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APPRENDRE AUTREMENT AUJOURD'HUI ?
Jacky Beillerot
Professeur en sciences de l’éducation,
université Paris-X-Nanterre
Il y a des mots magiques, créateurs de mystère et d'imaginaire. “ Autrement ” est de ceux-là. On
croit à un adverbe de manière, mais c'est d’un slogan, d’un emblème, d’un drapeau qu’il s'agit, qui
nomme même un mouvement social et une revue. Qu'importe ce dont il s'agit, pourvu que ce soit
autrement ! En réalité, ce dont il s’agit est assez précis : les autrementistes se reconnaissent entre
eux par un rejet certain de l'état présent et un goût prononcé pour le changement.
Autrement : l’adverbe-manifeste de l’“ ici et maintenant ”
“ Autrement ”, énoncé seul, possède une capacité d'autant plus grande qu'il se nourrit d’implicites.
Et c'est dans la reconnaissance mutuelle de ces implicites que ceux que je nomme les
autrementistes se trouvent et se retrouvent, un peu sur le mode de ceux qui se repèrent par des
vêtements ou des objets.
Autrement, signifie “ faire ” autrement, c'est-à-dire agir, travailler, au sens général, et plus
précisément ne pas avoir les mêmes comportements, gestes, outils, techniques et recettes. “ Faire
autrement ” concerne d'abord la vie professionnelle, mais plus largement la vie sociale et même la
vie personnelle : “ vivre autrement avec ses amis ”.
Mais autrement que quoi ? Pour tous ceux de l'“ autrement ”, la réponse relève de l'évidence.
Autrement que ce qui se faisait hier ou que ce qui se fait aujourd'hui. L'état de ce qui se fait – on
dirait maintenant des pratiques – est repéré par quelques caractéristiques simples qui s'agencent
pour devenir une essence. A la manière d’une définition générale et englobante de l’homme, de la
nature, de la politique, etc., on croit pouvoir cerner une identité nécessairement complexe, par la
seule énumération de quelques traits.
Dans le champ éducatif ou scolaire, si l’on caractérise l'école par ses nombreux effectifs, par une
bureaucratie réglementariste, par une déresponsabilisation des relations, notamment entre des
adultes et des enfants, par des savoirs encyclopédiques empilés, mémorisés plus qu'appris…,
“ faire autrement ” consiste à faire différemment que ce qui est appelé “ conservateur ” ou
“ traditionnel ”. Autrement veut dire alors “ faire autrement que ce qui est installé ou développé par
tradition et routine ”.
Cet exemple nous permet de constater un troisième implicite de l'usage en solo de l'adverbe :
“ autrement ” est nécessairement mieux que “ maintenant ” ; “ faire autrement ” contient toujours
“ pour faire mieux, il faut faire autrement ”, c'est-à-dire qu'il n'y a plus d'espoir de bons résultats à
faire la même chose. “ Autrement ” est la condamnation intrinsèque de l'état de la situation. Telle
quelle, il n'y a rien à en attendre. Les anciennes – ou présentes – manières de faire ont épuisé
leurs forces et leurs droits ; elles ne sont ni perfectibles, ni amendables, ni réformables.
Et l’on voit poindre alors un quatrième terme implicite de l'“ autrement ” : parce qu'il s'agit de faire,
de transformer, de changer (nous ne sommes pas dans le monde des idées, mais dans celui de
l'agir), “ autrement ” charrie sa part, nouvelle, d'un projet réaliste de changement du monde,
c'est-à-dire sa révolution. “ Autrement ” prend la place, ou essaie de se substituer, aux grandes
visions et visées des révolutions patentées depuis un siècle.
“ Autrement ” déclare, à sa manière, qu'il s'agit de faire le changement autrement qu'à la manière
des grandes idéologies – anarchiste, marxiste, léniniste, communiste, socialiste, prolétarienne et
même bourgeoise – qui ont quasiment échoué. En effet, ce que l'“ autrement ” proclame, c'est qu'il
ne s'agit plus d'attendre le “ grand soir ”, d'attendre des autres qu'ils fassent le travail, mais qu'il
nous faut faire, ici et maintenant, tous, notre boulot et nos affaires autrement. Aux lendemains
censés chanter, c'est Victor Hugo que l'on oppose et qui gagne : “ C'est ici le paradis, là-haut n'est
Cité des Sciences et de l'Industrie
(1999)
Apprendre autrement aujourd’hui ?
10eEntretiens de la Villette
Jacky Beillerot, “ Apprendre autrement aujourd’hui ? ”
chapitre : Introduction
que le ciel. ” Enfin, cinquième implicite (aurait-il dû être le premier ?), si “ autrement ” interroge les
manières de faire, il conteste, de fait, les agents qui déploient les “ anciennes ” pratiques,
devenues réprouvées ou répudiées. C'est pourquoi “ autrement ” signe une opposition, une révolte
même contre ceux, considérés à tort ou à raison, comme les représentants du conservatisme.
On voit mieux sans doute que l'“ autrement ” qui nous est proposé par le titre de cet ouvrage n'est
pas mince et banal. Car c’est tout un courant social qui s'est incarné dans cet adverbe des
nouvelles bonnes manières, un courant dont la carte d'identité comprend quelques autres termes
et qui connaît sa date de naissance ! “ Autrement ” s'accompagne en effet de l'“ innovation ”, des
“ alternatives ”, du “ changement social ”. Ce sont les années 70 qui ont vu naître, en particulier, la
célèbre revue éponyme, créée en 1975 par Henri Dougier. L’exergue annonçait : “ Autrement jette
un regard critique, libre d'a priori, sur les mutations, les innovations culturelles et sociales qui
forment l'actualité profonde de notre temps. ”
Mais pour nous, enseignants, c'est au début de la décennie suivante que le livre d'Annie Bloch et
d'Olivier Clouzot 1 nous a fait redécouvrir 2 le contenu emblématique d'un “ apprentissage
autrement ”. Si ce livre a tant marqué les enseignants, c’est qu’il mettait en évidence qu’il fallait
apprendre autrement, c’est-à-dire en dehors de l’école : dans les associations, dans les clubs,
dans la rue, apprendre en faisant, en vivant…
L'éditeur lui-même s'était mis de la partie puisque le livre était composé, presque tout au long, de
deux parties se faisant face : sur la page de gauche, se trouvaient une série de récits
d'apprentissage, de citations de textes ; la page de droite, elle, était réservée à l'analyse et à la
conceptualisation des auteurs.
Après l'éloge de l'apprentissage et de son récit, trois chapitres développaient respectivement le
rôle de l'“ autre ”, le rôle de l'information, le rôle du groupe. étaient ainsi résumés les ingrédients de
l’“ autrement ” de ce temps-là, fondé sur la démarche volontaire ou spontanée de l'apprenant et la
fonction relationnelle nécessaire dans l'apprentissage. “ Autrement ”, pourrait-on dire, s'opposait
alors aux cursus, aux institutions, aux statuts, et s’attachait à valoriser la personne, les rôles,
l'aventure même.
Apprendre “ autrement ” : entreprendre et chercher
“ Autrement ” porte sur la manière, la manière de faire. Est-ce qu'il s'agit du même “ autrement ”
que celui de Bloch et Clouzot, d’un “ autrement ” qui le prolonge ? Et donc, les références
auxquelles s’oppose cet autrement-ci – celui du titre de l’ouvrage – sont-elles celles des années 60
encore en vigueur, tout ou partie ? Ou bien, au contraire, l'“ autrement ” d'aujourd'hui s'affiche-t-il
contre l'“ autrement ” d'hier, celui né des années 70 ?
On peut répondre : autrement encore qu'hier et qu'avant-hier, aussi bien par les réalisations déjà
observables que par les espoirs ou les aspirations perceptibles.
Ceci veut dire que la revendication contemporaine de l’“ autrement ” est double : il s’agit
aujourd’hui d’apprendre autrement que ce qui se faisait dans les années 60, puisque certaines des
données d'alors persistent encore, mais aussi d’apprendre différemment de ce qui a pu s'inventer
entre 70 et 90 (décennies qui ont vu apparaître objectifs et référentiels, par exemple). Ainsi,
aujourd'hui, apprendre vraiment autrement, c'est intégrer Internet, favoriser l'individualisation sous
toutes ses formes, etc. C’est aussi se poser sérieusement la question : “ Peut-on ou non
apprendre la même chose de toutes les manières ? ” D’aucuns pensent que certaines choses ne
peuvent s’apprendre qu’à l’école – et seulement d’une certaine manière à l’école – et,
inversement, que d’autres ne peuvent s’apprendre qu’en dehors de l’école. Ces questions, très
conflictuelles, sont très discutées, y compris depuis un siècle par les mouvements d'éducation
nouvelle.
“ Apprendre autrement ”, ce qui n'est pas nécessairement — faut-il le souligner ? — “ enseigner
autrement ”, implique de prendre un point de vue dominant. Quel sera l'organisateur principal qui
caractérisera l'“ autrement ” ? En effet, vouloir faire quelque chose de différent nécessite de
1.
Bloch A., Clouzot O., Apprendre autrement. Clés pour le développement personnel, Les Editions d'organisation, 1981.
Il s'agissait bien d'une redécouverte : les psychologues, les mouvements pédagogiques et l'Éducation populaire
avaient depuis longtemps ouvert la voie.
2.
Cité des Sciences et de l'Industrie
Apprendre autrement aujourd’hui ?
10eEntretiens de la Villette (1999)
2
Jacky Beillerot, “ Apprendre autrement aujourd’hui ? ”
chapitre : Introduction
valoriser un aspect des choses plutôt qu'un autre, et donc à minorer certains facteurs : ici, c'est la
relation formateur-formé qui est privilégiée ; là, c’est la construction d'un projet professionnel, etc.
Il y a quelques années, Bernadette Aumont et Pierre-Marie Mesnier ont publié leur thèse : L'Acte
d'apprendre 3 . Un “ autrement ” majeur y était désigné, celui qu'apprendre se soutenait
d'entreprendre et de chercher. L'ouvrage, certes, ressortit au champ de la formation des adultes,
mais on pourrait aisément en tirer des préconisations pour la formation initiale. Les auteurs
résument leurs questions et leurs enquêtes en écrivant : “ Que faut-il donc pour qu'une relation
s'établisse entre un apprenant et un objet à connaître ? Pourquoi ne s'interroge-t-on pas sur cette
relation quand on prétend lutter contre l'échec scolaire ? Quelles conditions permettent de
s'approprier un savoir ? Peut-on déjouer l'invariant de la scène scolaire pour “ jouer ” l'acte
d'apprendre ? Telles sont les questions qui se posent au regard de ce paradoxe. ” Les auteurs
proposent un modèle pédagogique qui articule ce qu’ils situent comme les deux conditions
assurant l'efficacité de l'acte d'apprendre : entreprendre et chercher. Ils en explorent les
composantes essentielles à partir d'entretiens avec des experts de ces deux processus. Ils
analysent des dispositifs de formation où des jeunes et des adultes construisent des savoirs par
l'entreprendre et la recherche, en interaction avec des formateurs, des compagnons
d'apprentissage et tout un environnement socio-professionnel.
Quels apprentissages peut-on espérer ou préparer, en différence sensible d’avec les plus anciens
ou même d’avec de plus récents qui s’écartent pourtant déjà des premiers ? Le titre de cet
ouvrage comporte un point d’interrogation, comme si, en fin de compte, “ apprendre autrement ”
n'était pas assuré. C'est en effet qu’“ apprendre autrement ” dépend de plusieurs facteurs, dont
l'un seulement peut varier, ou bien qui changent à plusieurs, voire tous ensemble. Ainsi en est-il
par exemple de l'usage de la mémoire : s’agit-il désormais de savoir par cœur, de répéter des
citations ou bien de mémoriser davantage de procédures et de savoir-faire que de résultats ? Ainsi
en est-il aussi des savoirs eux-mêmes : en connaître certains demande-t-il d’en méconnaître
d’autres ? Ainsi en est-il enfin des conditions économiques, sociales, institutionnelles de
l'apprentissage : entre apprendre à l'école comme boursier de la République et apprendre en usine
en étant à peine rémunéré, on conviendra que les conditions ne sont pas les mêmes.
Nous restons prisonniers de l’idée selon laquelle, si nous devenons plus ouverts, alors, à
d’anciennes façons de faire qui ne sont pas bonnes, nous saurons substituer une nouvelle manière
de bien faire apprendre. Au plus haut niveau, les responsables politiques sont toujours à la
recherche de LA bonne méthode. Cette idée d’une méthode unique comme bonne manière de
faire s’oppose à celle d’une nécessaire et obligatoire pluralité des démarches. Mais sommes-nous
prêts à reconnaître une légitimité identique à des démarches radicalement différentes ?
On peut faire le constat, tous les jours, à l’école et hors l’école, qu’on peut apprendre de bien des
façons, qui ne sont pas seulement liées à la motivation : on peut apprendre en manipulant, en
bachotant, en étudiant, en entreprenant, en cherchant… Autrement dit, on peut apprendre dans
une relation à une activité, dans une démarche qui met en jeu et en scène à la fois le cognitif et
l’affectif, mais aussi la dimension sociale. Sommes-nous prêts à reconnaître une légitimité à la
multiplicité de ces gérondifs ? Cette question revient à en poser une autre : sommes-nous prêts à
évaluer ces différentes modalités ?
Apprendre autrement aujourd’hui : pour le pire ou pour le meilleur ?
On pourrait penser en fin de compte, que la question “ apprendre autrement aujourd'hui ? ” trouve
de fait sa réponse dans la table des matières de cet ouvrage. Les concepteurs, en faisant appel à
des auteurs, et en leur proposant des titres de chapitres, ont implicitement composé une
cartographie des apprentissages contemporains. On peut y lire alors qu'apprendre aujourd'hui —
entendre : apprendre d'une façon moderne ou contemporaine, et non pas selon le passé, et non
plus selon un avenir plus ou moins rêvé — concerne, comprend et contient un état des savoirs
savants sur l'apprentissage humain, suivi de la mise en œuvre de deux notions : savoirs et
compétences. Sont ensuite interrogés les temps et les lieux dans lesquels on apprend aujourd’hui :
3.
Aumont B., Mesnier P.-M., L’Acte d’apprendre, PUF, 1992.
Cité des Sciences et de l'Industrie
Apprendre autrement aujourd’hui ?
10eEntretiens de la Villette (1999)
3
Jacky Beillerot, “ Apprendre autrement aujourd’hui ? ”
chapitre : Introduction
on y trouve en particulier l'idée d'un apprentissage continu, d'une éducation permanente, hors de
l’école. Le chapitre intitulé “ Une école ouverte sur le monde ” met en évidence les liens sociaux
forts entre l'école et ses environnements.
La dernière partie ouvre la question des raisons d'apprendre. Les réponses des auteurs
s'organisent autour de deux axes, l'un classique, il faut apprendre en permanence de nouveaux
savoirs et savoir-faire ; l'autre réponse, caractéristique de la décennie 90, interroge le sens : retour
d'une certaine réflexion philosophique qui sera conclue par une dernière question : “ un nouvel art
d'apprendre ? ”.
D'une certaine manière, cet “ apprendre aujourd'hui ” ainsi esquissé, n'est plus très nouveau ; on
en voit les prémices dans l’ouvrage de Bloch et Clouzot évoqué ci-dessus.
Et cet autrement-ci reste en décalage, voire en opposition avec d’autres analyses qui insistent,
elles, sur les conditions politiques de la différence autrefois/aujourd’hui. “ Apprendre autrement ”
n'est peut-être qu’une réponse superficielle à l’injonction d’avoir à “ enseigner autrement ”.
C’est-à-dire à enseigner dans un contexte et une logique de dérégulation, dans une situation
économique, politique, donc, de libéralisme avancé à l'anglo-saxonne qui exaspère les
compétitions, l'individualisme et le profit.
On perçoit encore mieux la belle étrangeté de notre adverbe qui autorise aussi bien à s'interroger
sur l'état de la société que sur celui du mental, sur les conditions techniques que sur les finalités
mêmes de la formation.
Mais, comme nous l’avons écrit plus haut, “ autrement ” permet et oblige, pour trouver une réponse
minimale, à décider d'un point de vue, d'un angle d'attaque. Je prendrai donc le suivant : si l’on
accepte l’idée qu’on apprend dans et hors l’école, que l’on apprend légitimement de différentes
façons, on peut alors se demander qui, désormais, est responsable de ces apprentissages ? La
réponse la plus probable est la suivante : ce qui organisera les apprentissages de demain, c'est la
responsabilité individuelle accrue que les adultes, les adolescents et les enfants mêmes devront
assurer et assumer quant à leurs propres apprentissages. Car nous passons désormais d’une
responsabilité de la société — administrative, politique — à une responsabilité individuelle.
Cette responsabilité poussera les personnes à multiplier et à diversifier les apprentissages qui
concerneront aussi bien la vie professionnelle, que la vie sociale ou la vie personnelle : des
apprentissages qui seront d'initiation parfois, d'approfondissement ailleurs, qui seront liés aux
divers intérêts de la personne. Les agencements, les techniques, les occasions appartiendront à
l'“ apprenant ”.
Ces quelques lignes suffisent à attirer l’attention sur les dangers et les problèmes qui vont surgir
de l'orientation générale des nouvelles manières de faire : on peut craindre en effet la
parcellisation des savoirs, une culture d'entassements plus que de structures, un sens critique peu
entraîné, une désocialisation des apprentissages, un retrait excessif de la puissance publique dans
sa responsabilité d'éducation et l'accroissement des inégalités face aux apprentissages.
On sait bien que toute individualisation, toute conquête par l’individu de sa dimension de
personne-sujet ne se fait et ne peut se faire que dans des cadres sociaux. On sait bien que la
socialisation signifie, pour des individus, dans une société démocratique, d’adhérer au pacte
républicain et démocratique, c’est-à-dire d’intérioriser les valeurs de cette société.
Apprendre autrement, sans doute ! Reste à trouver les voies d'apprendre mieux, d'apprendre
davantage et les voies encore plus mystérieuses d'apprendre pour créer.
Les agents qui mettent en œuvre des procédures et des dispositifs anciens ou nouveaux, les
personnes qui apprennent, tous doivent affronter en permanence les mêmes questions : “ A quels
signes estime-t-on que l'on sait mieux ou davantage ? ” Si l'on ne se contente pas des réponses
toutes faites, on aperçoit alors que l'horizon des apprentissages, pour changeant et variable qu'il
soit, résonne avec la vie propre de chacun. Savoirs et savoir-faire deviennent les matériaux qui
permettent à chacun, d’être le seul créateur de sa propre existence : faire son œuvre, c’est faire sa
vie.
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Apprendre autrement aujourd’hui ?
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