par Marie Paule VIAL, Étendant ses terres à partir d`une concession

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Les Este de Ferrare par Marie Paule VIAL,
Étendant ses terres à partir d'une concession impériale située à Este, près de Padoue, la famille parvint progressivement à dominer, à la fin du Moyen Age, la
moitié orientale de la vallée du Pô. Son succès peut s'expliquer en invoquant leurs qualités d'administrateurs, leur attention aux problèmes économiques et
sociaux, leur refus des dissensions internes. Ferrare fut pendant 2 siècles un véritable carrefour d'art et de civilisation inspiré de la splendeur des cours du Nord
de l'Europe. Il fallait montrer aux princes européens l'excellence d'un mécénat qui coïncidait fortement avec leur rôle de seigneurs absolus, d'un règne
(apparemment) inexpugnable et inattaquable. La littérature, la musique et l'art produits à la cour de Ferrare à cette époque partagent la même complexité
poétique, visuelle et lyrique, aussi différents qu'aient été les caractères et le style de mécénat des membres de la famille d'Este qui se sont succédé au pouvoir.
C'est sans doute parce que l'idéal du divertissement de cour, dans ses formes les plus variées - intellectuelles, physiques, théâtrales, musicales - est au cœur
même de l'art cultivé par les Este. Ce goût de l'évasion s'exprime jusque dans les noms de leurs villas et de leurs palais d'été, ou "delizie" - "délices". C'est dans
ces demeures ornées de fresques, Belriguardo (beau regard), Belfiore (belle fleur), Belvedere (belle vue), Palazzo Schifanoia (qui esquive l'ennui), que les
seigneurs d'Este passaient l'essentiel de leur temps. Sous Niccolò III d'Este (1393-1441) et ses 3 fils, Leonello (1441-1450), Borso (1450-1471), et Ercole I
(1471-1505), la cité de Ferrare a connu une expansion et un éclat remarquables.
Leonello d'Este (1407-1450) Sous son gouvernement, la cité devient l'un des principaux centres de l'humanisme. Leonello incarne parfaitement le princecondottiere éclairé du Quattrocento. Nourri de modèles antiques comme César ou Scipion, par son précepteur Guarino da Verona, au cours de son règne bref
(1441-1450), il développa un mécénat guidé par l'idéal du connaisseur et l'idée de récréation intellectuelle. Habile en politique, il ne cessa de se prodiguer pour
soutenir l'économie locale. Il donna impulsion a un illustre cercle d'humanistes parmi lesquels se distinguaient le Maestro Guarino da Verona et Leon Battista
Alberti qui écrivit son traité d'architecture à la demande de Leonello ; Guarino conçut également le programme humaniste pour la décoration du "studiolo" de
Belfiore. La salle devait être ornée de Muses réalisées par Angelo Maccagnino da Sienna, et son assistant Cosmè Tura. Le programme iconographique
propose de voir dans les Muses des formes de l'intelligence humaine appliquées aux activités de la vie.
La Muse Melpomène, vers 1460 (Budapest). Dans son « studiolo » de Belfiore, Leonello, "incarnation de toutes les vertus princières" comme l'appelaient ses
contemporains, pouvait se dédier aux muses. Ce projet fut poursuivi après sa mort en 1450 par son frère Borso. Tout aussi importants pour le développement
de l'art ferrarais furent les autres talents importés par Leonello. Son artiste favori était Pisanello qui réalisa divers portraits et médailles ; le Vénitien Jacopo
Bellini travailla pour lui par intermittence ; Piero della Francesca, selon Vasari, peignit les fresques des nombreuses chambres du Palazzo del Corte (détruites) ;
le maître français Fouquet, de passage peignit le fou de la cour, Gonella ; et le maître de Tournai, Rogier van der Weyden, peignit un retable sur le thème de
"La Déposition et la Chute de l'homme", qui était à Ferrare en 1449. Par l'intermédiaire de son agent à Bruges, Leonello acheta plusieurs autres oeuvres du
maître, et Rogier pourrait être passé par Ferrare en 1450, lors de son pèlerinage à Rome. L'émouvante piété des scènes de la Passion de Rogier van der
Weyden, exerça une immense influence sur les artistes de la région, notamment sur le jeune Andrea Mantegna, qui peignit un portrait de Leonello et de son
principal conseiller, en 1449.
Scène de bataille, vers 1540, Anonyme ferrarais (d'après une fresque perdue de Piero della Francesca), (Baltimore, Walters Art Gallery). Après avoir
séjourné à Pesaro et à Ancône, Piero est en 1446-1447 à Ferrare. Piero exécuta un cycle de fresques dans le palais, malheureusement détruit durant un
incendie au début du XVIe siècle. Il n'en reste que deux copies d'époque maniériste.
Portrait de jeune fille, Ginevra d'Este ?, vers 1435/40, Pisanello (Pise vers 1380 - Mantoue ? 1455), (Paris, Louvre). Il représente certainement une
princesse de la maison d'Este. Les motifs symboliques sont nombreux. On peut les reconnaître dans l'emblème brodé sur la manche et dans 2 fleurs du fond :
l'œillet, une fleur qui renvoie aux fiançailles et au mariage, et l'ancolie, qui pouvait représenter soit la Passion du Christ, soit la passion amoureuse.
Dionysos, avec des satyres et ménades, vers 1395-1450, Pisanello, (Milan, bibliothèque de la Pinacothèque Ambrosiana). Ce dessin reproduit un détail
du sarcophage de Dionysos à l'abbaye de Grottaferrata, près de Rome. La participation de Pisanello à la Renaissance de l'Antiquité se manifeste aussi dans
ses dessins des vestiges de l'Antiquité, copiés à des finalités d'entraînement du regard et de la main.
La Vierge d'humilité adorée par un prince de la Maison d'Este, vers 1440 ?, Jacopo Bellini (Venise vers 1400 - 1470), (Paris, Louvre). Le peintre était
certainement à Ferrare en 1441, où il avait concurrencé Pisanello en peignant le portrait de Leonello (perdu). Certains le reconnaissent dans le donateur, agenouillé
au pied de cette Vierge d'humilité. Au paysage féerique de goût international s'ajute l'utilisation de touches d'or pour souligner la lumière.
La mise au tombeau, vers 1450, Rogier van der Weyden, (Florence, Offices). Il fut peint pendant son séjour en Italie à l'occasion du Jubilé de 1450. Les
peintres des Muses du "studiolo" de Belfiore, notamment Cosmè Tura, réaliseront une interprétation du peintre flamand, lors de son probable séjour à Ferrare.
Né vers 1430, Cosmè Tura il eut tout loisir d'y voir travailler Pisanello et Jacopo Bellini, Van der Weyden et Piero ; d'assister à Padoue à l'inauguration de l'autel
de Donatello et de suivre la progression des célèbres fresques des Eremitani du Mantegna.
Borso d'Este (1413-1471) partageait son goût pour les arts, en particulier pour les enluminures, dont l'influence apparaît dans sa plus célèbre commande
artistique, les fresques du palais Schifanoia. La cour fit largement appel aux peintres ferrarais, qui suscitent la floraison d'une école locale de peintres, dominée
par la personnalité originale de Cosme Turà (vers 1430-1495), au graphisme crispé, au coloris étrange de gemmes, aux paysages mariant l'observation à la
stylisation fantastique. Bien que dans la lignée stylistique du nord de l'Italie en général, leurs maniérismes décoratifs et expressifs, purent s'épanouir
vigoureusement sous la protection des Este. Les Ferrarais s'intéressaient plus à l'affinité de la peinture avec la poésie, la musique et le théâtre, qu'à sa relation
avec les arts frères de la sculpture et de l'architecture. Plus fastueux dans ses vêtements de brocart et ses parures de joyaux, moins intellectuel que son frère
Leonello, Borso (1450 à 1471), a utilisé l'art comme outil de propagande. Comme ses prédécesseurs, il consacra des sommes importantes à l'achat de
tapisseries flamandes, mais 2 ensembles conservés aujourd'hui témoignent de cette volonté de magnificence et d'autocélébration : sa somptueuse "Bible" en 2
volumes, enluminée en 7 ans (1455-1461) par Taddeo Crivelli, et la salle des mois du palais Schifanoia.
Les travaux et les jours de Borso d'Este Les fresques des "Mois", (Ferrare, palais Schifanoia) Cette ample pièce dédiée aux réceptions était entièrement
couverte de peintures montrant, en 3 registres, en haut le triomphe des dieux présidant aux mois, aux tempéraments et diverses activités humaines
correspondantes ; au milieu les signes du zodiaque et leurs trois décans ; en bas la vie de Borso et de sa cour, en accord avec le rythme des mois et l'influence
des planètes. Le programme dut être tracé par Pellegrino Prisciani, astrologue, bibliothécaire et historiographe. Les principaux exécutants furent Francesco del
Cossa (vers 1436-1478) et Ercole de' Roberti (1450-1496). En 1469, après avoir exécuté les mois de "Mars", "Avril" et "Mai", ne pouvant obtenir un salaire à la
hauteur de son talent en dépit d'une supplique, Cossa partit pour Bologne, entraînant avec lui son collaborateur.
Borso d'Este et sa suite à la chasse (Allégorie du mois de mars, détail, fresque, Francesco del Cossa, Ferrare, palais Schifanoia). L'une des
caractéristiques les plus saisissantes du cycle des Mois du palais Schifanoia est la répétition formelle : les traits affables du duc dominent chaque scène dans la
partie inférieure, qu'il soit en train de chasser, de payer son bouffon, de rendre la justice ou d'assister au "palio". Borso poursuivit les travaux de rénovation des
villas familiales entrepris par Leonello, et commanda de nouveaux tableaux des Muses pour le "studiolo" inachevé de Belfiore. Tura et ses assistants
travaillèrent à Belfiore de 1459 à 1463, et apportèrent des changements iconographiques aux autres Muses. Cosmè Tura, qui peignait essentiellement à l'huile,
semble avoir conservé sa place d'artiste de cour en refusant de partager les secrets de sa technique spéciale.
Bible de Borso, détail "La Cour de Salomon", 1455-1461, Taddeo Crivelli, (Modène, Biblioteca Estense). Nombre d'illustrations des récits figurant dans la
bible, inspirées des enluminures bourguignonnes et provençales, sont des visions de sa propre cour. Un groupe de musiciens joue pour l'amusement des
dames et des chevaliers, en train de danser ou de converser à l'intérieur d'une architecture Renaissance, sur fond de paysages luxuriants.
Ercole I d'Este (1431-1505), un duc bâtisseur Ercole I cultiva une forme de mécénat plus grandiose, exprimant sa "majesté" princière, en développant la
musique sacrée, mais aussi en ressuscitant la comédie latine et le théâtre contemporain. Il continua d'apprécier la culture courtoise, protégeant Matteo Boiardo,
auteur du "Roland amoureux", tout en promouvant la traduction et la représentation des comédies latines de Plaute et de Térence. Blessé en 1467, il dut réduire
ses activités militaires, pour lesquelles il avait pourtant le plus grand goût. Il collabora avec l'architecte Rossetti et les peintres de la cour, principalement avec
Ercole de' Roberti, et constitua une grande bibliothèque. Il poursuivit en grande partie l'oeuvre et la politique de ses demi-frères. Son long et fécond mariage
avec Eléonore d'Aragon (dont il eut Alphonse, Isabelle et Béatrice) mit fin aux problèmes et les domaines des Este connurent une période de stabilité. Avec une
habile politique matrimoniale, il tissa d'importantes alliances. Cette période de croissance démographique et urbaine provoqua l'agrandissement de Ferrare,
auquel présida l'architecte Biagio Rossetti. Cette extension dite "herculéenne" (du nom de son commanditaire) tripla la superficie intra-muros de la cité et
favorisa les constructions nouvelles - palais et édifices religieux.
Rencontre de Salomon et la reine de Saba, deuxième moitié du XVe siècle, anonyme ferrarais, (Houston,). La mise en scène de l'épisode biblique se
situe dans un jeu perspectif exemplaire, avec ces édifices d'une architecture albertienne, formée d'arcs, de petites coupoles et de niches, les figures prennent
des attitudes théâtrales comme certains personnages de la "course du palio" de Schifanoia.
Eleonora d'Aragon, marbre, 1471, Francesco Laurana (Vrana vers 1430 - Avignon 1502), (Palerme,). Mère d'Alphonse, d'Isabelle et de Béatrice d'Este,
elle était fille de Ferdinand roi de Naples. Elle fut une des femmes le plus significatives de cette cour.
Porcia et Brutus, 1490, Ercole de'Roberti, (Fort Worth, Texas). Ercole de' Roberti se forma sur l'exemple de ses deux prédécesseurs. Ses oeuvres
comprennent aussi bien la décoration de coffres de mariage et la production de petites peintures de dévotion que des grands retables et peintures avec des
sujets dérivés de l'histoire antique ; Le tableau illustre bien la devise des Aragon "la mort plutôt que le déshonneur".
Les Israélites ramassant la manne, vers 1490, Ercole de' Roberti, (Londres, NG). À partir des années 1490, Roberti travailla essentiellement pour la
duchesse Eléonora, décorant ses appartements au Castello Vecchio. Le petit panneau de prédelle reflète l'ambiance théâtrale de la Ferrare d'Ercole et semble
un témoignage fidèle des décors utilisés pour les pièces classiques montés dans le palais ducal ou dans la grande cour : une estrade, selon un chroniqueur
ferrarais, avec cinq ou six petites cabanes peintes, munies de rideaux en guise de portes.
Le concert, détails, 1485-95, Lorenzo Costa (Ferrare vers 1460 - Mantoue 1535), (Londres, NG). Formé dans le milieu ferrarais, en 1506 Costa prit la
relève d'Andrea Mantegna comme peintre de cour à Mantoue. Dans cette peinture, il représente la véritable ambiance musicale telle que devait être à l'époque
d'Ercole et d'Isabelle d'Este. Le chanteur principal au centre avec son luth est suivi dans l'exécution du cantique par les deux autres qui battent le « tempo ».
Lamentation, vers 1474-1475, tapisserie, d'après un carton de Cosmé Tura, (Madrid, Thyssen-Bornemisza). La "Lamentation" de Tura, inspirée de Rogier
van der Weyden, comprend des portraits du jeune Ercole (dans les traits de celui qui tient le bras du Christ) et de sa nouvelle épouse Eleonora d'Aragon.
Palais des Diamants, 1493, Biagio Rossetti (Ferrare 1447 - 1516). Biaggio Rossetti, l'un des plus grands innovateurs de la ville de Ferrare s'était converti en
un fidèle interprète des souhaits du duc. Rossetti réalise avec une grande habilité le classicisme du langage toscan de la Renaissance avec la tradition
autochtone d'influences vénitiennes. Ce splendide palais fut commandé pour Sigismondo d'Este, frère du duc Ercole. Rompant, par souci de magnificence,
avec la tradition locale de la construction en brique recouverte de peintures, le palais est tout revêtu de bossages de pierre d'Istrie, taillés en pointes de diamant
et se caractérise par un revêtement en marbre tout à fait singulier, dont le bossage à facettes rappelle l'un des emblèmes de la maison d'Este, le diamant.
Alfonso I d'Este (1476 - 1534) plus ambitieux politiquement, était un mécène enthousiaste. Il épouse en 2nde noces Lucrèce Borgia, fille du pape Alexandre VI.
Ludovico Ariosto, passe au service du duc en 1531. Le poète composa des comédies, pour le divertissement de la cour et des poèmes inspirés d'auteurs
latins, les "Carmina" (1494-1503). L'"Orlando furioso", publié en 1516, est en réalité un hommage rendu par l'Ariosto à ses protecteurs, les Este de Ferrare.
Il renouvelle l'appartement de son père et qui se trouvait au-dessus de la Via Coperta. L'appartement dit "Camerino d'Alabastro", est un véritable et personnel
programme décoratif où sont appelés à collaborer les plus grands artistes de son temps : Titien, les frères Dossi, Antonio Lombardo et Giovanni Bellini…
Jupiter, Mercure et Vertu, vers 1529, Giovanni de' Luteri, dit Dosso Dossi, (Vienne, khv). Dans cette oeuvre fascinante, assez conforme à l'atmosphère de
culture sophistiquée dans laquelle baigne la peinture de l'école de Ferrare, c'est la Peinture elle-même qui paraît être le vrai sujet de cette oeuvre mystérieuse.
Titien et les "poésies" pour Alfonso d'Este. Alfonso d'Este accueille Titien à Ferrare une 1ère fois début de 1516. Le travail le plus important est sans doute la
décoration des "Camerini" que le duc s'était fait construire à l'intérieur du château Estense, sur le modèle du "studiolo" de sa sœur Isabelle à Mantoue. Titien
réalise entre 1518 et 1523 trois splendides toiles mythologiques, appelées aussi "bacchanales" où le coloris met en valeur la sensualité des corps. Il sublime le
récit des poètes, avec une peinture dominant n’importe quelle forme d’expression artistique dans sa force d’évocation, sa liberté de représentation et son génie
optique. L'agencement est difficile à restituer : les tableaux, confisqués en 1598, ont été dispersés.
La Fête de Vénus" (vers 1518-19) et Bacchus et Ariane, 1522-23, Titien, (Londres, NG) exprime l'exubérance dionysiaque propre à sa peinture mythologique.
Arrivée de Bacchus sur l'île d'Andros ou Les Adriens, 1519-20, Titien, (Madrid, museo del Prado). Une fête du vin et de l'amour célèbre l'arrivée de
Bacchus sur l'île d'Andros. Alphonse d'Este fait établir un programme iconographique inspiré de la littérature, mais, à la différence de sa sœur Isabelle, qui
préfère des sujets ayant traite à l'amour et aux arts, il choisit pour ce cycle mythologique un protagoniste caractérisé par son exubérance : le dieu Bacchus.
Festin des dieux, 1514-1529 Giovanni Bellini et Titien, (Washington National Gallery). Aux alentours de 1512, Alphonse d'Este avait commissionné Giovanni
Bellini pour peindre ce chef d'oeuvre de la Renaissance italienne. En 1522, après la mort de Bellini, une grande partie de l'arrière-fond du tableau avait été
altérée par un autre peintre, très probablement par l'artiste de cour, Dosso Dossi. L'évolution stylistique du « Festin des dieux » est indicative de la remarquable
évolution de la peinture à travers le temps : de l'art calme de Bellini, propre du XVe siècle, on passe au style plus vigoureux de l'art de Titien du XVIe
siècle, qui a pratiquement repeint un vigoureux paysage et un ciel chargé d'énergie, pour l'harmoniser avec les nouvelles toiles du cycle. Le thème du tableau
est pris des « Fasti » d'Ovide, un long poème classique qui fait le récit des origines de plusieurs rites et festivités de la Rome antique.
Alfonso II (1533-1597), dernier duc de Ferrare, fut l'un des princes les plus courtois et les plus cultivés de la fin de la Renaissance. La papauté, rappelant en
1598 ses droits sur Ferrare, accentua, à travers la politique de ses légats, l'éclipse culturelle et économique d'une cité qui avait été brillante patrie de Boiardo,
de l'Arioste et du Tasse ; de Tura, de Cossa, de Roberti et des frères Dossi.
Dosso Dossi et l'école ferraraise Dans une ville séduisante mais glissant déjà vers le déclin, le peintre ferrarais Dosso Dossi (1489-1542) se tient
constamment au courant des évolutions de l'art, l'imagination toujours en éveil et animé du désir de créer des images narratives. On ne connaît pas avec
exactitude le lieu et la date de naissance de ce peintre destiné à devenir le protagoniste de l'école ferraraise de la 1ère moitié du XVIe siècle. La manière de
Dosso Dossi, à sa première source stylistique dans l'art vénitien, mais elle est aussi marquée par la tradition expressive de l'école ferraraise, elle se traduit dans
une veine narrative originale. Ses oeuvres de jeunesse, à sujets mythologiques, se rattachent à Giorgione, mais bientôt se font jour des références à la culture
de l'Antiquité classique et à Raphaël. Vers 1510, Dosso Dossi travaille à Mantoue, puis, à partir de 1514, il devient peintre de cour à Ferrare, en parfaite
harmonie intellectuelle avec l'Arioste, poète à la cour des Este. Il participe aux décorations commandées par Alfonso I d'Este : ses peintures ornaient la voûte
du "camerino d'alabastro" à côté des chefs d'oeuvre de Giovanni Bellini et de Titien, avec qui Dosso établi un dialogue artistique intense. Dans sa longue
activité à la cour des Este, il alterne retables (parfois en collaboration avec Garofalo) et cycles décoratifs à sujets littéraires et mythologiques.
Le Départ des Argonautes, 1520, Dosso Dossi, (Washington, National Gallery). Ce tableau d’une polychromie vibrante fait partie d'une série de 10 réalisés
pour la "Chambre d'Albâtre". L'ensemble formait une frise toute autour des murs supérieurs de la chambre, au-dessus des grandes toiles. La série de peintures
représente les aventures du héros troyen Enée, vénéré en Italie depuis l'Antiquité en tant que fondateur de l'état romain. Dosso, est un parfait héritier de
l'original anticonformisme ferrarais, la sensibilité poétique qui émane du paysage à l’arrière-plan baigne la scène dans une atmosphère fantastique.
Savant avec compas et sphère (Atlas?), 1520-1522, Dosso Dossi, (Ferrare, Pinacoteca Nazionale). Il fait partie d'une série de "Savants" réalisé par Dosso
qui représenteraient selon l'hypothèse de Federico Zeri (1984) les sept arts libéraux : le "trivium" (la grammaire, la logique et la rhétorique) et le "quadrivium" (la
géométrie, l'arithmétique, l'astrologie et la musique). Le "Savant avec compas et sphère" représenterait l'astrologie. La voûte céleste est encore plongée dans
l'obscurité de la nuit et Atlas, "prince des astrologues", s'empresse à mesurer avec son compas les astres qui disparaîtront bientôt avec la lumière du jour.
Apollon, vers 1525, Dosso Dossi, (Rome, Galleria Borguese). Apollon, une des douze divinités olympiques est représenté ici comme musicien. Il est couronné
de son attribut, le laurier, sur ses boucles noires aux reflets bleutés. Le naturalisme du torse et du bras tenant l'archet, et le paysage à l'arrière-plan, montrent
comme Dosso savait donner des exemples de cette observation directe de la nature dans ses oeuvres. Apollon qui dans les peintures est représenté nu, la
draperie a été ajoutée quelques années plus tard ; une fois enlevée, il laisserait apparaître Apollon sous une forme plus libre, semblable à celle de l'Apollon de
Raphaël dans le "Parnasse" des Chambres du Vatican.
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