espace et du temps aide l’enfant autiste à comprendre son environnement. Vu le déficit communicationnel, des séances de logopédie individuelles et collectives sont prévues dans la semaine. Elles visent l’apprentissage de moyens substitutifs de communication : - Utilisation du PECS (picture expression communication system) qui vise à apprendre à l’enfant à initier spontanément une interaction en s’approchant de l’adulte qu’il interpelle pour lui donner une image de l’objet qu’il désire. Ensuite, le verbal est associé. - Le langage signé qui favorise et stimule le développement de la parole. - Utilisation de pictogrammes, symboles graphiques codés qui permettent de structurer et de développer le langage oral et écrit. Ce qui ressort de l’enquête La problématique autistique est complexe et se conjugue différemment d’un enfant à l’autre. Si les parents se sentent souvent démunis dans leur rôle éducatif, il en va de même pour les intervenants en milieu scolaire. Ils ressentent la nécessité d’un encadrement renforcé et bien formé pour répondre adéquatement aux besoins de l’enfant autiste. Au sein de la classe, gérer les différentes zones d’activités, développer chez chacun des moyens de communication, faire face aux « crises », mettre en place des activités de socialisation, d’ouverture vers l’extérieur et faire évoluer l’élève dans ses apprentissages constituent un défi quotidien. Les enseignants réclament plus d’appui à l’intérieur de leur classe mais aussi à l’extérieur: intensifier les rencontres entre école, parents, services de soins, CPMS,… pour une approche de l’enfant plus éclairée, plus analysée et plus cohérente. Le programme TEACCH implique une bonne collaboration écoleparents de manière à établir des ponts entre les avancées, à favoriser le transfert de compétences. L’apport de l’action PMS L’intervention de l’équipe tridisciplinaire comprendra un travail d’expertise afin d’éclairer les intervenants scolaires sur le potentiel cognitif et social de l’enfant, les problématiques spécifiques. Le CPMS pourra apporter une aide au décodage des comportements inadaptés. Outre les rencontres individuelles avec l’élève et l’observation en milieu scolaire, l’apport sera étoffé par le contact avec les services de soins, la rencontre avec les parents qui permettra de mettre en lumière les ressources et les fragilités de l’enfant. Le centre PMS participe à la construction et à l’ajustement du programme éducatif et individuel d’apprentissage. La bonne évolution de l’enfant dépend notamment de la cohérence dans l’approche du jeune que ce soit à la maison, à l’école ou à l’extérieur. Sources : - Le centre PMS a un rôle d’interface entre tous les intervenants. La mission de soutien à la parentalité prend ici aussi tout son sens. - En guise de conclusion : On ne guérit pas de l’autisme mais plus nous avancerons dans la compréhension du monde de l’enfant autiste, plus nous serons à même de l’aider à s’adapter au nôtre. - - Symposium (18-10-2008). Approche neurocognitive de l’autisme, U.C.L. Conférence (26-03-2009). Professeur Gepner,B. L’autisme : du gène au comportement, U.L.G. Conférence (mars 2009). Professeur Van Bogaert,P, neuropédiatre – Hôpital Erasme, L’enfant avec autisme, Bullinger, A. (2004). Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars. Ramonville Saint-Agne : Erès. Tourrette,C. (2006). Evaluer les enfants avec déficiences ou troubles du développement. Paris : Dunod. Extraits des expertises collectives « Troubles mentaux. Dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent ». Autisme infantile et troubles envahissants du développement, dépistage et intervention précoce. Hahaut,V., Castagna,M.&Vervier,J.F. Autisme et qualité de vie des familles. Louvain médical. 2002, 121. Hifler,R. (2005). Education cognitive pour l’enfant avec autisme. Magerotte,G. L’intervention éducative précoce en autisme, aujourd’hui. De la recherche aux pratiques. A.N.A.E., 2007, 93. Mottron, L. (2004). Autisme : les apports de la neuropsychologie. L’enfant,45. Preclin,S. Les élèves présentant des troubles importants des fonctions cognitives. Salmon,J-C., Roeyers,H., Hayez, J-Y., Struyf, D., Counet,E., Van Hove,G., Willaye,E., &Peeters, T. (1997). Rapport sur la problématique de l’autisme en Belgique. Fondation Roi Baudouin. Van Rossem, J. (2008). Les mondes intérieurs. Info Apepa 105. Ressources: La Fondation SUSA à Mons: Service universitaire spécialisé pour personnes avec autisme (www.susa.be) ANNEXE QUESTIONNAIRE 1. En tant que titulaire d’une classe TEACCH, quelles sont les difficultés auxquelles vous vous heurtez dans les différents domaines (apprentissages, communication, socialisation, comportement, organisation de la classe,…) 2. Pouvez-vous classer ces difficultés par ordre d’importance 3. Quelles sont les pistes utilisées pour y remédier ? 4. Quels sont les obstacles les plus résistants pour lesquels vous ne trouvez pas de solution ? 5. Qu’attendez-vous du Centre PMS dans l’appui qu’il peut vous apporter ? 6. Souhaitez-vous faire d’autres commentaires ? Nous remercions l’Institut Mariette Delahaut de Jambes, l’Institut Schaller d’Auderghem, l’Institut d’enseignement spécialisé de Grivegnée et l’Etablissement d’enseignement primaire et secondaire spécialisé de Saint-Mard pour leur participation.