Sujet d’étude : Léopold Sédar Senghor (1906-2001) A. SENGHOR, L’INTELLECTUEL NOIR FRANCOPHONE 1- Son origine (familiale, culturelle) – Ses études – Son 1er métier – Ses amis français. - - Né à Joal (dans la colonie du Sénégal appartenant à l’AOF, dominée par la France depuis 1890), à une centaine de kms de Dakar (capitale de l’AOF), dans une région peuplée de Sérères de religion chrétienne. Il reçoit une éducation catholique (<20% au Sénégal car il y a 80% de musulmans). Part ensuite à Paris pour faire ses études supérieures : Ecole préparatoire Louis Le Grand. Il obtient l’Agrégation de grammaire en 1935 : il est le 1er africain a obtenir ce concours de haut niveau. Il est un pur produit de l’école des Blancs. Il devient un des plus grands représentants de l’élite noire africaine. Il devient professeur de lettres en lycée. Parallèlement, il est poète et publie son 1er recueil en 1945 « Chants d’Ombres » (3 p 127) Il devient pendant ses études en France l’ami de Georges Pompidou (futur président entre 1969 et 1974). Se lie d’amitié avec d’autres étudiants noirs vivant en France : Léon Gontran Damas, Aimé Césaire, fondateur de la Négritude. De 1939 à 1942, engagé dans l’armée française contre l’Allemagne nazie, il est fait prisonnier par les Allemands et incarcéré dans un camp de prisonnier. 2- Son rôle dans la vie politique française de 1945 à 1960, avant la décolonisation de l’AOF. - - - - Après la 2ème GM, il rentre au Sénégal et s’engage dans l’action politique : il est élu comme député à l’Assemblée Nationale de la IV° république de 1946 à 1959 avec son ami socialiste Lamine Gueye. Il reste modéré au sujet de la domination coloniale française mais il n’ignore pas les violences de la répression française en 1947 à Madagascar (10 000 morts) ou au Sénégal (massacres de Thiaroye). Sa position politique en tant que leader africain après la Conférence de Bandung (1955) est de réclamer une indépendance par étapes (doc 1 p 128) . Il sert de médiateur dans les négociations d’indépendance de la Tunisie et du Maroc en 1956 En 1948, il fonde son propre parti politique (le BDS : Bloc Démocratique Sénégalais = un parti socialiste africain). En 1956, il exprime son désaccord sur la loi cadre Deferre qui donne un nouveau statut aux colonies françaises (autonomie pour les affaires intérieures et suffrage universel) : il souhaite que le Sénégal devienne autonome mais dans le cadre d’un vaste territoire qui regroupe tous les territoires de l’ancienne AOF c’est à dire Bénin, Sénégal, Soudan, Burkina Faso (La République du mali en souvenir du grand empire du Mali du 13°au 15° siècle) - Le 20 aout, il proclame l’indépendance du Sénégal après l’échec de la fédération d’Afrique de l’ouest et le 5 sept 1960, il est élu 1er président du Sénégal. 3- Le poète de la Négritude - La Négritude est un mouvement d’idées qui valorise la participation de l’Homme noir, de l’Africain, à la civilisation universelle. C’est une réaction identitaire qui s’affirme à travers l’art, la littérature (les poèmes de Senghor) pour condamner le mépris des Occidentaux et leur racisme culturel. Condamne aussi les abus de la colonisation. - LS Senghor a initié ce mouvement dans les années 1930. Il crée avec ses amis antillais Aimé Césaire et Léon Gontran Damas le mot « négritude » qui désigne l’ensemble des valeurs de la civilisation noire et s’oppose à la domination culturelle des Blancs. Ils fondent des maisons d’édition comme « Présence Africaine » (1949) pour faire éditer leurs œuvres. Les jeunes africains se rallient à ce mouvement grâce à des associations (la FEANF : fédération des étudiants d’Afrique noire) - Senghor contribue à ce mouvement de la Négritude parce qu’il est le porte –parole des valeurs défendues à travers ses poèmes en particulier. Il utilise la langue française, celle du colonisateur pour dénoncer les abus et les violences de la colonisation : « Parce que colonisés, nous luttons contre la domination politique mais d’abord contre la domination culturelle » (doc 2 p 126) ou « Mais je déchirerai les rires Banania sur tous les murs de France » (doc 3 p 126) extrait du recueil « Hosties noires » publiée en 1945 qui compare le sacrifice de l’Afrique noire à celui du Christ pour sauver l’Humanité. - Senghor se proclamait « métis culturel » car il mêle dans sa vie et dans son œuvre les influences françaises et africaines : la langue française sert à exprimer les valeurs de la culture noire africaine par exemple. Il se marie avec une française de Normandie. Il défend avec vigueur l’art africain en organisant un festival mondial des Arts nègres en 1966 à Dakar en compagnie d’André Malraux, alors Ministre français de la Culture. 4- Senghor, chantre de la Francophonie. - La francophonie est un projet né dans les années 1960 pour défendre la langue et la culture française menacées par la culture anglo-saxonne. Cela donne naissance à une institution (OIF) qui rassemble en 2006 68 pays du monde entier. Pour Senghor, c’était un projet fraternel entre humains au-delà des relations - de domination liées à la colonisation.. En reconnaissance de ses actions pour la Francophonie, la France l’a distingué comme un homme de lettres important en le faisant membre de l’Académie française en 1983 (c’est un lieu qui symbolise toute la culture française la plus élaborée). De plus, F. Mitterrand le nomme vice-président du Haut conseil pour la francophonie en 1984 et reconnaît ainsi son action volontaire pour promouvoir la culture française dans le monde. B. SENGHOR, LE PERE DE LA NATION SENEGALAISE INDEPENDANTE. 5- Le rôle de Senghor dans l’indépendance du Sénégal - La Loi cadre Deferre (1956) donne un statut d’autonomie aux colonies françaises d’Afrique noire ,pour LS Senghor, cette loi ne donne pas assez d’autonomie aux colonies, il veut aller plus loin : « ce sont des joujoux et des sucettes ». De plus, il craint que la loi provoque l’éclatement politique de l’Afrique de l’Ouest car elle prend pour base politique les provinces de l’AOF (il parle de risque de « balkanisation régionale »). Lui souhaite l’indépendance dans le cadre d’une grande fédération d’Afrique de l’Ouest. 6- Senghor et la naissance de la V° République française - Senghor vote en faveur du changement de Constitution dans le contexte de la guerre d’Algérie en 1958. Il est nommé membre du Comité de rédaction de la nouvelle Constitution (c’est dire son autorité politique en France !). il est donc un acteur essentiel dans la naissance de la V° république (voir thème 1) - La Constitution de la Cinquième République voulue par de Gaulle crée une Communauté Française (à la suite de l’Union Française) dans laquelle le colonies restent liées à la métropole dans certains domaines comme la défense, la monnaie, la Justice mais a plus d’autonomie pour gérer son développement socioéconomique et confirme l’interdiction du travail forcé, du Code de l’Indigénat proclamée dans le discours de Brazzaville par de Gaulle en 1944. - Le 20 juin 1960, l’indépendance est accordée par la France à la fédération du Mali après des années de négociations. Le 20 aout 1960, après l’échec de la fédération du Mali (Keita proclame l’indépendance du Soudan/Mali), Senghor, proclame l’indépendance du Sénégal. Il est élu président le 5 septembre 1960. 7- Senghor, président de la République du Sénégal (1960-1980) - La République sénégalaise a des institutions copiées sur le modèle français de la Cinquième République : le pouvoir présidentiel y est fort face à l’Assemblée Nationale. Le Sénégal se dote d’un drapeau, un des 1ers signes de son indépendance avec le symbole des 3 couleurs (rouge, jaune, vert). - Derrière cette république démocratique, Senghor affirme un pouvoir autoritaire car : il écarte les hommes politiques qui le dérange (comme son 1er Ministre Mamadou Dia arrêté en 1963), il assure sa réélection comme président pendant 20 ans (c’est un pouvoir quasi monarchique sans alternance politique), il dirige seul sans 1er ministre à partir de 1963, il justifie l’existence d’un parti unique (doc 3 p 128 : « le parti unique procède (…) de la libre discussion des partis nationaux… », il affirme un culte de la personnalité car il prétend incarner la Nation (doc 3 p 128 : « le président personnifie la Nation », il fait taire l’opposition politique en distribuant des postes (crée des réseaux de clientèles et de corruption). - Dans les années 1970, Senghor est un président omnipotent comme d’autres présidents africains : Omar Bongo, Bokassa, Mobutu au Zaïre, FH Boigny… - Années 1970 :La société sénégalaise manifeste son mécontentement à ces abus de pouvoir par des manifestations (doc 4 p 129). Certains intellectuels l’accusent même d’être un « petit nazi » ; il sent le vent tourné et en homme intelligent démocratise la vie politique : rétablit le poste de 1er ministre en 1970, le multipartisme en 1976 et quitte de lui-même le pouvoir en 1980. - Le système éco mis en place est un socialisme africain qui repose sur les technologies modernes de l’Occident et les structures communautaires africaines et la planification par l’Etat. 8- Senghor, un mythe franco-sénégalais (doc 5 p 129 à exploiter) - Le nom de Senghor est attaché à des lieux en France (Paris avec l’Académie française ou l’Assemblée nationale : député de 1945 à 1958) et au Sénégal (Joal Fadiouth, son lieu de naissance et Dakar, siège de la présidence sénégalaise) - Il a marqué l’histoire de France comme promoteur et défenseur à l’échelle international du rayonnement culturel français si important encore aujourd’hui dans la puissance française grâce à son combat pour créer un espace de la francophonie : c’est célébré en 2006 voir doc 5 p 127. Il et aussi le symbole des liens entre l’Afrique et la France car il défendu le métissage culturel franco-africain. - Dans l’histoire du Sénégal, il incarne la fierté de tous les Sénégalais et il est le sujet d’un vrai culte encore aujourd’hui car, malgré l’aspect autoritaire de son pouvoir, il a su faire du Sénégal un des Etats les plus stables et les plus développées de l’Afrique noire indépendante. Il a fait connaître l’Afrique au monde entier grâce à sa stature internationale. Enfin, il représente la défense des valeurs culturelles et morales pour tous les Africains à travers le mouvement de la Négritude.