Conférence d’économie n° 18 : Coordination européenne – 30-04-2007 – Argumentation – Hélène GAUTHIER A2G3 Sujet : Le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) rénové apporte-t-il une réponse suffisante aux problèmes de coordination des politiques économiques au sein de l’Union Economique et Monétaire européenne ? Les fortes interdépendances qui existent entre les pays de l’Union Economique et Monétaire européenne expliquent la nécessité d’une véritable coordination des politiques macroéconomiques dans cette zone. Si la Politique Monétaire est coordonnée depuis le passage à la monnaie unique, parce que dépendant d’une Banque Centrale unique, la BCE, la Politique Budgétaire reste une prérogative nationale que seules quelques règles encadrent au niveau européen, la principale de ces règles étant le Pacte de Stabilité et de Croissance. Rénové en 2005 pour prendre en compte la situation économique de chaque pays de façon plus précise et plus cohérente, le nouveau Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) apporte-t-il les réponses nécessaires aux problèmes de coordination en Europe ? Pour répondre à cette question, nous verrons dans une première partie la situation de la coordination des politiques économiques européennes avant la révision du PSC, puis dans un deuxième temps les réponses apportées par la rénovation du PSC et les insuffisances persistantes de celui-ci. I. La coordination des politiques économiques en Europe avant la révision du PSC A. Les enjeux d’une coordination des politiques économiques en Europe Dans la littérature économique, on peut distinguer deux types de coordination, deux objectifs soustendant la mise en place d’une coordination. Les enjeux de la coordination des politiques économiques en Europe sont donc également doubles. D’une part la coordination peut être vue comme la réponse aux interdépendances économiques des pays, c'est-à-dire comme la réponse aux effets externes qu’ont les politiques économiques nationales d’une Etat sur les économies de ses principaux partenaires, et en l’occurrence celle des autres Etats-membres de l’Union Economique et Monétaire européenne. D’autre part, on peut voir la coordination économique comme ayant pour objectif la préservation de « biens publics internationaux » tels que le système de libre-échange, la stabilité des taux de change dans la zone de l’UEM… En effet, sans une coordination minimale des politiques économiques de chaque Etat, ceux-ci auraient tendance à mettre en avant leur intérêt national, qui est pourtant un intérêt à court terme plutôt que l’intérêt de la communauté économique européenne, un intérêt commun à long terme permettant par exemple les économies d’échelles, l’augmentation de la taille des marchés… et donc une croissance plus forte, sur plus long terme, et plus riche en emploi. L’une et l’autre des coordinations, dans le cadre européen, auront donc pour objectif principal commun une plus grande efficience de l’économie dans la zone euro. B. Les apports et les insuffisances du PSC de 1997 Dans le but de mettre en place cette coordination visiblement nécessaire dans l’UEM européenne, les dirigeants européens ont décidé, comme ils le feront plus tard avec la Banque Centrale Européenne qui a en charge depuis 1999 la coordination des politiques monétaires, de se doter d’un instrument de coordination des politiques budgétaires, le Pacte de Stabilité et de Croissance, entré en vigueur en 1997. Il s’agit d’un ensemble de règles valables pour tous les Etats membres de l’UEM, notamment dans l’optique d’une plus grande intégration économique avec la mise en place de la monnaie unique à partir de 1999, règles limitant l’autonomie des politiques budgétaires des Etats membres (mais n’entraînant en aucun cas sa disparition). Les Etats s’engageaient, à la signature de ce PSC à respecter une norme de déficit public égal ou inférieur à un ration de 3% du PIB national et une dette égale ou inférieure à un ratio de 60% de ce même PIB. Tout Etat contrevenant à ces règles s’exposait alors à une procédure pour déficit menée par le Conseil des Ministres de l’UE et notamment à des sanctions financières. Le PSC avait pour but principal la stabilité macroéconomique de la zone, condition essentielle d’une croissance soutenue. Il s’agissait pour cela d’éviter l’augmentation des déficits des différents Etats, déficits qui empêchaient d’une part un fonctionnement optimal des politiques budgétaires, mais aussi une réaction assez rapide aux variations de conjoncture économique et entraîneraient de plus une répercussion moindre des politiques monétaires menées par la future BCE. Mais le PSC mis en œuvre à partir de 1997 avait certaines insuffisances, ne prenant notamment pas assez en compte les effets de la conjoncture sur les efforts des Etats pour diminuer leurs déficits. Conférence d’économie n° 18 : Coordination européenne – 30-04-2007 – Argumentation – Hélène GAUTHIER A2G3 En effet, en cas de mauvaise conjoncture, comme en 2002, les recettes de l’Etat diminuent mécaniquement, et les dépenses sont censées pouvoir augmenter, afin de mener une politique contracyclique entraînant une reprise de l’activité. Or le PSC empêchait toute augmentation des dépenses si les Etats souhaitaient le respecter, et entraînait donc la mise en place de politiques budgétaires procycliques qui empiraient encore la situation économique. On comprend donc qu’il ait été de moins en moins respecté par les différents Etats-membres, et notamment les plus grands, comme l’Allemagne ou la France. Une réforme du PSC a donc été décidée, et mise en œuvre à partir de 2005, ce que nous allons voir dans notre seconde partie. II. Les réponses et les insuffisances du PSC rénové A. Les réponses apportées par la rénovation du PSC en 2005 Il s’agissait par cette réforme de donner une plus grande importance dans les règles à la gestion par chaque Etat de ses cycles économiques et à l’accompagnement par la politique budgétaire des réformes structurelles qui lui étaient nécessaires. La principale avancée du PSC rénové réside en fait dans la vision plus souple de la limite de déficit. En cas de mauvaise conjoncture économique, notamment, la norme des 3% n’est plus la seule variable prise en compte, on trouve aujourd'hui à ses côtés la prise en compte de l’évolution sur le moyen-terme, et de la mise en œuvre de réformes structurelles pouvant renforcer le potentiel de croissance du pays et donc de la zone entière. En période de conjoncture favorable, les Etats se doivent désormais d’intensifier encore leurs efforts budgétaires, pour dégager des marges nécessaires pour faire face aux périodes de récession ou de croissance molle. On se trouve avec ce nouveau pacte face à une vision de moyen terme du solde budgétaire de chaque Etat-membre, un dépassement temporaire de la norme des 3% étant désormais envisageable, si la Commission constate que celui-ci est du à une conjoncture défavorable, ou à la mise en place d’une politique structurelle favorable à la croissance sur plus long terme. Le Conseil, dans ses recommandations fixe de plus des échéances plus cohérentes avec la situation du pays pour redresser la situation budgétaire. La réforme a de plus permis d’augmenter et d’améliorer le dialogue entre la Commission, le Conseil et les Etats-membres, ce qui permet une meilleure information et donc des procédures plus constructives, et une meilleure adhésion des Etats membres aux règles imposées par le Pacte. B. Les insuffisances persistantes de la coordination Mais la coordination européenne reste insuffisante, malgré cette réforme. Si la politique monétaire dans l’UEM ne dépend plus des Etats mais d’une institution unique, la Banque Centrale Européenne, et est donc tout à fait coordonnée dans le règlement des chocs symétriques auxquels doit faire face la zone, les politiques budgétaires restent malgré tout des politiques nationales sur lesquelles l’Europe n’a pas toujours prise, ce qui ne facilite pas toujours le règlement des crises provoquées par des chocs asymétriques, c'est-à-dire concernant un seul pays, et ces politiques budgétaires ne jouent pas systématiquement dans le sens de l’intérêt commun des Etats de la zone. L’importance de la réactivité des Etats par leurs politiques économiques à la conjoncture plus ou moins favorable, pour éviter d’aggraver une récession ou pour éviter toute surchauffe de l’économie, semble toujours faiblement prise en compte, puisque cette réactivité est limitée par les politiques monétaires restrictives d’une BCE entièrement concentrée sur la stabilité monétaire et la stabilité des prix, et par une politique budgétaire trop encadrée pour être utilisable librement. De même, le PSC comme la recherche de la stabilité des prix par la BCE semblent empêcher tout accompagnement des réformes structurelles par des politiques macroéconomiques expansives visant à atténuer les effets qui pourraient être dans un premier temps négatifs de ces réformes. Aujourd’hui en Europe, les politiques structurelles sont envisagées séparément des politiques macroéconomiques, ce qui ne saurait être profitable à la croissance, et encore moins conduire au respect des engagements pris à Lisbonne en 2000 d’une croissance soutenue, riche en emploi et en innovation. On peut dès lors regretter la faiblesse du budget de l’Union Européenne qui pourrait concentrer les dépenses à mettre en œuvre pour favoriser la recherche et développement, l’éducation, toutes politiques qui, mises en œuvre à un niveau supranational seraient en mesure d’entraîner le déclenchement d’une dynamique de croissance à l’échelle européenne, et non plus de treize dynamiques de croissance nationales.