Sommes-nous malades d`être femmes

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Notes de présentation - Sommes-nous malades d’être femmes ?
Octobre 2006
J’ai bien peur que oui. En fait, tout porte à croire que les femmes sont malades
puisqu’elles sont les principales consommatrices de médicaments.1 Elles sont aussi
les principales utilisatrices du système de santé.
Cette différence serait surtout due à la prestation de services en lien avec la
procréation et la sexualité.2 En fait, de la puberté à la ménopause, la santé des
femmes est médicalisée et en matière de santé sexuelle et reproductive, les exemples
abondent.
Commençons avec la puberté, avec l’arrivée des premières règles et le besoin de
recourir, pour celles qui sont actives sexuellement, à la contraception. Quelles sont
donc nos options ?
Il y a différentes sortes de méthodes contraceptives. La plus connue étant
évidemment la pilule contraceptive. Certes, la pilule a permis aux femmes de contrôler
davantage leur fertilité et de se libérer de la peur d’avoir une grossesse non désirée…
mais elle est a aussi été notre porte d’entrée dans l’univers des hormones…
En fait, les principales méthodes utilisées par les femmes sont les contraceptifs oraux.
Environ 100 millions de femmes à travers le monde utilisent la pilule contraceptive; elle
Les médicaments prennent-ils notre santé à cœur. DES Action Canada, 2003.
La réforme des soins primaires et les femmes. Comité coordonnateur des femmes et la réforme en santé. Réseau
canadien pour la santé; 2005
1
2
1
est l'un des médicaments les plus fréquemment prescrits.3 Utilisée depuis les années
1960, on oublie parfois que ces composés d’œstrogène et de progestatif synthétiques
ne sont pas sans dans dangers pour la santé :
 thrombo-embolies (3 à 4 fois plus élevé que chez les non-utilisatrices) ;
 maladies cardiovasculaires (infarctus) ;
 accidents vasculaires cérébraux ;
 maladies de la vésicule et du foie ;
 risque de cancer du sein (toujours controversé, mais étude en 1996 aurait
indiqué une hausse légère, mais significative chez les utilisatrices) ;
 etc.
Les femmes nous disent souvent que les médecins banalisent aussi les effets
secondaires de la pilule, tels que les maux de tête et la baisse de la libido. Même que
maintenant, le milieu médical parle des avantages pour la santé que comportent les
contraceptifs : par exemple, le Consensus canadien pour la contraception qui regroupe
un panel d’experts parle par exemple des autres avantages importants de la pilule
contraceptive tels que « la baisse des risques de cancers de l’ovaire et de
l’endomètre, la diminution de la dysménorrhée (règles douloureuses) et de la
ménorragie (règles abondantes), ainsi que la baisse du risque de kystes ovariens
fonctionnels. Les risques associés aux cancers héréditaires connaissent également une
baisse. Plus la durée d’utilisation se prolonge, plus les risques sont à la baisse. Il est
également possible que l’utilisation de CO entraîne une baisse du risque de cancer
colorectal. Chouette, risque accru de crise cardiaque, mais pas de cancer de
l’endomètre, alors que les maladies de l'appareil circulatoire demeurent la principale
cause de décès chez les femmes comme chez les hommes.4
3
4
Masexualité.ca. SOGC
Le portrait de santé. Institut national de santé publique du Québec, 2001
2
On y dit aussi que le recours aux contraceptifs oraux de faible dose n’est plus contreindiqué pour les non-fumeuses de 35 ans et plus et que les avantages n’étant pas liés
à la contraception peuvent « s’avérer particulièrement utiles pour les femmes de ce
groupe d’âge :: contraception efficace, contre l’irrégularité du cycle menstruel,
entraîne une diminution des saignements et soulage les symptômes
ménopausiques.» Je reviendrai plus tard sur la question de la ménopause.
En fait, on observe de plus en plus que le marketing lié aux contraceptifs oraux vise
autre chose que son principal objectif : la contraception. Les dépliants promotionnels,
remplis d’images de jeunes femmes à la mode, visent clairement à attirer les jeunes
filles. Ainsi, on parle de la pilule qui réduit l’acné (attention de ne pas confondre avec
Diane 35), ou encore de la pilule qui fait maigrir. L’arrivée de la nouvelle pilule
Yasmin a fait les manchettes du bulletin de nouvelles télévisées où on voyait des
médecins parler d’un nouveau contraceptif « révolutionnaire » qui réduit les effets
secondaires tels que les ballonnements et la prise de poids. En fait, cette nouvelle
pilule contient un nouveau progestatif, le drospirénone, qui aurait un effet diurétique, ce
qui réduit la rétention d’eau, d’où l’apparence de perte de poids. Mais nous ne
connaissons pas les effets à long terme de cette nouvelle progestérone ni de son effet
diurétique quotidien à long terme.
En fait, une véritable révolution en matière de contraception serait de voir l’arrivée
d’une méthode efficace, abordable, réversible et surtout, sans effet nocif pour la santé
des femmes.
Or, tous les nouveaux contraceptifs qui arrivent sur le marché depuis 10 ans sont tous
des méthodes hormonales, très efficaces, mais qui comportent aussi des risques pour
3
la santé. Ainsi, en 1997, est arrivé le Depo-Provera, un contraceptif donné en injection
à chaque trois mois. Le Depo-Provera est tout de suite devenu très populaire auprès
du milieu médical inquiet des oublis fréquents de pilule chez les jeunes femmes. Or,
beaucoup de groupes de femmes, dont la FQPN, s’étaient opposés à l’approbation de
ce médicament (conçu à l’origine pour combattre certaines formes de cancer) pour
comme contraceptif en raison des effets secondaires importants qu’il peut
occasionner… et que la femme ne peut pas arrêter ces effets et doit attendre que
l’hormone disparaisse de son système, et en raison d’études qui parlaient de risques
possibles sur le développement de la masse de densité osseuse. En fait, le DepoProvera provoque une diminution de la masse de densité osseuse, ce qui peut
fragiliser les os, augmente le risque de fractures et de développement de l’ostéoporose.
Mais le milieu médical disait que cette diminution était entièrement réversible une fois
l’arrêt d’utilisation.
Pourtant, en 2004, la compagnie Pfizer, la FDA et Santé Canada ont émis un
avertissement à savoir que le Depo-Provera cause une perte importante de la masse
de densité osseuse, que cette perte accroît avec le temps d’utilisation et qu’elle pourrait
ne pas être réversible. La compagnie suggère maintenant que ce contraceptif doit être
utilisé quand toute autre forme de contraception n’est pas possible et pour une période
de temps très limité.
En 2004, c’est l’arrivée du timbre contraceptif. Selon un article du Toronto Star, les
ventes ont graduellement augmenté depuis sa mise en marché pour atteindre environ
25 000 prescriptions par mois au pays. Le timbre contient les mêmes hormones que les
contraceptifs oraux. C’est principalement sont mode de diffusion, via la peau, qui le
différencie… et aussi sa nouveauté… La plupart des effets à long terme sur la santé
sont présumés être les mêmes que les effets des contraceptifs oraux.
4
Mais en novembre 2005, la FDA émet un avertissement à l’effet que le timbre expose
les femmes à des taux plus élevés d’œstrogènes que la plupart des contraceptifs
oraux. En fait, le timbre expose les femmes à 60 % d’œstrogènes de plus que les
contraceptifs oraux contenant 35 microgrammes d’oestrogènes, ce qui augmente
considérablement les risques de formation de caillots sanguins et d’accidents
cardiovasculaires. L’avertissement de la FDA fait suite à des rapports selon lesquels
le taux de mortalité et de formation de caillots sanguins chez les femmes qui utilisent le
timbre serait trois fois plus élevé que pour les utilisatrices de contraceptifs oraux.
Selon CNN online, une douzaine de femmes aux États-Unis seulement seraient
décédées, depuis 2004, à cause de caillots sanguins associés à l’utilisation du timbre.
Une douzaine d’autres ont survécu à des accidents cérébrovasculaires sérieux et des
poursuites contre la compagnie seraient en cours.
À Santé Canada, on nous a dit que le timbre canadien ne contient pas les mêmes
niveaux d’hormones que le timbre américain. Ce sont pourtant les mêmes études,
effectuées par la compagnie pharmaceutique Ortho McNeil Pharmaceuticals, qui ont été
utilisées ici pour appuyer l’approbation de ce contraceptif.
Le cas du Depo-Provera et du timbre contraceptif démontre bien les lacunes du
système d’approbation des médicaments au Canada, un système qui devrait
protéger la santé de la population, incluant les femmes. Ces exemples démontrent bien
aussi comment les femmes sont sujettes à des expérimentations sans le savoir et
sans avoir donné leur consentement. De la première pilule qui contenait des doses
excessives et inutiles d’hormones, beaucoup de femmes paient les frais de cette
expérimentation médicale de leur santé. Et le plus choquant dans tout ça, c’est que les
femmes qui ont besoin de contraception ne sont pas malades, elles ne prennent pas
5
ces médicaments pour traiter une maladie, mais tout simplement pour pallier au fait
qu’elles sont fertiles environ 3 jours par mois.
Mais ce n’est pas tout… la pilule comporte aussi un autre avantage… car prise de
façon continue, elle peut même éliminer les menstruations… Ainsi, la Seasonale,
une pilule conçue expressément pour n’avoir que quatre menstruations par année, soit
une à chaque saison, a été approuvée aux États-Unis en octobre 2003, et la pilule
Anya, produite par Wyeth, qui se prendrait 365 jours par année, serait présentement
étudiée pour approbation au Canada. Et selon un communiqué de la SOGC, la
demande serait très élevée « s’il faut en croire les quelques études de marché
effectuées.5 » N’est-il pas intéressant de savoir que les médicaments font l’objet
d’études de marché…
Mais pas vraiment besoin d’attendre la mise en marché d’une pilule conçue pour
ce faire. En fait, pas plus tard que la semaine dernière, j’entendais une femme à la
pharmacie devant moi dire qu’il lui manquait des plaquettes de pilules puisqu’elle la
prenait en continu. Un ami pharmacien me disait aussi voir de plus en plus de
prescriptions de contraceptifs oraux avec l’indication d’être prise en continu.
L’utilisation de la pilule en continu est donc une pratique qui existe déjà. À l’origine,
cette pratique était suggérée aux femmes souffrant de problèmes de santé liés au
système reproducteur et pour lesquels la suppression des menstruations constitue un
traitement approprié, comme l’endométriose par exemple. Or, ces femmes constituent
une minorité, avec une histoire médicale particulière. Mais ce que l’on propose
maintenant, c’est de supprimer les menstruations pour des femmes en santé, sans
5
http://www.sexualityandu.ca/salle-des-medias/nouvelles-03.aspx
6
qu’aucune raison ou condition médicale particulière ne le justifie. Voilà qui nous semble
particulièrement préoccupant.
On a commencé à parler de suppression des menstruations au début des années 2000,
avec la parution du livre Is Menstruation Obsolete ? (les menstruations sont-elles
dépassées) d’Elsimar Coutinho, un médecin brésilien, professeur en gynécologie,
obstétrique et reproduction humaine au Brésil et qui publie des articles scientifiques sur
la santé reproductive depuis plus de 30 ans. Dans son livre, le docteur Coutinho affirme
que les menstruations sont un phénomène malsain et inutile, responsable
d’innombrables problèmes de santé et de troubles émotionnels. Il suggère que le
« traitement » le plus avancé qui puisse être sur le plan médical en ce qui touche aux
menstruations serait tout bonnement leur suppression définitive chez les femmes de
tous âges.
Selon la définition qu'en donne Elsimar Coutinho, les menstruations sont purement le
signe d'une défaillance puisque le déclenchement des menstruations « signifie que la
fonction [reproductive] a échoué. » Selon lui, les menstruations régulières ne sont pas
naturelles. En fait, ce phénomène était inhabituel chez les jeunes femmes d’autrefois
puisque « les grossesses et les périodes d'allaitement se succédaient presque
continuellement » (p. 4). Seule la femme moderne ferait l'expérience des menstruations
comme un événement survenant tous les mois.
Pour Elsimar Coutinho, les menstruations ont pour but d'assurer la fécondité de
l'espèce humaine, mais puisqu’il n'est plus nécessaire de produire une descendance
aussi nombreuse que par le passé, on peut désormais avancer que cette fonction est
« dépassée ». Si la femme n'a plus à porter les dix ou douze enfants qu'elle concevait
autrefois, on peut considérer les menstruations comme un gaspillage de ses
7
ressources. Les règles minent ses énergies, réduisent son taux de fer et causent un
éventail de problèmes de santé mineurs (maux de tête, nausées, crampes et
changements d’humeurs) et majeurs (pour celles qui souffrent de maux chroniques
comme l'endométriose). La menstruation régulière, conclut-il, est une fonction évolutive
héritée de nos ancêtres et obsolète; elle devrait être supprimée chez toutes les femmes
en âge de se reproduire.
En fait, le milieu médical a emboîté le pas et on entend de plus en plus le genre
d’arguments suivants sur les menstruations :
 la menstruation régulière est une aberration récente : l’espérance de vie est
plus longue, la puberté commence plus tôt et les femmes ont en moyenne 1,3
enfant.
 on compare les femmes d’aujourd’hui, qui ont environ 450 menstruations dans
leur vie avec celles des populations chasseurs-cueilleurs qui en avaient à peu
près 160 parce que les enfants et l’allaitement se succédaient.
 aucune preuve scientifique ne confirme que le cycle menstruel régulier est
nécessaire à la santé des femmes.
 le cycle ovulatoire répétitif est associé à des troubles fonctionnels tels la
dysménorrhée (menstruation difficile et douloureuse), le syndrome prémenstruel,
les ménorragies (écoulement menstruel anormalement abondant ou prolongé),
une plus grande incidence de l’endométriose (présence de tissu endométrial en
dehors de l'utérus), des myomes utérins (tumeur bénigne dans l’utérus), de
l’anémie, des cancers de l’ovaire et de l’endomètre.
 lu dans le Consensus canadien sur la contraception : « L’aménorrhée associée
au Depo-Provera constitue un avantage pour les femmes qui préfèrent ne pas
8
avoir de règles, et ce, en raison des symptômes qui sont associés à celles-ci, du
risque d’anémie ou de préoccupations hygiéniques » 6
Le discours économique
 les femmes sont moins productives au travail pendant leurs menstruations.
Selon une étude réalisée par Texas Instrument, la productivité des femmes
diminue de 25% lors de leurs menstruations.
 il y a plus d’absentéisme des filles à l’école pendant leurs menstruations.
 la pilule en continu est donc un moyen d’accroître la productivité des femmes et
de réduire leur taux d’absentéisme.
L’information véhiculée aux femmes
 il n’est pas naturel d’être menstruée tous les mois.
 médias: les menstruations doivent être cachées, à la limite, niées, elles nous
empêchent de faire ce que l’on veut.
 « Êtes-vous prêtes pour moins de périodes et plus de possibilités » site Web du
Seasonale.
 sans menstruations, on améliore notre qualité de vie (voyage, compétition, lune
de miel, productivité au travail, réduction du syndrome prémenstruel).
 les menstruations sont devenues un facteur de risque pour différents problèmes
de santé.
 les principaux effets secondaires sont les mêmes que pour la prise de pilule en
mode séquentiel (21/7)
 on connaît la pilule, on connaît donc les risques si elle est prise en continu
 il n’y aurait pas de risque pour la santé des femmes.
6
Consensus canadien sur la contraception – Mise à jour sur l’AMPR, No 174, avril 2006
9
Mais dans les faits, personne ne peut affirmer une telle chose. Il n’existe actuellement
aucune étude qui garantisse que la suppression des menstruations n’a pas d’effet à
long terme sur la santé des femmes. Selon la Cochrane Library, qui fait la revue
d’études existantes sur différentes questions de santé, il n’existerait que six études sur
la pilule prise en continu, et ces études portent sur l’efficacité de la pilule, sur le taux de
compliance et la satisfaction des femmes, et non sur les effets à long terme sur la
santé.7 D’autant plus qu’une petite variation dans le dosage des hormones
synthétiques peut avoir un impact important. Le fait d’ajouter une semaine de prise
d’hormones chaque mois, ce qui représente annuellement 84 pilules supplémentaires,
peut faire une grande différence. Selon le docteur Gerson Weiss, directeur du
département d’obstétrique et de gynécologie de l’école de médecine du New Jersey, les
effets secondaires et les risques augmentent au fur et à mesure que le nombre de
pilules actives augmente chaque année.8
La méconnaissance des impacts à long terme sur la santé des femmes de l’absence
des menstruations est préoccupante. Plusieurs médecins et spécialistes affirment qu’il y
a encore trop d’inconnus pour être en mesure de bien comprendre l’impact réel
que la suppression des menstruations aurait sur le corps et la santé des femmes.9 Il
faut qu’il y ait davantage de recherches. En fait, selon Susan Rako, auteure de No
more periods ? « la manipulation chimique des hormones sexuelles chez les femmes
dans le but de supprimer les menstruations constitue la plus grande expérimentation
non contrôlée de l’histoire de la science médicale ».10
7
http://www.update-software.com/Abstracts/ab004695.htm
Susan Rako, No more periods. The risks of menstrual suppression and other cutting-edge issues about hormones and women’s health,
p. 120.
9 The Society for Menstrual Cycle Research, basée aux États-Unis réunit des médecins, gynécologues et universitaires intéressés à
approfondir les connaissances sur le cycle menstruel.
10 Susan Rako, No more periods. The risks of menstrual suppression and other cutting-edge issues about hormones and women’s
health, p. 13.
8
10
On se doit également de mieux connaître les bienfaits des menstruations. Il y a lieu
de se demander jusqu’à quel point nous comprenons le rôle du cycle menstruel et des
hormones sexuelles, particulièrement l’œstrogène, la progestérone et la testostérone,
sur les différents systèmes du corps.
Selon quelques chercheures, le cycle menstruel naturel joue un rôle dans la protection
des maladies cardiaques des femmes en âge de reproduction parce qu’il a l’effet de
réduire efficacement la pression sanguine. Aussi, une diminution périodique des
réserves de fer (lors des menstruations) réduirait les risques de crises cardiaques et
d’accidents vasculaires cérébraux. En effet, des niveaux trop élevés de réserve de fer
augmentent le risque de maladies du cœur (Dr. Susan Rako).
Le sang menstruel diffère du sang ordinaire dans sa composition. Il contient des
cellules immunitaires capables de lutter contre les pathogènes présents dans la cavité
utérine. Les menstruations pourraient donc servir à protéger l’utérus et les trompes de
Fallope de la colonisation par les pathogènes propagés par le sperme (Margie Profet).
Les menstruations ne sont pas la cause d’anémie chez des femmes. Un bol de
céréales à grain entier suffit à combler l’apport quotidien recommandé de fer. Des
carences en fer seraient plutôt causées par une mauvaise alimentation (Dr Susan
Rako).
Une augmentation de l’œstrogène avec la pilule entraîne une diminution de la
testostérone qui circule librement dans les tissus humains. Une diminution de la
testostérone entraîne une importante baisse de libido, de sensibilité et de plaisir
sexuel.
11
En fait, la sécrétion cyclique d’œstrogène, de progestérone et de testostérone joue
un rôle significatif dans le maintien d’une cascade d’événements physiologiques qui
influent la santé des os, l’intérêt et la réponse sexuelle, les fonctions
cardiovasculaires ainsi que les cycles du sommeil. Plusieurs s’entendent aussi
pour dire que les fluctuations hormonales auraient une énorme incidence sur les
diverses fonctions du corps. Or, contrairement à la pilule conventionnelle qui permet
tout de même un arrêt dans la prise d’hormones (arrêt qui provoque les saignements),
la prise de pilule en continu de permet plus aucune fluctuation hormonale. Nous ne
possédons toutefois pas suffisamment d’informations à ce sujet pour l’affirmer, mais il
serait très pertinent que cette question soit approfondie davantage.
Il serait aussi tout à fait pertinent de tenter d’intervenir en amont et de chercher à
comprendre les causes externes pouvant avoir une incidence sur les symptômes liés
aux menstruations tels que la dysménorrhée, l’anémie ou encore le syndrome
prémenstruel. Il y a lieu de regarder comment le stress et notre mode de vie en
général, l’alimentation ou la pollution affectent notre système reproducteur et
endocrinien.
De plus, on oublie que de nombreuses femmes souhaitent être menstruées. Cela
représente d’abord la garantie qu’elles ne sont pas enceintes, l’expression de leur
féminité et pour plusieurs, il s’agit aussi d’un gage de bonne santé. «Le cycle menstruel
est un mécanisme hautement complexe et délicat, et est aussi un indicateur vital de
l'état de santé général de la femme, affirmait l'année dernière au magazine Macleans, la
Dre Jerilynn Prior, directrice du Centre for Menstrual Cycle and Ovulation Research à
l'Université de Colombie-Britannique. Je trouve affreuse l'idée de dérégler ce système
de façon permanente.»
12
Mais ce genre de discours ne fait pas les manchettes. Les menstruations ont surtout
mauvaise presse. Or, une attitude négative envers les menstruations aurait une
incidence plus importante que l’on croît sur les symptômes liés aux menstruations et
serait un incitatif important de l’intérêt suscité envers leur suppression.
Et les compagnies pharmaceutiques sont le savent et en profitent. D’ailleurs, nous
nous questionnons à savoir quels sont les intérêts les mieux servis avec la mise en
marché possible de la pilule en continu : la santé des femmes ou le porte-monnaie des
compagnies pharmaceutiques? Pour l'exercice financier se terminant le 30 juin 2005,
soit moins de deux ans après la mise en marché, Barr Laboratories a enregistré des
ventes records de 87 millions de dollars pour SeasonaleMD, Avec la mise en marché de
la Seasonale, Barr, qui était le troisième plus grand fabricant de contraceptifs oraux aux
États-Unis, avait pour objectif de devenir la première compagnie en un an.
Enfin, les conclusions de la Society for Menstrual Cycle Research 11 sur la question de
la suppression des menstruations sont assez claires :
 Davantage de recherches sont nécessaires sur le sujet avant que les femmes
puissent faire un choix éclairé en la matière. Il est essentiel que les
professionnels de la santé et les femmes connaissent les conséquences
possibles sur la santé que peut avoir la suppression des menstruations;
 Même si nous reconnaissons que la suppression des menstruations peut être
utile pour des femmes souffrant de troubles sévères liés aux menstruations,
par exemple l’endométriose, nous ne croyons pas que la pilule contraceptive en
continu devrait être prescrite aux femmes qui ont un cycle menstruel sain.
11
Voir note 6.
13
Tel que déjà mentionné, la suppression des menstruations serait aussi un avantage afin
de réduire le symptôme prémenstruel. Or, dès les années 50, on définit le SPM
comme étant le « retour cyclique de changements physiques, biologiques et
comportementaux pénibles et assez sévères pour entraîner une détérioration des
relations interpersonnelles. » Mais dans les faits, seulement 3 % des femmes seraient
incommodées au point de ne plus être capables de fonctionner normalement. Pourtant,
le terme est passé dans le langage courant et quelle femme ne s’est jamais fait dire
qu’elle doit être dans son SPM lorsqu’elle est impatiente, fâchée ou déprimée ??
Depuis 1993, le SPM est devenu une nouvelle maladie qui figure dans un ouvrage de
référence en psychiatrie. Son nouveau nom : le syndrome ou désordre dysphorique
pré-menstruel (le SDPM). En effet, les compagnies pharmaceutiques ont tout intérêt à
ce que des chercheurs identifient de nouvelles maladies. Lorsque les compagnies
pharmaceutiques mettent au point un nouveau médicament, elles y apposent un brevet
et garde donc le monopole sur ce produit pendant une vingtaine d’années. Quand le
brevet tire à sa fin, il est possible pour les compagnies de le renouveler en trouvant une
nouvelle utilité ou une nouvelle fonction. C’est exactement ce que la compagnie Éli
Lillly a fait avec le Prozac, qui, une fois son brevet arrivé à échéance, a été recoloré en
rose, renommé Serafem et recommercialisé pour « traiter » le SDPM. Ainsi, on suggère
aux femmes des antidépresseurs afin de les soulager de symptômes qui n’ont pas de
diagnostic précis et qui sont tellement controversés que certains chercheurs estiment
qu’ils n’existent pas12… De plus en proposant une solution pharmacologique à ces
femmes, on ne tient pas compte des facteurs personnels, familiaux, psychologiques
ou sociaux qui peuvent en être à la source.
Pour vendre des médicaments, inventons des maladies. Ray Moynihan et Alan Cassels, Le monde diplomatique, mai
2006
12
14
En fait, le SDPM est une belle illustration de la nouvelle stratégie des compagnies
pharmaceutiques qui ciblent dorénavant les biens portants. Ainsi, les hauts et les bas
de la vie de tous les jours sont devenus des troubles mentaux, des problèmes mineurs
sont dépeints en affection grave, tels que la timidité qui est devenue un « trouble
d’anxiété sociale ».
Et parfois, c’est un nouveau dysfonctionnement qui est créé à partir de rien, tel que la
dysfonction érectile ou la dysfonction sexuelle féminine (DSF), laquelle est
caractérisée par une baisse du désir, une baisse de l’excitation, des douleurs lors de la
pénétration ou des difficultés à atteindre l’orgasme. Alors qu’en 1994, une étude
concluait que peu d’hommes et de femmes rapportaient des problèmes reliés à leur
sexualité, le portrait était tout autre en 1998. Une étude commandée par Pfizer affirmait
quant à elle que 43 % des 3 125 femmes interviewées vivaient une sexualité
« insuffisante ».
Selon une sexologue américaine qui a étudié 2 632 Américaines, la plupart des femmes
rapportant une baisse de désir sexuel reliaient ce problème :
 aux tensions dans leur couple
 au stress dû à la surcharge de travail
 et au manque de temps libre.
D’autres études féministes associaient le manque de désir plutôt à l’absence d’estime
de soi, au manque d’éducation sexuelle et de connaissance de son corps, ou encore
à des expériences d’abus ou de violence sexuelle.
Mais ce type d’analyse fait appel à un travail d’introspection et à des réformes sociales
qui ne permettent pas de vendre quoi que ce soit. Plutôt, on travaille au développement
15
de timbre de testostérone pour les femmes ou d’un vaporisateur nasal à base
d’apomorphine, un dérivé de la morphine.
Tout le monde connaît aussi le Viagra, mais on connaît moins bien ses effets
secondaires et ses risques pour la santé : étourdissements, maux de tête, congestion
nasale, vision trouble ou vision en bleu ou en vert. Au Royaume-Uni, 70 décès ont été
rapportés en lien avec le Viagra et 43 Américains auraient perdu la vue de façon
irréversible. Mais selon Pfizer et la FDA, le lien ne serait pas encore établi. Dans le
doute, la FDA laisse le produit sur le marché et attend que les divers cobayes que nous
sommes finissent par démontrer un lien sans équivoque.
Après la médicalisation de notre fertilité, de notre cycle menstruel et de notre désir
sexuel, nous sommes enfin libérées avec l’arrivée de la ménopause… Mais non… en
fait, l’hormonothérapie de remplacement est un des premiers exemples de la
médicalisation des étapes normales de la vie des femmes. En fait l’hormonothérapie
de remplacement a été proposée aux femmes depuis les années 50 et le Prémarin a
longtemps été dans le top 5 des médicaments les plus vendus à travers le monde. La
société Wyeth, qui fabrique le Premarin, la formule de HTR la plus vendue aux ÉtatsUnis, affichait des ventes de 2,07 milliards $US en ordonnances en 2000, ce qui faisait
de ce produit le meilleur vendeur de la société. Aux États-Unis, le Premarin était le 3e
médicament prescrit le plus vendu en 2001.
Dans les faits, l’hormonothérapie de remplacement est apparue comme une panacée et
elle a été prescrite à des femmes en période de ménopause pour prévenir les
problèmes cardiovasculaires, l’ostéoporose ou atténuer les symptômes graves de la
ménopause, tels que les bouffées de chaleur, insomnie ou l’assèchement vaginal.
16
Mais depuis 2002, une importante étude a démontré que ce traitement non seulement
ne prévenait pas les maladies qu’il devait prévenir, mais pouvait en accroître
l’occurrence.
En fait, selon une vaste étude Women’s Health Initiative (WHI)13 effectuée auprès de
16 000 femmes ménopausées de 50 à 79 ans, a été cessée à cause des risques qui
dépassent largement les bienfaits. En fait, l’hormonothérapie accroît les risques
de cancer du sein, de maladies cardiovasculaires et d’embolie pulmonaire.
Les chercheurs sont maintenant d'avis que pour la plupart des femmes, les risques liés
à l’hormonothérapie substitutive à long terme outrepassent les bénéfices du traitement.
La Société canadienne du cancer recommande aux femmes d’éviter de recourir à
l’HTS sauf pour traiter les symptômes graves de la ménopause qu’aucun autre
traitement n’a pu soulager.
Dans notre société, la ménopause a le dos large. On l’accuse d’apporter avec elle
l’ostéoporose et les maladies cardiovasculaires. En plus, on ne laisse plus place au
vieillissement, on n’a pas le droit de ralentir, d’être moins performante. Après le soin des
enfants, c’est le soin des parents. Par conséquent, on nous vend la HTR pour pouvoir
maintenir le rythme.
Dans certaines cultures, on s’étonne de l’importance que nous accordons à la
ménopause. Pour les femmes d’autres pays, la ménopause passe quasi inaperçue, et
beaucoup de femmes les attendent avec impatience, puisqu’elles sont signe de
La WHI, liée à l’Institut national de santé aux États-Unis, a effectué une étude randomisée auprès de 27 000 femmes en bonne santé
et qui devaient être suivies pour une période entre 8 à 12 ans. Or, l’étude, qui devait se conclure en 2005 a été interrompue en 2002, à la
lumière des résultats démontrant les risques accrus pour la santé des participantes.
13
17
sagesse et imposent le respect. Les difficultés associées à cette étape de notre vie
seraient-elle une création culturelle ??
Pour certaines, on devrait cesser de parler de symptômes de la ménopause puisque
cette dernière n’est pas une maladie, mais un passage normal de la vie des femmes.
On devrait plutôt parler de ses manifestations. Et pour se donner des choix, nous
avons plusieurs options à notre disposition : par exemple, pour le vieillissement de la
peau, il y a des crèmes; pour l’assèchement vaginal, il y a des lubrifiants; pour les
troubles du sommeil, il y a des tisanes ou du yoga. Il faut aussi évaluer l’intensité des
manifestations : sont-ils aigus, dérangent-ils peu ou beaucoup ? Certes, il faut
accepter une démarche plus longue que de prendre une pilule afin de pallier à
certaines de ces manifestations, mais cette démarche augmente la connaissance de
soi.
Je ne vous ai pas parlé de la médicalisation de la grossesse et de la naissance, ni
non plus de la médicalisation de la reproduction, à l’aide de nouvelles technologies de
procréation assistée, qui permet certes à quelques couples infertiles de réaliser leur
désir d’enfants, mais qui ouvre aussi la porte aussi à toutes sortes d’application des
plus douteuses, tels que d’avoir un enfant à 67 ans, de pouvoir choisir les
caractéristiques de nos enfants, de pouvoir concevoir un enfant dans le but d’en aider
un autre, et de manipuler, voire de commercialiser notre matériel reproductif humain :
sperme, ovules et embryons ou de les utiliser pour des fins de recherche.
Malgré ce, les exemples dont j’ai parlé nous offre tout de même tous les cas de figure
de la médicalisation de la santé des femmes. En fait, la médicalisation consiste à
traiter des phénomènes naturels de la vie des femmes comme des problèmes de
santé qui requièrent des traitements. Et la néo-médicalisation va encore plus loin… elle
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perçoit ces étapes naturelles comme étant des causes de problèmes de santé à
venir, tel que c’est le cas avec la ménopause ou avec les menstruations. Et mène
aussi à la création de nouvelle maladie, comme c’est le cas avec le TDPM.
Les femmes sont tout particulièrement touchées par la médicalisation, ne serait-ce
que parce qu’elles consultent davantage de médecins en lien avec leur vie reproductive.
La vie d’une femme est marquée par de multiples étapes qui vont de la puberté à la
ménopause. Or, le milieu médical accorde beaucoup d’importances à tous ces
points de passage qui ponctuent la vie des femmes. Pourtant, ces phénomènes
naturels ne méritent pas qu’on s’y attarde autant. La puberté est un moment
important, mais comment se fait-il qu’il n’en soit pas de même pour les jeunes hommes
? La ménopause est aussi un changement important, mais elle ne constitue pas un
trouble ou un problème. Or, pour chaque changement qui survient dans la vie
reproductive des femmes, un médicament ou un traitement a été conçu pour régler des
problèmes qui n’existent pas… et qui, de plus, nous expose à des risques pour notre
santé.
Dans un contexte semblable, le choix des femmes face à leur santé reproductive
semble bien illusoire. Les options qui leur sont proposées deviennent elles-mêmes des
risques, surtout quand ces options détournent l’attention des vraies causes de certains
problèmes de santé, des mesures préventives et des solutions de rechange aux
médicaments.
Certes, nous avons besoin de médicaments pour traiter de véritables maladies. Mais
on doit briser le cercle qui consiste à inventer des maladies et à offrir à des personnes
qui ne sont pas malades toujours plus de médicaments, et à nous convaincre, à
coups de campagne de marketing et de promotion de résultat d’études scientifiques,
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que notre corps est défaillant et incapable de survivre à toutes ces étapes naturelles
sans aide médicale. Or, les femmes n’ont pas besoin d’une panoplie de choix qui sont
nuisibles pour leur santé, mais d’une augmentation de vrais choix qui leur permettront
de devenir réellement autonomes en matière de santé reproductive.
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RESSOURCES :
Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) : www.fqpn.qc.ca
Coalition pour la santé sexuelle et reproductive : www.fqpn.qc.ca/coalition
Série de cinq fiches thématiques sur les menstruations, l’hormonothérapie, le diagnostic
prénatal, la césarienne sur demande et l’épidurale :
www.fqpn.qc.ca/contenu/coalition/fiches/index.php
La série de quatre d’articles produite sur la médicalisation parue dans la revue À
bâbord ! (non disponible sur le Web)
Le corps des femmes sous contrôle médical :
1. La médicalisation du cycle menstruel
2. La médicalisation de la naissance
3. La médicalisation de la reproduction
4. La médicalisation de la sexualité
La soupe aux cailloux : une œuvre collective pour la santé des femmes au mitan
de la vie : www.rqasf.qc.ca
Pour vendre des médicaments, inventons des maladies :
www.monde-diplomatique.fr/imprimer/13454/065dae3594
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