CHAPITRE XV LE SYSTEME LOCOMOTEUR 15.1 L'origine du système locomoteur Le système locomoteur est entièrement dérivé du mésoderme (à l'exception de ses éléments nerveux). Il se développe à partir du mésoderme paraxial et de la somatopleure. La différenciation du mésoderme paraxial débute avec la métamérisation de l'embryon en segments successifs et peu différenciés : les somitomères. Ce processus se poursuit et divise le mésoderme paraxial, les crêtes neurales, le système nerveux périphérique (nerfs rachidiens), le mésoderme intermédiaire (massif néphrogènes) et l'aorte (collatérales vertébrales) en segments bien différenciés appelés somites. Chaque division du mésoderme paraxial se différencie en un myodermatome et en un sclérotome. Le myodermatome évolue ensuite en myotome et en dermatome (figures 15.1 et 15.2). 15.2. Le squelette et la musculature axiaux 15.1.1. Le tronc vertébral (figure 15.2) Le sclérotome : au niveau de chaque somite, les cellules du sclérotome migrent vers l'axe médian pour coloniser l'espace périchordal. Elles poursuivent leur migration dorsalement pour finir par envelopper le tube neural, constituant ainsi l'ébauche de la vertèbre et de la côte correspondant à leur somite. Un examen attentif montre que les cellules mésenchymateuses d'un somite sont en fait à l'origine de la moitié caudale d'une vertèbre, d'un disque intervertébral et la moitié rostrale de la vertèbre suivante. Ce processus est appelé métamérisation secondaire. Chaque vertèbre est donc constituée des cellules mésenchymateuses de deux somites adjacents. Cette métamérisation secondaire du mésoderme sclérotomial permet aux muscles axiaux provenant du myotome (qui a conservé sa métamérisation primaire) de s'insérer sur deux vertèbres adjacentes. L'élément central de l'ensemble du squelette axial qui dérive d'un même somite est le disque intervertébral. Ses fibres se différencient à partir du sclérotome et son noyau pulpeux constitue le dernier vestige de la chorde. L'ossification des vertèbres ne débute qu'après la mise en place du support cartilagineux. La formation des vertèbres et des côtes s'accompagne d'une division similaire du système nerveux périphérique (nerfs rachidiens) et sympathique (chaîne des ganglions) induite plus exactement par les demi-sclérotomes rostraux. L'aorte dorsale et les veines cave caudale et azygos subissent également un phénomène d'induction métamérique dans la formation de leurs collatérales vertébrales. Le myotome : il est à l'origine de la presque totalité de la musculature striée de l'organisme. Les cellules de la région dorso-médiane du myotome mettent en place la musculature striée du tronc vertébral et les cellules latérales du myotome migrent pour établir ensuite la musculature de l'abdomen, du thorax et des membres. Les cellules de la région dorso-médiane du myotome subissent également un phénomène d'induction de la part du tube neural. Elles se différencient en prémyoblastes qui se divisent activement mais ne synthétisent pas les protéines caractéristiques de la cellule musculaire. Elles poursuivent leur différenciation par le stade de myoblastes qui s'alignent et fusionnent en myotubes plurinucléés. Ceux-ci commencent à synthétiser l'appareil fibrillaire contractile strié (myofibrilles, sarcomères). Une petite proportion de ces cellules reste au stade myoblaste. Elles constitueraient une réserve de cellules capables de régénérer le tissu musculaire et assureraient la croissance postnatale de la musculature. La musculature thoracique et abdominale provient de la migration des prémyoblastes de la région ventro-latérale des myotomes. Ils s'y transforment en myoblastes puis en myotubes. Le dermatome : ces cellules se divisent activement puis se différencient en fibroblastes à l'origine du derme et du tissu sous-cutané. Elles sont aussi à l'origine des fibres musculaires lisses associées aux plumes et aux poils. 15.1.2. La tête Les somitomères céphaliques : la différenciation des éléments osseux, cartilagineux et musculaires de la tête est particulièrement complexe. La région craniâle de l'embryon ne subit pas une métamérisation aussi tranchée qu'au niveau du tronc vertébral. Les somitomères (ou somites peu différenciés) céphaliques ne se transforment pas en somites individualisés et ne présentent pas une division interne en dermatome, myotome et sclérotome. Cependant, leurs cellules possèdent toutes les potentialités de différenciation de celles des somites vertébraux. Ils se différencient en os, cartilages, muscles, aponévroses, derme, ... La plaque préchordale ne disparaîtrait pas complètement et donnerait naissance à la musculature extrinsèque des yeux (muscles mobilisant le globe oculaire). Les cellules des crêtes neurales céphaliques, d'origine ectodermique, participent également par migration à la formation des arcs branchiaux, du neurocrâne et du viscérocrâne. 15.2. Le squelette et la musculature appendiculaires La somatopleure : la formation d'un membre débute par l'apparition d'un bourgeon constitué de tissu mésenchymateux recouvert par l'ectoderme. Le massif mésenchymateux est formé par la migration d'une première vague de prémyoblastes et de cellules provenant de la somatopleure. Ces dernières cellules semblent induire la formation de la cape apicale par la prolifération des cellules de l'ectoderme qui entourent le bourgeon. Cette cape apicale induit à son tour la différenciation des éléments constitutifs du membre par le massif mésenchymateux. Le squelette, les articulations, les aponévroses, le derme et le tissu sous cutané se forment au départ des cellules de la somatopleure. La musculature dérive, elle, des prémyoblastes. Ces processus d'induction réciproque ont pour conséquence la détermination précoce des trois axes du membre (figure 15.3) : - longitudinal (proximal-distal) par les cellules mésenchymateuses de l'extrémité du bourgeon (zone de détermination progressive ou ZDP) - médio-latéral par les cellules mésenchymateuses de la région postérieure du bourgeon (zone polarisante ou ZP) - dorso-ventral par les cellules ectodermiques banales (qui n'appar-tiennent pas à la cape) du bourgeon. Le myotome : la musculature des membres est d'origine myotomale. On décrit trois vagues de migration de prémyoblastes vers le bourgeon du membre en formation à partir des myotomes situés à hauteur de ce bourgeon. Les prémyoblastes de la première vague participent à la constitution du bourgeon du membre et se séparent ensuite en deux massifs à l'origine de la musculature dorsale et de la musculature ventrale du membre (figure 15.4). Les prémyoblastes de la seconde vague viennent renforcer cette musculature appendiculaire en formation en se juxtaposant aux myoblastes de la première vague. La troisième vague, moins marquée, est à l'origine des myoblastes de l'adulte qui sont responsables de la croissance postnatale de la musculature et des propriétés de régénération musculaire. Il a été montré que c'est la disparition de ces vagues de migration de prémyoblastes qui est responsable de l'absence de membres (ou apodie) chez les serpents.