Le progrès scientifique, au service de la Vie ? Les grands enjeux de la bioéthique Le samedi 7 mai 2011 Nous avons commencé par écouter deux témoignages Témoignage d’Elisabeth Martineau, journaliste passionnée par le sujet de la naissance et la petite enfance. Elle a trois enfants. Sa première grossesse en 97 s’est bien déroulée : le dépistage pendant la grossesse n’a rien révélé. Elle n’a pas voulu d’échographie. Alors que tout s’est bien passé, le bébé est décédé à la naissance. Ce fut le début de son questionnement sur la naissance et sur la technicité de la naissance. Il est rare actuellement de laisser le bébé naître à son heure. Elle écrit dans la revue : « l’enfant et la vie » et participe au groupe « la cause des parents » 10 ans après le décès de son enfant un éditeur lui a demandé d’écrire sur le sujet. Elle a rencontré des parents, des professionnels. Les progrès de la science nous amène à être confronté à de nouvelles questions. La science nous permet de savoir beaucoup de choses. On peut se poser la question si elle ne nous met pas dans des situations trop difficiles à assumer (découverte d’un enfant handicapé lors d’examen au cours de la grossesse) L’Interruption Médicale de Grossesse (I.M.E.) peut être indiquée quand la grossesse met en danger la vie de la mère. Quand le bébé n’est pas viable, la mère a le choix de mener ou non la grossesse jusqu’à terme. On culpabilise les familles de mettre au monde un enfant handicapé. On peut se poser la question de l’autonomie des parents pour faire le choix ou non d’une interruption thérapeutique de grossesse ? Il y a le regard négatif de la société sur les enfants différents. Ce regard de la société est soutenu par certains professionnels. Comment changer le regard du handicap pour pouvoir accueillir ces enfants ? Comment présente-t-on ces difficultés graves ? Comment en tant que communauté chrétienne on peut aider des parents à accueillir ? Les examens, la technicité, à quoi ça sert pour l’accueil de l’enfant ? Il y aurait aussi à aborder toute la question des parents qui ne peuvent pas avoir d’enfant et jusqu’où on peut aller. On parle d’utérus artificiel. De nouvelles questions vont se poser. Sur le plan écologique, on a besoin de tous pour un équilibre, une complémentarité. Référence de son livre : « Surmonter la mort de l’enfant attendu » (dialogue autour du deuil périnatal) d’Elisabeth Martineau… Edition : Chronique Sociale Témoignage de Bruno-Marie Duffé Aumônier au centre Léon Bérard depuis 6 ans, pour les personnes en fin de vie à cause d’un cancer y compris pour enfants et jeunes adultes (leucémie, tumeurs…). La question est de savoir ce qu’il convient de faire lors d’une avancée de la maladie pour bien faire. Les soins palliatifs se sont développés aussi en pédiatrie. Comment faire pour bien faire : une question que l’on se pose tous les jours. La connaissance sur les pathologies progresse mais aussi les thérapeutiques. Si on intervient à temps, on peut enrayer la maladie (acte chirurgicale, radiothérapie, chimiothérapie…). Mais parfois à cause de la résistance de notre organisme à certains traitement, le cancer peut se développer très rapidement. A ce moment là se pose la question de savoir : jusqu’où aller dans le traitement ? avec le danger d’épuisement de la personne. Quel type de choix ? Comment on prend la décision ? - est-ce que tout faire, c’est bien faire ? - que chacun puisse exprimer où il en est et voir avec la famille. A un moment on dit : « Voilà les moyens que nous disposons, qu’est-ce que vous en pensez ? » Mais il y a des dilemmes : un malade peut dire « on va arrêter » et la famille « qu’est-ce que vous allez faire ? il faut continuer. » - Respecter la personne tout en respectant ses proches, et rester dans une attitude combative jusqu’au bout pour que la personne soignée n’ait pas l’impression qu’on l’abandonne, c’est un chemin de crêtes ; C’est un cheminement. - On a besoin de parler avec la personne, ses liens, ses convictions, qu’est-ce qui est préférable pour cette personne, pour la famille ? Comment aider l’aidant ? La question éthique c’est la question du respect de la personne à la différence de l’acharnement thérapeutique. La question est de savoir comment échapper à l’acharnement thérapeutique. Dans la proposition de soins palliatifs, on prend en compte la personne dans toutes ses dimensions : corporelle, relationnelle, spirituelle, affective…Pour permettre à la personne de vivre cette fin de vie en étant respecter et en la vivant jusqu’au bout avec la personne qu’elle aime. Question : « Qu’est-ce que tu voudrais qu’on fasse ensemble pendant ce temps ? » Entendre que les gens ont envie de mourir. Il n’y a pas de honte à dire « j’ai envie de mourir » et même entendre parfois « donnez-moi la mort ». L’idée de mourir est passé dans l’opinion : - pour ne plus être à charge de la société, - pour ne pas montrer un corps dégradé à ceux que j’aime, - pour ne pas faire l’expérience terrible de la souffrance. Il faut entendre la demande du malade car derrière cette demande, c’est la demande d’un vivant, de quelqu’un qui a une certaine représentation de la vie. Cette demande est légitime, respectable. Prendre le temps qu’il faut pour entendre leurs demandes. Refuser l’acharnement thérapeutique, soigner la douleur, abandonner les traitements déraisonnables, prendre en compte l’affect, la religion…, parler de sa mort avec celui qui le souhaite au moment où il veut… des bouts de chemin à faire avec quelqu’un qui nous a demandé. La question éthique est une question d’humanité et de solidarité. C’est une expérience de communion. C’est parce qu’on vit cette communion en humanité, qu’on fait un bout de chemin que cela donne beaucoup de sens. C’est un engagement très fort. « J’ai le sentiment qu’il me manque du temps alors que j’ai donné tout le temps que j’avais. » Puis c’est le temps de l’intervention de Bruno-Marie Duffé Qu’est-ce que l’éthique ? C’est un débat autour du sens. L’éthique a différents champs : politique, social, sciences, agriculture, soin, communication, information, éducation… La bio-éthique : c’est la réflexion sur ce qu’il faut faire pour prendre soin de la vie, pour respecter la vie jusqu’au bout. Depuis quelques années, le terme d’éthique a été réhabilité car le besoin de clarifier un certain nombre de choses sur des grands débats de société se fait sentir. Trois questions d’éthique : - Que faire ? - Comment faire ? Avec quels moyens ? Avec quels outils ? - Comment faire pour bien faire ? Nous faisons tous de l’éthique sans le savoir. Il y a un lien entre éthique et conviction. Aujourd’hui la réflexion d’éthique se développe de manière très forte. Cela se développe souvent autour du terme de projet. Quel est le projet que nous avons ? Le projet parental. Comment un couple porte le projet d’avoir un enfant ? Ce sont des questions de sens : Qu’est-ce qui a du sens et qu’est-ce qui n’en a pas ? Gestation pour Autrui (G.P.A.) : des personnes disent que c’est un non-sens, d’autres disent que cela a du sens. Par derrière, il y a toute notre représentation de la vie. Il y a le possible et l’impossible. Les biologistes sont des chercheurs et non des apprentis sorciers. Ils sont beaucoup plus inquiets et porteurs de questions que nous pouvons le croire. Il arrive qu’ils arrêtent leur recherche en se disant : je préfère ne pas aller plus loin. Certains changent de métier. Qu’est-ce que nous voulons faire ? Où voulons-nous aller ? Il y a la question de responsabilité. Qui est responsable ? Qui prend les décisions ? Qui répond de quoi ? Et à qui ? Différence entre éthique et morale : éthique : qu’est-ce qu’on va faire de cela ? morale : différentes positions morales selon la diversité des sensibilités. Nous avons une éducation morale : nous avons appris des valeurs de nos parents, dans lesquelles nous faisons le tri. La morale est du côté des valeurs, des principes et des règles auxquels on tient. On a la morale de son histoire personnelle. Déontologie : dans chaque profession, il y a une sorte de règlement intérieur. Dans le monde de la santé, on ne soigne jamais une personne sans son consentement. (on respecte la personne dans sa conscience). La déontologie se traduit par des protocoles, des procédures. Le manque de temps est un vrai problème d’éthique et de morale dans notre société. Pour faire des économies, on risque de faire des dérapages. En éthique et bioéthique, trois attitudes : - Attitude paternaliste : qui consiste à dire « Je sais ce qui est bon pour vous. » Le père qui porte l’autre. Pendant des années, les études de médecine formaient à cette attitude. - Attitude autonomiste : « Vous savez ce qui est bon pour vous. Qu’est-ce que vous en pensez ? Qu’est-ce qui serait meilleur pour vous ? » On essaye de solliciter de la personne quelque chose de l’expression de sa liberté. - Il faut un peu des deux : attitude dialoguée (d’Edgar Morin) : cherchons ensemble ce qui est préférable. Trois questions permanentes en éthique : trois mots clefs. - La place de la parole dans notre vie. Est-ce qu’on peut se parler ? Parler ce n’est pas toujours parler. Il y a aussi des silences qui parlent. Accompagner : c’est être prêt de la personne, lui tenir la main…parler c’est être là, présent. C’est parce qu’on se parle qu’il peut y avoir un projet. Dans la parole, on peut ressentir l’inquiétude, on peut dire l’espérance. - Le consentement : sentir ensemble. Comment on peut être sûr qu’on est en phase avec la personne qu’on soigne ? L’autre doit pouvoir dire je ne sens plus…je ne comprends pas ce que vous faîtes… - La décision : comment on décide ? On peut décider tout seul : je décide. Souvent renvoyé à un Je plus un Tu. Et parfois : Je-Tu-Nous : Est-ce que nous pouvons voir ensemble comment bien faire ? La bio-éthique : ce mot a été utilisé après la 2nde guerre mondiale. En 1947, le Procès de Nuremberg dénonce les expérimentations pratiquées par des médecins nazistes et insiste sur le fait qu’on ne doit jamais faire cela. Des choses ne sont pas possibles lorsqu’il s’agit du corps et de la vie. Le procès édicte 10 principes majeurs du respect du corps de l’autre. 1949 : code international d’éthique médical (s’efforce de relier déontologie médicale et droits de l’homme). 1970 : la bio-éthique se développe en particulier aux Etats Unis. Ce qui est techniquement possible est-il éthiquement acceptable ? Est-ce que cela a du sens ? La question majeure de la bio-éthique, c’est qu’est-ce que la vie humaine ? A cette question, selon les personnes, vous aurez différentes réponses : - C’est un don de Dieu ; - C’est un processus biologique de développement d’un certain nombre de cellules ; - C’est un ensemble de potentialité ; - c‘est un projet (un enfant : on l’a attendu) ; - c’est une présence (expérience d’une relation, d’une rencontre avec l’autre) ; - ce qui constitue le sujet, une personne. Un des champs où la loi bio-éthique intervient c’est le lieu et l’étude des cellules. Au tout début de la vie, l’élément premier de la vie : c’est la cellule. Au début de la vie, les cellules sont totipotentes (ou omnipotentes), c’est à dire capable de tout produire. Au départ, nous sommes tous porteurs d’une huitaine de cellules ayant une multiplicité de capacité. Dans le temps de la gestation, les cellules se spécialisent, elles vont devenir pluripotentes et fabriquer des tissus. Puis, progressivement, elles deviennent unipotentes et vont donner un seul organe. Ces cellules font chacune leur métier. Elles se spécialisent. Cette découverte est extraordinaire : c’est une révolution de la biologie de faire la distinction des cellules. Depuis deux ans, nous avons découvert qu’en prélevant des cellules du cordon on peut refabriquer des cellules pluripotentes. Mais depuis peu, une nouvelle découverte a permis de voir que nous pouvions fabriquer des cellules pluripotentes à partir des cellules de la peau. Les incidences de ces nouvelles découvertes sont immenses. Est-ce qu’on peut « fabriquer » un enfant en laboratoire pour soigner son frère atteint de maladie ? Techniquement c’est possible mais moralement et éthiquement cela pose quelques questions. C’est le débat du « bébé – médicament ». En France, dans le code civil français, nous avons une loi selon laquelle il y a indisponibilité du corps humain : on ne peut pas utiliser le corps d’un autre. Le corps n’appartient à personne même pas à celui qui l’a. Vous ne pouvez vendre un morceau de votre corps : c’est illégal. La seul exception est l’indemnisation du lait maternel (pour dédommager des précautions à prendre). Le statut de l’embryon Qu’est-ce que c’est une personne humaine ? Débat de droit et d’éthique. Pour les juristes, pour avoir des droits, il faut être né. Qu’est-ce qu’on va transmettre ? Droits des générations futures ou devoirs pour les générations suivantes. Est-ce que ceux qui ne sont pas encore nés ont des droits ? La position de l’Eglise Catholique avec Benoît XVI qui défend la dignité de la personne avec des droits de l’embryon. Deux approches différentes : - Axel Kahn : avant que la personne soit née nous avons à faire à un espoir, des potentialités de personne humaine. La personne humaine, elle sort du ventre de sa mère, elle est nommée. - Xavier Lacroix : quand la vie humaine est commencée, il y a une personne. La loi reconnaît la réalité juridique de l’enfant mort avant d’être né. Il est inscrit sur le livret de famille et est nommé. La position théologique de Bruno : « Est quelqu’un, celui qui est attendu. » (cf dans la Bible, dans Isaïe : est quelqu’un celui qui est attendu, nommé et aimé.) Et pour ceux qui ne sont pas attendus, qui ne sont pas inscrits dans un projet parental, qui n’ont pas de communauté porteuse ? Sur ce point, Bruno défend la thèse d’Axel Kahn : « ceux qui sont dans nos tubes, ils appartiennent à la communauté que nous sommes. Quand je vois nos éprouvettes, je pense qu’il y a là des éléments de nos communautés humaines et je ne fais pas n’importe quoi. » Mais nous, comment regardons nous la vie, nos vies ? notre terre ? ce que nous avons planté ? et en particulier quand il s’agit de l’humain ? La stérilité : Depuis une trentaine d’années, le nombre de personnes, de couple qui vivent l’expérience de la stérilité sont de plus en plus nombreux. Cela peut être lié au rythme de vie, tabac, alcool, fatigue, modes de vie… Des protocoles bio-médicaux appelés fécondation in vitro (en laboratoire) ont été mis en place. On distingue : - FIV homologue : passage en laboratoire avec sperme du conjoint. - FIV hétérologue : quand le sperme provient d’un donneur anonyme. Les parlementaires se sont prononcés pour ou contre la levée de l’anonymat du donneur. Ceux qui disent non souligne le conflit psychique de l’enfant entre deux pères (affectif et génétique). Ceux qui disent oui avance le droit de l’enfant à connaître ses origines. Le progrès jusqu’où ? Cela amène à une réflexion sur : c’est quoi un couple fécond ? C’est quoi la fécondité de la vie ? Exemple de trois couples : - couple ayant renoncé et s’étant engagé dans l’humanitaire ; - couple engagé au niveau social : fait le choix d’une FIV homologue avec PMA (procréation médicalement assisté) : cela les a soudé encore plus ; - couple qui a adopté un embryon (la nature est généreuse et il y a beaucoup d’embryons surnuméraires : surabondance de vie et à la fois fragilité de la vie), cela ne marche pas. Derrière la question du couple, ce que veut dire concevoir et porter un enfant, il y a aussi la question de la filiation… Dans la culture juive et chrétienne, la sexualité est ordonnée à la procréation. La doctrine catholique en la matière dit que le sens de la sexualité, c’est la procréation. Or, actuellement, nous vivons une dissociation forte entre sexualité et procréation. La sexualité est devenue un langage de relation. La procréation est envisagée comme un projet, parfois comme un droit à l’enfant. Droit à l’enfant ou droit de l’enfant ? Sous-jacente à ces questions éthiques : il y a le sens du projet parental. La question des diagnostics Deux types de diagnostics, d’explorations d’examens médicaux qui concernent les femmes. - Le diagnostic pré-natal : qui s’est développé depuis 30 à 40 ans, et qui a une visée de dépistage. Dés qu’on généralise ce type de diagnostic, on peut être soumis à des pratiques eugéniques c’est à dire à la volonté de ne garder dans la communauté humaine que des enfants sans défauts. (eugénisme : bien-nés) Comment cadrer ces diagnostics pré-nataux de façon à ce que certaines informations sous prétexte qu’elles révèlent des petites anomalies ne débouchent pas nécessairement sur une I.V.G. ? Comment entretenir ce discernement ? Est-ce que la généralisation des diagnostics pré-nataux va déboucher sur la disparition des trisomiques ? En sachant que ce n’est pas facile d’avoir un enfant trisomique et que la société ne facilite pas la place des handicapés. C’est le parcours du combattant depuis la petite enfance jusqu’à l’âge adulte. Le développement de la prévention du « risque trisomique », débouche sur la décision des couples de ne pas aller jusqu’au bout. Questions de la souffrance de la famille, question de société, question de solidarité sociale. - Le diagnostic pré-implantatoire : démarche médicale réglementée depuis 1994. Il s’agit d’un prélèvement d’une ou deux cellules (parmi les 8 premières) pendant les premières semaines pour repérer si des anomalies sont fortement probables. Ce repérage d’une éventuelle anomalie se fait lorsque nous avons des signes précurseurs chez l’un des deux parents. Mais en pratiquant ce diagnostic on peut aussi détruire…risque de 20%. Que faut-il faire ? Faut-il arrêter le diagnostic préimplantatoire ? La médecine prédictive : c’est une médecine qui peut prévoir les maladies qu’on peut avoir à partir de l’analyse de la santé de nos ascendants. . Aux Etats Unis, des laboratoires vendent des puces avec les infos. La question est de savoir ce qu’on fait de ce que l’on sait ? et du risque de ce que peut produire la médecine prédictive. Fin de la vie - Progrès des traitements. On peut avoir des cancers chroniques (ce qui n’était pas possible il y a 15 ans) ; - L’esprit de la loi Léonetti met de la raison là où il peut y avoir déraison (obsession du soin, de l’expérimentation de traitement). Tout n’est pas biologique, tout n’est pas thérapeutique, tout n’est pas soin, il y a la question de la relation, du lien à celui qui doit venir ou qui est venu. C’est le lien qui donne sens à notre humanité. Ce qui est important, c’est le lien de l’Homme à l’Homme, c’est le lien des hommes entre eux. Dans une perspective citoyenne et une perspective croyante, il est important de rappeler qu’au commencement, il y a la Parole. Nous sommes des êtres de Parole. Nous, chrétiens, nous avons à mettre de la parole là où il y a de la solitude. Notre approche de la vie est toujours une approche où il y a de l’Amour, une relation de respect et d’Amour. Le décalogue nous invite à prendre soin de la vie. Ces dix paroles commencent par « Tu ne tueras pas », par le respect de la vie. La vie est attendue, elle est donnée, elle est reçue. Nous avons à rester en attitude de service et de vigilance pour déployer les capacités de vie qui sont inscrites en chacun. Chacun a reçu une part de vie même si sa vie est courte. Il est important de ne pas dissocier ce que nous savons, ce que nous décidons, ce que nous légiférons et ce que nous croyons. Laissons le débat ouvert. Puis c’est le temps de l’échange en carrefour et avec Bruno-Marie Duffé 1. Quelles sont vos questions par rapport à ce que nous avons entendu et par rapport à votre propre expérience ? Parler de morale est difficile et peu opportun. On a reçu la morale à l’école, au catéchisme. On a été marqué par les jugements. On sort d’une période où la morale était très importante, parfois assimilé au jugement. Aujourd’hui, nous sommes plus dans une démarche de chercher à comprendre les personnes. Mais devant les questions qui émergent, on a besoin de morale. Il faut repenser l’approche du bien et du mal avec les enfants et les ados et sortir de la relativisation dans laquelle nous sommes. Il faut encourager à dire c’est bien ou mal. On a confondu morale et moralisme. On a culpabilisé en particulier autour des questions de sexualité et de conjugalité. La morale ne fait pas tout. La nécessité d’une autre éducation morale qui est une aspiration à la confiance et non à la culpabilité. Ne pas éviter de parler de la mort. Comment parler de la mort ? On vient d’un temps où on ne parlait pas de la mort. On a confié la mort à l’hôpital. La mort fait partie de la vie. Nous avons à écouter l’aspiration des personnes par rapport à leur propre mort. Fin de vie et euthanasie ? Euthanasie : bonne mort. Deux problèmes : Quel est le sens de cette vie ? Question morale : le suicide est considéré comme un péché contre Dieu et les frères. Question juridique : Donner la mort à quelqu’un est un homicide volontaire. Morale : cela veut dire que cette vie ne vaut plus la peine d’être vécu. Pour une personne « végétative » que vit-on avec elle ? Qu’est-ce qui fait dire que cette vie n’a plus de valeur ? de sens ? Je ne vais pas défendre que la souffrance a du sens. Toute question est complexe. D.M.D. : droit de mourir dans la dignité veulent la dépénalisation de l’euthanasie. Ce n’est pas possible de demander à un soignant de donner la mort. Pour moi, toute vie a un sens. Je respecte que quelqu’un décide de partir même St Paul y a pensé. Réfléchir ce désir de mourir. Parlons-en fraternellement. Devant ce désir de partir, il ne faut pas forcément trouver une réponse. Ne la résolvons pas trop vite. Tous ces dons d’ovocytes, cela risque de poser les questions de consanguinité. Les dons d’ovocytes sont sans risque de consanguinité grâce à la traçabilité. Difficultés dans la procréation. Les FIV sont très vites proposés par les médecins et ne sont pas sans risque pour la maman. Et plus généralement, les « techniciens » proposent rapidement une solution technique. On s’aperçoit des risques plusieurs années après ? La FIV n’est pas sans risque pour la maman. Le progrès n’est pas sans risque. Ce n’est pas parce qu’on a plus de connaissances qu’on a diminué les risques. On peut vivre plus longtemps mais de nouvelles maladies. Est-ce que la multiplicité des examens, des résultats et avis médicaux différents ne rend elle pas plus difficile la décision ? La multiplicité des examens et des avis médicaux rend plus difficile la prise de décision. Permettre que la parole circule, que la souffrance des soignants puissent se dire. Se réunir et se parler pour dégager une position majoritaire sans que les minoritaires se sentent exclus. Est-ce qu’il faut dire aux enfants qu’ils sont nés de don de gamète anonyme et comment préparer les parents à le faire ? La loi a confirmé l’anonymat des donneurs. Les parents rendent compte de l’itinéraire de leur enfant quand son âge le permet. Y a-t-il des recherches sur les cause des cancers ? Qu’est-ce que l’Eglise nous dit ? L’importance de l’environnement. Développement des cancers liés à l’exercice de certaines professions, à la chimie, aux produits de traitement, au tabac, à l’alcool, le déséquilibre alimentaire…Des cancers qui restent inexpliqués. Recherches fortes et conjuguées. L’Eglise en dit rien. La cancérologie est traversée par les questions économiques. Il faut avoir de bonnes mutuelles. La question des molécules onéreuses : faut-il continuer ? L’équité des soins. Prendre soin : il faut avoir du temps. On est obsédé par la logique comptable. (la tarification des actes… : pour pouvoir rentabiliser, il faut faire des actes !) La santé a t-elle un prix ? Elle n’a pas de prix mais elle a un coût. Les collectivités publiques n’ont jamais mis autant d’argent dans la santé. En faire plus ? réorienter les investissements ? Le droit à être bien soigné passe par un coût. La solidarité : tout le monde paie le coût. Jusqu’où faut-il respecter la volonté du malade ? Si le malade n’est pas lucide, il peut faire des demandes décalées ? Comment rester soi-même face au malade ? Jusqu’où faut-il respecter le malade ? jusqu’au bout… Il faut faire avec des demandes décalées.. prendre en compte ses convictions. Faire ce que l’on peut, au moment où on est. Parfois, on ne peut pas tout faire. 2. A partir d’exemples vécus, qu’est-ce qui vous inquiète ? Qu’est-ce qui vous rassure ? Ce qui inquiète : Société : dure pour les jeunes, les vieux. Manque de solidarité, beaucoup d’individualisme. Société financière qui ne réfléchit plus. Quelle priorité pour notre société ? Le manque de personnes pour accompagner ; Comment accompagner les couples qui sont + ou – stériles ? Comment accompagner spirituellement les malades à domicile? L’aménagement régional des soins médicaux (problèmes d’accès…) Manque de moyens dans les hôpitaux. Les dépassements d’honoraires. On parle de médecine à « deux vitesses », peut-on dire donc de soins à deux vitesses, selon le type d’établissement. La prise en compte du handicap ; Le diagnostic pré implantatoire et le risque d’eugénisme. L’incidence de la congélation d’un embryon sur son développement ultérieur a t-elle été étudiée ? On propose systématiquement l’amniocentèse même aux jeunes femmes. Multiplicité des examens et renouvellement d’examens. Toutes ces découvertes laissent-elles le temps à la Parole. Certains peuvent s’en servir comme d’une « manne » avant la Loi. Le progrès va tellement vite. On n’a pas le temps de réfléchir. On parle même de pouvoir arrêter un jour le processus du vieillissement. Le progrès : une question de bien-être ou d’argent ? On n’imagine plus qu’un enfant puisse mourir avant sa naissance. On veut tout connaître et se protéger de tout. Les questions de notre irrationalité (parents qui porte plainte contre le médecin qui n’avait pas annoncé la maladie.) Le poids du juridique vis à vis du médical ? Il y a plus d’angoisse parce qu’il faut prendre des décisions. Ne sommes nous pas appelé à découvrir nos limites ? Est-ce que ce que nous découvrons nous rend plus heureux ? Ce qui rassure : Voir que les biologistes sont sérieux et se posent des questions. Les chercheurs ne font pas n’importe quoi. Les évêques ont produit des écrits sur l’éthique dont les députés se sont servis. Moins d’acharnement thérapeutique actuellement. Commencé une démarche pour une FIV. Cela rassure le couple qui sent une porte ouverte. On n’est pas que biologique et l’on prend en compte dans les soins, la personne humaine. L’accompagnement autour des interruptions de grossesse est bien meilleur aujourd’hui (les parents sont entourés par une équipe dans leurs choix). Certaines maladies graves peuvent être dépistées rapidement. Le fait que des personnes comme Bruno réfléchissent à ces questions importantes et provoquent de la réflexion. Il y a beaucoup de préparation et d’accompagnement autour de la parentalité. Des morales différentes peuvent se côtoyer. 3. Qu’est-ce qui est porteur d’espérance pour aujourd’hui ? Cette recherche qui avance est porteuse d’espérance (mais attention à ce qu’on en fait). Une journée comme aujourd’hui est porteuse d’espérance. De plus en plus de personnes se posent des questions et s’intéressent à la bioéthique (professionnels, citoyens, associations) et prennent part au débat. Même si ce n’est pas toujours facile de permettre à chacun de s’exprimer, c’est le prix de la qualité de la réflexion. Dire sa part de vérité pour qu’une vérité commune puisse émerger. La pression des associations de patients en conjonction, parfois, avec des chercheurs. Le progrès technique n’est pas laissé (et décidé par) aux seul techniciens. Il y a plus d’écoute au sein du monde médical mais tout le monde médical a-t-il évolué ? Les techniciens sont heureux d’entendre que des citoyens s’expriment. Il est important de ne pas être isolé dans sa discipline. Quand on est passionné de quelque chose, il est passionnant d’en parler. L’accès aux renseignements n’est pas toujours facile. Un grand défi est à relever : que les soignants apprennent à communiquer. Beaucoup de jeunes médecins sont des demandeurs d’apprentissage de la communication. La manière dont on a conçu les études médicales reste dominée par l’enquête scientifique et du coup une certaine méfiance du patient. L’importance de passer de la méfiance à la confiance pour que le patient soit acteur de son soin. Equipes de soins palliatifs qui se posent des questions sur « comment faire bien » ? Les soignants demandent de plus en plus de formation autour de la considération de la dimension spirituelle de la personne. Les nouveaux médecins prennent le temps d’écouter les patients. Leurs formations ont évolué. En tant que patient, on a l’impression que notre parole est plus entendue. Tout ce qui évolue par rapport à la maladie, que le malade soit remis au centre, qu’il ait son mot à dire, que le mot cancer cesse d’être tabou. Que le mot mort soit moins occulté. Expérience du sacrement des malades qui occasionne un échange hors du commun. Ayant eu un traitement de chimio et de rayons, la personne a apprécié la recherche médicale qui est un moyen de se faire soigner, manque néanmoins de dimensions spirituelles. Pendant le temps d’attente peut subvenir des échanges profonds entre malades. Dans l’Eglise, nous avons la chance d’avoir un trésor à proposer : les sacrements de la guérison : le pardon ou réconciliation : l’unité avec soi-même et avec les autres ; la communion : le pain partagé signe de la fraternité ; l’onction « massage spirituel ». Nous avons à valoriser ces propositions à faire au nom de l’Eglise et au nom du Christ. La dimension spirituelle est plus large que la dimension sacramentelle. La dimension spirituelle, c’est ce qui fait que la personne respire, le souffle de la personne, la vie intérieure. La dimension religieuse est plutôt l’acte communautaire. Les deux sont liés. Le sacrement donne souffle à la personne. Bioéthique. Quelques réflexions avancée sur la « VIE » VERBE/AMOUR Quelques jeunes en groupe réfléchissent. Des jeunes s’engagent dans l’humanitaire. La réflexion sur la fécondité de la vie est quelque chose qui ne fait que commencer. Qu’estce qui fait que cette vie que nous vivons ensemble peut porter une qualité de vie ? Les champs de l’éthique ne sont pas hermétiques les uns aux autres. La qualité de la vie, c’est aussi la bioéthique. La bioéthique, c’est aussi la qualité de la vie. La loi Bachelot s’appelle : H.P.S.T. : Hôpital, Patient, Santé, Territoire. La santé, c’est soigner, c’est éduquer, c’est aussi être ensemble. Comment on peut développer la santé et la solidarité ? Que toute personne, quelque soit ses revenus, puissent se soigner ? Comment faire pour que la santé soit aussi un lien ? On sait que si le patient à une personne à proximité, il va mieux. Propos recueillis par Christiane Reulier