RÉSUMÉ Après un rappel du contexte, nous décrivons de façon générale le phénomène de traversant et ses impacts sur les consommations de chauffage ainsi que sur les ambiances intérieures des bâtiments. Ensuite, nous étudions de façon numérique sur un cas donné l’apparition du traversant. Après une description du modèle employé et du cas traité, des résultats concernant les débits au travers des entrées d’air et dans plusieurs configurations de vitesses de vent et de modules d’entrées d’air sont exposés. Quelques enseignements sur les paramètres favorisant l’apparition du traversant et les façons de le combattre en sont tirées. Mots-clés: Ventilation ; Traversant ; Consommations de chauffage ; Ambiances intérieures ; Simulation numérique NOMENCLATURE Symboles utilisés P : pression (Pa) D : débit massique (kg.s-1) Q : débit volumique (m3.h-1) H : capacité calorifique de l’air (J.kg-1.K-1) T : température (K) V : vitesse du vent (m.s-1) C : coefficient correcteur adimensionnel k, a : coefficients adimensionnels h : hauteur par rapport au sol (m) M1, M2 : module des entrées d’air respectivement au vent et sous le vent (m3.h-1 sous 20 Pa) Indices/Exposants ° : relatif à la vitesse du vent mesurée à une hauteur de 10 m r : relatif (avec comme référence la pression atmosphérique) p : relatif à la pression d : relatif à la pression dynamique du vent v : relatif à la vitesse du vent INTRODUCTION Le système de ventilation par balayage est reconnu comme ayant une efficacité énergétique meilleure que celle d’une ventilation par pièces. L’air est admis dans les pièces sèches ou pièces de vie (chambres, séjours…) et transite jusque dans les pièces humides ou de service (cuisines, sanitaires, buanderies…) où il est extrait. Figure 1 : ventilation par balayage On dit qu’il y a ventilation traversante, ou simplement traversant, lorsque de l’air circule en sens inverse (sortant) par les orifices d’entrée d’air. Le traversant est un phénomène que l’on souhaite éviter pour plusieurs raisons, notamment : il provoque des consommations énergétiques de chauffage supplémentaires il peut provoquer une sous-ventilation des pièces dont le sens du flux de ventilation est inversé Grâce à des simulations numériques de débits de ventilation, nous étudierons les conditions générant un traversant, l’influence des entrées d’air sur l’apparition et l’amplitude de ce traversant, et les désordres occasionnés. Nous tenterons également d’ébaucher des solutions pour lutter contre ce phénomène. LE PHENOMENE DE TRAVERSANT ET SES CONSEQUENCES DESCRIPTION DU PHENOMENE Il y a traversant lorsque la façade sous le vent du bâtiment considéré est mise en dépression de façon suffisamment importante pour inverser le sens du flux de ventilation. La vitesse du vent est donc un facteur déterminant de la mise en traversant d’un local ; c’est pourquoi les bâtiments de hauteur importante sont concernés au premier chef par le problème de traversant. La pression relative sur une paroi s’écrit en effet. Pr C p Pd (1) Sur la façade sous le vent Cp est négatif, sur la façade au vent il est positif. Le local est lui-même mis en dépression par le système d’extraction ; il y a traversant dès que la dépression sur la paroi est supérieure à celle du local. LES CONSEQUENCES DU TRAVERSANT Elles sont de plusieurs natures : *Surconsommation de chauffage La puissance de chauffage nécessaire pour compenser les déperditions énergétiques dues à la ventilation est donnée par la formule : P=DHT (2) Elle est donc proportionnelle au débit de ventilation transitant dans le logement, tous paramètres égaux par ailleurs. Lorsqu’on sait que compte tenu des progrès réalisés sur l’isolation des bâtiments modernes, la ventilation est responsable de consommations énergétiques de l’ordre de 30% des besoins totaux en chauffage, on se rend compte de l’impact énergétique que peut avoir le phénomène sur une année ; * Sur-ventilation de la façade exposée au vent, d’où un risque d’inconfort thermique ; * Sous-ventilation de la façade sous le vent (en dépression) pouvant provoquer des problèmes de qualité d’air. On a donc une incidence défavorable sur plusieurs des critères d’ambiance intérieure décrits par Collard [1]. LE MODELE UTILISE Plusieurs niveaux de simulation sont possibles pour la ventilation d’un bâtiment, (cf. Wurtz [2]). Dans le modèle employé ici, on s’en tient à une simulation de débits au niveau d’orifices séparant les locaux, de façon analogue à la procédure de codes de calcul comme COMIS [3] ou le code « GAINE » du CSTB [4]. Le code SimVent, dont l’algorithme est décrit figure 2 permet, à partir de la définition géométrique du bâtiment, de la définition de son système de ventilation, et de la définition de grandeurs météorologiques, de déterminer l’ensemble des débits entrants et sortants des différents locaux. SimVent est basé sur une discrétisation en nœuds de pression, la pression intérieure de chaque local étant utilisée comme variable de calcul, le critère de convergence étant l’équilibre des débits massiques dans chaque local (régime permanent). La vitesse du vent est corrigée en fonction de la hauteur par la formule de l’AIVC [5] : V V Cv (3) C v k (h ) (4) a En environnement urbain, les valeurs des paramètres a et k sont a=0,25 et k=0,56 Saisie des données Calcul Calcul desdes pressions pressions sursur lesles différentes différentes façades façades Calcul du tirage thermique Hypothèse sur la pression intérieure des différents appartements Calcul des pertes de charge avec les débits de l ’itération k-1 non Calcul desDP sur les différents orifices (BE, EA, fuites) Vérification du bilan des débits massiques Pour l ’étage 0àn non Pi=Pi+-DP oui Solution convergée? oui Affichage des résultats Figure 2 : Algorithme de fonctionnement de SimVent LES SIMULATIONS : CONDITIONS ET PARAMETRES On se place dans le cas d’un immeuble de 6 niveaux (R+5) constitué d’une pile d’appartements identiques desservis par deux conduits collectifs de ventilation , en double exposition (une façade au vent, une sous le vent). La ventilation se fait par un système hybride dit « naturel assisté » : elle est basée sur la dépression créée naturellement en tête de conduit par le tirage thermique et la dépression due au vent, avec une assistance mécanique fournissant un complément de dépression en cas d’insuffisance de ces forces naturelles. Le traversant ayant lieu sous l’effet d’un vent important, l’assistance mécanique n’est alors pas nécessaire : le fonctionnement se fait dans les simulations suivantes uniquement par tirage naturel. Les entrées d’air sont fixes, avec une courbe débit/pression du type : Q k P (5) Les bouches d’extraction sont des bouches autoréglables à partir de 10 Pascals supposées idéales (caractéristique en loi racine jusqu’à 10 Pa, débit constant au-delà). On s’intéressera particulièrement à l’influence des caractéristiques des entrées d’air sur l’apparition du traversant. RESULTATS ET ANALYSES Caractéristiques générales : les bouches d’extraction ont des modules respectifs de 90 et 30 (débit en m3/h sous une différence de pression de 10 Pa) Sur l’ensemble des graphes suivants, la vitesse du vent est celle mesurée à une hauteur de 10 m Dans le premier exemple on prend des modules d’entrée d’air M1=90 et M2=90 250 200 5ème étage au vent débit (m3/heure) 150 100 5ème étage sous le vent 50 RC au vent 0 -50 0 5 10 15 20 RC sous le vent -100 -150 vitesse du vent (m/sec) Figure 3 : Débits en fonction du vent Le logement situé au 5ème étage est en traversant pour des occurrences de vent assez fréquentes (à partir de 7 m/s de vent mesuré environ, soit un vent corrigé de 8 m/s). L’apparition du traversant au rez-de-chaussée est moins fréquente, ce qui était prévisible au vu de la formule de correction du vent, mais elle n’est pas exceptionnelle (à partir de 13 m/s de vent mesuré environ, soit un vent corrigé de 9 m/s). Il faut de plus garder à l’esprit que la sous-ventilation des pièces donnant sur la façade sous le vent intervient avant la mise en traversant proprement dit. Dans le cas du cinquième étage par exemple, elle a lieu à partir d’un vent de 5 m/s environ. La figure 4, correspondant à des simulations dans la même configuration matérielle et pour une vitesse de vent de 8 m/sec met en évidence que, lorsque l’on rencontre des problèmes de traversant au(x) dernier(s) étages, on a fréquemment des problèmes de sous-ventilation aux étages intermédiaires ainsi qu’à ceux concernés par le traversant proprement dit. 50 Débit (m3/h) 40 30 Débit au travers de l'entrée d'air sous le vent 20 10 0 -10 0 2 4 6 -20 Etage Figure 4 : débit en fonction de l’étage On constate un problème de sous-ventilation des pièces donnant sur la façade sous le vent pour tous les étages, et particulièrement marqué pour les étages 2 à 5. Ce problème étant constaté sur une large plage de vitesse de vent (particulièrement aux étages supérieurs), on peut craindre une sous-ventilation de longue durée de certaines pièces pouvant entraîner des problèmes sanitaires, et ce même en tenant compte du caractère variable du vent en vitesse et en direction. 80 60 40 20 0 -20 0 -40 -60 -80 -100 -120 M1=90 5 10 15 20 25 M1=150 M1=40 V° (m/sec) Figure 5 : Débit au travers des entrées d’air de la façade sous le vent au 5ème étage Dans le cas d’un module d’entrées d’air au vent de 150, le 5ème étage connaît en permanence des problèmes liés à la ventilation (figure 6) : Pour des vitesses de vent modérées (inférieures à 10 m/s), les pièces sous le vent sont sous-ventilées (ceci est à nuancer pour les très faibles vitesses de vent, c’est à dire moins de 3 m/sec, pour lesquelles l’assistance mécanique peut fournir un complément de ventilation) Dès 5 m/sec de vent le logement est mis en traversant ; pour 10 m/sec de vent, ce phénomène de traversant est très important, doublant presque le débit d’air sortant du logement (aux 120 m3/h normalement extraits par les bouches s’ajoutent 110 m3/h sortant par traversant) et donc la consommation d’énergie liée à la ventilation. On a alors un surdébit très important au niveau des pièces au vent (près de 240 m3/heure, contre 90 m3/heure dans le cas d’une ventilation normale), et donc potentiellement une forte sensation d’inconfort thermique pour les occupants. Ces problèmes peuvent être chroniques en cas de vent dominant et peuvent conduire à des comportements néfastes de leur part comme l’obstruction des entrées d’air conduisant à des problèmes sanitaires. 250 200 150 Q (m3/h) Q (m3/h) Les figures 5 et 6 montrent une grande influence du module entrées d’air de la façade au vent sur la vitesse de vent à partir de laquelle survient le traversant : Au 5ème étage par exemple, pour M1 = 150, il a lieu dès 4,5 m/sec de vent météo, et seulement pour 16 m/sec de vent météo pour M1 = 40 (M2 reste égal à 90). Entrées d'air sous le vent 100 50 Entrées d'air au vent 0 -50 0 5 10 15 -100 -150 V° (m/sec) Figure 6 : cas d’un problème récurrent de traversant La vitesse limite de vent à laquelle apparaît le traversant ne dépend pas des modules d’entrées d’air de la façade sous le vent ; ceci était prévisible car à cette vitesse de vent on a équilibre de pression de part et d’autre de la façade. En revanche l’ampleur du traversant lorsqu’il a lieu dépend de ces modules, mais de façon faible (figure 7). 20 Q (m3/h) 0 -20 0 2 4 6 8 10 12 -40 M2=90 -60 M2=150 -80 -100 -120 -140 V° (m/sec) Figure 7 : Débit au travers des entrées d’air de la façade sous le vent, M1 = 150 On remarque que l’écart est quasiment nul par vent modéré et atteint 10% par grand vent ; une action sur ces modules n’aurait donc qu’un effet marginal sur le phénomène global de traversant. QUELQUES PISTES DE SOLUTIONS TECHNIQUES Une première approche pour réduire les irrégularités de débits et particulièrement le traversant est de travailler sur les orientations du bâtiment par rapport au vent dominant pour réduire l’impact de la vitesse de celui-ci. Cette approche se heurte cependant à deux problèmes : - D’autres contraintes architecturales (environnement immédiat, luminosité …) peuvent imposer des orientations non optimales d’un point de vue de la ventilation ; - Les vents dominants ne sont que majoritaires dans leur orientation, on peut de façon plus ou moins fréquente avoir d’autres orientations de vent. On peut également envisager de travailler sur les composants de ventilation, et en particulier les entrées d’air puisque leur influence directe a été mise en évidence. Le traversant est d’autant plus fréquent que les modules d’entrées d’air au vent sont importants ; il n’est cependant pas possible de les réduire fortement sous peine de ne pas respecter les dimensionnements de ventilation, le vent étant par nature variable. Il existe des entrées d’air à module variable dites autoréglables, permettant de résoudre en partie le problème. En effet, lorsque la pression en façade devient trop importante, une telle entrée d’air permet de réduire le flux d’air entrant et retarde ainsi l’apparition du traversant. Idéalement, en dessous d’une différence de pression, dite pression seuil d’autoréglabilité, l’entrée d’air se comporte comme une entrée d’air classique avec une loi du type : Q k P (5) Au dessus de ce seuil (par exemple 10 Pa), on aura un débit constant. Q (m3/h) Entrée d'air autoréglable idéale Q=f(P) 0 5 10 15 20 P (Pa) Figure 8 : Caractéristique d’une entrée d’air autoréglable idéale Cependant cette solution a ses limites : - des difficultés techniques existent pour obtenir des entrées d’air parfaitement autoréglables et dont les performances sont stables dans le temps ; - la perméabilité de l’enveloppe, dont il n’a pas été tenu compte dans ces simulations, contribue également au traversant - même sans tenir compte des réserves précédentes, les problèmes de déséquilibre de ventilation, bien qu’arrivant plus tard qu’avec des entrées d’air classiques, peuvent se produire par vent important. Elle permet néanmoins d’apporter une réponse partielle au problème et d’en limiter l’ampleur. Une solution plus complète la précédente est une entrée d’air centralisée par appartement avec distribution de l’air neuf dans les pièces. Cette solution a l’avantage de limiter le problème de traversant aux défauts l’étanchéité de l’enveloppe, ce qui dans le cas d’un logement récent ou rénové est censé rester un phénomène de faible ampleur. Elle nécessite par contre un surcroît d’équipement par rapport à la solution des entrées d’air classiques. CONCLUSION Le phénomène de ventilation traversante dans l’habitat collectif a été simulé grâce à un modèle nodal de pression. Ce modèle permet de calculer les débits obtenus au travers des différentes entrées d’air, de mettre en évidence leurs excès, insuffisances ou inversions, et de constater que ces problèmes, dont l’expression la plus flagrante est l’apparition de traversant, ont des conséquences sur l’ensemble des paramètres d’ambiance intérieure dans les logements ainsi que sur les consommations de chauffage. On a pu constater que ce phénomène, s’il touche en priorité les bâtiments de hauteur importante, n’est pas marginal et concerne des vitesses de vent usuelles. Si des solutions peuvent être ébauchées pour réduire l’ampleur de ce problème, on n’a pu identifier de solution définitive. Lors de simulations plus fines (CFD) à l’intérieur des espaces d’habitations, les débits globaux dans la pièce feront partie des paramètres d’entrée. L’extrême sensibilité des critères d’ambiance à ce paramètre montre l’importance de stabiliser au maximum ce débit global. REFERENCES [1] Collard, P, Approche multicritère de l’évaluation de la qualité des ambiances intérieures: application aux bâtiments tertiaires, Thèse de doctorat, université de Savoie, Chambéry, France, 204 pages, septembre 2001 [2] Wurtz, E, Adéquation entre environnements de programmation et simulations thermoaérauliques de niveau de finesse intermédiaires, Habilitation à diriger des recherches, Université de La Rochelle, France, 171 pages, novembre 2002 [3] Comis 3.0 user’s guide, édité par H.E Feustel et B.V. Smith, Berkeley, Californie, août 1997 [4] J.R. Millet, S. Moutet, J. Riberon, J.G. Villenave, Ventilation naturelle et utilisation du gaz en réhabilitation, Cahiers du CSTB, n°2887, livraison 370, juin 1996 [5] M. W. LIDDAMENT, A guide to energy efficient ventilation, AIVC Guide, Mars 1996