358 N° 121 Polyarthrite rhumatoïde. - Diagnostiquer une polyarthrite rhumatoïde. - Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient. - Décrire les principes de la prise en charge au long cours d'un rhumatisme déformant et invalidant. La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires chroniques. Il s’agit d’une maladie inflammatoire de l’ensemble du tissu conjonctif à prédominance synoviale dont la pathogénie est mal élucidée. C'est un rhumatisme inflammatoire chronique, acromélique, destructeur, déformant et invalidant. Son expression clinique est polymorphe, pouvant associer de façon diverse des signes articulaires et des signes extra-articulaires (maladie systémique), à des stades différents de la maladie. Elle concerne préférentiellement la femme jeune. EPIDEMIOLOGIE Décrite pour la première fois en 1800 par Landré-Beauvais, la PR semble être en Europe une maladie récente. La PR pourrait être issue du continent américain où des restes osseux datant de plus de 6 000 ans, retrouvés en plusieurs sites le long du Mississipi, porteraient les traces de la maladie. Son arrivée en Europe serait consécutive aux grands voyages à travers l’Atlantique faisant suite à la découverte du “ Nouveau Monde ”. Actuellement, la PR est diagnostiquée dans tous les pays. Sa prévalence en Europe est estimée entre 0,5 et 1 % de la population générale. Elle est 4 fois plus fréquente chez la femme que chez l'homme. L'incidence de la maladie (taux de nouveau cas survenant dans une population donnée sur une période de temps définie) est évaluée en France autour de 0,01 %. Elle augmente avec l'âge jusqu'à 60 ans avec un pic de fréquence maximum entre 40 et 50 ans. Mais elle peut aussi débuter chez le sujet âgé ou chez l'enfant. Le risque de survenue d'une PR est évalué 2 à 3 fois plus élevée dans la descendance d'un patient atteint de la maladie mais la PR n'est pas une maladie génétiquement transmissible. La PR pose un véritable problème de santé publique. Plus de la moitié des malades va être obligé d’arrêter son activité professionnelle moins de 5 ans après le début de la maladie et dans 10 % des cas, la PR engendre une invalidité grave en moins de 2 ans. La durée de vie des malades atteints est en moyenne réduite de 5 ans. MECANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES Facteurs de risques La PR est une maladie polyfactorielle associant un terrain génétique de susceptibilité et des éléments extérieurs intervenant dans le déclenchement de la maladie. Le terrain génétique est surtout connu au travers des antigènes d'histocompatibilité portés par les patients. Prés de 90 % des patients atteints de PR sont porteurs des antigène HLA DR4 (60 %) ou DR1 (30 %). Il s'agit d'antigènes HLA de classe II qui participent à la réaction immune en possédant une fonction de présentation des antigènes aux lymphocytes T. D'autres éléments génétiques de susceptibilité sont probables mais non identifiés. Certaines conditions influencent la prédisposition et le déclenchement de la maladie : 359 - rôle des facteurs hormonaux : 4 femmes pour 1 homme. rôle du système nerveux : il faut noter la fréquence du début de la PR après un choc psychoaffectif (accident, deuil,…), qui peut intervenir dans le déclenchement de poussées évolutives de la maladie. - rôle des infections, par stimulation du système immunitaire. De nombreuses infections ont été évoquées comme pouvant être à l’origine de la PR : infection à EBV, mycoplasmes, tuberculose, parvovirus, rétrovirus… A ce jour, aucun agent infectieux n’a formellement été identifié comme pouvant être à l’origine de la maladie. Mécanismes lésionnels Ils sont très incomplètement connus. L'atteinte de la membrane synoviale, réalise une synovite. Cette synovite va aboutir à des lésions du cartilage (et donc de la fonction articulaire) et des tendons. Ces lésions sont irréversibles d'où l'importance d'agir tôt dans le cours de la maladie. La synovite rhumatoïde et ses conséquences destructrices découlent de 4 types de mécanismes : - mécanismes enzymatiques non spécifiques par production en large quantité d'enzymes protéolytiques (métalloprotéases dont les collagénases) qui dégradent le cartilage. - mécanismes immunologiques à médiation humorale avec la production de facteurs rhumatoïdes, immunoglobulines anti-IgG. - mécanismes immunologiques à médiation cellulaire avec une hyperactivité des lymphocytes TCD4+ (inducteurs) dans la membrane synoviale. - mécanismes faisant intervenir diverses interleukines, en particulier IL1, TNF actions sur l'inflammation, IL8 par son action sur les polynucléaires neutrophiles. Par ailleurs, la Ces données physiopathologiques essayent d'expliquer les mécanismes de la maladie pour proposer des approches thérapeutiques nouvelles mais ne sont pour l'instant utiles ni au diagnostic ni au suivi de ces malades. CLINIQUE LES MANIFESTATIONS ARTICULAIRES La PR est un rhumatisme inflammatoire de la femme jeune, réalisant une atteinte acromélique à tendance symétrique, évoluant par poussées, permettant de décrire des formes de début, des formes avérées et des formes anciennes et séquellaires. La PR au début Signes cliniques Dans sa forme typique, c'est une polyarthrite acromélique touchant les mains et les pieds, mais respectant les articulations inter-phalangiennes distales (IPD). Elle a une nette tendance à la symétrie. Les douleurs siègent aux poignets, aux métacarpo-phalangiennes (MCP) et aux interphalangiennes proximales (IPP) mais aussi aux avant-pieds où elles prédominent aux métatarsophalangiennes (MTP). Ces douleurs ont un caractère inflammatoire, avec recrudescence dans la deuxième moitié de la nuit. Elles s'accompagnent d'un enraidissement matinal plus ou moins prolongé. L'arthrite des IPP cause un gonflement des doigts en fuseau. Aux mains, l'atteinte prédomine souvent aux 2 e et 3e MCP, aux pieds aux 4 e et 5 e MTP. Aux arthrites, sont souvent associées des ténosynovites des tendons extenseurs, du tendon du cubital postérieur ou des fléchisseurs des doigts, des tendons des péroniers, du jambier antérieur ou postérieur. Ces ténosynovites peuvent être inaugurales et responsables de syndromes canalaires : syndrome du canal carpien ou du tunnel tarsien. 360 Moins typiques sont les formes : - polyarthralgiques pures, tenaces, acroméliques avec enraidissement matinal mais sans gonflement articu-laire. - les formes oligoarthritiques ou monoarthritiques, en particulier du genou. - les formes à début rhizomélique, plus fréquentes chez le sujet agé, avec douleurs de type inflam-matoires, prédominant aux épaules, posant le problème du diagnostic différentiel avec une PPR (pseudo polyarthrite rhizomélique). Signes radiologiques MTP de la 5e MTP : érosion de la tête métatarsienne (signe de Braun) Trois clichés radiographiques sont utiles à ce stade de début : les mains de face, les avant-pieds de face et le bassin. Les radiographies à ce stade sont normales ou tout au plus montrent une déminéralisation épiphysaire en bande. La radiographie des avant-pieds montre, parfois précocement, une érosion de la tête du 5e métatarsien. La radiographie du bassin, par la normalité des articulations sacro-iliaques, élimine le diagnostic de spondylarhrite ankylosante. Signes biologiques C’est à ce stade de début que le bilan biologique est le plus important. Il faut parfois savoir le répéter. Son but est de : - confirmer un diagnostic de PR, déjà évoqué sur les données de l’examen clinique. - éliminer d’autres étiologies de rhumatisme inflammatoire. - évaluer l’évolutivité et rechercher des éléments du pronostic. Au début, il existe, dans 80 % des cas, un syndrome inflammatoire non spécifique. Les facteurs rhumatoïdes peuvent être présents de façon précoce. Ces signes biologiques seront décrits au chapitre suivant. La PR à un stade avéré C'est à ce stade que la synovite rhumatoïde est histologiquement caractéristique avec : - une multiplication et une hypertrophie des villosités synoviales - une multiplication des cellules bordantes (synoviocytes) - des dépôts de fibrine en surface - une nécrose fibrinoïde en profondeur - des infiltrats lymphoplasmocytaires prenant une organisation nodulaire, à la manière d'un organe lymphoïde. 361 Le manque de spécificité de ces signes ne permet malheureusement pas de faire de l'examen histologique un élément diagnostique certain. Signes radiologiques C'est à ce stade que les signes radiologiques sont les plus caractéristiques. Ils associent : - une déminéralisation osseuse épiphysaire - un pincement articulaire global (par atteinte globale du cartilage) - des érosions osseuses et des géodes sous-chondrales (à la jonction de la membrane synoviale et de l'os par action destructrice du pannus rhumatoïde) - des déformations articulaires (subluxation et luxation) par atteinte ténosynoviale. A un stade avancé de destruction, l'interligne articulaire disparait, l'évolution pouvant se faire vers la synostose (carpite fusionnante, tarsite fusionnante). Signes biologiques C'est la période au cours de laquelle sont associés un syndrome inflammatoire et des signes du syndrome dysimmunitaire, dominés par la présence de facteurs rhumatoïdes (+++). Les différentes localisations articulaires de la PR 3A-1 - MAIN ET POIGNET RHUMATOIDES - POIGNET 1°) Arthrite radio-carpienne et radio-cubitale inférieure avec déviation radiale de la main, ankylose et surtout luxation ventrale du carpe, instable et douloureuse, source de rupture des tendons extenseurs. 2°) Ténosynovite des fléchisseurs au canal carpien avec ou sans compression du nerf médian, 3°) Ténosynovite des extenseurs et surtout du cubital postérieur (signe de la chape et signe de la touche de piano avec luxation dorsale de l'apophyse styloïde cubitale) cause de rupture des tendons extenseurs, surtout du 5 et du 4. Importance toute particulière de ce "SYNDROME DE LA TETE CUBITAL" pour le pronostic fonctionnel de la main. - MAIN 1°) Atrophie des muscles interosseux, 2°) Tuméfaction des articulations métacarpophalangiennes avec "coup de vent cubital" des doigts et/ou subluxation ventrale des doigts. 3°) Déformations des IPP, "en boutonnière" (flexion irréductible et "en col de cygne" (hyperextension de l'IPP avec flexion de l'IPO). 4°) Flexion de l'IPD ("doigt en maillet"), par rupture de l'insertion distale du tendon extenseur). 362 5°) Déformations du pouce : pouce adductus, pouce en Z par atteinte trapézo-métacarpienne, interphalangienne et ténosynovites locales. 6°) Ténosynovites des fléchisseurs digitaux : tuméfaction palmaire douloureuse, "pinch test" de SAVILL, gêne douloureuse à la flexion extension des doigts, puis flexion irréductible des doigts. SYNTHESE : Importance de la main rhumatoïde, localisation précoce et typique de la maladie, siège de déformations assez caractéristiques dans la génèse desquelles on ne soulignera jamais assez l'importance des téno-synovites du poignet (SYNDROME DE LA TETE CUBITALE) et des doigts. 3A-2 - PIED ET CHEVILLE RHUMATOÏDES - CHEVILLE ET REGION MEDIO-TARSIENNE a) L'arthrite tibio-tarsienne, b) Les arthrites péri-astragaliennes, plus fréquentes, conduisent au "pied plat inflammatoire" par éversion de l'astragale, fonctionnellement très génante. c) Les ténosynovites sous-malléolaires. - TALON Bursites pré et rétro-achilléennes avec, à la radiographie, une ulcération rétro-calcanéenne, sans enthésiophytes. La talalgie n'a pas, au cours de la P.R., l'importance qu'elle possède dans la PSR. - AVANT-PIED Arthrites métatarsophalangiennes, avec déformations des orteils en "coup de vent" péronier et/ou en griffe. Le G.O. n'est pas épargné, se déforme le plus souvent en hallux valgus, parfois en hallux varus. Constitution d'un avant-pied affaissé et de modifications des parties molles : atrophie du capiton graisseux plantaire, hyperkératose plantaire et de la face dorsale des IPP (sur orteils en griffe) hygroma métatarso-phalangien du G.O. Toutes ces lésions des parties molles, créées par le conflit entre les déformations de l'avant-pied et la chaussure sont sources d'impotence douloureuse, d'ulcérations cutanées et, par ce biais, d'infections locales, qui peuvent se compliquer d'arthrites suppurées et de septicémie. On ne saurait assez insister sur l'importance des soins de pédicurie, de la prophylaxie des infections et, très souvent, la nécessité de recourir à la chirurgie correctrice. 3A-3 - AUTRES ARTHRITES RHUMATOïDES - AU MEMBRE SUPERIEUR, l'atteinte de l'EPAULE est fréquente, souvent négligée et aboutit à une perte de mobilité qui ne permet plus le déplacement de la main dans l'espace pour la réalisation des gestes de la vie courante : se nourrir, se peigner, se torcher, etc… L'hydarthrose n'est pas rare. Antérieure, elle se voit bien à jour frisant. Radio : 363 - au début, ulcération prétrochitérienne et pincement global de l'interligne, - évolution vers la destruction de la tête humérale et de la glène. L'atteinte du COUDE aboutit rapidement à la perte de l'extension et diminue ou annule la pronosupination. Le gonflement articulaire témoin d'une hydarthrose, doit être recherché dans la ''fenêtre" articulaire située entre l'épicondvle, l'olécrâne et la tête radiale, Des déformations complexes sont observées tardivement et peuvent être très invalidantes. - AU MEMBRE INFERIEUR, l'atteinte du GENOU est précoce et quasi-constante. Les hydarthroses doivent être ponctionnées, analysées et infiltré afin d'éviter la titularisation du flexum antalgique. Les flexum irréductibles, même discrets, ont un retentissement fonctionnel très défavorable et les flexum importants constituent la cause majeure du grabatarisme. Radio : - au début, pincement des 2 compartiments femoro-tibiaux, - évolution vers la destruction des condyles fémoraux et des plateaux tibiaux, La COXITE RHUMATOlDE est tardive, non constante. Elle évolue mal se fixe en flexum des cuisses sur le bassin et déséquilibre bassin, genou et rachis car des attitudes vicieuses en adduction ou en abduction. Elle constitue, elle aussi, une cause de grabatarisme. Radio : - au début, pincement global de l'interligne, - puis évolution vers une coxite protrusive avec destruction du cotyle et luxation transacetabulaire d'une tête femorale souvent réduite à l'état de moignon osseux. 3A-4 - LOCALISATIONS EN DEHORS DES MEMBRES 1 - La P.R. peut intéresser les articulations TEMPORO-MAXILLAIRES STERNOCLAVICULAIRESet CRICO-ARYTHENOIDIENNES 2 - Le rachis et les articulations sacro-iliaques sont épargnés avec la seule exception de la COLONNE CERVICALE : a) D'abord, la COLONNE CERVICALE HAUTE (C1-C2), ce qui s'explique par la richesse toute particulière en synoviale de cette région. 1) Disjonction atlo-axoïdienne, d'abord minime, à rechercher par des radiographies de profil dynamiques, puis évidente sans cet artifice, avec des diastasis, entre arc antérieur de l'atlas et apophyse odontoïde, de plusieurs mm. 2) Arthrites occipito-atloïdiennes et atlo-axoïdiennes avec ascension ce l'apophyse odontoide et de l'atlas vers le trou occipital (pseudo-invaginations). 3) Lyse et/ou désaxation de l'apophyse odontoïde. Cliniquement : 364 1) Cervicalgies tenaces, névralgies d'ARNOLD, gène ou disparition des mouvements de rotation de la tête et du cou. 2) Risque neurologique et vasculaire : moëlle cervicale haute et partie basse du bulbe, artères vertébrales, nécessitant des interventions chirurgicales de décompression et de stabilisation. 3) Apport de l'IRM dans l'exploration de cette localisation si particulière. Elle nous a appris l'importance de l'extension du pannus dehors des limites osseuses, non analysable par les radiographies simples, et permet d'éclairer les rapports avec la moelle et les espaces méninges. b) Plus rarement et plus tardivement, atteinte de la COLONNE CERVICALE MOYENNE ET BASSE (C3-C7) à partir d'arthrites rhumatoïdes inter apophysaires postérieures. 3 - Les P.R. très anciennes et sévères peuvent occasionnellement déborder sur des TERRITOIRES INHABITUELS : - IPD, sacro-iliaques, colonne dorsale et lombaire. Très tardives, ces lésions ne remettent généralement pas en cause la diagnostic nosologique. 4 - Les ENTHESITES ne s'observent pas dans la P.R, La PR à un stade séquellaire C'est le devenir de la maladie après plusieurs années de poussées évolutives. Les signes histologiques synoviaux perdent leurs caractéristiques : la synoviale devient fibreuse, l'infiltrat lymphoplasmocytaire est minime ou absent. L'histologie n'est plus évocatrice de la maladie rhumatoïde. Les signes cliniques associent des douleurs inflammatoires et des douleurs mécaniques, secondaires à la destruction articulaire. Les synovites sont plus rares. Le syndrome biologique inflammatoire est souvent réduit voir absent. La PR est éteinte. Les traitements de fond sont souvent inefficaces à ce stade. LES MANIFESTATIONS EXTRA-ARTICULAIRES Les signes généraux Ils se voient surtout au début, lors de l'installation de la maladie sur un mode aigu. Ils peuvent ensuite se répéter lors des poussées évolutives au cours desquelles l’asthénie est souvent marquée. Une fébricule est plus rare. Les nodules rhumatoïdes Ils représentent la manifestation extra-articulaire la plus fréquente de la maladie (environ 20 % des patients). Ce sont des tuméfactions sous-cutanées fermes, mobiles, arrondies et indolores siégeant électivement à la face postérieure des avant-bras, à la région olécranienne, au dos de la main à proximité des articulations touchées, plus rarement sur les genoux, les tendons d’Achille, le cuir 365 chevelu… Ils peuvent régresser spontanément. Dans les zones exposées aux traumatismes (région olécranienne), ils peuvent s'ulcérer et s'infecter. Les signes histologiques sont caractéristiques : - zone centrale de nécrose fibrinoïde - entourée d'une bordure palissadique d'histiocytes - et d'un tissu conjonctif infiltré de plasmocytes et de lymphocytes. Les nodules rhumatoïdes sous-cutanés sont très caractéristiques de la PR mais non absolument spécifiques. Ils peuvent se voir au cours d'autres connectivites et même de façon isolée, en l'absence de tout autre maladie (nodulite rhumatoïde). Nodule Rhumatoide en regard de la 4ème IPP Les adénopathies et la splénomégalie Les adénopathies sont présentes dans 30 % des cas. Elles sont surtout palpées aux aisselles, aux gout-tières sus-épitrochléennes et aux aines. Histologiquement, elles correspondent à des adénopathies dysimmunitaires sans aucun signe de malignité (respect des structures ganglionnaires normales). Une splénomégalie est exceptionnellement rencontrée au cours de la PR. Associée à une leucopénie et à des ulcères de jambe, elle définit alors le syndrome de Felty (rare : moins de 1 % de l’ensemble des PR). Le syndrome sec C'est l'association de la PR à un syndrome de Gougerot-Sjögren qui est dit alors secondaire. La sécheresse oculaire (xérophtalmie) est évaluée par le test de Shirmer et l'examen au Rose Bengale. La sécheresse buccale est appréciée par le test à la compresse. Le diagnostic de Gougerot-Sjögren peut être confirmé par la biopsie des glandes salivaires accessoires. Les manifestations pleuro-pulmonaires La pleurésie exsudative (1 % des cas) est souvent unilatérale. L'épanchement est rarement très abondant, se manifestant par une douleur thoracique latérale basse, une toux et une dyspnée. L'épanchement est jaune clair, riche en facteurs rhumatoïdes, pauvre en glucose. La cellularité est 3 366 variable, souvent entre 1 000 à 5 000 cellules par mm (polynucléaires et lymphocytes). Elle guérit le plus souvent en moins de 3 mois, spontanément ou sous l'effet d'un traitement corticoïde. La fibrose pulmonaire interstitielle diffuse représente la manifestation pulmonaire la plus fréquente : 5 à 20 % des cas selon les auteurs. La radiographie montre des opacités réticulo-nodulaires. Les épreuves fonc-tionnelles respiratoires permettent le suivi de cette fibrose. Elles témoignent d'un syndrome restrictif avec diminution de la diffusion de l'oxyde de carbone. Le lavage bronchoalvéolaire montre une augmentation des cellules : polynucléaires et lymphocytes. La fibrose pulmonaire complique surtout les PR masculines et son pronostic est souvent sévère. Les nodules rhumatoïdes peuvent être découverts à la radio dans le parenchyme pulmonaire. Les difficultés diagnostiques avec une pathologie tumorale ou tuberculeuse justifient parfois la réalisation d’une biopsie. Ils sont plus fréquents au cours des PR masculines avec facteurs rhumatoïdes positifs. Associés à une silicose, ils définissent le syndrome de Caplan-Colinet. Les manifestations cardiaques • la péricardite est habituellement asymptomatique. • les troubles de la conduction et les lésions valvulaires sont exceptionnelles. Les vascularites Les manifestations cliniques de vascularite compliquent surtout les PR anciennes, nodulaires, destructrices et masculines. Elles sont habituellement associées à la présence de facteurs rhumatoïdes, à des anti-corps anti-nucléaire et à une baisse du complément sérique. Les signes cliniques sont polymorphes - signes cutanés, les plus fréquents : micro-infarctus digitaux, ulcères cutanés, purpura vasculaire, gangrène des doigts et des orteils - signes neurologiques: polynévrite, multinévrite sensitivo-motrice - signes musculaires et digestifs - signes généraux : fièvre, amaigrissement. Autres manifestations extra-articulaires - syndrome de Raynaud (5 à 10 % des cas) - amylose secondaire : complication tardive des PR très inflammatoires. - oculaires : sclérite et scléromalacie perforante (exceptionnelles). BIOLOGIE Le syndrome inflammatoire - élévation de la vitesse de sédimentation (examen le moins cher) - augmentation de la Protéine C-Réactive (examen le plus sensible) -globulines Les anomalies de la numération-formule sanguine 367 Les leucocytes. Ils sont habituellement normaux. Une hyperleucocytose est parfois notée, en particulier lors des poussées évolutives. Une leuconeutropénie traduit soit la présence d’un syndrome de Felty, soit la survenue d’une pathologie iatrogène. les plaquettes sont souvent augmentées, en rapport avec le syndrome inflammatoire. Les hématies. L’anémie inflammatoire est la manifestation hématologique la plus fréquente. Un fer sérique bas, une augmentation de la ferritine, une diminution de la transferrine et de son coefficient de fixation sont les aspects habituels de l’anémie inflammatoire de la PR. A l’inverse, une ferritine basse et une augmentation de la transferrine signalent la présence d’une anémie ferriprive imposant la recherche d’un saignement digestif, souvent en rapport avec les anti-inflammatoires non stéroïdiens que reçoivent ces patients. Le syndrome dysimmunitaire Augmentation polyclonale -globulines. Présence de facteurs rhumatoïdes. Il s'agit d'auto-anticorps anti-IgG. Les facteurs rhumatoïdes de classe IgM sont détectés par des réactions d'agglutination : réaction de Waaler-Rose (positive à partir de 1/64). Le test au latex est moins utilisé du fait de sa faible spécificité. Les techniques ELISA et la néphélémétrie ont permis d’accroître la sensibilité de la recherche des facteurs rhumatoïdes et permettent de détecter d’autres isotypes : IgG anti-IgG, IgA anti-IgA. Les facteurs rhumatoïdes sont présents dans 70 à 80 % des PR. Parfois trouvés dés le début de la maladie, ils peuvent apparaître plus tardivement mais souvent au cours de la première année d’évolution. Ils peuvent se négativer, spontanément ou sous l'effet des thérapeutiques. Ils ne sont pas indispensables au diagnostic. Evocateurs de la maladie dans un contexte de polyarthrite clinique, ils ne sont pas spécifiques de la PR. Ainsi, ils peuvent également être trouvés : - chez des sujets normaux. La fréquence de la positivité du facteur rhumatoïde chez les sujets sains augmente avec l’âge. Les parents de sujets atteints de PR ont plus souvent des facteurs rhumatoïdes en l’absence de toute pathologie. La présence de facteur rhumatoïde n’est pas synonyme de PR. - au cours de nombreuses autres pathologies auto-immunes. Ainsi, la plupart des syndromes de Gougerot-Sjögren (95 %) ont des réactions positives pour le facteur rhumatoïde. De même au cours du lupus érythématheux disséminé, 20 à 30 % des patients environ ont des facteurs rhumatoïdes. - Certaines gammapathies monoclonales à IgM ont une activité facteur rhumatoïde. - De nombreuses maladies infectieuses peuvent transitoirement s’accompagner de facteurs rhuma-toïdes : maladie d’Osler, bronchites chroniques, tuberculose… Les anticorps anti-stratum corneum d'œsophage de rat ou anticorps anti-kératines sont des autoanticorps de connaissance plus récente. Spécifiques de la PR (99 %), ils ne sont trouvés que dans 45 % des cas. Les anticorps anti-nucléaires (ACAN) sont détectés dans 30 à 45 % des PR. Ils sont présents à des titres bas à l'exception des PR avec Gougerot-Sjögren secondaire ou avec vascularite au cours desquelles les titres sont plus élevés. Il n'y a pas d'anticorps anti-DNA bicaténaire (ou natif). De nombreux autres autoanticorps ont été décrits au cours de la PR sans que leur intérêt réel ait été montré à ce jour : anticorps anti-histones, anticorps anti-Sa, anticorps anti-RA33… Le complément sérique et ses fractions (C3, C4 et Bf) sont normaux ou augmentés, en rapport avec le syndrome inflammatoire. Un complément sérique diminué est un argument en faveur d'une vascularite. 368 Le terrain génétique Le groupage HLA de classe I (antigènes A et B) et II (antigènes DR et DQ) est inutile pour le diagnostic de PR. Par contre, le diagnostic de PR ayant déjà été porté, la recherche des allèles HLA-DR4 et DR1 peut être utile pour essayer d’évaluer le pronostic. De nombreux travaux ont en effet montré que les formes les plus sévères de la maladie sont associées à ces allèles. L'analyse du liquide synovial L'analyse du liquide articulaire apporte toujours des renseignements importants pour le diagnostic. Le liquide articulaire est jaune clair, parfois discrètement trouble. Il est peu visqueux, coule goutte à goutte. Il est de nature inflammatoire : plus de 2 000 cellules par mm3. Plus de 50 % des cellules sont des polynucléaires neutrophiles bien qu'un liquide à prédominance lymphocytaire soit possible au stade précoce de l'arthrite. Il est stérile. Il n’est pas trouvé de microcristaux, sauf en cas d’association de chondrocalcinose et de PR. Il ne semble pas exister d’association goutte et PR. EVOLUTION DE LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE La PR est une maladie hétérogène dont l’évolution et la gravité sont très variables d’un malade à l’autre. Différentes formes évolutives Les formes bénignes représentent 20 à 30 % des cas. Elles ne retentissent pratiquement pas sur l’activité quotidienne même au bout de plusieurs années. Elles peuvent s’éteindre spontanément. C’est au cours de ces formes bénignes que les radiographies peuvent rester normales ou montrer des érosions minimes même après plusieurs années d’évolution. Les formes sévères (environ 20 %) entraînent rapidement (2 à 5 ans) des destructions articulaires importantes responsables d’un handicap fonctionnel souvent majeur. C’est au cours de ces formes sévères que se développent les manifestations extra-articulaires dont certaines, comme la vascularite ou certaines localisations viscérales, peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Atteinte du carpe et de la 2ème MCP au cours d’une PR évoluée 369 Aspect clinique d’une main au cours d’une PR évoluée Les formes intermédiaires sont les plus fréquentes : 50 à 60 % des cas. L’évolution se fait de façon progressive, par poussées évolutives inflammatoires entrecoupées de rémissions plus ou moins complètes. Chaque poussée est à l’origine d’une recrudescence des douleurs articulaires mais aussi des déformations avec installation lentement progressive d’un handicap fonctionnel plus ou moins important. La notion de rémission Les rémissions sont possibles, soit durables, soit transitoires. Elles peuvent survenir sous l’action des thérapeutiques ou de façon spontanée. Certains critères sont nécessaires pour pouvoir parler de rémission : - raideur matinale d’une durée inférieure à 15 minutes - absence d’asthénie - absence de douleur articulaire à l’interrogatoire - absence de douleur articulaire lors des mouvements - absence de gonflement articulaire ou de ténosynovite - VS < 30 mm à la 1e heure chez la femme, à 20 mm chez l’homme. Cinq de ces critères doivent être présents pendant au minimum 2 mois consécutifs. Les éléments du pronostic La grande hétérogénéité évolutive des PR rend difficile le choix des traitements, surtout au début de l’affection. Il est donc important de pouvoir rapidement évaluer le risque que le patient a de développer une forme sévère. Ceci a pour objectif d’adapter le traitement aussi précocement que possible. A ce jour, certains éléments sont reconnus comme associés aux formes les plus sévères : - début aigu, polyarticulaire de la maladie - atteinte extra-articulaire - précocité de l’apparition d’érosions osseuses sur les radiographies - VS et CRP très élevées de façon prolongée - précocité d’apparition du facteur rhumatoïde - titre élevé du facteur rhumatoïde - présence d’anticorps anti-kératine - terrain génétique défini par la présence de HLA DR4 - mauvaise réponse aux traitement de fond - statut socio-économique défavorisé. Il est toujours important d’évaluer ces facteurs du pronostic dès le début de la maladie articulaire. 370 DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL L’American College of Rheumatology (ACR) a proposé des critères (tableau I) qui malheureusement ne peuvent pas être considérés comme des critères de diagnostic en raison de leurs performances très moyennes (sensibilité : 91 %, spécificité : 89 %). Ces critères sont essentiellement des critères de classification utiles en particulier pour constituer des séries homogènes de patients dans le cadre d’études. Le diagnostic différentiel est donc une étape importante et se pose surtout au début de la maladie. Au stade avéré de l'affection, les signes radiologiques sont souvent évocateurs, en particulier par la présence d'érosions articulaires et par la topographie de l'atteinte. Par contre, aux stades de début, que les manifestations soient monoarticulaires ou polyarticulaires, il est important (et parfois difficile) d'éliminer les autres rhumatismes inflammatoires. Les critères de classification de la PR (ACR, 1987) 1. Raideur matinale (articulaire ou périarticulaire) d’au moins une heure. 2. Arthrite d’au moins 3 articulations (atteinte simultanée constatée par un médecin et dû à une hypertrophie des tissus mous ou à un épanchement articulaire. 14 articulations ou groupes d’articulations sont pris en compte : IPP*, MCP**, poignets, coudes, genoux, chevilles, MTP***). 3. Arthrite touchant la main (poignet, MCP, IPP). 4. Arthrite symétrique (atteinte simultanée et bilatérale des articulations ou groupes d’articulations définis en 2. L’atteinte simultanée des IPP, MCP et MTP est acceptable même en l’absence de symétrie parfaite). 5. Nodules rhumatoïdes (nodosités sous-cutanées constatées par un médecin sur des crêtes osseuses ou des surfaces d’extension ou en situation périarticulaire). 6. Présence de FR. 7. Lésions radiologiques typiques sur les clichés des mains et des poignets (déminéralisation en bande évidente ou érosions osseuses). La présence d’au moins 4 critères sur les sept est indispensable pour définir la PR. Les 4 premiers items doivent avoir une durée d’au moins 6 semaines. * IPP : Inter-phalangienne proximale. ** MCP : Métacarpo-phalangienne. *** MTP : Métatarso-phalangienne. Les collagènoses La polyarthrite du Lupus Erythémateux Disséminé (LED). La topographie de l'atteinte articulaire est superposable à celle de la PR au début. Mais c'est une polyarthrite non destructrice, associée à des manifestations cutanées et rénales. Le bilan immunologique montre la présence d'ACAN, d'anticorps anti-DNA natif et d'une baisse du complément sérique. Le Waaler-Rose peut être positif au cours du LED. Le syndrome de Gougerot-Sjögren primitif se manifeste souvent par des arthralgies, parfois par des arthrites avec facteurs rhumatoïdes positifs mais ne possède pas le caractère destructeur de la PR. Les associations sont fréquentes avec une PR ou autre connectivite. Le tableau clinique est dominé par l'atteinte des glandes exocrines, marqué par l'association xérophtalmie-xérostomie. 371 Les autres connectivites sont plus rares : connectivite mixte (ou syndrome de Sharp), sclérodermie, périartérite noueuse… Les spondylarthropathies On regroupe sous ce terme plusieurs maladies avec sérologie rhumatoïde négative et avec atteintes rachidienne et sacro-iliaque fréquentes. Ces rhumatismes peuvent cependant se présenter avec des manifestations acroméliques, souvent oligoarticulaires et asymétriques à différencier de la PR, surtout au début. Le rhumatisme psoriasique. L'atteinte articulaire peut être soit périphérique et distale, asymétrique, touchant les interphalangiennes distales, soit rachidienne avec lésions des sacro-iliaques. A l'atteinte articulaire est associée l'atteinte cutanée psoriasique. Le Waaler-Rose est négatif. Le terrain génétique est marqué par la présence des antigènes HLA B27 ou B17 ou B16 (B38 et B39). Les arthrites réactionnelles dont le diagnostic est facile lorsque le syndrome urétro-conjonctivosynovial est complet. Ce sont des arthrites survenant dans les suites d'une infection à point de départ génital ou digestif mais sans que l'agent infectieux ne soit retrouvé dans l'articulation. Il s'agit de mécanismes immunologiques arthritogènes propre à certains germes : chlamydia, campylobacter jejuni, yersinia, shigella, salmonella. Le liquide articulaire est stérile. Ces arthrites surviennent préférentiellement chez des sujets HLA B 27 (50 %). La spondylarthrite ankylosante (SPA) débute rarement par une atteinte périphérique. Il s'agit le plus souvent d'un homme jeune. L'atteinte des articulations périphériques est associée à des rachialgies inflammatoires, à des talalgies et survient sur un terrain génétique HLA B27 (95 %). La sérologie rhumatoïde est négative. Les arthrites des entérocolopathies chroniques : maladie de Crohn, rectocolite hémorragique, maladie de Whipple. L'atteinte est le plus souvent oligoarticulaire ou monoarticulaire. Elle peut être inaugurale et faire découvrir la maladie digestive. Les autres rhumatismes inflammatoires Ils surviennent souvent chez des sujets plus âgés. La chondrocalcinose articulaire peut prendre l'aspect d'une atteinte polyarticulaire et chronique. La découverte de lisérés calciques sur les radiographies et de cristaux de pyrophosphate de calcium dans le liquide synovial permet de faire le diagnostic. La pseudopolyarthrite rhizomélique est souvent difficile à distinguer au début d'autant que l'on connaît la fréquence des formes de début à expression rhizomélique de la PR chez les sujets âgés. TRAITEMENT Le traitement de la PR a 2 objectifs : - calmer les douleurs : c'est le traitement symptomatique. - bloquer l'évolution de la maladie auto-immune : c'est le traitement de fond. Celui-ci a d'autant plus de chance d'être efficace qu'il est débuté tôt dans le cours de la maladie. BASES DU TRAITEMENT Traitements symptomatiques 372 Les anti-inflammatoires non stéroïdiens Ils sont indiqués comme traitement symptomatique des douleurs articulaires. Ils se montrent efficaces en quelques jours. Ils ne doivent pas être associés entre eux. Compte tenu de la prise au long cours, les patients sont exposés au risque de complications digestives. Type d’AINS : le choix du meilleur AINS, alliant efficacité et bonne tolérance ne peut être qu’empirique, en les essayant les uns les autres par petites cures successives. Il est prouvé que visà-vis d’une même molécule, certains patients seront « répondeurs » et d’autres « non-répondeurs ». Il en est de même pour la tolérance. A noter la découverte depuis 1998 des coxibs (Célébrex, Vioox), nouvelle classe d’AINS aux effets secondaires digestives atténués. Contre-indications : - grossesse et allaitement - ulcère gastro-duodénal évolutif - insuffisance rénale ou hépatique sévère - allergie - association aux anticoagulants ou au lithium. Effets secondaires : - gastriques (gastralgies, gastrites et ulcères, responsable parfois d’hémorragies). Le risque devient plus important après 60 ans, surtout chez la femme. La prévention de ces complications peut se faire chez les patients à risque par la prise conjointe de prostaglandines ou d’inhibiteur de la pompe à protons. - hépatiques : élévations des transaminases, hépatites. - rénaux : élévation de la créatininémie surtout chez les sujets âgés ou déshydratés, et en coprescription avec les diurétiques ou les inhibiteurs de l’enzyme de conversion. - cutanés : éruptions, photosensibilisation, exceptionnellement syndrome de Lyell. - neurosensoriels : céphalées, vertiges, accouphènes - hématologiques : agranulocytoses, anémies, thrombopénies, essentiellement pour les pyrazolés. Les AINS doivent donc être utilisés avec prudence chez les sujets âgés (surveillance stricte de la fonction rénale et de la tolérance digestive) et chez les patients aux antécédents d’ulcère gastroduodénal. Enfin rappelons que l’utilisation simultanée de 2 AINS augmente leur toxicité, sans augmenter leur efficacité. LES CORTICOÏDES Ils sont indiqués lorsque les AINS sont insuffisants ou en cas de contre-indication digestive. Ils peuvent être utilisés de différentes manières : - à faible posologie (inférieure à 10 mg/jour) en traitement d'entretien au long cours. La dose mini-male efficace est recherchée en adaptant la posologie au mg prés. - en assaut cortisonique : 240 mg au total, délivrés en 6 jours à dose décroissante en perfusion, utile lors de l'instauration d'un traitement de fond ou pour contrôler une poussée de la maladie Les corticoïdes ne constituent pas un traitement de fond ; ils ne sont que suspensifs et doivent être utilisés en ayant conscience des possibles effets secondaires. Néammoins, de nombreuses PR, d'une manière ou d'une autre, à un moment donné de leur maladie, auront besoin de corticoïdes. Il incombe aux médecins de savoir bien les utiliser. 373 Les agents biologiques antiConsidérés par certains comme un traitement de fond en raison de leur capacité à bloquer la destruction articulaire, les agents biologiques antihabituelle de la maladie à l’arrêt du traitement) qui doit les faire classer dans les traitements symptomatiques. Deux molécules sont actuellement disponibles : • L’etanercept (Enbrel®) est une protéine recombinante reproduisant un dimère du récepteur p75 d’immunoglobuline. Il est utilisé par voie sous-cutanée, à raison de 25 mg deux fois par semaine. • L’infliximab (Rémicade®) est un anticorps monoclonal chimérique homme-souris de spécificité antiassociée à celle d’un immunosuppresseur pour limiter les risques de xéno-immunisation. Il est utilisé par voie intraveineuse lente, à la posologie de 3 mg par kg de poids. Un traitement d’attaque comporte une injection à J0, J15 et J45. Le relais est pris par un traitement d’entretien à raison d’une injection tous les deux mois. Les agents biologiques anti-TNF résurgence de pathologies infectieuses. La contre-indication est formelle en cas de pathologie infectieuse active ou chronique, relative en cas d’antécédents de tuberculose. Des antécédents de néoplasie datant de moins de 5 ans doivent dans l’état des connaissances actuelles faire renoncer à leur prescription. Traitements de fond Les traitements de fond cherchent à obtenir la rémission de la PR. Ils ne sont actifs qu'après plusieurs semaines ou mois de traitement et leur efficacité ne peut rarement être jugée avant 2 à 6 mois d’un traitement bien conduit, à posologie correcte. Ils ont tous des effets secondaires, plus ou moins sévères, qui nécessitent un suivi médical régulier. Tolérance et efficacité conditionnent la durée du traitement de fond. Les anti-paludéens de synthèse (APS) Ils sont d'une efficacité inconstante et sont surtout prescrits dans des PR bénignes ou lorsqu'il existe une hésitation diagnostique entre polyarthrite rhumatoïde ou polyarthrite lupique. Le Plaquenil® (sulfate d'hydroxychloroquine) est utilisé à la posologie de 400 mg/j (2 comprimés). La surveillance est essentiellement oculaire du fait du risque de rétinopathie. Celle-ci est réversible à l'arrêt du traitement. La fréquence de la surveillance doit être biannuelle. Les sels d'or Leur efficacité est établie depuis prés de 50 ans. Ce sont principalement les sels d'or sous forme injectable : Allochrysine® (aurothiopropanol). Ils sont utilisés par cures et plusieurs schémas posologiques sont possibles. Le plus habituel débute par des injections hebdomadaires, pendant 2 semaines à la dose de 25 mg, puis toutes les semaines à la posologie de 50 ou 25mg. La dose cumulative totale est d'environ 1,3 g (le double en cg du poids du corps en kg). Un traitement d'entretien est alors entrepris par injections toutes les 2 semaines jusqu'à une dose totale de 2 g puis tous les mois sans limitation, maintenus tant qu'ils sont efficaces et bien tolérés. Les effets secondaires sont malheureusement fréquents, dominés par les manifestations allergiques cutanées et les risques de protéinurie. Le Ridauran® (auranofin) est la forme orale des sels d'or. Mieux toléré (à l'exception de quelques diarrhées), il semble cependant moins efficace. 374 Les dérivés thiols Le Trolovol® (D-pénicillamine) possède une efficacité voisine de celle des sels d'or. La posologie habituelle est de 600 à 900 mg/j (2 à 3 comprimés) atteinte très progressivement en 3 mois en fonction de la tolérance. Les effets secondaires sont surtout cutanés et rénaux. L'Acadione® (tiopronine) s'avère à peu prés aussi efficace que la D-pénicillamine avec une tolérance qui serait meilleure. La posologie est de 750 à 1500 mg/j (3 à 6 comprimés). La Salazopyrine® (sulfasalazine) La posologie de 2 à 3 g/j (4 à 6 gélules par jour) est obtenue progressivement en 2 mois. Les effets secondaires sont fréquents mais régressent à l'arrêt. Le Novatrex® Le méthotrexate (Novatrex®) est largement utilisé dans le traitement de fond de la PR à posologie faible : 5 à 20 mg par voie orale, 1 fois par semaine. L'efficacité est souvent obtenue plus rapidement qu'avec les traitements précédents : en 4 à 6 semaines. Les effets secondaires sont également fréquents mais la plupart régressent à l'arrêt ou avec une réduction de la posologie hebdomadaire. La fréquence et la sévérité de certains effets indésirables sont diminuées par la prescription d’acide folique (Speciafoldine®) à une posologie équivalente à celle du méthotrexate. L’acide folique est donné en une seule prise hebdomadaire, 48 h après celle du méthotrexate. Le Méthotrexate nécessite une surveillance régulière de la NFS et du bilan hépatique. Prescrit chez la femme jeune, il faut y associer une contraception efficace. Le Léflunomide Arava* L’Arava® est utilisé après une dose de charge de 100 mg par jour pendant 3 jours, à la posologie dose de 20 mg par jour. Cette posologie quotidienne peut être diminuée à 10 mg en fonction de la tolérance. Son efficacité est plus rapide que celle des autres traitements de fonds, dans un délai moyen de 4 semaines. Ses principaux effets indésirables sont les diarrhées (25% des patients), la cytolyse hépatique (10% des patients), l’hypertension artérielle (5 à 7% des patients). Le Léflunomide est tératogène et impose une contraception efficace. La surveillance du traitement doit être clinique et biologique. Sa fréquence doit être de une fois tous les 15 jours au cours du premier mois puis une fois par mois. Le bilan biologique doit comporter un hémogramme et un dosage des enzymes hépatiques. Comme la sulfasalazine et le méthotrexate, le léflunomide a montré sa capacité à freiner l’évolution destructrice de la PR. Le Neoral® (ciclosporine) Dernier en date des traitements de fond disponibles de la PR, le Neoral® trouve sa place dans la prise en charge des PR sévères. Il est utilisé à posologie croissante, en débutant à 2,5 mg/kg/j et en augmentant progressivement par paliers de 0,5 mg/kg/j toutes les 6 semaines en fonction de l’efficacité et de la tolérance. La posologie n’excède jamais 5 mg/kg/j. La ciclosporine impose une surveillance stricte de la tension artérielle et de la fonction rénale. Les immunosuppresseurs L'Endoxan® (cyclophosphamide) et l'Imurel® (azathioprine) sont utilisés surtout au cours des PR sévères avec manifestations de vascularite. Les effets secondaires sont ceux des 375 immunosuppresseurs (hématologiques, infectieux, carcinogène) et le risque de cystite hémorragique pour l'Endoxan®. Traitements locaux Ils constituent une part très importante du traitement de la PR. Ils peuvent toujours être mis en œuvre. Les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes (cf. chap. “ corticothérapie locale ”) Toute articulation qui reste inflammatoire et active malgré le traitement de fond doit faire l'objet d'un traitement local. L'infiltration de corticoïdes est réalisée en première intention. On utilise de préférence des corticoïdes retards : Hexatrione® (héxacétonide de triamcinolone), en particulier pour les grosses articulations, avec contrôle du caractère intra-articulaire de l’injection. Les synoviorthèses Elles réalisent une destruction de la membrane synoviale un procédé radioactif (Ytrium*, Erbium*, Rhénium* selon la taille des articulations). Elles sont utiles lorsqu’une articulation reste inflammatoire ou que l'inflammation récidive rapidement après infiltration corticoïde. L'utilisation des produits isotopiques est contre-indiquées chez la femme jeune. Le nombre de synoviorthèses isotopiques est limité pour un même patient en raison du risque néoplasique. La physiothérapie sédative Elle permet une diminution des phénomènes inflammatoires locaux par l'apport de chaleur humide sous la forme d'application de paraffine sur les mains, de parafango sur les grosses articulations. Les orthèses, l'économie articulaire La réalisation d'attelles posturales vise à limiter les déformations, en particulier aux mains. Elles sont à porter surtout la nuit. Sinon, le principe est celui de l'économie articulaire en s'équipant d'aides techniques. Ce travail s'intègre habituellement dans le cadre d'un programme d'ergothérapie. Il s'adresse à des poly-arthrites présentant déjà des lésions articulaires et des déformations. La prescription ne peut être que personnalisée en fonction des habitudes de chaque patient. La rééducation Il s'agit surtout d'une kinésithérapie active assistée. Traitements chirurgicaux Ils tiennent une place importante dans le traitement des PR. Ils ont 2 objectifs : A un stade précoce C'est la protection de la destruction articulaire par l'ablation de la membrane synoviale (synovectomie) réalisée soit sous arthroscopie soit par arthrotomie. Il s'agit aussi bien de synovectomie articulaire que de ténosynovectomie. A un stade tardif 376 C'est la chirurgie réparatrice qui utilise : - les arthrodèses. L'arthrodèse supprime le phénomène douloureux. Elle supprime le mouvement et ne s'adresse donc qu'à des articulations dont l'enraidissement aura un retentissement fonctionnel modéré (inter-phalangienne du pouce, radiocarpienne, sous-astragalienne…) - les prothèses articulaires. Elles permettent la conservation de la fonction articulaire. Elles sont très utilisées à la hanche, au genou. Elles peuvent être proposées pour l'épaule et le coude. Information du malade Elle est un temps important du traitement. Il est montré que l’évolution est plus favorable chez les patients informés tant des risques évolutifs de la maladie que des avantages et inconvénients des différents traitements que les patients ignorants ou incapables de comprendre. L’information technique doit donc porter sur les diverses possibilités thérapeutiques, les effets secondaires éventuels et leur surveillance ; elle comporte des conseils permettant d’améliorer la qualité de vie. Une information bien conduite doit dédramatiser la PR, permettant au patient et à son entourage de gérer de façon dynamique la situation. Une prise en charge médico-psychologique et des entretiens avec un psychiatre peuvent permettre de mieux appréhender le vécu de la maladie. PRINCIPES DU TRAITEMENT Le traitement de la PR est complexe. Le traitement de la PR doit être global, prenant en charge tous les aspects de la maladie. Il ne peut se concevoir que par une action concertée entre le médecin traitant, le rhumatologue, le chirurgien, le rééducateur, le kinésithérapeute ou l'ergothérapeute, l'assistante sociale… La prise en charge psychologique, sociale et professionnelle de ces patients est un aspect également important et nécessite une éducation du malade et de son entourage familial. Le traitement symptomatique est toujours nécessaire, agissant sur la douleur et l’inflammation, en sachant que les complications gastriques des AINS sont fréquentes et rendent alors difficile la sédation de la douleur. Le traitement doit être précoce. Les traitements de fond doivent être envisagés le plus tôt possible. Le choix du médicament à introduire relève de différentes notions : - c’est au cours des premières années d’évolution que les lésions érosives connaissent leur rapidité maximale d’évolution (figure 1). - les bénéfices à attendre d’un médicament doivent être comparés aux risques iatrogènes. Tous les médicaments décrits dans le chap. “ Les traitements de fond des rhumatismes inflammatoires ” se sont montrés plus efficaces que le placebo dans le contrôle des manifestations inflammatoires cliniques de la PR. Seuls certains d’entre eux se sont par contre montrés efficaces pour ralentir l’évolution des lésions osseuses évaluées sur les radiographies : Allochrysine®, Novatrex®, Salazopyrine®, Neoral®. - le taux de maintenance thérapeutique tient compte des effets secondaires et/ou de l'inefficacité comme cause d'arrêt des traitements de fond (figure 2). Le traitement le plus efficace avec le moins d'effets secondaires sera celui qui possédera la meilleure observance auprès des patients. Ainsi peut-on noter un taux de maintenance de l’ordre de 50 % à 5 ans avec le méthotrexate, contre seulement 20 à 25 % à ans pour les autres traitements. - les risques iatrogènes doivent être adaptés au risque de sévérité de la maladie, sévérité évaluée sur les critères précédemment décrits. 377 Ainsi peut-on, de façon schématique, envisager différents choix de traitement de fond de première intention selon qu’on traite une PR potentiellement bénigne, sévère ou de sévérité intermédiaire (figure 3). En fonction de la réponse thérapeutique et de la tolérance, le traitement de fond sera poursuivi ou changé. Dans tous les cas, l'efficacité des traitements de fond ne pourra être réellement évaluée qu'après 3 à 6 mois d’un traitement bien conduit, à posologie efficace. Les immunosuppresseurs (Endoxan®) sont réservés aux PR sévères et en cas de vascularite. Les infiltrations locales, les synoviorthèses et les synovectomies doivent être envisagées précocement mais après mise en route d’un traitement de fond. Elles doivent avoir un but de protection de l'articulation et, hormis leur action antalgique, ne se justifient pleinement que lorsque l'interligne articulaire est encore respecté. Les orthèses et l'économie articulaire sont des éléments du pronostic et ne doivent pas être négligées. La chirurgie réparatrice n'intervient qu'à un stade tardif de l'affection et vise à restaurer la fonction. % a b ES 20 14 12 10 10 8 érosions pincement 6 4 2 0 0 1 2 3 Durée d'évolution en années 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 Durée d'évolution en années ES= score d’érosions Figure 1 Rapidité d’évolution des lésions articulaires radiologiques en fonction de l’ancienneté de la maladie. Cette évolution apparaît plus rapide au cours des 3 premières années (a), et se poursuit ensuite tout au long de la maladie (b). 378 % 10 0 MTX se ls d 'or IM Hydroxychl oroqu ine Probabilité de rester sous traitement de fond 80 D-pén ici llam ine 60 40 20 0 0 10 20 30 40 50 60 Temps (mois) Figure 2 Taux de maintenance thérapeutique des traitements de fond de la polyarthrite rhumatoïde d’après Sany J et coll. 379 Diagnos tic = PR AINS Traitements phys iqu es EVALUATI ON DE LA SEVERITE PR potentiellement s évère PR de pronos tic ndéterminé PR potentiellement bénigne Méthotrexate Sels d'or ou Sulfas alazine ou D-pénicillamine ou Acadione Hydroxychloroqu ine 3 à 4 mois 4 à 6 mois 4 à 6 mois Evolution défavorable : ass ociation avec corticoïdes ou sulfas alazine ou cyclospo rine Evolution défavorable : augmentation ou autre traitement de fon d Evolution défavorable : autre traitement de fon d Evolution favorable : maintien ou diminution Figure 3 Stratégie pour le choix d’un traitement de fond d’une polyarthrite rhumatoïde débutante.