BASES DE PHYSIOLOGIE UV 101 SYSTEME NERVEUX Neurones et synapses P. PILARDEAU 1 SYSTEME NERVEUX Le système nerveux est constitué de cellules spécialisées appelées neurones. Ces cellules sont localisées essentiellement dans le cerveau, le cervelet, le tronc cérébral et la moelle épinière. Les neurones entrent en communication entre eux (synapses) ou avec d’autres tissus (musculaires, glandulaires). Le système nerveux permet de capter des informations extérieures à l’organisme (visuelles, auditives, sensitives, gustatives...), d’intégrer ces données (zones spécialisées du cerveau en fonction de du stimulus) et de fournir une réponse la plus adaptée possible (contraction musculaire, sécrétion glandulaire...). I - ANATOMIE I-I - LE NEURONE Le neurone, ou cellule nerveuse, est formé d’un corps cellulaire (encore appelé soma), comportant l’ensemble des organites trouvées dans les cellules (noyau, ribosome, mitochondries...) et des prolongements donnant à la cellule un aspect étoilé. Ces prolongements sont de deux types : Courts et nombreux, il s’agit des dendrites. Long et unique, il s’agit de l’axone Les dendrites ont pour fonction de recevoir des messages destinés aux neurones. L’axone prend naissance dans le soma, il est long de 1 à 50 microns, son rôle est de transmettre le message neuronal à d’autres cellules. Le neurone Dendrites Axone Soma 1.1.1 Le soma Les neurones sont groupés dans le système nerveux central où ils forment des structures nodulaires appelées noyaux gris centraux. Dans le système nerveux périphérique les corps cellulaires forment les ganglions latérovertébraux (attention, il s’agit de structures nerveuses et non des ganglions lymphatiques que l’on peut parfois percevoir sous la peau). Le cytoplasme du neurone, comme c’est le cas pour toutes les cellules de l’organisme, est très concentré en potassium (100 mEq/l), pauvre en chlore (20 mEq/l) et pauvre en sodium (20 mEq/l). Il existe donc un déséquilibre important entre le milieu intracellulaire et le liquide extracellulaire très concentré en sodium (140 mEq/l), et en chlore (110 mEq/l) et relativement faible en potassium (3 mEq/l). 2 Ces caractéristiques sont à l’origine d’une différence de potentiel de 90 mV (gradient électrique) et d’un gradient chimique (Na+/K+). Au repos, c’est à dire en dehors de toute stimulation, le corps cellulaire est donc négatif (- 90 mV). Intra cellulaire Extracellulaire Na + 20 142 K+ 100 4 Traces 4 20 100 8 27 152 23 Ca++ Cl HCO3Autres anions (-) Bilan ionique 300 mEq ou 300 mOsm Charge électrique 300 mEq ou 300 mOsm - 70 mV 0 mV Sens des gradients : Les différences chimiques et électriques entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule sont à l’origine de gradients transmembranaires concernant le potassium et le sodium. Gradient chimique Intracellulaire Extracellulaire Na Na K K Gradient électrique Na+ - 70 mV K+ 3 Le gradient chimique tend à faire entrer le sodium dans la cellule et à extruder le potassium. Le gradient électrique attire vers l’intérieur de la cellule les particules chargées positivement (sodium et potassium). 1.1.2 L’axone L’axone, ou substance blanche (par opposition aux corps cellulaires qui apparaissent gris) transmet le message du corps cellulaire à d’autres cellules (nerveuses ou non). Les axones sont regroupés en faisceaux, constitutifs des nerfs. L’axone, ou fibre nerveuse, peut être entouré d’une gaine phospholipidique appelée gaine de myéline. Cette dernière se trouve interrompue au niveau de zones d’étranglement (étranglement de Ranvier). Cette gaine, électriquement isolante, est sécrétée par les cellules de Schwann qui entourent l’axone. Le cylindraxe proprement dit est constitué de la même substance que le soma, il est parcouru par un faisceau de neurofibrilles. Myéline Nœud de Ranvier Axone Certaines fibres sont dépourvues de myéline, il s’agit des fibres amyéliniques, pratiquement spécifiques des nerfs sympathiques. 1.1.3 - Membrane neuronale La membrane des neurones comprend des zones spécifiques d’échange appelées canaux ioniques. Ces canaux sont chargés d’assurer et de réguler les échanges entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule. On distingue : = Les canaux passifs = Les canaux voltage-dépendant = Les canaux ATP dépendant Les canaux passifs : Ces structures sont très perméables à l’ion K+ et relativement peu à l’ion Na+. 4 Extérieur du neurone Na+ K+ Membrane Ca++ Membrane K+ Intérieur Canal à potassium Le canal à K+ laisse sortir les ions potassium dans le milieu extérieur du fait du gradient de concentration, tout en bloquant la pénétration des ions Na+ et Ca++, pourtant également chargés positivement. Au sein du canal existe quatre charges négatives ( ) qui interdisent toute entrée d’anion Clisolé ou d’autres anions. Pour sortir de la cellule, le potassium se lie aux charges négatives du canal (neutralisation de la charge) et ce, de manière très spécifique (à ce niveau le Na+ ne peut entretenir de liaison forte avec un anion). Cette double spécificité permet le passage du potassium à l’exclusion de celle du sodium ou du calcium. Au repos ces pores (ou ces canaux) sont ouverts. La perméabilité au potassium est très importante. Les canaux voltage-dépendant Ces canaux sont activés par des stimuli électriques physiologiques. Ces canaux permettent les passages de Na+ vers l’intérieur de la cellule et la sortie simultanée de potassium, inversant ainsi la polarité de la membrane cellulaire. On distingue : Les canaux Na+ comprenant une double porte (vers l’intérieur et vers l’extérieur). Et les canaux K+ ne comportant qu’une seule porte. Les canaux sodium sont fermés au repos, la membrane est très perméable au potassium et pratiquement imperméable au sodium. 5 Les canaux ATP dépendant Ces canaux sont connus sous le nom de pompe à sodium/potassium (la membrane est très richement pourvue en pompes de ce type). Le fonctionnement de cette pompe est réglé par la concentration cellulaire en Na+. Pour les valeurs inférieures à 10 mEq/l, la pompe devient inactive. L’hydrolyse de l’ATP (phénomène actif) provoque la sortie de 3 Na+ et la rentrée de 2 K+ dans la cellule). Ce mécanisme consomme de l’énergie. Extérieur 3 Na+ 2 K+ Membrane Intérieur Système actif ATPasique 3 Na+ 2 K+ Pompe à sodium/potassium C’est grâce à ce système (qui fonctionne en permanence pendant la vie de la cellule) que la concentration en potassium cellulaire est forte et la concentration de sodium très faible. I - II - LA SYNAPSE On appelle synapse la zone d’échange entre deux cellules nerveuses. Il peut s’agir de synapse neuronale (entre deux neurones) ou de synapse neuromusculaire entre un neurone et une cellule musculaire. Neurone présynaptique Neurone postsynaptique Axone Dendrite Synapse neuronale Une synapse neuronale permet à un neurone présynaptique de transmettre, via son axone, une excitation ou une inhibition à un neurone postsynaptique (via les dendrites ou le corps cellulaire). La transmission est le plus souvent assurée par un médiateur chimique sécrété par le bouton synaptique terminal. Le médiateur est reconnu par des récepteurs postsynaptiques. 6 Médiateur Récepteur Bouton présynaptique Bouton postsynaptique Le bouton terminal présynaptique (terminaison de l’axone) comporte des canaux calcium/voltage-dépendant, fermés au repos. Lors de l’excitation, ces canaux donnent passage à des vésicules contenant le médiateur chimique. Le bouton postsynaptique présente des sites spécifiques capables de reconnaître le médiateur. L’occupation de ces sites par le médiateur provoque une ouverture des canaux ioniques du bouton postsynaptique à l’origine de l’effet postsynaptique. Il peut exister sur le bouton présynaptique des récepteurs au médiateur (autorécepteurs) dont le rôle est soit de renforcer ou d’inhiber l’action du médiateur. Synapse avec une dendrite Synapse avec le corps cellulaire Axone Les messages adressés aux neurones peuvent être excitateurs ou inhibiteurs, on parle alors de synapse excitatrice ou inhibitrice. L’excitation déclenche dans la cellule post synaptique un potentiel d’action, alors que l’inhibition peut s’opposer à l’effet excitateur. 7 II - PHYSIOLOGIE II - I POTENTIEL DE REPOS Au repos, le neurone est dit « polarisé ». Ce qui signifie qu’il existe une différence de potentiel entre l’intérieur et l’extérieur de la membrane cellulaire. Le potentiel de repos (en dehors de toute excitation nerveuse) est négatif, il est de - 90 mV. Le potentiel de repos est le résultat de la différence de répartition des ions de part et d’autre de la membrane cellulaire et de la très grande perméabilité pour l’ion potassium au repos. La diffusion hors de la cellule des ions K+ du fait du gradient de concentration, enlève des charges positives de l’intérieur de la cellule, négativant ainsi cet espace par rapport à l’extérieur. L’équilibre est obtenu quant le gradient électrique s’équilibre avec le gradient de concentrations, forces opposées. II - II POTENTIEL D’ACTION Le potentiel d’action est le résultat de la stimulation cellulaire. Il se développe en trois phases : Dépolarisation Repolarisation Hyperpolarisation Le courant membranaire dépolarisant est appelé stimulus. Le niveau au dessous duquel un potentiel d’action est déclenché est appelé seuil. (Tout stimulus n’est donc pas toujours suffisant pour déclencher un potentiel d’action). 2.2.1Dépolarisation Lorsqu’elle est stimulée, la fibre nerveuse se dépolarise, c’est à dire inverse, pour un temps très, bref sa polarité. Ce changement d’état résulte de mouvements ioniques qui modifient en quelques ms la concentration des électrolytes de part et d’autre de la membrane. La dépolarisation correspond à un brusque changement de polarité de la membrane neuronale. 8 La différence de potentiel passe en moins d’une ms de - 70 mV à + 30 mV. De manière générale : Le potentiel d’action est bref (au total 3 ms). Il obéit à la Loi du « tout ou rien ». Si le seuil n’est pas atteint le potentiel d’action ne peut se déclencher. Son amplitude reste la même quelque soit la stimulation initiale Dépolarisation Repolarisation 30 15 0 - 15 - 30 - 45 - 60 - 75 - 90 Seuil Post potentiel Potentiel de repos Hyperpolarisation Potentiel d’action Un potentiel d’action (d’environ 100 mV d’amplitude) se produit systématiquement dès que la membrane est dépolarisée d’environ 20 mV par rapport au potentiel de repos. Dès que le seuil de dépolarisation est atteint (20 mV), les canaux à Na+ s’ouvrent brusquement provoquant un afflux de sodium dans la cellule et de ce fait une positivation du cytoplasme. Cette ouverture est très brève (moins d’1 ms). Parallèlement les canaux à potassium s’ouvrent également de façon très brève, provoquant une plus grande sortie de potassium de la cellule. 2.2.2 Repolarisation La dépolarisation est immédiatement suivie d’une phase de repolarisation qui rétablit la différence de potentiel à - 70 mV. 9 2.2.3 Hyperpolarisation A la fin de la repolarisation le phénomène dépasse les 90 mV pour atteindre de manière transitoire des valeurs proches de - 100 mV. On parle alors d’hyperpolarisation ou de phase réfractaire (momentanément un nouveau potentiel d’action ne peut se déclencher). 2.2 .4 Propagation Une fois déclenché le potentiel d’action se propage : = passivement le long de la fibre nerveuse sur 1 à 2 mm, = mais surtout par courants locaux ou saltatoires. La dépolarisation génère une inversion des charges qui se propage tout au long de la membrane ou d’une membrane cellulaire à une autre membrane cellulaire. Tout se passe comme si le courant généré par l’inversion de polarité se propageait le long d’un fil. +++++++++++ --------- +++++++++++++ +++++++++++ ---------- ++++++++++++ Propagation passive du potentiel d’action = Dans les fibres amyéliniques, la propagation s’effectue de proche en proche (propagation passive), il s’agit d’un processus relativement lent. = Dans les fibres nerveuses possédant une gaine de myéline, la propagation se fait de manière saltatoire entre deux nœuds de Ranvier, il s’agit d’un phénomène rapide. Nœud de Ranvier Axone Propagation saltatoire du potentiel d’action La propagation est d’autant plus rapide que la fibre est épaisse du fait de la diminution des résistances locales. 10 Diamètre de la fibre m Vitesse de propagation ms 15 100 8 50 3 15 1 1 II - III TRANSMISSION SYNAPTIQUE La transmission synaptique fait appel à un médiateur chimique. Dans le cas de la stimulation musculaire (terminaison nerveuse, plaque motrice), c’est l’acétyl choline qui sert de médiateur. Le potentiel d’action, propagé tout au long de la fibre, arrive au bouton présynaptique. Son arrivée provoque une ouverture des canaux calciques, responsable d’une entrée de Ca2+ dans la cellule. +++++++++++ --------------- ++++++++ Axone Ca++ Synapse L’augmentation de la concentration de Calcium intracellulaire provoque la libération de l’acétyl choline ( ) contenue dans les vésicules, dans la fente synaptique (une vésicule peut contenir jusqu'à 10 000 molécules d’acétyl choline). Fente synaptique Vésicule Récepteur Axone Post synapse En moins d’1 ms l’acétyl choline migre jusqu’aux récepteurs post synaptiques. Chaque récepteur est lié à trois molécules d’acétyl choline. 11 L’activation des récepteurs post synaptiques provoque l’ouverture des canaux sodiques, potassiques et calciques et la création d’un potentiel d’action (synapse inter-neuronale) ou courant de plaque motrice dans les synapses neuromusculaires. Canaux K+ K+ +++ ---- ++++ Bouton Fente synaptique Potentiel d’action Récepteurs activés présynaptique Canaux Na+ Na+ Ca++ Après activation des récepteurs, de l’acétyl-cholinestérase est libérée au voisinage des récepteurs à acétyl choline. L’acétyl choline ( ) est alors dégradée en choline ( ) et acétate ( ) qui seront captés par la membrane présynaptique et resynthétisés en acétyl choline. Fibre présynaptique Fente Synaptique Fibre post synaptique Resynthèse de l’acétyl choline Cessation de l’effet du transmetteur. 12 III - EXCITATION ET INHIBITION Chaque motoneurone dispose d’un nombre très important de synapses somatiques ou dendritiques (5000 à 6000) pouvant être activatrices ou inhibitrices. III - I POTENTIEL POSTSYNAPTIQUE EXCITATEUR Le potentiel synaptique peut être déclenché par : = Une stimulation unique suffisamment intense pour franchir le seuil = Des excitation simultanées (sommations temporelles) 1 2 3 Chaque stimulation est insuffisante pour déclencher un potentiel d’action postsynaptique, mais l’excitation simultanée des synapses 1, 2 et 3 originaires d’un même motoneurone permet le franchissement du seuil. Seuil 3 2 1 Temps Des excitations suffisamment rapprochées (sommations spatiales) 1 2 3 Dans ce cas les excitations issues de plusieurs neurones se suivent de façon très rapprochées permettant d’atteindre par sommation le seuil. 13 Seuil 3 2 1 Temps (ms) Dans le cas des motoneurones centraux le transmetteur excitateur est le glutamate. L’excitabilité d’un motoneurone est d’autant plus grande que ce dernier est petit. Ce phénomène explique pourquoi les petits motoneurones entrent plus souvent en action que les grands. III - II SYNAPSE INHIBITRICE Morphologiquement, la synapse inhibitrice est semblable à la synapse activatrice, mais leur activation conduit à diminuer l’excitabilité postsynaptique. Des synapses de ce type se trouvent sur les neurones et les dendrites, mais d’autres synapses inhibitrices siègent au niveau des boutons présynaptiques des axones excitateurs. Leur excitation inhibe la libération des transmetteurs. Synapse inhibitrice post synaptique Neurone excitateur Synapse Inhibitrice présynaptique L’effet inhibiteur des potentiels postsynaptiques inhibiteurs est le résultat de deux mécanismes : = Une hyperpolarisation de la membrane La stimulation de la fibre inhibitrice fait chuter la différence de potentiel en dessous de 90 mV. Ce phénomène revient à « remonter » le seuil. 14 - 60 mV 1 2 Hyperpolarisation Il devient plus difficile d’atteindre les - 60 mV du seuil (1 = 30 mV sans inhibition, 2 = 40 mV avec inhibition) = Une augmentation de la conductibilité membranaire Ce mécanisme s’explique par une modification des passages de sodium et de potassium membranaires. Lors d’une excitation, le potentiel d’action est le résultat d’une inversion de la polarité en rapport avec une entrée massive de Na+ dans la cellule. Na+ Fibre excitatrice Na+ K+ dépolarisation Potentiel d’action Synapse L’action de la fibre inhibitrice consiste à ouvrir les canaux potassiques, provoquant ainsi une sortie massive de potassium du cytoplasme (équivalent à une fuite de +) Fibre inhibitrice K+ Na+ Fibre excitatrice La dépolarisation est inférieure au seuil Pas de potentiel d’action Synapse III - III- INTERACTIONS ET PLASTICITE SYNAPTIQUE 3.3.1 Interactions Les interactions sont de trois types : = La cumulation correspond à l’addition de potentiels synaptiques. Notons que cette addition peut être relative, c’est à dire concerner des excitations et des inhibitions. 15 = La sommation correspond à l’effet d’addition (spatiale ou temporelle) de potentiels d’action. Elle peut être supérieure à la simple addition des effets des stimulations élémentaires. = L’occlusion correspond à un effet réfractaire momentané engendré par une excitation. Si le potentiel d’action postsynaptique est déjà déclenché par des entrées différentes, une activité simultanée ne produit pas d’excitation postsynaptique supplémentaire. 3.3.2 Plasticité La plasticité synaptique correspond au changement d’efficacité synaptique secondaire aux stimulations précédentes. Ainsi, l’efficacité d’une synapse peut se trouver diminuée ou augmentée. Ce type de réaction s’observe lors des stimulations itératives de type tétanique. Ce phénomène est en rapport avec une augmentation du Ca++ dans la fibre présynaptique (la deuxième stimulation intervenant alors que la concentration de calcium cellulaire est encore augmentée. Cette augmentation est à l’origine d’une libération plus importante de médiateur à chaque nouveau potentiel d’action. 16