EC002CM L’entretien Clinique 29/03/08 Plan : Travail post-entretien L’entretien en référence à d’autres orientations 1. Travail post-entretien Le patient a quitté le cabinet. Suite à une rencontre avec un patient, il faut travailler encore. Il est très important de se donner les moyens d’effectuer ce travail. _ Transcription : Une modalité qui consiste à transcrire càd écrire des notes qui sont des propos échangés avec le patient. Transcription au plus près de l’échange avec le patient. Certains cliniciens notent pendant la séance ce que le patient dit. Ce travail de transcription, c’est de noter ce que le patient a dit de la façon la plus fidèle. Pourquoi le faire dans l’après coup ? Ecrire le plus exhaustivement possible ce que dit le patient peut mettre comme un écran il s’introduit une modalité relationnelle différente. Est-ce que ce serait la crainte de perdre quelque chose ? Même si on arrivait à tout noter, on perdrait toute cette communication qui ne passe pas par la parole, qui fait que l’on contient le patient. Cette question de la prise de notes mérite réflexion. Quand on effectue cette transcription après l’entretien, on retrouve le temps de l’entretien autrement. On est plus dans une compréhension linéaire de l’entretien. Dans l’après-coup, l’entretien s’organise autrement et des espaces s’ouvrent. Des liens inconscients nous font retrouver des chaines associatives. Nous ne sommes plus dans la contrainte temporelle de l’entretien mais nous sommes dans l’ouverture travaillée par notre contre transfert. C’est dynamisant. Ça ouvre sur un autre type de travail qu’il nous est nécessaire d’effectuer : travail d’analyse d’entretien. Ce 1er travail de transcription, tous les soignants peuvent l’effectuer. _ Analyse de l’entretien Le travail de l’analyse clinique est spécificité. Il s’effectue du plus superficiel au plus profond. 1er registre d’indice et de compréhension qui s’offre à nous. La qualité de la relation est fondamentale : comment va-t-elle se nouer, comment va-t-elle évoluer ? Le clinicien est complètement partie prenante. Notre implication est tout aussi présente que celle du sujet, ça va déterminer en partie la qualité de la relation et son évolution et va aussi déterminer l’entretien lui-même par exemple dans son contenu. Le patient en fonction de ce qu’il ressentira, abordera tel ou tel thème de son histoire et laissera de côté tel autre. C’est déterminé par la disponibilité qu’offre le clinicien. Dans un EC, le sujet va parler de lui, nous confier un peu de lui, de son histoire. Dans le récit qu’il en fait on a jamais affaire à des faits bruts, réels. On a affaire à une construction. Son histoire c’est toujours une construction qui est motivée par des représentations de désirs (les plus inconscients qu’il a au fond de lui et qui agissent dans la relation avec le clinicien). Mouvements très inconscients de représentations de désir. Cette construction est faite de faits contingents, de sa vie. EC002CM Page 1 C’est cette rencontre entre des désirs profondément inconscients et des éléments de sa vie qui vont donner naissance et qui vont organiser les fantasmes du sujet. Ces fantasmes nés de la rencontre entre des désirs très inconscients et des évènements de la réalité vont infléchir, modifier le propre déroulement de la vie du sujet, son existence. Jeu de miroir réfléchissant où on ne peut pas dire ce qui relève de l’organisation psychique et ce qui relève des évènements réels. Ce que le sujet nous livre, c’est travaillé par ces fantasmes, lesquels eux-mêmes issus entre des représentations de désirs très inconscients et des faits qui ont jalonné l’existence du sujet. Ce que le sujet nous dit n’est pas une réalité brute. Ces fantasmes modifient notre propre existence. On a affaire à une construction du sujet orientée en fonction de ce que le sujet peut voir de notre contenance, notre présence, de notre propre fonctionnement psychique. Le sujet qui vient voir le psychologue clinicien va tenter de lui raconter son histoire en obéissant à 2 principes : 1/ Principe de l’intelligibilité 2/ Exigence d’évitement du déplaisir C’est cet équilibre plus ou moins solide entre ces deux exigences qui va donner au récit, à la rencontre, sa plus ou moins grande cohérence. C’est cette recherche d’équilibre là qui motive profondément le choix que le sujet fait de nous faire part de telle ou telle séquence de sa vie ou de telle ou telle modalité de son fonctionnement. C’est aussi cette recherche inconsciente d’un équilibre à trouver qui va donner la facture, la couleur du récit dans la manière de le raconter. C’est pour cela que notre analyse, notre travail clinique de l’entretien, va se situer au croisement du mode de relation d’objet actuel et de l’histoire racontée. Dans ce croisement là, notre travail clinique trouve à se situer fondamentalement. La qualité de la relation que le sujet noue avec nous c’est un reflet de la relation d’objet qu’il noue avec d’autres. Ces modalités là se sont construites dans son histoire et en même temps, elles sont modifiées, infléchies par l’histoire même du sujet. Notre analyse de l’entretien peut trouver « sa vérité » à ce croisement là, au croisement d’un axe historique et d’un axe actuel (rencontre avec le clinicien). L’axe historique s’inscrit inexorablement dans le temps. Nous allons être attentifs à toutes les interactions avec l’entourage qui ont construit la personnalité de ce sujet que nous rencontrons. Dans cette perspective de la construction du sujet, on sera attentif à ce que le sujet peut nous dire : o D’un passé (les aïeux, parents, frère, sœur, conjoint…) o De ses relations actuelles o D’un futur (avec des projections dans l’avenir) L’axe actuel est sous tendu par cette idée fondamentale : à tout moment du récit, de la rencontre avec le patient, nous sommes dans une reconstruction personnelle où ce qu’est le sujet fondamentalement (ce qui fonde le sujet) est agissant. Il se vit quelque chose d’un remaniement actuel des évènements que le sujet nous confie. Il s’agit quelque chose dans cette relation, un remaniement des fantasmes qui animent le sujet. Tout cela est bien sûr en interaction. Ce moment de la rencontre est aussi travaillé actuellement par les fantasmes du sujet. Nous pouvons saisir quelque chose d’un instantané du fonctionnement psychique pour oser en tirer quelques hypothèses sur la personnalité du sujet. En saisissant ce qui se passe avec nous, nous allons pouvoir interroger (poser des hypothèses cliniques) l’histoire du sujet. Cette histoire que le sujet nous raconte est sous tendue par des fantasmes en lien avec des EC002CM Page 2 désirs inconscients et qui, de fait, dans la rencontre avec nous, vont être mobilisés et vont déclencher de façon parfois consciente un certain type d’angoisse. Face à cette angoisse naissante, le sujet de façon inconsciente va mobiliser ses mécanismes de défense prévalents, ceux qu’il a l’habitude d’utiliser pour vivre. Cette situation clinique est très dense, mobilise l’angoisse liée à des désirs inconscients et donc mobilise des mécanismes de défense. Dans tout entretien, qui que ce soit, va vouloir rendre intelligible sa parole et éviter le déplaisir et ça va exiger la mobilisation de mécanismes de défense et donc le clinicien va saisir le fonctionnement mental dans ces modalités défensives, réponses à une angoisse sous jacente. On en arrive là vraiment au plus profond de l’être. Donner sens à ces modalités de défense et donc les articuler avec un travail d’articulation théorico-clinique. Etre attentif à apprécier la nature de l’angoisse et la nature des mécanismes de défense mis en place pour endiguer cette angoisse et tout cela dans une référence théorique (à la psychanalyse). Ces références théoriques vont nous permettre d’articuler les différents éléments que nous avons identifiés entre eux, pour les rassembler dans une organisation qui prend sens cliniquement. A ce moment là, nous pourrons formuler notre analyse sous forme d’hypothèses psychopathologiques par exemple. Travail délicat avec des conséquences importantes. Notre formation en clinique projective est un outil précieux dans ce travail de repérage de l’angoisse et des mécanismes de défense. Pour être attentif au discours du sujet, c’est un travail qui caractérise la clinique projective et l’entretien. Quand on a pris le temps de transcrire, l’entretien suivant se passe mieux. Ce temps d’analyse clinique est très important quand se dessine une prise en charge thérapeutique, pour savoir comment on va travailler. Il nous faut du temps. Défendre la spécificité et la qualité de notre travail. 2. D’autres orientations pour mener un entretien clinique Comment cette relation d’entretien clinique peut être appréhendée autrement ? La psychanalyse c’est une référence théorique possible. Deux autres références théoriques possibles qui déterminent d’autres façons de concevoir l’entretien clinique. Ce sont des psychologues cliniciens qui ont une conception différente du travail clinique, ils sont de plus en plus nombreux. _ Psychologie scientifique, expérimentale qui donne lieu à ce courant comportementaliste et cognitiviste _ Référence à la théorie systémique A/ La psychologie expérimentale Ils revendiquent leur rigueur scientifique. A côté, la psychanalyse n’est même pas une science, « espèce d’appréhension intuitive ». Accent mis sur ce qui est observable. Psychologie qui trouve ses racines au début du siècle dernier, notamment avec WATSON qui a pris position en disant que la psychologie n’avait pas à spéculer sur l’esprit mais qu’elle doit se limiter à étudier les comportements, le contexte d’apparition des comportements, leurs EC002CM Page 3 facteurs environnementaux et physiologiques. Il dénonce cette pratique qui est d’expliquer les conduites par des entités mentales inobservables. « Le temps semble venu où la psychologie doit rejeter toute référence à la conscience, où elle ne doit plus errer et croire qu’elle fait des états mentaux l’objet des observations. Elle doit prendre comme objet d’étude ce que les hommes font de la naissance à la mort. » Ils se limitent à l’observation des conduites, ils ne nient pas complètement qu’il peut se passer quelque chose dans ce qu’ils appellent « la boîte noire ». C’est dans ce contexte que Watson va prendre connaissance des travaux de PAVLOV (le conditionnement des chiens) et il va travailler sur le conditionnement humain. Il est une expérience qui fait date, c’est une expérience réalisée sur un petit enfant de 11 mois, le petit Albert (en 1920). Enfant qui se développait normalement. On lui a proposé des stimuli et il y réagissait de différentes manières. On lui a présenté un son violent qui l’a effrayé. On lui a présenté un rat en l’associant avec ce son. Au bout de 7 fois, le petit Albert avait développé une phobie pour les rats et Watson avait constaté une généralisation du stimulus. Expérience qui fonde la psychopathologie comportementaliste. Ils ont voulu montrer en appui sur ces expériences là, qu’un comportement particulier, en l’occurrence une phobie considérée comme une psychopathologie serait le résultat de conditionnements malheureux, malencontreux. Le symptôme phobique et tout autre symptôme peut être expliqué par des conditionnements malheureux. Dans cette logique, Mary Jones a pris le relais et a réalisé une expérience de déconditionnement sur le Petit Pierre de 3 ans qui présentait des phobies. 2 techniques : l’habituation progressive et l’imitation. Ils ont installé le petit Pierre et lui ont apporté ses plats préférés ainsi qu’un lapin dans une cage et petit à petit ont rapproché le lapin du petit Pierre, qui s’est habitué. On a fait venir d’autres petits enfants pour qu’ils jouent avec le lapin et le petit Pierre a imité ses camarades. Sa phobie du lapin a disparue en 40 séances. Les comportementalistes se limitent à agir sur le comportement. Quand ces cliniciens reçoivent un patient, ils vont avoir comme objectif premier d’évaluer le symptôme (en psychanalyse on porte notre attention sur ce que le sujet est). On isole le symptôme et on le quantifie. Entretien qui a pour objectif une évaluation quantifiée du symptôme. Il s’agit de conduire le sujet là où on veut avoir des renseignements. Ils ont des grilles qu’ils remplissent après l’entretien. C’est à partir de ces échelles qu’ils évaluent le symptôme et décident un plan de traitement extrêmement cadré. Se disent très scientifiques. Il y a d’autres techniques : l’exposition prolongée. Ex : Patient qui avait peur des gens à qui la psychologue a demandé d’aller dans le métro avec son portable en mode sonnerie forte, elle lui faisait sonner plusieurs fois. Dans un 1er entretien clinique, le psychologue reçoit un patient qui a un symptôme qu’il s’agit d’évaluer. Ils ont dans leur approche une méthode très directive, tout comme la thérapie. Le patient a à faire des tâches thérapeutiques. La relation qui en découle est une relation directive qui est basée sur la transparence : tout est expliqué. Le thérapeute fournit des brochures, des DVD… Le sujet et le clinicien sont considérés comme pédagogues et apprenants. Dans un certain nombre de cas ça peut marcher s’il n’y a pas de déplacement de symptôme. EC002CM Page 4 A cette époque, des psychiatres psychanalystes étaient déçus du traitement qu’ils donnaient. Se sont mis à travailler autrement pour soigner leurs patients dépressifs, ont travaillé sur les cognitions du patient, il s’agissait d’agir sur les idées noires des patients pour modifier leurs Point de départ de l’approche cognitiviste. Qu’est ce que ces patients ont dans la tête ? Le comportementalisme peut modifier les représentations et les affects. 1971 ASSOCIATION FRANCAISE DE THERAPIE COMPORTEMENTALE 1984 « « ET COGNITIVISTE (association des deux) De là sont nées les thérapies cognitivo-comportementales (TCC). Travail sur les représentations psychiques (dans la dépression) et sur des comportements observables (conduites alimentaires et phobies). Mouvement qui est en plein essor et dont il faut pouvoir percevoir les limites. L’orientation psychanalytique des services de psychiatrie n’est plus dominante. Des prises en charge brèves et ciblées. C’est plus économique pour tout le monde. C’est une formation assez rapide, assez cadrée. On apprend une méthode. On est pas dans ce registre d’implication réciproque. Maintenant ce sont des techniques qui sont utilisées et classées par efficacité : (du plus efficace au moins) _ Les troubles anxieux _ Les troubles dépressifs _ Les troubles addictifs _ Les troubles des conduites alimentaires _ Les troubles sexuels _ Dimension de réhabilitation d’action psychosociale chez les schizophrènes _ Les troubles liés au stress _ Les troubles psychosomatiques Dans les années 85, c’est la formalisation de la médecine comportementale. On utilise ces ressources liées à la psychologie scientifique pour réduire des habitudes qui engendrent ou qui aggravent des troubles physiques. Ex : méthodes utilisées pour changer les habitudes des patients tabagiques, alcooliques, se suralimentant, sédentaires. Ces situations peuvent aggraver des maladies somatiques : migraines, cancers… De façon plus récente encore un domaine où ces techniques prennent beaucoup d’ampleur, c’est la gestion du stress en médecine et dans l’entreprise (améliorer son bien-être et son efficacité au travail). Ils ne cherchent pas d’explication, ils modifient l’observable. C’est pas sans risque de déviation. On peut agir sur les symptômes, les représentations des gens. Etre vigilant aux représentations de la personne humaine. B/ Mouvement systémique Accent mis sur la relation. On doit ce courant à Gregory BATESON, anthropologue qui a mené des études en nouvelle Guinée et il y a une recherche princeps à Bali sur le comportement des mères avec leur petit enfant. S’est toujours intéressé à la communication dans les groupes. Etude à base de photos. Il a montré que les mères sollicitent chez l’enfant la communication, la relation, l’expression d’affects et au moment où l’enfant s’apprêtait à EC002CM Page 5 répondre à sa mère, elle changeait de comportement infraverbal et se retirait de la communication. Il a appelé cela le « système de la douche froide ». A long terme, l’enfant continue pendant un certain temps de tenter la relation dans l’échange affectif mais au bout d’un certain temps il ne va plus répondre. Ces enfants à l’âge adulte ne noueront pas de relations affectives chaleureuses, ce seront des personnes distantes et froides. Il montre que les caractéristiques des relations précoces ont une influence sur les relations ultérieures à l’âge adulte et sur la personnalité du sujet. Bateson a été invité à travailler en hôpital psychiatrique auprès de patients schizophrènes à Palo Alto. Ces patients avaient en commun d’être dans des familles où la communication était perturbée. Une des perturbations : le double bind (le double lien). Lien intense et vital entre le sujet et son environnement, lien tordu où on adresse au sujet un 1er message : l’injonction primaire et en même temps on lui adresse un autre message avec une autre modalité qui va à l’encontre du premier : injonction secondaire. Le destinataire du message se trouve dans une impasse. Une seule solution qui se l’extérieur est folle. (Vignette des deux cravates). Un message explicite et un autre qui est de dire le contraire. Ce type de communication serait trouvable dans la communication des familles schizophrènes. Une maladie mentale serait la conséquence d’anomalies de la communication. Révolution complète dans le monde de la psychiatrie. Ces travaux ont été repris par d’autres cliniciens : WATZLAWICK qui décrit la communication entre les groupes et dans les groupes. A l’origine du mouvement systémique : communication dans un système et entre les système thérapies familiales systémiques. Il s’agit de repérer les anomalies de la communication au sein d’un groupe. La famille est le haut lieu de l’étude des communications. On reçoit le patient et sa famille et on observe la relation entre les uns et les autres. Le patient et sa famille sont pris dans une impasse. Ce travail du thérapeute sera de les aider à les faire sortir de cette impasse et pour ça il va proposer une consigne paradoxale auquel le sujet ne s’attend absolument pas et ça permet de faire un saut, une discontinuité et d’établir une nouvelle modalité relationnelle. On agit sur quelque chose de visible. Psychologue tout puissant. C’est à la suite de ces 1ers travaux que des analystes comme Anzieu, Kaes et Eiger ont développé des thérapies familiales psychanalytiques en tenant compte de ce que la relation pouvait comporter d’inconscient (ex : des résistances paradoxales, des transferts paradoxaux). Autre systémicien : MINUCHIN. Dans les années 60 étude sur les adolescents délinquants dans des bidonvilles. Ces ados appartenaient à des familles où la communication était perturbée, il avait distingué 2 types de familles : les familles enchevêtrées et les familles désengagées. Il note que la construction identitaire se fonde à la fois sur le sentiment EC002CM Page 6 d’appartenance à un groupe (famille) et sur le sentiment d’autonomie. Dans ces 2 types de famille, ce n’est pas possible de concilier l’épanouissement du sentiment d’appartenance et d’autonomie. Dans toutes les familles, il y a des sous groupes : le couple parental, la fratrie, les hommes, les femmes.. La difficulté c’est de pouvoir se sentir autonome et appartenir à chacun de ces groupes. Il propose de clarifier les frontières au sein des familles pour redonner à chacun sa place au sein d’un groupe et son identité. EC002CM Page 7