POESIE NOIRE d’expression française Séquence interdisciplinaire Cette séquence est destinée à des élèves de 9e qui ont déjà étudié le colonialisme en histoire. Elle se déroule parallèlement à l’analyse du Noir dans la publicité, séquence liée à l’éducation aux médias. Thèmes : négritude, colonisation, identité Objectifs : Prendre conscience que la littérature francophone ne s’arrête pas aux frontières de la France et que les écrivains des anciennes colonies apportent beaucoup à notre culture. des liens existant entre l’Histoire et la littérature. de l’universalité de la poésie : les problèmes liés à la négritude sont des problèmes identitaires qui peuvent se poser à chacun d’entre nous. LE GENRE POETIQUE Points abordés : La forme : strophe, vers libre Les sonorités : rimes, assonances, allitérations, les répétitions Le rythme Les figures de style : comparaison, métaphore, métonymie, personnification, oxymore Plan de la séquence : I. Rappels historiques (45’) II. Education aux médias : Le noir dans la publicité (2 X 45’) III. Analyse d’un poème : Hosties noires (L.S. Senghor) (4-5 X 45’) IV. Rédaction d’un poème lié à l’identité (voir la séquence de Michaël Tolck) 1 I. La colonisation : rappels historiques ( 45’) Objectif : L’élève devra retenir l’impact de la colonisation sur les comportements des Européens face aux populations colonisées. Travail préparatif pour l’enseignant : Préparer des transparents en couleur des différents documents ci-joints. Modalité de travail : Le maître passe les documents au rétroprojecteur, pose des questions amenant les élèves à rassembler les notions vues en cours d’histoire. Il les complète au besoin. A propos de la mentalité des colons, le maître suscitera la verbalisation des sentiments des élèves face aux différents documents. découverte par les Européens des terres d’Afrique, d’Asie (Marco Polo au XIIIe siècle), d’Amérique (1492 : découverte de l’Amérique par Christophe Colomb) (n°1) carte géographique et politique des colonies dans le monde : Le monde colonisé en 1914 (n°2) les territoires appartenant à la France et la francophonie (carte) (n°3) présence française en Afrique (carte) (n°4) origine des esclaves noirs en Haïti : le commerce triangulaire (carte) (n°5 ) dépossession des terres au profit des Européens (??) (n°6) imposition de la culture et de la langue de l’occupant dans les écoles (photo) (n°7) arrivée des missionnaires ; imposition de la religion chrétienne (photo) (n°8) les soldats de l’armée coloniale: les Tirailleurs sénégalais(BT 1139, p.23) la mentalité des colons : a) suffisance,condescendance : n°9 Le petit Journal b) mépris : une famille africaine parquée à l’Exposition coloniale (n°10 et 11 : L’Histoire, numéro spécial, oct. 2006, p.62 et 63) c) rapports humains entre colons et colonisés (n°12 : BT 1139, p.31 + n°13 : L’Histoire, numéro spécial, oct. 2006) d) l’exploitation de la main d’œuvre indigène ( n°14 et n°15 : BT1139, pp.1617) décolonisation : quelques dates 2 II. Le noir dans la publicité à l’époque coloniale ( Cours d’éducation aux médias : 2 X 45’ ) Analyse de différentes publicités datant de l’époque coloniale française et tirées du livre Negripub, l’histoire du noir dans la publicité, R. Bachollet, J.-B. Debost, A.-C. Lelieur, M.-C. Peyrière, Editions Somogy, Paris, 1992. Objectifs comprendre les messages véhiculés verbaliser ses sentiments à propos de l’impact des médias maîtriser les codes du langage visuel Travail préparatif pour l’enseignant : Le maître fera des photocopies ainsi que des transparents en couleurs des différents documents ci-joints. Il photocopie également pour tous les élèves la démarche qu’ils devront suivre pour analyser chaque publicité. Lessive de la ménagère (Boichard, vers 1895) p.93 Savonnerie nationale Genève (Edouard-Louis Baud, vers 1900) p.95 La Végétaline (Eugène Ogé, vers 1910) p.125 Banania (De Andreis, 1915) p.134 Banania (anonyme, vers 1920) p.73 Peugeot (anonyme, 1958) p.86 Radiola, (René Ravo, 1959) p.88 Netto – cire (Hervé, 1960) p.113 café Masset (René Seguin, vers 1960) p.78 Mi – Cho – Ko, La pie qui chante (Michel Delattre, vers 1960) p.75 Fruidor (Jacques Auriac, 1962) p.83 Prérequis : Les élèves ont auparavant appris à décrypter une image, à relever cadrages et angles de prise de vue. Ils ont également étudié les différents aspects de la publicité : art du langage, valeur et choix des couleurs. Ils connaissent le schéma du message publicitaire (émetteur, récepteur), savent repérer les besoins sur lesquels se base le message publicitaire : amour, considération, appartenance à un groupe, besoin esthétique, besoin d’évasion, etc. Ils sont conscients que la publicité ne cherche pas à informer mais à séduire ou à persuader. 3 1. Analyse des images publicitaires (45’) Modalités de travail : Les élèves travaillent à deux. Chaque « duo » reçoit une publicité à analyser ainsi que la photocopie de la démarche à suivre.. Ils prennent des notes de leur analyse. Démarche à suivre : Dénotation produit à vendre, slogan cadrage, angle de prise de vue couleurs description et attitude des personnages, description des objets émetteur, récepteur Connotation besoin(s) suggéré(s) sens du cadrage, de l’angle de prise de vue valeurs des couleurs dominantes Quels liens existe-il entre le produit à vendre et le message publicitaire ? Comment le Noir est-il perçu par l’émetteur et le récepteur de l’époque ? Comment est-il perçu par les récepteurs que nous sommes aujourd’hui ? 2. Mise en commun (45’) Modalités de travail a) Les publicités, sous forme de transparents, sont montrées au rétroprojecteur. Les élèves viennent par deux devant la classe présenter les résultats de leur analyse à leurs camarades. Place sera faite aux questions et commentaires de la classe et de l’enseignant. b) Avec les élèves, le maître fera la synthèse des « valeurs » transmises par ces images publicitaires : mépris, condescendance, ironie… c) On pourra demander aux élèves de mettre au net, à la maison, la fiche qu’ils avaient préparée en vue de l’analyse orale et qu’ils ont pu compléter lors de cette préparation. L’enseignant en fera une photocopie pour tous les élèves en y ajoutant la synthèse. Remarque Si le maître de français n’enseigne pas également l’éducation aux médias, il peut se contenter de montrer très brièvement ces publicités en s’arrêtant peut-être sur celles 4 de Banania. Il peut aussi analyser une page ou deux de Tintin au Congo pour faire découvrir aux élèves le regard que portent les Européens d’alors sur les Africains des colonies. III. ANALYSE D’UN POEME (4-5 x 45’) Hosties noires (Léopold Sédar Senghor) Objectif Prendre conscience que L. Sédar Senghor utilise un vocabulaire, un style, une versification appartenant à la culture française et à la culture africaine. Travail préparatif de l’enseignant Le maître distribue à chaque élève le dossier ci-joint comprenant la biographie, le poème de Senghor ainsi que les différentes séances relatives à l’analyse de Hosties noires. Il a à sa disposition les transparents de ce document de manière à pouvoir travailler au rétroprojecteur. Présentation de l’auteur : Léopold Sédar Senghor Léopold Sédar Senghor est né en 1906 au Sénégal, alors colonie française. Il étudie à Paris et devient professeur. Avec deux autres poètes noirs, Aimé Césaire et LéonGontran Damas, il fonde une revue, élabore le concept de « négritude ». Durant la guerre, d’abord mobilisé, puis prisonnier et enfin réformé pour maladie, il participe à la Résistance dans le Front national universitaire. L’année 1945 marque le début de sa carrière politique. Lors de l’indépendance du Sénégal en 1960, Senghor devient président de son pays et le reste jusqu’en 1980. Léopold Sédar Senghor continue à écrire et reçoit d’innombrables prix littéraires. Il meurt en 2001. 5 « Hosties noires » a été composé durant la guerre, en 1940. 6 HOSTIES NOIRES POEME LIMINAIRE Vous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main chaude sous la glace et la mort Qui pourra vous chanter si ce n’est votre frère d’armes, votre frère de sang ? Je ne laisserai pas la parole aux ministres, et pas aux généraux Je ne laisserai pas – non ! - les louanges de mépris vous enterrer furtivement. Vous n’êtes pas des pauvres aux poches vides sans honneur Mais je déchirerai les rires banania sur tous les murs de France. Car les poètes chantaient les fleurs artificielles des nuits de Montparnasse Ils chantaient la nonchalance des chalands sur les canaux de moire et de simarre Ils chantaient le désespoir distingué des poètes tuberculeux Car les poètes chantaient les rêves des clochards sous l’élégance des ponts blancs Car les poètes chantaient les héros, et votre rire n’était pas sérieux, votre peau noire pas classique. Ah ! ne dites pas que je n’aime pas la France – je ne suis pas la France, je le sais – Je sais que ce peuple de feu, chaque fois qu’il a libéré ses mains A écrit la fraternité sur la première page de ses monuments Qu’il a distribué la faim de l’esprit comme de la liberté À tous les peuples de la terre conviés solennellement au festin catholique. Ah ! ne suis-je pas assez divisé ? Et pourquoi cette bombe Dans le jardin si patiemment gagné sur les épines de la brousse ? Pourquoi cette bombe sur la maison édifiée pierre à pierre ? Pardonne-moi, Sira-Badral, pardonne-moi étoile du Sud de mon sang Pardonne à ton petit-neveu s’il a lancé sa lance pour les seize sons du sorong. Notre noblesse nouvelle est non de dominer notre peuple, mais d’être son rythme et son cœur Non de paître les terres, mais comme le grain de millet de pourrir dans la terre Non d’être la tête du peuple, mais bien sa bouche et sa trompette Qui pourra vous chanter si ce n’est votre frère d’armes, votre frère de sang Vous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main chaude, couchés sous la glace et la mort ? Paris, avril 1940 Le recueil Hosties noires a paru en 1948 7 1. Première séance : lecture, explication et analyse du vocabulaire (45’) Modalités de travail Frontal a) Le maître lit une première fois le texte à haute voix puis les élèves le lisent à leur tour en repérant les mots inconnus ou difficiles à comprendre. b) Pour éviter une perte de temps, les définitions des mots qui pourraient poser un problème de compréhension sont données avec le poème ; elles sont toutefois reprises par l’enseignant. Recherche en duo c) Les élèves repèrent puis surlignent avec des couleurs différentes les mots appartenant plus particulièrement à la culture africaine et ceux appartenant à la culture française. Chacun vient ensuite remplir une case du tableau au rétroprojecteur pendant que les autres les copient dans leur dossier. a) Lecture du poème b) Explication du vocabulaire titre : hostie : petite rondelle blanche de froment représentant le corps du Christ ; en latin, hostia signifie victime v. 1 : Tirailleurs sénégalais : soldats du Sénégal, au service de la France et mis aux premières lignes dans les combats en 14 -18. v. 2 : frère d’armes : celui qui combat au côté d’un autre soldat v. 4 : le mépris : fait de considérer comme indigne d’intérêt ou comme inférieur v. 4 : furtivement : discrètement, secrètement v. 5 : l’honneur : dignité morale, qui mérité la considération v. 7 : les fleurs artificielles : référence aux paradis artificiels (drogues) chantés par les poètes français du XIXe siècle (Baudelaire, Rimbaud, Verlaine) v. 7 : Montparnasse : quartier de Paris très fréquenté par les artistes entre les deux guerres (1914-18 /1939-45) v. 8 : les chalands : bateaux à fond plat pour transporter les marchandises sur un fleuve v. 8 : moire : tissu présentant des parties mates et d’autres brillantes v. 8 : une simarre : longue robe d’une riche étoffe v. 9 : tuberculeux : atteint d’une maladie infectieuse et contagieuse des poumons (la tuberculose) v. 11 : le héros : personnage qui se distingue par ses exploits v. 14 : a écrit la fraternité sur la première page de ses monuments : Les trois mots « Liberté, Egalité, Fraternité » devise de la République française sont inscrits sur les monuments publics comme les mairies, le sénat, etc. v. 20 :Sira-Badral : princesse sérère (peuplade du Sénégal) ayant vécu au XIVe siècle ; Senghor y fait allusion par nostalgie de la période précoloniale. v. 21 : le sorong : instrument de musique africain v. 22 : notre noblesse : grandeur, qualité morale 8 v. 23 : paître : manger l’herbe sur pied, brouter b) Repérage du vocabulaire et des passages liés à la culture française et à la culture africaine La culture africaine La culture française Question : Où se situe l’auteur ? Lui-même dit : « Ah ! ne suis-je pas assez divisé ? » (vers 17) 2. Deuxième séance : les figures de style (1-2 x 45’) Prérequis Frontal Avant d’analyser le texte de Senghor, il conviendrait de procéder à un bref exercice rappelant la définition des figures de style les plus récurrentes dans Hosties noires: la métaphore, la métonymie, la comparaison, l’oymore, la personnification. Modalité de travail Classe divisée en 3 grands groupes puis recherche en duo Le premier groupe recherche les métaphores ; le deuxième, les métonymies et les personnifications ; le troisième, les comparaisons et les oymores. Les élèves viennent ensuite remplir la grille au rétroprojecteur pendant que les autres complètent la leur. 9 Exemples de figures de style à replacer dans le tableau: sous la mort, les louanges de mépris, les louanges de mépris vous enterrer, les rires Banania, la nonchalance des chalands, canaux de moire et de simarre, le désespoir distingué, l’élégance des ponts blancs, sur la première page de ses monuments, la faim de l’esprit, la faim de l’esprit comme de la liberté, le festin catholique, étoile du Sud de mon sang, sa lance, les seize sons du sorong, notre noblesse, son rythme, son cœur, comme le grain de millet, sa bouche, sa trompette, etc. Vers métaphores vers métonymies personnifications vers comparaisons vers oymores 10 3.Troisième séance : strophe, vers, assonances, allitérations, répétitions, ponctuation, rythme (45’) a) strophes, vers Modalités de travail Recherche personnelle puis mise en commun Les élèves découvrent eux-mêmes le nombre de strophes et de vers dans chaque strophe. Ils essaient ensuite de déterminer le nombre de pieds dans chaque vers et de trouver le nom de ces vers. Les élèves inscrivent ces observations en regard du texte. 6 strophes (1x2 vers + 4x4 vers+ 1x2 vers) La première et la dernière strophe sont identiques si ce n’est que les vers sont inversés (encadrement). Vers non classiques, d’inégale longueur (18 - 24 pieds) ; la règle qui consiste à prononcer les « e » muets devant une consonne ne paraît pas toujours applicable. Il s’agit de vers libres. b) Répétitions, assonances, allitérations Modalités de travail Les élèves repéreront avec des crayons de couleur différente, dans le texte même, les nombreuses répétitions, assonances ou allitérations. Remarque : Relever l’absence de rimes répétitions : première et dernière strophe + vous, chanter, je ne laisserai pas, les rires, les poètes, ils, je, je sais, France, peuple, pourquoi, pardonne, lancé / lance, non allitérations : la nonchalance des chalands, le désespoir distingué, l’élégance des ponts blancs, s’il a lancé sa lance pour les seize sons du sorong assonances : la nonchalance des chalands, l’élégance des ponts blancs, lancé sa lance, sons du sorong c) La ponctuation Modalités de travail Frontal Les élèves repèrent les signes de ponctuation et vérifient si les règles de la ponctuation sont respectées. 11 Si chaque strophe se termine par un point ou un point-virgule, la ponctuation n’est pas toujours présente à l’intérieur de chacune d’elle. Les vers commencent certes par des majuscules mais ne correspondent pas tous à une phrase. La pause marquant le passage d’un vers à l’autre remplace automatiquement la ponctuation. d) Le rythme Modalité de travail Frontal Le texte est lu à haute voix par plusieurs élèves puis chacun cherche à découvrir comment le rythme est amené dans ce poème. Les pauses sont importantes à la fin des strophes, moins importantes à la fin des vers. La longueur des vers libres ralentit le rythme (vers 6 à 10) et provoque des changements de vitesse. Les innombrables répétitions martèlent le texte, suscitant des saccades. Les allitérations et les assonances, agréables à l’oreille, soulignent l’harmonie de certains vers liés à la mélancolie. CONCLUSION : le sens et la forme Modalités de travail Frontal A travers des questions, le maître cherchera à faire découvrir comment le sens est intimement lié à la forme. Léopold Sédar Senghor, auteur sénégalais est empreint de culture française. Il aime à la fois son pays et la France et se sent divisé. Il ne peut toutefois pas accepter que des hommes de son pays qui se sont fait massacrer pour la France soient ridiculisés par ce pays. Senghor, pour chanter les Tirailleurs sénégalais, fait référence à la culture française et à celle du Sénégal. Ce n’est pas un Sénégalais qui défend ses compatriotes ; c’est un homme qui se sent également français et qui demande au pays des Droits de l’homme de respecter, d’honorer des hommes qui l’ont servi. C’est sans doute pour cette raison que Senghor introduit dans ce poème des références culturelles françaises et africaines. Les vers libres et les innombrables répétitions donnent un rythme tout particulier au texte ; ils le martèlent tout en rappelant la mélopée. On a envie de faire référence au rythme de la musique africaine. 12 13