Une gouvernance économique mondiale depuis

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Les échelles de gouvernement dans le monde de la fin de la Seconde Guerre mondiale à nos jours
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DOSSIER N°4c
Une gouvernance économique mondiale depuis le sommet du G6 de 1975
Durée : 3h leçon « Une gouvernance économique mondiale depuis 1975 » 3h
(programme 2012). Mai. Manuel Nathan TS 2014.
Gouvernance : terme de droit d’ancien français popularisé par le président
sénégalais Léopold Sédar Senghor pour désigner les services administratifs d’une
région. Gouvernance : recherche d’un mode de gestion efficace d’un territoire par
plusieurs acteurs et à différentes échelles.
Par extension, la gouvernance économique mondiale est un néologisme entré
en usage dans les années 1990 pour désigner l’ensemble des institutions et des
règlements censés assurer le fonctionnement de l’économie mondiale. La première
tentative pour régler les problèmes économiques à l’échelle planétaire est la
conférence de Bretton Woods de 1944. Mais depuis 1971, date de l’abandon par les
Etats-Unis du système de Bretton Woods, l’économie mondiale est confrontée à de
nouveaux défis.
A quels défis la gouvernance économique mondiale est-elle confrontée
depuis 1975 ?
Pour y répondre, plan chronologique en deux parties (le G6 et la gestion par
les pays du Nord de 1975 à 1999, le G20 et la gestion par l’oligopole mondial de
1999 à nos jours).
I - LE G6 ET LA GESTION PAR LES PAYS DU NORD DE 1975 A 1999 :
1 - Les origines du G6 : l’abandon du système de Bretton Woods.
Les Etats-Unis ont abusé de leur position centrale dans le système financier
mondial, en faisant fonctionner la planche à billets, inondant le monde capitaliste de
billets verts, tandis que les réserves métalliques des banques centrales américaines
s’épuisaient. Le désordre monétaire s’installe : de 1957 à 1971, alors que le stock
d’or des USA diminuait de moitié, la quantité de « billets verts » en circulation était X
3 (cause d’inflation). D’autre part, les pays en développement PED se plaignent
d’échanges inégaux et trouvent un relai de leurs revendications au sein de l’ONU qui
crée la CNUCED en 1964. De ce fait, la confiance dans le dollar a diminué, et un
phénomène d’inflation à l’échelle mondiale en a été le résultat. L’inflation est une
augmentation trop forte de la quantité de monnaie en circulation, ce qui entraîne une
hausse des prix excessive et une diminution du pouvoir d’achat des salariés. De ce
fait, le gouvernement des Etats-Unis suspend la convertibilité du dollar en or le 15
août 1971, ce qui paralyse le système financier du monde capitaliste. Le premier
choc pétrolier de 1973 et la crise économique de 1974 aggravent le phénomène
d’inflation à l’échelle du monde capitaliste. Influencé par les thèses monétaristes de
l’école de Chicago, dirigée par Milton Friedman, le gouvernement des Etats-Unis
abandonne le principe des taux de change fixes en 1976. C’est la fin du système de
Bretton Woods pour l’ensemble des pays du monde capitaliste.
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2 - Le contexte de la naissance du G6 : la globalisation financière.
L’abandon du système de Bretton Woods fait des monnaies des valeurs
comme les autres, soumises à la loi de l’offre et de la demande. On assiste dès
1971/76 à une « guerre financière » ou dérégulation financière entre les monnaies du
monde. La « nouvelle économie » est marquée par la globalisation financière dans
laquelle les bourses des valeurs jouent un rôle stratégique majeur : le monde avance
au rythme de la ronde des bourses de valeurs les plus importantes du monde, NYSE
+ NASDAQ à New York, Kabuto Cho à Tokyo, Euronext qui réunit les bourses
électroniques européennes, et qui est associé au NYSE, la City à Londres (qui est
passée en deux ans de la 2e à la 5e place). La capitalisation boursière devient un
élément essentiel de la puissance. Les paradis fiscaux sont de petits Etats sans
ressources particulières (comme Monaco, Andorre, Vatican) qui s’efforcent d’attirer
les flux financiers par des mesures fiscales avantageuses et le secret bancaire. Ils
sont aujourd’hui accusés d’avoir contribué au désordre financier mondial.
Deux chocs pétroliers entraînent la récession en 1973 (crise de 1974-75) et en
1979 (crise de 1980-81), en révélant la dépendance des pays occidentaux envers
une source d’énergie dont l’approvisionnement est extérieur (taux de couverture très
faible en Europe occidentale et au Japon) et dont le marché n’admet qu’une seule
monnaie d’échanges (le dollar).
3 - La naissance du G6 et son action : la gouvernance par les pays du Nord.
En 1974 les cinq chefs d’Etats ou de gouvernements des pays les plus riches
du monde se sont réunis à Washington de façon informelle pour évoquer la crise
économique mondiale. En novembre 1975 le sommet de Rambouillet organisé par le
président de la république française VGE donne naissance au G6 (USA, Japon,
France et RFA, Royaume-Uni et Italie). En 1976 le G6 devient G7 avec l’arrivée du
Canada lors du sommet de Porto Rico. En 1998 a lieu à Birmingham le premier
sommet du G8 avec l’arrivée de la Russie. En 2007 ce groupe d’Etats réunissait 13%
de la population mondiale, mais fournissait 58% du PIB mondial. De ce fait, ses
décisions sont déterminantes pour l’évolution de l’économie mondiale, mais elles
sont contestées par les pays du Sud.
Les crises économiques successives de 1974/75, 1980/81, 1990/91, 1997/98,
affaiblissent les Etats du Nord et conduisent à l’abandon du Welfare State, « L’Etat
Providence » en Europe et aux Etats-Unis, selon les principes édictés par l’école de
Chicago dirigée par l’économiste libéral Milton Friedman. Cela se manifeste par la
réduction des dépenses dans les services publics et une politique d’austérité. Les
entreprises sont privatisées pour faire face à la réduction des rentrées financières. Le
Chili en 1973, surtout le Royaume-Uni en 1979 et les Etats-Unis en 1981 se sont
engagés dans cette politique appelée « révolution conservatrice ». La France
s’engage dans une politique d’austérité dès 1984, et adopte un programme de
privatisations dès 1993.
Les coûts de production augmentent dans les PDHNV : tensions sur le
marché mondial des hydrocarbures, coûts salariaux croissants incitant au
redéploiement mondial de l’emploi (vers les « pays ateliers »). Les restructurations
de l’industrie sont douloureusement vécues par les salariés (fin des pays noirs et
reconversion des vieux foyers industriels : Ruhr, Lorraine, Rust Belt, délocalisations).
Parallèlement, les pays émergents adoptent des stratégies visant à bénéficier de la
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DIT (division internationale du travail) rendue possible par l’affaiblissement des Etats
incapables, ou peu soucieux, de freiner les délocalisations d’ateliers de production
des FTN. Nous savons que la Chine a adopté une économie extravertie dès 1978/79
afin de devenir l’atelier du monde. L’avènement d’un monde multipolaire contribue à
l’affaiblissement des Etats, particulièrement du Nord.
II - LE G20 ET LA GESTION PAR L’OLIGOPOLE MONDIAL DE 1999 A NOS
JOURS :
1 - Les origines du G20 : la montée en puissance des pays du Sud dans les
échanges internationaux.
Les PED contestent la légitimité des décisions du G6/G8, qui servent les
intérêts des pays les plus développés. D’où la création du groupe des 77 en 1964 qui
réunissait à cette date les pays en développement membres de l’ONU. Ce groupe
continue d’être appelé G77 mais compte actuellement 132 pays membres. Mais
l’opposition Nord-Sud n’est pas pour autant surmontée. Les pays émergents estiment
que leurs intérêts ne sont pas suffisamment pris en compte, et ils expriment leurs
particularités lors des sommets de l’OMC. Les échanges commerciaux entre pays
capitalistes ont été organisés par le GATT, né en 1945 et devenu l’OMC,
Organisation mondiale du commerce en 1995 (siège à Genève). Cette
organisation a permis la réduction des droits de douane entre les pays membres, par
des négociations appelées Rounds. Le cycle de Doha à partir de 2001 a permis de
faciliter l’accès des pays du Nord aux marchés des pays émergents. C’est essentiel,
car les pays membres de l’OMC contrôlent plus de 90% des échanges mondiaux (la
Chine vient d’adhérer à l’OMC en 2002, la Russie en 2011). Par exemple, les
tensions Nord-Sud ont conduit à l’échec du sommet de Seattle en 1999. Aussi les
pays émergents ont-ils organisé le BRIC en 2001, groupe réunissant Brésil, Russie,
Inde et Chine, devenu BRICS en 2011 avec l’adjonction de l’Afrique du Sud. A noter
la place prise par les bourses de valeurs chinoises : Shanghai et Hong Kong sont
classées 6e et 7e. Mais il ne faut pas oublier le Brésil (Sao Paulo 9 e) et l’Inde
(Bombay 10e).
2 - Le G20 et son action : la gouvernance par l’oligopole mondial.
Pour aboutir à une concertation tenant compte des intérêts de la plupart des
Etats, fut créé le G20 en 1999. Le G20 comprend 11 représentants des Etats du
Nord (Allemagne, Australie, Canada, Corée Sud, Etats-Unis, France, Italie, Japon,
Royaume-Uni, Russie, Union européenne) et 9 du Sud (Afrique du Sud, Arabie
Saoudite, Argentine, Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Mexique, Turquie).
Les gouvernements des grands Etats du Nord ont essayé de s’adapter à la
mondialisation en réduisant leur poids dans l’économie (diminution des dépenses
publiques, retraites par capitalisation), en créant des mesures favorisant le
dynamisme des entreprises et attirant les capitaux étrangers (dumping fiscal ou
social). En juillet 2007 la finance internationale était ébranlée par la crise des
subprimes aux Etats-Unis (faillite de la banque Bear Stearns le 18/07/2007), qui
précéda la crise économique mondiale (faillite de la banque Lehman Brothers en
septembre 2008). Les échanges internationaux en sont durablement perturbés, en
raison de la montée des égoïsmes nationaux. L’Irlande, pays européen qui a
pratiqué le dumping fiscal, a vu son PIB/h dépasser celui des Etats les plus riches
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d’Europe occidentale, avant de s’effondrer en 2008 avec la crise économique
mondiale. L’Islande, plus au nord, a mené une politique comparable, qui a conduit le
pays entier au bord de la faillite (chute du PIB de -6,5% en 2009, chute de la
formation de capital de -50%).
Mais ce sont encore les Etats qui ont pris en charge la lutte contre la crise
mondiale : les sommets du G201 de Londres (avril 2009) et de Pittsburgh (septembre
2009) ont décidé d’une action concertée dans le domaine financier. Les Etats ont
racheté ou accordé des crédits aux banques en difficulté, les capitaux étant fournis
par les fonds souverains (avoirs financiers de l’Etat) de pays émergeants tels que la
Chine (qui a sauvé la banque américaine Morgan), la Russie, les Emirats Arabes
Unis (prêts à taux zéro).
Tout cela contribue à la prise en compte d’une économie mondiale
multipolaire, mais semble encore insuffisant pour que s’exerce une véritable
gouvernance mondiale ayant un effet régulateur sur les fluctuations économiques et
les principaux déséquilibres constatés à l’échelle mondiale.
3 - Les limites d’une gestion contestée :
Le combat altermondialiste est mené contre les organismes dirigeants de la
planète, tels que le FMI et la Banque mondiale, accusés d’affaiblir le dynamisme des
pays du Sud en imposant des programmes d’ajustement structurel draconiens en
échange d’une aide financière ou technique au développement, l’OMC (où
s’affrontent les pays du Nord, qui veulent plus de libre-échange, et les pays du Sud
qui réclament moins de subventions aux agriculteurs du Nord), le G20, accusé de
servir les intérêts des FTN au détriment des sociétés civiles. L’unilatéralisme pratiqué
par les dirigeants des FTN est flagrant lors du sommet ou forum économique mondial
annuel de Davos (Suisse). Les lobbies y sont très présents (stratégie mondialiste).
La mondialisation est, pour les altermondialistes, responsable de l’aggravation des
inégalités entre riches et pauvres à différentes échelles (mondiale, nationale, locale).
L’aide au développement accordée par les pays riches aux PED a fortement diminué.
Depuis 2001 (sommet du FSM de Porto Alegre) les altermondialistes réclament de
nouvelles règles pour organiser les marchés. Voir carte 3 p. 129 : les grandes
manifestations altermondialistes sont complétées par les FSM et les sommets de la
Terre.
La remise en cause du paradigme libéral s’appuie aujourd’hui sur les travaux
d’économistes réputés tels que Joseph Stiglitz, économiste en chef de la Banque
mondiale de 1997 à 2000, qu’il quitta en 2000 pour marquer son opposition à la
politique menée par cette organisation internationale, prix Nobel d’économie 2001 et
un des principaux adeptes du néo keynésianisme, il fut un des conseillers du
président Bill Clinton de 1995 à 1997. Il milite pour une amélioration de l’accès à
l’information économique et l’accès des travailleurs à un salaire d’efficience
(supérieur à l’offre sur le marché du travail). Il n’existe donc pas encore de véritable
gouvernance économique mondiale, un mode de gestion efficace reste encore à
définir pour éviter le désordre économique mondial.
1
Le G20 comprend 11 représentants des Etats du Nord (Allemagne, Australie, Canada, Corée Sud, Etats-Unis,
France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie, Union européenne) et 9 du Sud (Afrique du Sud, Arabie Saoudite,
Argentine, Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Mexique, Turquie).
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